• APB fait un bide : 90 000 étudiants en souffrance

     

     

     

    APB fait un bide : 90 000 étudiants en souffrance

    Tirage au sort estival par un président d’université d’étudiants dans une filière en tension

     

     

    Près de 90 000 jeunes bacheliers, dont certains avec mention Bien ou Très Bien, ont appris, vendredi 14 juillet, qu’ils étaient toujours sans affectation pour la prochaine rentrée universitaire de septembre dans les licences auxquelles ils avaient candidaté via le portail national d’admission post-bac, dit APB. Ces bacheliers ont échoué aux deux premiers tirages au sort pratiqués par plusieurs universités (voir mon article : Tirage au sort des étudiants dans les filières en tension).

     

     

    Aussitôt, la nouvelle ministre de l’enseignement supérieur dont nul ne connaissait le nom (Frédérique Vidal) a pris la parole pour s’engager à mettre à la corbeille, en 2018, cette procédure du tirage au sort. Personne ne lui avait dit que la pratique du tirage au sort des étudiants, en dernier recours, dans les filières en tension, venait tout juste d’être entérinée par la circulaire n° 2017-077 du 24 04 2017, publiée au Bulletin officiel de l'éducation nationale, le jeudi 27 avril 2017, héroïquement signée, par délégation du ministre de l’Education nationale, par le chargé des fonctions de directeur général de l’enseignement supérieur « par intérim. » (http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=115792).

     

     Mais rassurez-vous, bonnes gens, ce lundi 17 juillet 2017, les syndicats étudiants bien en cours, les présidents d’université non encore partis en vacances, des parents d'élèves et des représentants du ministère non identifiables se réunissent « pour échanger des vues au sujet de la question des modalités d’entrée en faculté », étant exclu le seul remède efficace susceptible de fâcher les électeurs : la sélection des candidats par les universités.

     

    En attendant, le communiqué officiel de cette réunion estivale, voici, chers lecteurs inconnus, un court extrait de mon article « Dieu et Dieu font Droit », paru aux Petites Affiches du 8 juin dernier (Petites affiches, Gazette du Palais, La loi, Le Quotidien juridique, n° 114 du 8 juin 2017, p. 8 à 14. Les enseignants, étudiants et personnels administratifs d’universités peuvent consulter cet article sur Lextenso grâce à leur numéro d’authentification en se connectant au site de leur bibliothèque universitaire. Il en est de même des professionnels du droit abonnés à l’une des bases juridiques de Lextenso. https://www.lextenso.fr/).

     

     

    J’y raconte les mésaventures d’Allegro Moderato, jeune bachelier ES, notamment confronté au choix d’une formation et d’une université (NDRL : Je suis désolé mais, lorsque j’ai rédigé dans le courant de l’année cette comédie du droit, je n’avais pas imaginé une seule seconde qu’un bachelier avec mention Très Bien puisse être écarté de l’ensemble des universités où il avait candidaté dans la filière de son choix en application du programme informatique APB. D’ailleurs, personne ne m’aurait cru !).

     

         - Le choix d’une vie. Invité à faire ses vœux d’études supérieures sur la plateforme en ligne APB à laquelle « on y comprend pas grand’chose » (www.admission-postbac.fr/), parmi les 12 000 formations proposées, Allegro Moderato, s’était subitement posé la question de sa vocation. Fauché comme les blés, il ne pouvait intégrer les grandes ou les petites-grandes écoles de la Place à honoraires libres. Nul en math, il devait renoncer à l’appel de la vie micro ou macro économique des facs d’éco. Quant à socio ou  psycho, il aurait dû souffrir des moqueries de son entourage. Bien sûr, il y avait l’UFR de sports, rebaptisée STAPS ou « Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives », mais il préférait regarder le sport à la télé. Aussi avait-il choisi de s’inscrire dans une fac de droit à tarif réglementaire pour devenir avocat afin de défendre l’infortune puis, l’âge venant, conseiller la fortune et obtenir un mandat de député.

     

           - Grande ou petite fac ? Habitant en banlieue, Allegro Moderato ne pouvait s’inscrire dans les grandes facs du quartier latin qui se disputaient le label Panthéon. Il devait intégrer l’une des facs de la zone de Paris, construites en catastrophe entre les années sixties et les années nonante. Il opéra un minutieux classement entre elles à l’aide des fiches horaires SNCF, RER et RATP, et des avis d’étudiants donnés sur les réseaux sociaux d’universités (« Dzolé, j'y vais un peu fort, mais cette fac en ruine c’est le chaos et une insulte à l’intelligence » ; « Ben alors y a personne pour répondre svp ? » ; « Fil fermé par la modération »). C’est ainsi qu’il classa en premier une fac à RER ; en second une fac MTBus ; et ainsi de suite jusqu’à la fac à opinion mitigée la plus proche de chez lui, en quartier sensible. Après avoir saisi ses vœux sur le portail APB, il modifia son classement plus d’une vingtaine de fois en prenant soin de toujours classer en dernière place la fac tout près de chez lui. Puis il confirma solennellement ses vœux.

     

     

            « www.univbourse-lebonchoix.fr ». Une semaine avant le début des épreuves écrites de son bac, il reçut une proposition d’admission en « Licence Droit » dans l’université qu’il ne voulait pas réellement intégrer, selon les critères utilisés par l’algorithme baroque d’APB pour départager les candidats trop nombreux pour les licences de droit dites « en tension » et remplir les facs en voie de développement. Bien qu’un peu dépité de ne pas avoir plu aux autres universités mieux cotées, il opta d’emblée pour la réponse 1 « Oui définitif », délaissant celle réservée aux lauréats souffrant d’un besoin inconscient de se rendre malheureux (2 : « Oui, mais »), et les deux dernières de la famille Ça va pas la tête ! (3 « Non, mais » ; 4 « Démission générale »). Puis il retourna aux résumés de ses fiches de révision du bac pour en surligner l’essentiel, tout en levant les mains au ciel : « Si tu existes Dieu, tu ne dois pas permettre que je sois collé !». C’est ainsi qu’il obtint son bac du premier coup, au grand étonnement de ses proches qui brûlèrent aussitôt un cierge à Saint Joseph de Cupertino, le très saint patron des examens des lycéens. Ce premier grade universitaire lui permit d’accéder à l’enseignement supérieur sous l’étiquette de « primo-arrivants de la période d’intégration du L1 » (il y a quelques années, ces mots collectifs, qui fleurent bon l’ère paléozoïque, étaient réservés aux écoliers nouvellement arrivés en France sans maîtrise suffisante de la langue française, ainsi qu’aux enfants du voyage, plus joliment appelés enfants voyageurs)…