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    La loi sous la sauvegarde de la Justice et de la Force par François Edouard Picot (Sénat-Palais du Luxembourg).

    La loi sous la sauvegarde de la Justice et de la Force est une fresque du peintre néo-classique François-Edouard Picot (1786-1868). Tombée dans l’oubli comme son auteur, elle contemple les sénateurs fatigués depuis le plafond de l’une des salles du palais du Luxembourg, siège du Sénat français (du latin senatus, de senex, vieillard).

     

     Je présenterai bientôt en images et cartes postales anciennes (ICPA), nos deux Chambres législatives du Parlement : la Chambre des Députés et le Sénat, dans la nouvelle rubrique que je viens d’ouvrir intitulée : « Pouvoir Législatif ».


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    Pierre Cavellat : Un Haut Magistrat, dessinateur judiciaire

    1 Dessin de Pierre Cavellat (couverture de l’ouvrage d’Annick Le Douget, une ancienne greffière du tribunal de Quimper et historienne de la justice du Finistère, intitulé : « Gens de justice et scènes de prétoire sous le regard d’un magistrat : Pierre Cavellat ». Publié, en 2017, sous l’égide de la « Société des Amis de Louis Le Guénnec »).

     

    « Le droit mène à tout. » Cette expression plaisante peut être illustrée avec Pierre Cavellat (4 déc. 1901-17 août 1995). Car en effet, cet ancien étudiant en droit, une fois devenu magistrat du siège, multiplia les dessins et les peintures représentant des scènes d’audiences de tribunaux. 

     

            Dans la famille des peintres de scènes de justice… Il rejoignit ainsi, dans ce genre artistique juridico-judiciaire, d’autres dessinateurs et/ou peintres comme Honoré Daumier (26 févr. 1808-10 févr. 1879), Paul Elie Salzedo (7 févr. 1842-26 déc. 1909), Jean-Louis Forain (23 octobre 1852-11 juill. 1931), et Pierre Savigny de Belay (12 déc. 1890-30 juin 1947), lesquels n’étaient qu’artistes peintres.

     

         J’ai déjà consacré plusieurs pages, dans la rubrique « Droit artistique », à Paul Elie Salzedo, Jean-Louis Forain et Pierre Savigny de Belay. Bientôt, j’y présenterai les dessins de scènes de justice de Jean-Jacques Grandville (1803-1847) et les caricatures des gens de justice d’Honoré Daumier, l’un des plus grands peintres du XIXème siècle.  Ce dernier, ancien saute-ruisseau d’une étude d’un huissier de justice de Paris (à l’âge de douze ans), avait en horreur les juges et les avocats depuis sa condamnation, à l’âge de vingt-quatre ans, à six mois de prison pour certaines de ses premières caricatures politiques (il fut incarcéré à la prison de Sainte-Pélagie). 

     

     

     

     

    Pierre Cavellat : Un Haut Magistrat, dessinateur judiciaire

    2 Pierre Cavellat, jeune magistrat dans les années 1930 (source : maville par Ouest-France, 28 avril 2020.

    https://brest.maville.com/actu/actudet_-quimper.-un-magistrat-au-joli-coup-de-crayon_dep-4084638_actu.Htm)

     

        Pierre Cavellat, bien moins célèbre qu’Honoré Daumier, connaissait sans doute beaucoup mieux que lui le droit et la justice. Qu’on en juge de droit :

         

        Un étudiant de la Fac’ de Droit de Rennes… Fils d’un notaire à Taulé (département du Finistère en Bretagne), devenu juge de paix à Morlaix (nord-est du département du Finistère), le jeune Pierre Cavellat, après ses études secondaires au collège de garçons de Kernéguès à Morlaix, s’inscrivit, en 1920, à la Faculté de Droit de Rennes (première Faculté créée, en 1460 à Nantes, puis installée à Rennes en 1735, devenue Faculté de droit et de science politique de l’Université de Rennes 1). Il y soutint, en avril 1928, une thèse de doctorat de droit, non pas sur les cormorans de Bretagne, mais sur « Les comourants ». Ce terme juridique, inconnu du Littré, évoque la situation de deux personnes qui, ayant la qualité de successibles entre elles, décèdent simultanément, par exemple dans un accident de voiture. Les thésards en droit ayant opté pour ce sujet recherchent alors l’ordre des successions des héritiers respectifs des comourants, lesquels ont certes beaucoup de chagrin, mais aussi des envies d’argent.  

     

       devenu un Haut Magistrat. En 1929, Pierre Cavellat entra dans la magistrature comme juge suppléant dans le ressort de la Cour d’appel de Rennes. Puis il devint juge à Quimper en septembre 1930, et à Saint Nazaire en juin 1934 où il réalisa « sous la robe ou le manteau » plus de 600 croquis de procès (selon sa fille, Anne Hecquet, il dessinait lorsqu’il était assesseur et non lorsqu’il présidait). Il fut nommé successivement : en juin 1936, président du tribunal de Châteaulin ; en avril 1942, président du tribunal de Fougère ; en novembre 1947, président du tribunal de Saint-Brieuc ; en avril 1948, président du tribunal d’Angers ; et en octobre 1949, président du tribunal de Nantes. En juin 1956, il fut Premier Président de la Cour d’appel de Besançon, et, en décembre 1956, Premier Président de la Cour d’appel de Caen, fonction qu’il assuma jusqu’à sa retraite en 1968/1969. 

     

     

     

     

     

    Pierre Cavellat : scène d’audience du tribunal de Quimper

    3. Pierre Cavellat : scène d’audience du tribunal de Quimper (encre et aquarelle sur papier. Source précitée : maville par Ouest-France, 28 avril 2020. © Pierre Cavellat).

         

        Voici maintenant quelques uns des dessins et peintures de Pierre Cavellat représentant des scènes de tribunaux (la plupart sont exposés au musée de Morlaix et à celui départemental breton de Quimper, lesquels présentent également plusieurs toiles de scènes de tribunaux de Pierre Savigny de Belay). Comme pour les autres peintres présentés dans la rubrique « droit artistique », je m’abstiendrai de tout commentaire artistique, faute de connaissances picturales. Toutefois, je vous invite à consulter le dossier de presse, en fichier PDF librement accessible en ligne, élaboré avec compétence par le Musée de Morlaix en 2015 à l’occasion de l’exposition consacrée à Pierre Cavellat, dans ce même musée, du 13 juin au 11 octobre 2015 (le musée départemental Breton de Quimper consacra également une exposition à Pierre Cavellat, du 12 novembre 2006 au 25 février 2007). En voici le lien :

    https://musee.ville.morlaix.fr/wp-content/uploads/2015/05/DP_2015_cavellat.pdf

     

     

     

     

    Pierre Cavellat : le public d’un procès d’assises à Quimper, DÉFENSE DE CRACHER

    4. Pierre Cavellat : le public d’un procès d’assises à Quimper, DÉFENSE DE CRACHER (encre et aquarelle sur papier, vers 1930-1934. © Pierre Cavellat. Source : maville par Ouest-France, 23 octobre 2020. https://brest.maville.com/actu/actudet_-recit.-a-quimper-les-dernieres-avorteuses-acquittees-aux-assises-_loc-4345190_actu.Htm)

     

     

     

     

    Pierre Cavellat : Me Alizon et Me Le Ninivin, les avocats de Corentin Le Pape aux assises

    5. Pierre Cavellat : Me Alizon et Me Le Ninivin, les avocats de Corentin Le Pape aux assises (encre et aquarelle sur papier. 1940. © Pierre Cavellat).

     

     

        L’affaire Corentin Le Pape. Maître Alizon et Maître Le Ninivin, deux ténors des barreaux de Quimper et de Nantes, eurent à assurer, en 1940, devant la Cour d’Assises du Finistère (Quimper), la défense de Corentin Le Pape, un garçon-épicier, jusque là connu pour son penchant pour la boisson. Il était poursuivi pour avoir, en état d’ivresse, dans la soirée du 1er août 1939, fracturé le crane de son épouse d’un coup de manche à balai, et étranglé celle-ci avec une ficelle, avant de jeter son corps dans la rivière de l’Odet où il fut découvert le lendemain par un gamin de douze ans. Pour sa défense, il admit avoir porté le coup de bâton, mais rejeta sur son neveu et sa belle-mère l’étranglement de son épouse et le jet du corps de celle-ci dans la rivière. Lors des assises, ses avocats défendirent la thèse du suicide de la femme de Corentin Le Pape. Sans grand succès, puisque Corentin Le Pape fut condamné à dix ans de réclusion criminelle, le 18 avril 1940.

     

     

     

     

     

     

     

    Pierre Cavellat : Un Haut Magistrat, dessinateur judiciaire

    6. Pierre Cavellat : l’Âne et le Perroquet (Huile sur papier. Archives départementales du Calvados. Source : https://musee.ville.morlaix.fr/wp-content/uploads/2015/05/DP_2015_cavellat.pdf)

     

     

    « À la fourche, on reconnaît le paysan, au bec l’avocat » (proverbe). Le perroquet représente souvent, dans les dessins ou écrits humoristiques, un avocat qui peut parler sans toujours comprendre ce qu’il dit ou répéter des choses apprises par cœur sans même les comprendre :

    http://droiticpa.eklablog.com/droit-et-justice-chromos-publicitaires-anciens-4-a205292870

     

    « Malin comme un âne » ; « Bête comme un âne » (expressions populaires). Mais Pierre Cavellat ajoute à sa peinture, derrière les juges revêtus de leur robe rouge d’usage dans les affaires criminelles, un autre symbole des animaux avec l’âne.

     

        Ceux qui aiment les juges rappelleront que l'âne est le symbole d'humilité, de patience, d'ascétisme, de dévotion, de courage, de persévérance, voire un sacré malin, maître et éveilleur de conscience. 

     

       Ceux qui, au contraire, abhorrent les juges rétorqueront que l’âne est le symbole de la bêtise, de l’ignorance, de l’entêtement, et que comme, tous les imbéciles, ils apprécient la compagnie d’autres imbéciles (Asinus Asinum fricat : « l'âne frotte l'âne »). 

     

       Quant aux citations animalières les plus drôles sur les gens de justice, voici celle d’un avocat pénaliste devenu Ministre de la Justice, garde des Sceaux :

    « Je ne vais pas faire semblant de chanter les louanges de la magistrature : je me méfie de son corporatisme, de sa frilosité, de la détestation qu’elle voue au Barreau (les avocats). Pourtant, il existe de grands juges ; c’est le troupeau qui est petit » (Eric Dupont-Moretti. Bête noire : condamné à plaider. 2012. Michel Lafon).

     

     

     

     

     

    Pierre Cavellat : Gens de justice d’après « La parabole des aveugles » de Pieter Brueghel l’Ancien

    7. Pierre Cavellat : Gens de justice d’après « La parabole des aveugles » de Pieter Brueghel l’Ancien (Huile sur papier. Archives départementales du Calvados. Source :

    https://musee.ville.morlaix.fr/wp-content/uploads/2015/05/DP_2015_cavellat.pdf)

     

     

      Cette peinture à l’huile sur papier représente des magistrats sortant du tribunal. Au dessus d’eux volent des papillons symboles du changement et de la transformation personnelle (renouvellement, autre manière de voir les choses, trouver la joie dans la vie et la légèreté de l’être…). Pierre Cavelat s’inspire directement d’un tableau de Pieter Brueghel l’Ancien, réalisé en 1568 : « La paraboles des aveugles ». 

     

     

     

    Pieter Brueghel l’Ancien : « La parabole des aveugles » (Peinture sur toile, détrempe. 1568. Musée de Capodimonté de Naples)

    8. Pieter Brueghel l’Ancien : « La parabole des aveugles » (Peinture sur toile, détrempe. 1568. Musée de Capodimonté de Naples).

     

        La scène et le titre du tableau de Brueghel, repris par Pierre Cavellat pour symboliser nos magistrats, faisaient eux-mêmes référence à la parabole du Christ adressée aux Pharisiens : « Laissez-les. Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Or, si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse » (Mt 15, 14 ; Lc 6, 39).

     

     

     

     

     


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    Pierre Savigny de Belay : scènes du procès Stavisky

    1 Le procès Stavisky devant la Cour d’assises de la Seine (peinture signée de Pierre de Belay, datée 1936, titrée en haut à droite. Source : catalogue en ligne de ventes aux enchères*).

     

    « Tous Pourris ». La IIIème République (4 septembre 1870-10 juillet 1940), connut nombre d’affaires impliquant des parlementaires ou ministres comme celles : du Canal de Panama en 1889 ; Boulaine en 1902 ; Henri Rochette en 1908 ; Marthe Harneau en 1928 ; Oustric en 1929, qui entraîna la chute du gouvernement Tardieu dont le garde des Sceaux, Raoul Péret, était accusé de corruption ; et Stavisky, de 1933 à 1936, qui conduisit à la démission d’Albert Dalimier, ministre des Colonies, et de Camille Chautemps, président du Conseil des ministres, en janvier 1934.

     

       * L’artiste peintre Pierre de Belay suivit le procès de cette affaire Stavisky, qui se tint, devant la Cour d’assises de la Seine, du 4 novembre 1935 au 18 janvier 1936. Il réalisa plusieurs toiles et dessins représentant les plaidoiries, les accusés et les avocats de ce procès. Il les exposa, en 1935, à la galerie Katia Granoff, quai Conty, et au Palais de Justice de Paris dans les bureaux de la presse judiciaire. Aujourd’hui, on en retrouve certains dans divers musées nationaux (Brest, Rennes, Quimper..). Toutefois, le téléchargement de ces œuvres, lorsqu’elles sont mises en ligne par les musées, étant parfois bloqué (« vous ne pouvez pas effectuer de clic droit avec la souris sur ce site »), je ne les présenterai pas dans cette page. Je me suis donc attaché à ne retenir que des peintures et croquis de Pierre de Belay, présentés dans des catalogues en ligne d’expositions ou de ventes aux enchères ces dernières années, en les complétant de quelques photographies de l’époque dont quatre extraites du journal L’Intransigeant (quotidien publié de 1840 à 1940).

     

     

     

     

     

    Alexandre Stavisky

    2 Alexandre Stavisky (Au fil des années, Stavisky, pour ne pas être reconnu, changeait d’aspect. Sur cette photographie de 1926, il a les cheveux au vent et porte une moustache).

     

     « Le beau Sacha » (surnom de Stavisky). Serge Alexandre Stavisky, qui était né, en Ukraine, le 20 novembre 1886, arriva en France, avec sa famille, à l’âge de douze ans (il sera naturalisé en 1910). Beau parleur, il séduisit non seulement de gentilles dames, mais aussi des hommes politiques naïfs et/ou complaisants, dont il se servit pour commettre des escroqueries financières et bénéficier de l’absence de zèle des autorités compétentes dans les dossiers le concernant (près d’une vingtaine de rapports établis, à partir de 1924, par la Sûreté et la Police judiciaire sur ses agissements ambigus, restèrent lettre morte).

     

     

    Bon de la Caisse du Crédit municipal de Bayonne émis en 1931 et payable en 1934

                 3 Bon de la Caisse du Crédit municipal de Bayonne émis en 1931 et payable en 1934. 

     

         « La République des avocats » (sous la IIIème République : entre 25 et 40% d’avocats à l’Assemblée nationale, et 35% parmi tous les ministres). Le dernier scandale impliquant Stavisky fut celui de l’émission de plus de 200 millions de faux bons de caisse, au nom d’une banque, le Crédit municipal de Bayonne (un bon de caisse n’est pas une valeur mobilière, mais une reconnaissance de dette de la banque émettrice). Le conseil d’administration de cette banque était présidé par son ami Joseph Garat (1872-1944). Celui-ci, après son doctorat en droit, fut avocat quelques années, puis député-maire de Bayonne (cinq mandats à la Chambre des députés de 1910 à 1936).

     

     

     

    « Stavisky se suicide d’un coup de révolver qui lui a été tiré à bout portant » (Une du Canard enchaîné du 10 janvier 1934).

    4 « Stavisky se suicide d’un coup de révolver qui lui a été tiré à bout portant » (Une du Canard enchaîné du 10 janvier 1934). 

     

     « Defunctoeo qui reus fuit criminis, et poena extincta » (la mort de l’accusé éteint la peine et par conséquent l’action. Marcien, IIIème siècle apr. J-C.). Toutefois, Stavisky ne put être jugé pour cette affaire par la Cour d’assises de la Seine. En effet, il fut retrouvé, le 9 janvier 1934, agonisant dans un chalet de Chamonix « atteint d’une balle … tirée à 3 mètres. Voilà ce que c’est que d’avoir le bras long. » (Le Canard enchaîné du 10 janvier 1934). Certains réfuteront la thèse du suicide, évoquant un assassinat commis pour l’empêcher de dénoncer des hommes politiques compromis dans ses affaires sulfureuses.

     

     

     

     

    Le Conseiller Albert Prince

                5. Le Conseiller Albert Prince (source : Rue des Archives/©Rue des Archives/PVDE).

     

        « Il y a deux cents fripouilles qui sont protégés par des politicards » (Albert Prince). Plus étrange, un mois plus tard, le 20 février 1934, fut retrouvé sur une voie de chemin de fer près de Dijon, le corps déchiqueté d’Albert Prince, Conseiller à la Cour d’appel de Paris, devenu chef de la section financière du Tribunal de la Seine chargé de l’affaire Stavisky. Albert Prince, un ancien héros de la Première guerre mondiale redouté pour sa droiture, devait témoigner devant une commission d’enquête parlementaire, mise en place en février 1934, concernant les reports successifs dont Stavisky avait pu bénéficier pour son procès (Albert Prince aurait mis en cause le procureur général près du parquet de la Seine, Georges Pressard, beau-frère de Camille Chautemps, président du Conseil). Il avait alors déclaré quelques temps auparavant : « Il y a deux cents fripouilles qui sont protégés par des politicards. Ça va barder. Soyez tranquille. Je les tiens. »

     

     

     

     

    Portrait de Charles Barnaud, président des débats du procès Stavisky (dessin de Pierre de Belay

    6 Portrait de Charles Barnaud, président des débats du procès Stavisky (dessin de Pierre de Belay, novembre ou décembre 1935, titrée en bas à droite. Source : catalogue en ligne de ventes aux enchères).  

     

        Stavisky étant décédé, l’affaire du Crédit municipal de Bayonne, jugée par la Cour d’assises de la Seine, entre le 4 novembre 1935 et le 18 janvier 1936, ne put concerner qu’une vingtaine d’inculpés, « seconds rôles » (les poursuites furent abandonnées à l’égard de plusieurs députés : Edmond Boyer, Louis Proust…). Les débats furent présidés par Charles Barnaud (1869-1937), docteur en droit, entré dans la magistrature en 1894 (il finira conseiller à la Cour de cassation).

     

     

     

    Pierre Savigny de Belay : scènes du procès Stavisky (2/2)

    7 Un homme de robe (magistrat ou avocat ?) lors du procès Stavisky (croquis de Pierre de Belay, esquissé en 1936, et achevé en 1937. Source : catalogue en ligne de ventes aux enchères. Quimper). 

     

        Pendant près de trois mois, les inculpés et les parties civiles furent défendus par une cinquantaine d’avocats parmi les plus notoires de l’époque. 280 témoins, cités à la requête du ministère public ou de la défense, furent entendus, lors d’audiences interminables, par les jurés. Ces derniers épuisés exigèrent, à la vingt-huitième audience, une augmentation de leur indemnité journalière, sous peine de faire grève (commerçants et salariés pour la plupart, ils étaient privés de leurs revenus professionnels pendant les assises).

          

         Le 16 janvier 1936, cinquante-troisième audience, fut la journée des délibérations du jury, qui s’achevèrent vers 21 h. Trop tard pour énoncer à la Cour leur verdict, les membres du jury dormirent sur des lits de camp installés dans la salle des délibérations. À leur réveil, ils rejoignirent la salle d’assises et le chef du jury donna lecture du verdict avec les peines envisagées. Puis, la parole fut donnée aux avocats des parties civiles.

     

           En fin d’après-midi, la cour et le jury se retirèrent de nouveau pour délibérer, cette fois, sur l’application des peines. Ils revinrent à 18 h, et le président Charles Barnaud donna lecture de l’arrêt aux termes duquel onze des vingt inculpés furent acquittés, et neuf condamnés.

     

     

     

    Le procès Stavisky : Maître Appleton, l’un des avocats des parties civiles, s’adresse aux jurés (Photo Intransigeant).

    8 Paris. – Le procès Stavisky : Maître Appleton, l’un des avocats des parties civiles, s’adresse aux jurés (Photo Intransigeant).

     

       Pour la plupart, ces bons de caisse avaient été souscrits par des compagnies d’assurances en 1932, sur les recommandations du ministre des Colonies, et ancien ministre de la Justice et du Travail, Albert Dalimier. Curieusement, la plupart des compagnies d’assurance victimes de l’escroquerie montée par Stavisky s’abstinrent de se constituer partie civile lors du procès de ses complices supposés. Ne furent donc représentées que des associations mutuelles et la Caisse d’assurances sociales, lesquelles étaient défendues notamment par Jean Appleton (1868-1942), un ancien professeur agrégé de la Faculté de droit de Lyon (de 1893 à 1927), auteur d’un Traité élémentaire du contentieux administratif (édition originale 1927 ; réédité par Hachette et la Bibliothèque nationale de France en 2021). Ce juriste, après s’être mis en congé de l’Université, se consacra exclusivement au métier d’avocat au barreau de Paris jusqu’en 1942 (il serait à l’origine de la création du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat par une loi de 1941).

     

     

     

     

    Le procès Stavisky : une attitude de Mme Arlette Stavisky pendant son interrogatoire (Photo Intransigeant)

    9 Paris. – Le procès Stavisky : une attitude de Mme Arlette Stavisky pendant son interrogatoire (Photo Intransigeant).

     

       Parmi les onze inculpés acquittés par la Cour d’assises, Arlette Stavisky (1904-1988), surnommée « la belle Arlette », un ex-mannequin de Coco Chanel, qui avait épousé Stavisky le 20 janvier 1928. Il lui était reproché d’avoir fort bien vécue grâce au produit des escroqueries de son époux. Après son acquittement, elle partit aux États-Unis, puis à Porto Rico dans les Grandes Antilles, et revint finir ses jours en France où elle mourut en 1988. 

     

     

     

     

    Plaidoirie de Maître Vincent de Moro-Giafferi (peinture de Pierre de Belay

    10 Plaidoirie de Maître Vincent de Moro-Giafferi (peinture de Pierre de Belay. Cette toile, datée 1934, et non 1935/1936 années du procès Stavisky, doit concerner une autre affaire sans doute antérieurement plaidée par Maître Moro-Giafferi).

     

      Lors du procès, Arlette Stavisky fut défendue par Vincent de Moro-Giafferri (1878-1956), le célèbre avocat des affaires Bonnot (il y défendit Eugène Dieudonné), Landru, Charles Humbert, Joseph Caillaux et Eugène Weidmann, un tueur en série allemand. Comme moult avocats, il était loin d’être étranger à la vie politique : député de la Corse en 1919 ; sous-secrétaire d’Etat à l’Enseignement technique en 1924/1925 dans le Gouvernement d’Édouard Herriot ; député de Paris de 1946 à 1956. 

     

     Les articles de presse de l’époque relèvent qu’après l’énoncé du verdict relaxant Arlette Stavisky, celle-ci tomba dans les bras de Vincent de Moro-Giafferri, et qu’ils pleurèrent longuement tous deux. 

     

     

     

     

    Plaidoirie de Maître Pierre Lœwel, avocat d’Albert Dubarry (peinture de Pierre de Belay

    11 Plaidoirie de Maître Pierre Lœwel, avocat d’Albert Dubarry (peinture de Pierre de Belay sur carton, datée 1936 et titrée en bas à droite). 

     

          Furent également acquittés plusieurs inspecteurs et commissaires de police.

       Il en fut de même de directeurs de journaux soupçonnés d’avoir gardé le silence sur l’affaire Stavisky en échange de sommes versées par celui-ci de manière occulte (recels de fonds provenant d’escroquerie), ou sous forme de contrats de publicité. L’un d’entre eux, Albert Dubarry, directeur du journal « La Volonté », avait été défendu par Pierre Lœwel qui exerçait, entre les deux guerres, une double carrière d’avocat et de critique littéraire (Albert Dubarry avait subi 22 mois d’incarcération avant le procès prononçant son acquittement).

     

     

     

     

    Le procès Stavisky : la salle des Assises pendant la déposition de Darius (Photo Intransigeant).

    12 Paris. – Le procès Stavisky : la salle des Assises pendant la déposition de Darius (Photo Intransigeant).  

     

        Pierre Darius, un autre directeur de presse (revue La peinture, quotidien Midi ; journal Becs et Ongles), qui avait également été écroué quelques mois, fut, lui aussi, relaxé par la Cour d’assises de la Seine.

     

     

     

    Le procès Stavisky : debout, Hatot répond aux questions du président (Photo Intransigeant).

    13 Paris. – Le procès Stavisky : debout, Hatot répond aux questions du président (Photo Intransigeant).  

     

      Quant aux neuf autres inculpés non relaxés, ils furent condamnés à des peines plus ou moins lourdes pour complicité et usage de faux. Parmi ceux-ci : le député-maire de Bayonne, Joseph Garat (deux ans de prison) ; Gustave Tissier, directeur du Crédit municipal de Bayonne et le seul a avoir tout avoué (sept ans de travaux forcés) ; Gaston Bonnaure, un avocat député de la Seine (un an de prison avec sursis) ; Henri Hayotte, ami et factotum de Stavisky (sept ans de réclusion), et Georges Hatot, un réalisateur, scénariste et producteur du cinéma muet qui avait été engagé un mois durant comme secrétaire général de la SIMA, une société à l’origine des faux (deux ans de prison, avec circonstances atténuantes).  

     

     

     

     

    Procès Stavisky, la plaidoirie (gouache de Pierre de Belay

    14 Procès Stavisky, la plaidoirie (gouache de Pierre de Belay, datée 1936. Source : catalogue en ligne de ventes aux enchères, Auction.fr, 23 juillet 2016). 

     

      Et voici, pour clore cette page juridico-judiciaire artistique, une gouache réalisée par Pierre de Bellay représentant un autre des avocats plaidant lors du procès Stavisky. Désolé, chers visiteurs, mais j’ignore de qui il s’agit et j’ai la flemme de rechercher sur la toile les photographies de la cinquantaine des avocats du procès Stavisky pour l’identifier !


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    Pierre Savigny de Belay : scènes de tribunaux (1/2)

                                                 1 Pierre de Belay : « Au palais » (gouache. 1935).

     

          Chers visiteurs, dans de précédentes pages (ou post ?) de cette rubrique consacrée au droit artistique… juridico-judiciaire, j’ai évoqué deux peintres qui représentèrent souvent des scènes de tribunaux empreintes de réalisme social.

     

       L’un d’entre eux était Paul Salzedo, né à Bordeaux en 1842, et mort à Castelmoron-sur-Lot en 1909.

     

    http://droiticpa.eklablog.com/le-proces-en-cour-d-appel-huile-sur-toile-de-paul-salzedo-1890-a209787566

    http://droiticpa.eklablog.com/un-avocat-huile-sur-panneau-de-p-salzedo-a209789702

    http://droiticpa.eklablog.com/le-tribunal-d-apres-un-tableau-de-p-salzedo-1880-a209789880

    http://droiticpa.eklablog.com/la-justice-de-paix-dans-le-medoc-huile-sur-toile-de-p-salzedo-a209789582

    http://droiticpa.eklablog.com/la-cour-d-appel-chromo-edite-a-partir-d-une-toile-de-p-salzedo-a209787860

     

      L’autre,, Louis Henri Forain, dit Jean-Louis Forain, né à Reims le 23 octobre 1852, et mort à Paris le 11 juillet 1931.

     

    http://droiticpa.eklablog.com/jean-louis-forain-scenes-de-tribunaux-1-3-huiles-sur-toile-a210085948

    http://droiticpa.eklablog.com/jean-louis-forain-scenes-de-tribunaux-2-3-huiles-sur-toile-a210088360

    http://droiticpa.eklablog.com/jean-louis-forain-scenes-de-tribunaux-3-3-dessins-a210088446

     

     

     

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Savigny_de_Belay

                                                   2 Pierre de Belay : L’avocat et ses clients

     

      Voici un troisième peintre qui, lui aussi, croqua, entre-autres, des gens de justice et des scènes de prétoires tout au long de sa carrière. Il s’agit de Pierre Savigny de Belay, ou Pierre Belay (nom de naissance : Eugène Pierre Savigny), né à Quimper, le 12 décembre 1890, et décédé à Ostende en Belgique, le 30 juin 1947.

    Il existe une excellente biographie de cet artiste sur wikipedia, rédigée par des contributeurs d’une grande compétence : 

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Savigny_de_Belay

     

     

     

    Pierre Savigny de Belay : scènes de tribunaux

                                          3 Pierre de Belay : Les avocats (huile sur panneau parqueté)

     

      Les toiles et les dessins de cet artiste peintre sont aujourd’hui exposés dans de nombreux musées français, comme ceux de Quimper (plusieurs dizaines de ses œuvres, dont une importante série de toiles et dessins du procès Stavisky), Brest, Rennes et Morlaix.

     

     

     

    Pierre Savigny de Belay : scènes de tribunaux

                                               4 Pierre de Belay : Les avocats avant l’audience

     

      J’ai retrouvé quelques unes des œuvres de ce peintre sur la « toile », en général dans des annonces en ligne émanant de salles d’exposition ou de ventes aux enchères. Ce sont celles que je présente dans cette page d’aujourd’hui et celle d’après-demain.

     

     

     

    Pierre Savigny de Belay : scènes de tribunaux

                                                        5 Pierre de Belay : Entre confrères

     

     

     

    Pierre Savigny de Belay : scènes de tribunaux

                                           6 Pierre de Belay : Avant l’audience (huile sur carton)

     

     

     

    Pierre Savigny de Belay : scènes de tribunaux

                                           7 Pierre de Belay : L’avocat et son client, prévenu

     

     

     

     

    Pierre Savigny de Belay : scènes de tribunaux

                                                        8 Pierre de Belay : La plaidoirie de l’avocat

     

     

     

    Pierre Savigny de Belay :  Maître Henri Robert au Palais

                               9 Pierre de Belay : Maître Henri Robert au Palais (huile sur carton. 1932) 


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    Jean-Louis Forain (1852-1931) : Scène de tribunal (dessin crayon noir, signé. Musée du Louvre.)

    16 Jean-Louis Forain (1852-1931) : Scène de tribunal (dessin crayon noir, signé. Musée du Louvre. Département des Arts graphiques. Inventaire : n° RF 10789, Recto).

    https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl020219133

     

     

     

     

     

     

     Jean-Louis Forain (1852-1931) : Le banc des accusés (dessin mine de plomb sur papier, signé)

    17 Jean-Louis Forain (1852-1931) : Le banc des accusés (dessin mine de plomb sur papier, signé).

     

     

     

     

     

     

    Jean-Louis Forain (1852-1931) : Au tribunal pendant l’audience (fusain, signé)

         18 Jean-Louis Forain (1852-1931) : Au tribunal pendant l’audience (fusain, signé).

    https://www.ivoire-france.com/fr/lot-860-175676-291_291_forain_jean_louis_1852_1931_au_t

     

     

     

     

     

     

    Jean-Louis Forain (1852-1931) : Avocat parlant à sa cliente (dessin crayon noir, signé)

    19 Jean-Louis Forain (1852-1931) : Avocat parlant à sa cliente (dessin crayon noir, signé).

    https://www.artcurial.com/fr/lot-jean-louis-forain-reims-1852-paris-1931-avocat-parlant-sa-cliente-conseil-juridique-crayon-noir




     

     

     

     

    Jean-Louis Forain (1852-1931) : L’arrestation d’un magistrat (dessin à l’encre de Chine, non signé)

    20 Jean-Louis Forain (1852-1931) : L’arrestation d’un magistrat (dessin à l’encre de Chine, non signé).

    HTTP://WWW.ORIGINAL-ART.FR/FORAIN_JEAN-LOUIS_14.HTML

     

     

     

     

     

     

    Jean-Louis Forain (1852-1931) : Douce France (croquis pour l’Echo de Paris, reproduit dans Le Pèlerin, n° 1336, du 10 août 1902, p. 596)

    21 Jean-Louis Forain (1852-1931) : Douce France (croquis pour l’Echo de Paris, reproduit dans Le Pèlerin, n° 1336, du 10 août 1902, p. 596).

     

        -  Vous entendez ce que dit l’agent ? C’est votre fils qui l’a frappé le premier. 25 francs d’amende.

     

     

       Jean-Louis Forain fut également célèbre pour ses dessins de presse dans divers journaux comme La vie parisienne, Le Rire, Psst, L’Echo de Paris, et Le Figaro. En voici deux en relation avec le Droit et la Justice (n° 21 et 22).

     

     

     

     

     

    Jean-Louis Forain (1852-1931) : Doux Pays, Au Palais, Arton « le réclusionnaire » (dessin pour Le Figaro, 4 mars 1897).

    22 Jean-Louis Forain (1852-1931) : Doux Pays, Au Palais, Arton « le réclusionnaire » (dessin pour Le Figaro, 4 mars 1897).

     

    Un avocat – Eh bien ! Monsieur le Président, Arton mange le morceau ?

     

    Le Magistrat – Oui… ça fera arrêter d’honnêtes gens que nous serons contraints d’acquitter faute de preuves.

     

     

       Arton, le seul homme de France possédant la confiance de la magistrature…(légende satirique empruntée à un autre dessinateur de presse de l’époque). Jean-Louis Forain publia plus d’un millier de dessins dans le journal Le Figaro, entre 1891 et 1925. Voici celui qu’il consacra à Léopold Emile Aron, surnommé « le réclusionnaire », poursuivi lors de l’un des procès du Canal de Panama : celui de la Cour d’assises de la Seine en février 1897. Sauf erreur de ma part, il fut, à cette occasion, acquitté d’une inculpation de corruption d’un député (presque tous les parlementaires impliqués pour avoir reçu de l’argent d’Aron furent acquittés !). Il avait été, l’année précédente, toujours dans l’affaire de Panama, condamné par la Cour d’assises de Seine-et-Oise pour abus de confiance et blanchi d’une inculpation pour faux.  Pour les amateurs, voici l’article consacré à Léopold Emile Aron par les contributeurs de wikipedia :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9opold_%C3%89mile_Aron

     





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