• Droit et justice : la République des avocats en chromos 20-4

     

     

     

     

    Adolphe Thiers (chromo Chocolat Ibled Mondicourt, Paris. Circa 1890).

                   14 Adolphe Thiers (chromo Chocolat Ibled Mondicourt, Paris. Circa 1890).   

     

     

          « C’est un gamin qui a le feu sacré » (Talleyrand à propos de Thiers).  Louis Adolphe Thiers était originaire de Marseille, où il naquit le 15 avril 1797. Enfant naturel, il fut légitimé par son père, Pierre-Louis Thiers, lorsque celui-ci, devenu veuf, épousa sa mère. Délaissé à son plus jeune âge par ce père devenu homme politique, Adolphe Thiers fut élevé par sa famille maternelle. Boursier au lycée de Marseille (aujourd’hui Lycée Thiers), il s’y distingua pour ses capacités intellectuelles soulignées par son professeur de rhétorique en ces termes : « Il réunit aux plus heureuses dispositions pour les sciences et les belles-lettres, l’amour de l’étude et le désir de se distinguer dans une profession honorable ».

     

            Sur les conseils de son proviseur, la profession dans laquelle Thiers choisit d’entrer fut celle du barreau (son grand-père paternel était avocat). Il s’inscrivit alors, en 1815, à la Faculté de Droit d’Aix-en-Provence (à cette époque Marseille n’avait pas de Faculté de Droit. Aujourd’hui, la Faculté de Droit de l’université d’Aix-Marseille est implantée sur trois sites : Aix-en-Provence, Marseille et Arles). Le 29 août 1818, Adolphe Thiers obtint sa licence en droit et, en novembre de la même année, il fut admis avocat au barreau d’Aix. Il s’essaya également à l’écriture, rédigeant un mémoire sur l’éloquence judiciaire, qui fut récompensé par le prix de littérature de la Société des Amis des Sciences et des Arts.

     

     

     

     

     

    15 Adolphe Thiers (chromo éditée par la Librairie Universelle d’Alfred Duquesne à Paris. Circa 1880-1890).

    15 Adolphe Thiers (chromo éditée par la Librairie Universelle d’Alfred Duquesne à Paris. Circa 1880-1890).

     

     

    « Monsieur Thiers, sait tout, parle de tout, tranche sur tout… » (Sainte-Beuve à propos de Thiers).  Mais revenu de sa carrière d’avocat, Thiers monta à Paris, en septembre 1821, à l’âge de 24 ans (sauf erreur de ma part, il ne s’est pas inscrit au barreau de la capitale). Il collabora comme journaliste dans Le Constitutionnel, puis à La Gazette d’Augsbourg, et rédigea une Histoire de la Révolution française, dont les dix volumes, publiés entre 1823 à 1827, connurent un énorme succès. Le journaliste et historien Thiers suscita aussitôt l’attention de personnalités de l’époque comme Tocqueville, Chateaubriand, Stendhal, Sainte-Beuve et Talleyrand, lequel s’attachera à le faire entrer dans la vie politique.

     

          « Palinodie : changement d’opinion et principalement d’opinion politique ». Thiers, happé par le démon de la politique occupera ainsi des postes d’élu ou de pouvoir, tout au long de sa vie jusqu’à l’âge de 80 ans, et ce sous la plupart des régimes successifs : monarchie de juillet (1830-1848), Deuxième République (1848-1852), Second Empire (1852-1870), et Troisième République (1870-1940). 

     

        À ses tout débuts dans la vie politique, Thiers se montra hostile à l’instauration d’un régime républicain et partisan du retour à la monarchie de Louis-Philippe. Après la Révolution de Juillet dite des Trois Glorieuses (journées des 27 au 29 juillet 1830), qui porta sur le trône royal Louis-Philippe, Thiers fut récompensé, sans doute grâce à Talleyrand qui était très écouté du nouveau roi. En moins de trois mois, Thiers fut alors admis au Conseil d’État (le 11 août 1830), élu député à Aix (le 21 octobre 1830), et nommé sous-secrétaire d’État aux Finances dans le ministère Laffitte (le 4 novembre 1830).

     

     

     

     

     

     

    Adolphe Thiers (chromo Maison Chocolat Guérin-Boutron).

                                 16 Adolphe Thiers (chromo Maison Chocolat Guérin-Boutron).

     

      Un monarchiste devenu républicain. Sous la monarchie de juillet (1830-1848), Thiers, orléaniste primitif, sera nommé par Louis-Philippe, le 11 octobre 1832, ministre de l’Intérieur, dans le premier ministère Soult (octobre 1832 à juillet 1834). Puis, sous ce même régime, il sera nommé, à deux reprises, président du Conseil (du 22 février 1836 au 6 septembre 1836, et du 1er mars au 29 octobre 1840).

     

           Sous le Second Empire (1852-1870), alors qu’il avait précédemment soutenu Louis-Napoléon Bonaparte, il se déclara hostile au rétablissement de l’Empire par celui-ci. Aussi, après le coup d’État de Louis-Napoléon du 2 décembre 1851, Thiers fut-il proscrit, d’abord emprisonné, puis exilé dans divers pays étrangers. Revenu en France en 1852, il se tint dans un premier temps à l’écart de la vie politique et publia une Histoire du Consulat et de l’Empire en vingt volumes, qu’il avait commencée à rédiger en 1843, et qui connut un nouveau succès d’édition.

     

     

     

     

     

     

    Discours d’Adolphe Thiers au Corps législatif, en mars 1867, prévoyant le désastre de 1870 (chromo Carpentier-Thé Royal).

    17 Discours d’Adolphe Thiers au Corps législatif, en mars 1867, prévoyant le désastre de 1870 (chromo Carpentier-Thé Royal).

     

        « C’est la faute à Napoléon III ! ». Plus tard, élu député de la Seine au Corps législatif (du 31 mai 1863 au 4 septembre 1870), Thiers sera un adversaire résolu de Napoléon III, combattant notamment en vain le projet de guerre de celui-ci contre la Prusse. En mars 1867, son réquisitoire du haut de la tribune du Corps législatif contre la politique aventurière du gouvernement concernant la Prusse (et l’Italie) se terminait par cet avertissement : « Il n’y a plus une seule faute à commettre ». Thiers fut un bon prophète puisque, quelques temps après, le 19 juillet 1870, la France commit la faute de déclarer la guerre à l’Allemagne (ou la Prusse), qui se solda par le désastre de Sedan, le 2 septembre 1870, avec la défaite de l’armée française et la capture de l’empereur Napoléon,  

     

     

     

     

     

     

     

    Entrevue entre Thiers et Bismarck, en mai 1871  (chromo-lithographie).

                    18 Entrevue entre Thiers et Bismarck, en mai 1871  (chromo-lithographie).

     

      Sous la Troisième République (1870-1940), Thiers sera nommé par l’Assemblée nationale chef du pouvoir exécutif de la République française, c’est-dire à la fois chef de l’État et chef du gouvernement (du 17 février au 31 août 1871). C’est à ce titre qu’il négocia et conclut avec le Chancelier Bismarck, le 10 mai 1871, le traité de Francfort par lequel la France vaincue et occupée par l’armée prussienne, acceptait de céder à l’Allemagne l’Alsace et une partie de la Lorraine, et de lui payer une indemnité de guerre de 5,5 milliards de francs.

     

     

     

     

     

     

     

    Adolphe Thiers, Président de la République française (chromo de l’éditeur-imprimeur Ad. Mertens, Bruxelles).

    19 Adolphe Thiers, Président de la République française (chromo de l’éditeur-imprimeur Ad. Mertens, Bruxelles).

     

      Proclamé Président de la République le 31 août 1871, Thiers donna tous ses soins à l’accélération de la libération du territoire, permettant en deux ans le remboursement de l’indemnité de guerre due à l’Allemagne, grâce au lancement de deux emprunts en juin 1871 et juillet 1872.

     

       Mais, converti à une république conservatrice, Thiers s’aliéna la majorité monarchiste à la Chambre et dut démissionner, le 24 mai 1873, et céder la place au maréchal de Mac-Mahon. Ayant retrouvé son siège de député, Thiers devint le chef du parti républicain et lutta contre la politique de Mac-Mahon.

     

     

     

     

     

    « Le Libérateur du Territoire, le voilà ! »  Gambetta désignant Thiers le 18 juin 1877 à la Chambre des députés

                          20 « Le Libérateur du Territoire, le voilà ! » (chromo-lithographie)

     

       C’est à l’occasion d’une séance à la Chambre des députés, le 18 juin 1877, que ses adversaires lui contestèrent publiquement la gloire d’avoir débarrassé la France des armées allemandes. Devant cette assertion, Thiers, fatigué par l’âge (80 ans !), resta impassible. Léon Gambetta bondit alors à la tribune et, désignant l’ancien Président de la République d’un geste large, s’écria d’une voix vibrante, sous les applaudissements d’un grand nombre de ses collègues « Le Libérateur du Territoire, le voilà ».

     

     

     

     

     

    Les obsèques d’Adolphe Tiers : le cortège passant sur le boulevard Saint-Denis au niveau de la porte Saint-Martin (Recueil Images d’Epinal de la Maison Pellerin, tome 9, 1875-1880. Illustration datée 1877. Source : Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographies. FOL-LI-59. 9).

    21 Les obsèques d’Adolphe Tiers : le cortège passant sur le boulevard Saint-Denis au niveau de la porte Saint-Martin (Recueil Images d’Epinal de la Maison Pellerin, tome 9, 1875-1880. Illustration datée 1877. Source : Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographies. FOL-LI-59. 9).

     

     

         « Patriam dilexit-Veritatem [Il a chéri sa patrie, et cultivé, vénéré la vérité]» (épitaphe apposée sur le monument où Thiers repose au cimetière du Père-Lachaise). Thiers décédera, moins de trois mois après cet incident, le 3 septembre 1877. Cinq jours plus tard, près d’un million de Parisiens assistèrent à ses obsèques. Les illustrateurs attitrés des enfants de la Troisième République se ruèrent sur cet événement comme la célèbre maison d’imageries Pellerin-Epinal (image ci-dessus). Et, quelques années plus tard, les grands magasins, commerces et chocolatiers éditèrent des chromos didactiques et/ou publicitaires enfantines, représentant Adolphe Thiers (la plupart d’entre elles sont sur cette page). Aujourd’hui encore, plus d’une centaine de villes de France consacrent une place ou une avenue à Adolphe Thiers.