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    Propos d’un Garde des Sceaux (ou du Seau) sur la réforme de l’appel (ou de la pelle)

                                 « Tout ça c’est sot et j’ai ma peau qui pèle ! »

     

     

    De l’homophonie. J’avais attiré l’attention, dans une page précédente, sur la publication d’un décret du Garde des Sceaux réformant l’appel, auquel « on y comprend pas grand’chose » (voir la rubrique « Droit en prose » du 13 mai 2017 : La réforme du petit seau et de la pelle. Décret du 6 mai 2017).

    On ajoutera, aujourd’hui, ce commentaire, plein de bon sens, d’un tiot (petit enfant en ch’ti, se prononçant ch’tio), garde d’un seau et d’une pelle, qu’il refuse de prêter. La photo a été prise en 1913 à Berck-sur-Mer, dont la plage est reconnaissable grâce au bateau échoué sur le sable (à la Belle Epoque, Berck-sur-Mer était le premier port d’échouage de France).

     

     

    Dictée. – Il était une fois un sot qui se promenait à dos d’âne. Il portait dans la main droite un seau d’eau, et dans la gauche, le sceau du roi. L’âne, tentant un saut, trébucha, et les trois [so] tombèrent.

     

     

    Question. Comment écrire le dernier [so] de cette dictée ?

     


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    Le droit : prose et rimes en pose…

     

    L'important c'est la prose... (Albet Anker, 1875) 

     

     

    Droit en prose: pose et rimes : 

    « Le législateur impose, le sieur ou la dame suppose, l’adversaire oppose, les avocats proposent, le juge dispose, le greffier appose, l’huissier dépose, le professeur expose, et les étudiants composent… puis se reposent ».


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    Inscriptions administratives en L1 Droit : à la queue leu leu…

    Le loup devenu escholier en droit (Fable de La Fontaine. Illustration de Grandville)

     

     

    Étymologie. « Leu », en ancien français, voulait dire « loup » (du latin lupus). Aussi l’expression « à la queue leu leu » désigne-t-elle les personnes qui se tiennent en file les unes derrière les autres, comme sont censés le faire les « loups », devant un bureau de l’administration, qu’il soit fermé, ouvert ou bientôt ouvert.

    Il peut en être ainsi des nouveaux bacheliers ayant franchi avec succès l’épreuve d’affectation à une faculté de droit (UFR ou école de droit selon les jours), via le portail national d’admission post-bac, dit APB (voir notre page: APB fait un bide : 90 000 étudiants en souffrance), avec ou sans tirage au sort (voir notre page: Tirage au sort des étudiants dans les filières en tension).

    Ces heureux élus ont obtenu le label de « néo-entrants (du grec νέοςnéos, nouveau), primo-arrivants (du latin primo : au commencement, d'abord) d’une L1 Droit ». Ces termes ont été empruntés à diverses périodes de la préhistoire et ils sont difficiles à mettre au pluriel, contrairement à ceux qui étaient en vogue dans les années yéyé : « étudiants en première année de licence en droit ».

     Cela dit, nos néophytes (du grec néo-(νέο) : nouveau, et phyton [φῠτόν] plante) universitaires doivent désormais s’inscrire administrativement dans leur faculté de droit d’affectation, car le portail APB « n’en a plus rien à cirer », selon une expression maritime du milieu du XVème siècle.

     

     

     

                Inscriptions administratives en L1 Droit : à la queue leu leu…

                                            Bienvenue à l’Université

     

     

    Vos démarches en un clic. Sélectionné par l’algorithme baroque APB dans l’université de banlieue sensible qu’il voulait éviter à tout prix, Allegro Moderato tenta l’épreuve, plus difficile encore, de l’inscription administrative afin d’y être « enregistré » en L1 Droit.

    L’enregistrement se faisant en ligne, il découvrit sur la page d’accueil du site de l’université un message de bienvenue : « Les néo-entrants de la procédure APB doivent se connecter au site du bureau des inscriptions administratives. Le service inscriptions en ligne sera fermé du 23 juillet au 5 septembre.  En cas de difficultés pour vous connecter, vous devez vous présenter au bureau des inscriptions administratives aux jours d’ouverture affichés devant le bureau d’accueil de l’université. Attention, ces jours sont susceptibles d’être modifiés. Pendant la campagne d'inscription, nous ne sommes pas en mesure de répondre aux appels téléphoniques ».

    Membre de la Congrégation des pénitents n’ayant pu accéder au site des inscriptions administratives (« La page que vous souhaitez consulter n’est plus disponible »), Allegro Moderato décida de se rendre sur place pour expier cette faute et être enregistré dans sa nouvelle communauté.

     

     

              Inscriptions administratives en L1 Droit : à la queue leu leu…

    Pour se repérer : plan du niveau D du bâtiment G de l’UFR DSP (Droit et Sciences politiques) de l’Université Sud-PP (Pour le Progrès) de la Comue, ex-Pres, Robert de Sorbon-Nord-Sud. Le bureau des inscriptions est en salle D 644 (ancienne salle D 613).

     

    Billets d’entrée. Le lendemain donc, par un temps pluvieux, nous retrouvons Allegro Moderato, un peu perdu, dans une allée de sa nouvelle université de banlieue. Il avait le cœur serré et il sentait bien le désarroi de ses nouveaux compagnons d’infortune et de quelques parents stupéfiés, agglutinés sous un parapluie.

     

     

               Inscriptions administratives en L1 Droit : à la queue leu leu…

            Bureau des inscriptions administratives à l'heure de la pause café.

     

    Après plusieurs heures, il avait pu s’enregistrer au bureau des inscriptions administratives.

     

     

                       Inscriptions administratives en L1 Droit : à la queue leu leu…

    Message du bureau de l’Encaissement des droits d’inscription (BEDI) : « Bonjour à tous. Il vous est demandé de vous ranger dans la file d’attente en fonction de votre date de naissance. Les plus jeunes d’abord, les plus âgés ensuite. Non excusez-moi : d’abord les plus âgés, ensuite les plus jeunes. Exceptionnellement, aujourd’hui, le bureau de l’Encaissement des droits d’inscription fermera à 15 h 15 au lieu de 16 h. Merci de votre compréhension et bonne journée ».

     

      Quelques jours plus tard, sur présentation de son bon d’enregistrement, il avait payé à la caisse du bureau de l’Encaissement des droits d’inscription situé dans un autre bâtiment, ouvert tous les jours de 14 heures à 16 heures, sauf le lundi, le mercredi et le vendredi après-midi, ses droits de scolarité obligatoires, ainsi que ceux facultatifs mystérieusement intitulés « droits référents » (culture, sport, un entretien pédagogique…). 

     

     

     

        Inscriptions administratives en L1 Droit : à la queue leu leu…

            Une carte d’étudiant de 1906-1907 (Faculté de Droit de Poitiers)

     

     

    Il revint, la semaine suivante, au bureau d’enregistrement pour recevoir sa carte d’étudiant multiservices plastifiée en échange de son bon de caisse. Désormais, connu sous le n° 3f9h9mada4, il s’inscrivit à la sécurité sociale par l’intermédiaire de l’une des deux mutuelles qui bénéficiaient d’un monopole. Il prit celle de gauche, puisqu’il était dans une université de gauche et qu’il ne voulait pas d’ennuis de santé.

      

     

    Inscriptions administratives en L1 Droit : à la queue leu leu…

                   Gavroche (Salon de Paris - A. Ernest V. Bisson - 1908)

                                      On m’appelle gavroche

                                      Bon cœur et mauvaise caboche

                                      En somme, pas trop moche.

     

    Le Gavroche des cafets’. Plein de joie d’avoir réussi son inscription administrative, Allegro Moderato s’apprêtait à rentrer chez lui pour fêter sa nouvelle vie d’étudiant en droit, lorsqu’il fut accosté par un gamin, natif d’une cité voisine en voie de démolition, qui avait été adopté par la cafet’ de l’université :

    « T’as pas cent balles ? ».

    Allegro Moderato lui tendit aussitôt deux pièces d’un euro, qu’il estimait équivalentes à cent balles : « Tiens, pour cent balles t’as plus rien ! ».

    La chère petite tête blonde (métonymie pour désigner les enfants), lui répondit : « Oh, Choukrane  ! T’es un tepo toi ! Tiens, v’la un secret pour q’tes pas d’blème. T’arrache pas d’suite : faut prendre l’inscription pédago. Wesh ! ».

     

    à suivreInscription pédagogique en L1 Droit : le miracle

     

    Inscriptions administratives en L1 Droit : à la queue leu leu…


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    Inscription pédagogique en L1 droit : le miracle de Mégaphone

    1 Le miracle : illusion ou réalité ? (revue de recherches des lois inconnues. Janvier-Décembre 1960).

                                                                                                     

    Selon le Centre national de Ressources Textuelles et Lexicales du CNRS (en free access sur la « toile »), en matière de religion, le miracle (du latin mirari : s’étonner), est un « fait positif extraordinaire, en dehors du cours naturel des choses, que le croyant attribue à une intervention divine providentielle et auquel il donne une portée spirituelle ».

    Il pourrait en être ainsi de l’apparition de Mégaphone au jeune Allegro Moderato, un jour de pluie, dans les jardins de sa nouvelle université de banlieue, à la recherche de la salle C 101 du bâtiment N qui n’existait plus. Selon le docteur J. B., responsable du Bureau médical des universités de banlieue de la sous-direction des événements impossibles et heureux du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, ce fait surprenant pourrait être reconnu comme miracle. Dans cette hypothèse, l’UFR LMD (Faculté de droit) de l’UPBGNS (Université Paris Banlieue Grand-Nord-Sud), de la COMUE GreatSorbonne-Septentrionale-Est, serait renommée UFR Sainte Mégaphone.

    Pour mieux vous en convaincre, je vous invite à rejoindre les mésaventures d'Allégro Moderato notre jeune bachelier ES rescapé, d'une part, de la plate forme en ligne APB qui l'a sélectionné d'office en L1 Droit dans l'Université de banlieue qu'il ne voulait pas (APB fait un bide : 90 000 étudiants en souffrance), d'autre part, du gymkhana de l'inscription administrative dans cette université (Inscriptions administratives en L1 Droit : à la queue leu leu).

     

     

    Inscription pédagogique en L1 droit : le miracle de Mégaphone

    2 Gavroche : « Gamin de Paris, gouailleur, malin et brave cœur » (dictionnaire du Centre national de Ressources Textuelles et Lexicales du CNRS).

     

    Le Gavroche des cafets’. Plein de joie d’avoir réussi son inscription administrative, Allegro Moderato s’apprêtait à rentrer chez lui pour fêter sa nouvelle vie d’étudiant, lorsqu’il fut accosté par un gamin, natif d’une cité voisine en voie de démolition, qui avait été adopté par la cafet’ de l’université : « T’as pas cent balles ? ». Allegro Moderato lui tendit aussitôt deux pièces d’un euro, qu’il estimait équivalentes à cent balles : « Tiens, pour cent balles t’as plus rien ! ».

    La chère petite tête blonde (métonymie pour désigner les enfants), lui répondit : « Oh, Choukrane  ! T’es un tepo toi ! Tiens, v’la un secret pour q’tes pas d’blème. T’arrache pas d’suite : faut prendre l’inscription pédago. Wesh ! ».

     

     

    Inscription pédagogique en L1 droit : le miracle de Mégaphone

          3 Livret-guide de l'étudiant. Université de Bordeaux. 1928-1929

     

     

    La bible de l’étudiant. Fort du conseil du gouailleur de la zone, Allegro Moderato se lança dans la quête d’une inscription pédagogique qui lui paraissait être en relation avec l’art d’instruire et d’élever les enfants (pédagogie du grec παιδός « l'enfant », et ἄγω « conduire, accompagner »). Au demeurant, il avait été fort bien rancardé par le moineau de la cafet’, car le caractère obligatoire de l’inscription pédagogique est précisé à la page 87 du guide de l’année passée de l’étudiant de l’université, encore disponible en ligne : « Outre l’inscription administrative auprès du bureau du service de l’administration centrale de l’université qui permet d’obtenir une carte d’étudiant à ne pas perdre, aucun duplicata n’étant délivré après, chaque étudiant primo-arrivant doit obligatoirement procéder, auprès du secrétariat de la composante de l’UFR de la formation choisie dont relève le parcours du diplôme envisagé, à une inscription pédagogique aux EC (Éléments Constitutifs) devant servir à établir les listes d’inscrits par EC (Éléments Constitutifs) et à traiter informatiquement les résultats pédagogiques et le volume obtenu de crédits ECTS (European Credits Transfer System) ».

     

     

     

    Inscription pédagogique en L1 droit : le miracle de Mégaphone

    4 Un Iatoss (en patois : Athos) d’une université accompagné de Porthos, Aramis et d'Artagnan. 

     

     

    L’apparition d’IATOSS. Cette épreuve, tant redoutée des étudiants, constituerait, selon une étude ethno-psychiatrique à paraître, un rite de passage, organisé par les universités, pour causer un traumatisme psychologique devant permettre aux initiés de sortir psychiquement modifiés de l’épreuve. C’est ainsi que nous retrouvons Allegro Moderato devant un panneau indiquant que l’inscription pédagogique n’avait plus lieu au secrétariat de l’UFR de la formation qu’il avait choisie, mais à la Structure Autonome Provisoire de Communication, salle C 101 du bâtiment N. Après avoir erré plusieurs heures sur le campus, il découvrit un bâtiment NC et la porte d’une salle dénommée avec malice C 101N. Le problème est qu’il fallait une carte pour ouvrir la porte de la pièce mystérieuse. Fort heureusement, quelque temps après, la porte s’ouvrit laissant passer une jeune femme avec deux tasses de café, membre de la famille IATOSS (ce sigle, inconnu des langues helléniques et des louveteaux, a été emprunté au roman d’Alexandre Dumas qui en a fait l’aîné des Mousquetaires. Aujourd’hui, il sert à désigner les personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de services des universités).

     

     

     

    Inscription pédagogique en L1 droit : le miracle de Mégaphone

    5 Pour ou contre une p’tite pause café ? (Pour : 100%. Contre : 0%. Sondage réalisé le 28 septembre 2017, à 14 h 45, auprès du personnel du bureau des inscriptions pédagogiques de l’UFR LMD (Faculté de Droit) à la cafétéria de l’université).

     

     

    Inscription pédagogique en L1 droit : le miracle de Mégaphone

    6 Réouverture du bureau des inscriptions pédagogiques à 15 h 30 après la deuxième pause café de l’après-midi.

     

     

        Allegro Moderato demanda timidement : « S’il vous plaît, Madame, j’aurais voulu m’inscrire aux cours et aux travaux dirigés de droit ». La porteuse de café répondit : « Ici, c’est la Structure Autonome Provisoire de Communication. Voyez le Service de Formation Initiale Pour l’Enseignement du Droit, salle N 101 du bâtiment C ».

     

     

     

    Inscription pédagogique en L1 droit : le miracle de Mégaphone

                                7 Le miracle de Mégaphone 

     

     

    Le miracle. S’étant effondré sur un banc mouillé d’une allée de l’université, Allegro Moderato leva les mains au ciel pluvieux pour implorer une nouvelle fois Dieu : « Si tu existes Dieu, tu ne dois pas permettre cela ! ». La pluie cessa soudainement et les nuages se dispersèrent brusquement, laissant apparaître un ciel clair. Il y eut un grand silence et apparut devant lui, dans un halo lumineux, une étudiante, en lutte d’acné juvénile, qui appelait à soutenir les étudiants sans fac et sans papiers. Après avoir écouté stoïquement ses hurlements dans un mégaphone, Allegro Moderato signa une pétition pour les étudiants sans fac et sans papiers. Loin d’être sot, il en profita pour demander à Mégaphone où se trouvait le bâtiment C pour l’inscription des étudiants avec fac et papiers. « C entre le B et le D », brailla Mégaphone, avant de susurrer en 10 watts : « Pleure pas, C pour rire, j’vais t’ montrer. »

     

     


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    Premier cours de droit : il pleut dans l'amphi

     

     

    Dieu et Dieu font Droit. Un joli matin de septembre plusieurs centaines de primo-arrivants de L1 D (première année de Licence de Droit) patientaient à l’intérieur du grand hall du bâtiment A1 de l’UFR LMD de l’UPBGNS (Université Paris Banlieue Grand-Nord-Sud). Nombre d’entre eux avaient été affectés dans cette fac de banlieue construite en catastrophe dans les années yéyé « à l’insu de leur plein gré » par l’algorithme baroque APB mis en œuvre, en cette année 2017, par le Ministère de l’éducation nationale « à l’insu de son plein gré » (APB ou l’histoire sans fin du P'tit Boscot).

    Leurs yeux tuaient le temps à regarder, très songeurs, la machine à distribuer le café à l’entrée des toilettes. En échange de pièces, tantôt du café coulait dans le réceptacle du distributeur, sans gobelet pour l’accueillir, tantôt un gobelet attendait en vain du café.

     

    Drôle d’en Droit. Subitement, la seule porte d’entrée non encore condamnée de l’amphi Cujas, rebaptisé B2 bis pour d’obscures raisons, s’ouvrit. Intimidés, nos jeunes étudiants, avides de savoirs juridiques, pénétrèrent à la queue leu leu dans cette salle qui pouvait accueillir 900 personnes et qu’on appelait un amphi en hommage aux gouttes d’eau qui tombaient du plafond sur le 2ème rang. Ils se répartirent sans bruit dans les travées.

    La plupart d’entre eux purent s’asseoir sur de curieuses planches de bois à bascule grinçantes, recouvertes de zestes de malabar. Les plus chanceux s’appuyèrent sur des dossiers incurvés instables. Les plus téméraires posèrent leurs mains devant eux sur d’étonnantes planches fixes sculptées au cutter et polies à l’encre et au tabac. D’autres, en retard en raison d’un incident caténaire, s’assirent à même le sol, en évitant celui du 2ème rang.

     

    Apparitor. Un appariteur (du latin apparitor, ce terme désigne un huissier d’une faculté) monta sur l’estrade et appuya sur un bouton pour éclairer en vain la droite de l’amphi (clic ! clac !), avant de plonger un court instant dans le noir complet nos jeunes étudiants (Ohhhhhhh).

     

     

     

     

    Premier cours de droit : il pleut dans l'amphi

    - Le principe, c'est le principe, et l'exception, c'est l'exception. La Jurisprudence applique l'exception au principe, tandis que la Doctrine applique le principe de l'exception !

     

    Professor. Soudain, la lumière fut (Aaaaaaaaa). Une porte s’ouvrit difficilement au fond de l’estrade (Criiiii), et un homme, d’un certain âge, en complet anthracite, s’approcha avec peine du bureau (Han ! han ! han !), trébucha sur la chaise à trois pieds (Boïng boïng boïng), puis se rattrapa in extremis au micro sans fil sous les holàs des étudiants-garçons redoublants multirécidivistes du fond de l’amphi (Hip ! hip ! hip! hourra!), étouffés à grande peine par les étudiantes-filles, placées aux premiers rangs (Chut !), selon un usage qui remonterait à la fin du XIXème siècle pour mieux voir les professeurs (du latin professor) et empêcher les garçons de voir les professeures (v. notre article : Les premières femmes licenciées en droit et avocates : le culte de Mithra, Gazette du Palais - 31/07/2012 - n° 213 – p. 9. En ligne sur Lextenso.fr). Puis il se laissa tomber sur la chaise à trois pieds et sortit de son cartable en cuir style vintage un gros petit livre rouge au code postal de l’année prochaine ainsi qu’un vieux cahier dont la couverture était fatiguée par le temps.

     

     

    Premier cours de droit : il pleut dans l'amphi

    - Il m'est très difficile de faire une heure de cours en cinquante minutes !

     

     

    « L’ennui naquit un jour de l’université » (Balzac, Un début dans la vie. Études de mœurs. 1er livre. Scènes de la vie privée. 1844). Après avoir cherché quelques minutes le fil de son micro, le professeur prononça ces quelques mots de bienvenue : « Bonjour Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs. Ce n’est pas sans une émotion profonde que j’assurerai, cette année, s’il n’y a pas grève, votre premier cours de droit d’une heure en 50 minutes pour vous permettre de rejoindre à temps vos groupes de TD.

    Il s’agit de l’EC 51EM de l’UE des « néo-entrants-primo-arrivants » de L1 D (NDLR : cours d’Introduction au Droit des étudiants de première année de licence en droit). Non excusez-moi, 51EM c’est mon code confidentiel de saisie des notes, le code de cours c’est 47 21 ou plutôt 21 47.

    Je vous signale, par ailleurs, que la présence aux cours et aux examens est une composante essentielle de votre personnalité, et qu’elle est recommandée pour l’obtention du diplôme. À cet égard, il serait fâcheux pour tout le monde que, comme l’an passé, il n’y ait pas plus de 5 étudiants présents à mon cours, en seconde semaine.

     Quant à l’examen, il ne faudra en aucun cas apprendre le cours par cœur, mais il faudra le connaître parfaitement, sans abuser d’Intermarché, non excusez-moi d’Internet. Au demeurant, mon livre d’Introduction au Droit sera le seul manuel autorisé à l’examen. Les redoublants et les retriplants qui ont encore l’édition de l’an passé devront se munir de la nouvelle édition qui vient de sortir cette semaine. Ils pourront toujours revendre l’ancienne édition chez Gibert Jeune ou en ligne sur leboncoin.

    Il vous faut aussi acquérir un code civil de l’année prochaine. Ne tardez pas trop car il y a des promotions jusqu’à la fin du mois. Vous pouvez choisir le Dalloz rouge ou le LexisNexis bleu selon vos goûts. Seulement, vérifiez bien qu’ils contiennent des tableaux de concordance car leurs 2534 articles ont une fâcheuse tendance à changer de numéros au gré des réformes sempiternelles. En tout cas, il est inutile d’acheter les deux codes. D’abord, leurs articles disent exactement la même chose. Ensuite, vous auriez du mal à les transporter dans un sac ou un cartable. En plus, il est toujours délicat de les mettre au pluriel (codes civil)…

     

     

    Premier cours de droit : il pleut dans l'amphi

    - Et plus nous commentons les Codes, plus nous avons besoin de les étudier.

     

     

    « Il n’y a pas de problèmes ; il n’y a que des professeurs » (Jacques Prévert, Fatra, 1966) …Quant à la relecture des copies d’examen, elle sera réservée aux étudiants ayant obtenu au moins 10/20 car j’ai peu de temps disponible, en raison de mes activités de conseil en optimisation fiscale. Comme l’an dernier ils étaient près d’une vingtaine, cela prendra un peu moins d’une heure.

    Bien entendu, pour valider votre semestre, vous devez obtenir au moins 30 ECPS, non je veux dire 30 ECTS ou quelque chose comme ça. À ce propos, prenez conscience que vous n’êtes plus dans le secondaire. Le passage en année supérieure n’est pas automatique : il est exceptionnel, avec ou sans dérogation.

    J’avais autre chose de très important à dire, mais je ne sais plus quoi. Ah, oui, cela me revient : après le cours, je vous conseille d’aller à la cafétéria, si elle est encore ouverte, car on vient d’annoncer une paralysie totale des transports à la suite d’une rupture des caténaires.

    Si vous n’avez plus de questions à poser, commençons le cours d’Introduction au droit. À ce sujet, il est possible que des questions que nous traiterons ces prochaines semaines soient abrogées d’ici la fin du semestre. Pour le vérifier, je vous invite à consulter le Recueil Dalloz dès la fin de la grève du personnel de la BU et la réouverture de son site. Vous pourrez accéder gratuitement sur ce site aux bases de données juridiques payantes avec votre code d’authentification. À ce que je sache, ce code vous sera très utile pour monnayer un stage estival dans des micro-entreprises du chiffre et du droit, si vos parents n’ont pu vous en trouver un…

     

     

    Premier cours de droit : il pleut dans l'amphi

     

                                 - Nous étudierons :

                                    Le Principe...

                                   Les exceptions au principe...

                                   Les réserves aux exceptions...

                                  Les Tempéraments aux réserves...

                                 Les modifications apportées aux tempéraments...

     

     

     

     

    « Le Droit : on ne sait pas ce que c'est » (Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues, 1913) …Cela dit, nous traiterons, aujourd’hui, les pages 1 à 12 de mon manuel d’Introduction au Droit. Omnis definitio in jure civili periculosa est. Il s’agit d’une maxime juridique latine qui signifie qu’en droit civil toute définition est périlleuse. Il en est ainsi du mot droit qui désigne deux notions distinctes. D’une part, le Droit objectif, ou le Droit (du latin directum : ce qui est droit), qui est posé par l’État de droit, et qui s’écrit avec un D majuscule pour ne pas être confondu avec le droit subjectif. D’autre part, le droit subjectif, aussi dénommé le droit, qui désigne le droit accordé à un sujet de droit par le Droit objectif, et qui s’écrit avec un d minuscule, pour ne pas être confondu avec le Droit objectif. 

     Prenons un exemple. Lorsque Patrick Bruel chante - Qui a le droit de faire du mal a des enfants ?, il sous-entend le droit objectif, ou plutôt non, excusez-moi, le Droit subjectif…. 

     

     

    Premier cours de droit : il pleut dans l'amphi

     - Tout ce que nous venons de dire n'a plus aucune importance, car il s'agit de textes abrogés.

     

     

     

    « Le Droit étant la plus puissante des écoles de l’imagination (Jean Giraudoux, La guerre de Troie n’aura pas lieu. 1935), vous avez dû éprouver bien du plaisir à m'entendre parler ». …Ainsi s'achève, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, votre premier cours de droit. J'espère que mon enseignement a pu vous aider à devenir un ami du droit. Veillez sur cet ami tout au long de vos études, au sein de cette université PBGNS, en cours de désamiantage, que Rabelais baptisait des mots latins Alma mater, c’est-à-dire la mère nourricière, et oubliez les idées reçues comme : La liberté finit où commence le droit ; ou Le rhume s’attrape avec le droit. À cet égard, il faudra bien vous couvrir car, en raison des restrictions budgétaires, l’amphi B2 bis n’est plus chauffé les mois d’hiver… 

    …En prolongement de mes propos, je vous demanderai de quitter l'amphithéâtre en empruntant la porte de gauche car celle de droite est condamnée, ou plutôt non, excusez-moi, la porte de droite car celle de gauche est condamnée. La porte de droite est celle qui est en face de moi, à ma droite, ou derrière vous à votre gauche. Attention aux flaques d’eau ! ». 

     

    « C'est fini. . . Allez-vous-en » (La dernière classe, Alphonse Daudet, 1873)





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