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    Un maître de l’université de Paris en chaire, au Moyen Âge

    68. Un maître de l’université de Paris en chaire, au Moyen Âge (d’après un bas-relief de l’université de Paris. XVème siècle).

     

     

    Rappelons que la constitution officielle de l’université de Paris, communément appelée université de la Sorbonne, est issue de trois actes successifs : un diplôme de Philippe Auguste en 1200 ; une confirmation par le légat du pape Innocent III en 1215 ; une bulle du pape Grégoire IX en 1231 (v. chapitre VIII : La promulgation des statuts de l’université de Paris en 1215).

    Les dizaines d’écoles composant cette université s’associèrent alors en Facultés (de l’expression latine facultas docendi, « droit d’enseigner »), chacune d’entre elles étant dirigée par un doyen. 

    Ces Facultés étaient au nombre de quatre : Arts ; Médecine ; Théologie, la reine des sciences; et Décret.

    La Faculté des Arts avait un caractère préparatoire. On y enseignait les Arts libéraux : ceux du trivium : grammaire, rhétorique, dialectique ; et ceux du quadrivium : arithmétique, musique, géométrie, astronomie.

    Les trois autres Facultés, dont celle de Décret, avaient un caractère supérieur, l’obtention de la maîtrise de la Faculté des Arts y donnant accès.

     

     

    Corpus juris canonici

                                                           69. Corpus juris canonici

     

    La Faculté de Décret (Consultissima decretorum facultas) se limitait à l’enseignement du droit canonique (ou droit canon), sous forme de lectures et d’explications du Corpus juris canonici (v. chapitre XII : La Faculté de Décret, Rue Saint-Jean de Beauvais).

    Cet ouvrage réunissait, d’une part, le décret de Gratien (Concordantia Discandortium Canonum), un recueil de plus de 3800 textes de droit canonique rédigé vers 1140 par un moine bénédictin italien, d’autre part, des décisions pontificales appelées décrétales.

     

     

        

    X. La Faculté de Décret de la Sorbonne

                                                        70. Corpus juris civilis

     

     

    En effet, la bulle Super speculam de 1219 du pape Honorius III interdisait, à Paris, l’enseignement du droit civil.

    Le droit civil s’entendait des éléments de droit romain, réunis, au VIème siècle, à l’initiative de l’empereur Justinien, dans le Corpus juris civilis (Codex lustinianus ; Digeste ; Institutes ; Novelles).

    D’aucuns estiment que, à cette époque, l’enseignement du droit civil (ou droit romain) pouvait être considéré comme une menace pour l’enseignement de la théologie donc pour l’Église elle-même. Il est vrai que, au XIIème siècle, de nombreux ecclésiastiques s’étaient détournés de l’étude de la théologie au profit de l’étude de la médecine et du droit romain. Pour eux, ces sciences profanes et concrètes étaient bien plus utiles que la théologie pour assister leurs malades et gérer leur communauté religieuse.

    Aussi pour restaurer la primauté de l’enseignement de la théologie, la décrétale d’Honorius III adopta-t-elle trois mesures : l’excommunication de tous les religieux étudiant la médecine et les lois civiles dans leur diocèse ; l’obligation pour chaque église métropolitaine de dispenser un enseignement de théologie ; l’interdiction d’étudier les lois civiles dans la ville de Paris. À tort ou à raison, cette dernière interdiction fut interprétée comme s’adressant non seulement aux ecclésiastiques mais également aux séculiers.

     

     

      

     

    Un cours de droit à l'université de Bologne

    71. Un cours de droit à l'université de Bologne (Musée civique médiéval de Bologne)

     

     

    D’autres pensent que le pape Honorius III, en interdisant l’étude du droit civil à Paris, voulait favoriser l’université de Bologne. La fondation de cette université a été fixée en l’année 1088 par un comité d’historiens présidé par le poète italien Giosuè Carducci qui, lui-même, y enseigna la littérature au XIXème siècle.

    Dès la fin du XIème siècle, les maîtres grammairiens, de rhétorique et de logique de Bologne s’intéressèrent au droit et bientôt la renommée de cette université dans toute l’Europe fut attachée à l’enseignement du droit romain dispensé par Irnérius et ses élèves Martinus Gosia, Bulgarus, Jacobus, et Hugo (v. chapitre V : L’enseignement du droit dans les Écoles du cloître).

    C’est d’ailleurs, dans cette célèbre université, la plus ancienne d’Europe, que des grands maîtres de la nouvelle université de Paris, Étienne de Tournai et Pierre Peverel, avaient étudié le droit (v. chapitre VI : La naissance du Quartier Latin au XIIème siècle).

     

     

      

     

    Etudiants d’une nation étrangère à l’université de Bologne

    72. Etudiants d’une nation étrangère à l’université de Bologne (miniature de 1497).

     

    Vade Bononiam vel Parisiis  (Va-t-en à Paris ou à Bologne). L’université de Bologne attira rapidement les étudiants de toutes les nations européennes pour son enseignement du droit.

    Ainsi Geoffrey de Vinesauf (ou Galfridus de Vinosalvo), un poète anglais du Moyen Âge, qui vécut entre la fin du XIIème siècle et le début du XIIIème siècle, pouvait-il écrire : In morbis sanat medici virtute Salernum Agros. In causis Bononia legibus armat Nudos. Parisius dispensat in artibus illos Panes unde cibat robustos. Aurelianis Educat in cunis auctorum lacte tenellos (Poetria Nova 1013-17). En clair, les étudiants en médecine gagnaient l’université de Salerne (ou celle de Montpellier) ; ceux en droit l’université de Bologne, ceux en théologie et en Arts libéraux l’université de Paris. On ajoutera que l’université de Salamanque était réputée, quant à elle, pour l’enseignement de la musique et celle d’Orléans pour l’explication des auteurs (v. chapitre XI : Les étudiants de Paris à l’Université des lois d’Orléans).

    L’attrait de l’université de Bologne pour son enseignement du droit est encore mentionné dans une ancienne revue littéraire française en ces termes : « Dans l’Europe entière, pendant tout le moyen âge, quand un père destinait son fils à occuper les grandes charges de l’église ou de l’état, et qu’il voulait lui donner une éducation, il lui disait, en le munissant d’une bourse bien garnie : Vade Bononiam vel Parisiis »  (Revue des Deux Mondes. 1888, tome 88, p. 614).

    C’est ainsi que les jeunes gens de Paris attirés par les Arts libéraux (théologie et philosophie) restaient à Paris, et ceux qui se destinaient au barreau ou à la magistrature, se dirigeaient vers Bologne. Si la fortune de ces derniers ne leur permettait pas d’entreprendre un tel voyage, ils pouvaient toujours obtenir à moindre coût leur grade de licence en droit dans nos universités de province, en particulier à Orléans, Bourges ou Angers (v. chapitre XI : Les étudiants de Paris à l’Université des lois d’Orléans).

     

     

     

    Diplôme manuscrit de droit canon et de droit civil décerné par l’université de Bologne

    73-1. Diplôme de droit canon et de droit civil décerné par l’université de Bologne (collège des Flamands) le 17 août 1713 à l’étudiant bruxellois jean-François de Fraye

     

     

    Diplôme manuscrit de droit canon et de droit civil décerné par l’université de Bologne

    73-2. Diplôme de droit canon et de droit civil décerné par l’université de Bologne (collège des Flamands) le 17 août 1713 à l’étudiant bruxellois jean-François de Fraye

     

     

     

    X. La Faculté de Décret de la Sorbonne

    73-3.  Diplôme de droit canon et de droit civil décerné par l’université de Bologne (collège des Flamands) le 17 août 1713 à l’étudiant bruxellois jean-François de Fraye

     

     

     

    X. La Faculté de Décret de la Sorbonne

    73-4. Diplôme de droit canon et de droit civil décerné par l’université de Bologne (collège des Flamands) le 17 août 1713 à l’étudiant bruxellois jean-François de Fraye

     

     

     

    Diplôme de droit canon et de droit civil décerné par l’université de Bologne

    73-5. Diplôme de droit canon et de droit civil décerné par l’université de Bologne (collège des Flamands) le 17 août 1713 à l’étudiant bruxellois jean-François de Fraye 


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    Professeurs et étudiants au Moyen Âge

                                   74 Étudiants et professeurs au Moyen Âge

     

    La bulle pontificale Super speculam de 1219 du pape Honorius III avait interdit l’enseignement du droit civil ou droit romain à Paris (v. chapitre X : La Faculté de décret de la Sorbonne). L’interdiction ne fut levée qu’en 1679 par un édit de Louis XIV: v. chapitre XII : La Faculté des Droits au Collège Royal). Aussi les jeunes escholiers de Paris, qui se destinaient au barreau ou à la magistrature, devaient-ils prendre leur licence dans d’autres Écoles ou Universités de Droit. Les plus fortunés n’hésitaient pas à entreprendre le voyage pour gagner la célèbre Université de Bologne en Italie (v. chapitre X : La Faculté de décret de la Sorbonne). Mais en raison de l’éloignement et des difficultés de transport, ils ne pouvaient revenir dans leur famille avant la fin de leurs études, soit plusieurs années. 

     

     

     

    75 La cité d’Orléans au Moyen Âge

                                          75 La cité d’Orléans au Moyen Âge

     

    Les autres préféraient se rendre dans des Universités de province, en particulier celles d’Orléans, de Bourges ou d’Angers. Le plus souvent, ils choisissaient l’Université d’Orléans dont l’enseignement du droit civil et du droit canonique était réputé à travers toute l’Europe.

     

     

     

    XI. Les étudiants de Paris à l’Université des Lois d’Orléans

                                             76 La cité d’Orléans vers 1400

     

    La cité d’Orléans, étant à 27 lieues de Paris (130 kilomètres), pouvait être rejointe en deux ou trois journées, à cheval ou en coche public. On relèvera cependant que l’obligation pour les parisiens d’aller en province étudier le droit civil a pu être entravée, dans certaines périodes, par les guerres de religion. Ainsi, l’occupation d’Orléans en 1562 puis en 1567 par les huguenots (français protestants) provoqua-t-elle la fuite de tous ses étudiants catholiques.

     

     

     

    Molière par Coypel vers 1730

                     77 Molière (peinture de Charles Antoine Coypel. vers 1730).

     

    À titre d’anecdote, on évoquera Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673). Selon l’un de ses contemporains, cet enfant d’un tapissier du quartier des Halles de Paris aurait fait, de 1640 à 1643, une partie de ses études à l’École de Droit d’Orléans (Charles Boullanger de Challuset, dit le Boulanger de Chalussay : Elomire [anagramme de Molière] Hypocondre ou Les Médecins Venges. 1670, en free access sur Gallica.bnf.fr). Toutefois, reçu avocat en 1641, il aurait renoncé à la promotion sociale que lui offrait ce diplôme (possibilité d’achat d’une charge dans l’administration ou la justice), pour se consacrer à la comédie. Si ces confidences expriment la réalité (en ce sens : le site Internet de l'Université d'Orléans), on comprend bien mieux la maîtrise de Molière dans l’utilisation du langage de la basoche (hommes de lois : juges, avocats, procureurs, etc.), dans plusieurs de ses pièces notamment Les Fourberies de Scapin (en free access sur Gallica.bnf.fr : E. Paringaud, La langue du droit dans le théâtre de Molière, 1861 ; F. Sanlaville, Molière et le Droit, 1913). 

     

     

    L’Université des Lois d’Orléans

    78 L’Université des Lois d’Orléans (en free access sur Gallica.bnf.fr, Histoire de l’Université des Lois d’Orléans, 1853 [sans images ni cartes postales anciennes !]).

     

    C’est une bulle du pape Grégoire IX du 17 janvier 1235 qui avait autorisé l’enseignement du droit civil à Orléans. Plus tard, l’Université d’Orléans fut officiellement fondée par plusieurs autres bulles du pape Clément V du 27 janvier 1306. Sa fondation fut confirmée par le roi Philippe le Bel en 1313. Elle faisait alors partie des Universités dans lesquelles la théologie et les lettres n’étaient pas enseignées. Seuls le droit canon et le droit civil ou droit romain étaient enseignés. C’est la raison pour laquelle elle était appelée : « Université des lois ». 

     

     

     

    La collégiale Saint-Pierre-le-Puellier

                                   79 La collégiale Saint-Pierre-le-Puellier

     

    Aux XIIIème et XIVème siècles, l’Université des Lois d’Orléans ne disposait d'aucun bâtiment spécifique pour les enseignements. Les cours de droit étaient dispensés dans diverses maisons situées autour de la collégiale Saint-Pierre-le-Pulliers.

     

     

     

     La « Salle des Thèses » de l’Université des Lois d’Orléans

                   80 La « Salle des Thèses » de l’Université des Lois d’Orléans

     

    Toutefois, entre 1415 et 1445, un bâtiment fut construit pour servir de bibliothèque. Aujourd’hui il existe toujours, 2 rue Pothier (ancienne rue de l’Ecrivinerie), sous le nom de « Salle des Thèses ». Il est actuellement occupé par la Société Archéologique et Historique d’Orléans (SAHO).

     

     

     

     

    la « Salle des Thèses » de l’Université des Lois d’Orléans

       81 L’intérieur de la « Salle des Thèses » de l’Université des Lois d’Orléans

     

    Calvin, Perrault, Cujas, Rabelais ont fréquenté cette « Salle des Thèses » de l’Université d’Orléans où ils suivirent une partie de leurs études.

    Voici d'ailleurs un merveilleux récit de Charles Perrault (1628-1703), le célèbre auteur des Contes de ma mère l’Oye, qui raconte comment il se rendait en juillet 1651 à Orléans pour y passer ses examens de licence en droit avec deux acolytes (reçu avocat la même année, il délaissa l’avocature, déclarant qu'il était las de « traîner une robe dans le Palais ») :  

     

    « (...) Au mois de juillet 1651, j'allais prendre des licences à Orléans (...). On n'étoit pas en temps-là si difficile qu'on l'est aujourd'hui à donner des licences, ni les autres degrés de droit civil et canonique. Dès le soir même que nous arrivâmes, il nous prit fantaisie de nous faire recevoir, et, ayant heurté à la porte des écoles sur les dix heures du soir, un valet qui vint nous parler à la fenêtre, ayant sçu ce que nous souhaitions, nous demanda si notre argent étoit prêt. Sur ayant répondu que nous l'avions sur nous, il nous fit entrer et alla réveiller les docteurs, qui vinrent au nombre de trois, avec leur bonnet de nuit sous leur bonnet carré. (...) Un de nous, à qui l'on fit une question dont il ne me souvient pas, répondit hardiment : Matrimonium est légitima maris et foeminæ conjunctio, individuam vitæ consuetudinem continens, et dit sur ce sujet une infinité de belles choses qu'il avoit apprises par coeur. On lui fit ensuite une autre question sur laquelle il ne répondit rien qui vaille. Les deux autres furent ensuite interrogés, et ne firent pas beaucoup mieux que le premier. Cependant ces trois docteurs nous dirent qu'il y avoit plus de deux ans qu'ils n'en avoient interrogé de si habiles et qui en sçussent autant que nous. Je crois que le son de notre argent, que l'on comptoit derrière nous pendant que l'on nous interrogeoit, servit (...) à leur faire trouver nos réponses meilleures qu'elles n'étoient (NDLR : à cette époque, les écoliers devaient payer leurs maîtres pour passer leur grade de licence). Le lendemain, nous reprîmes le chemin de Paris » (Charles Perrault [1628-1703], Mémoires de ma vie [1702] in Paul Bonnefon [Éd.]. En free access  sur Gallica.bnf.fr). 

     

       

     

        

    Le messager

                           

                                                        82 Le Messager

     

    Lorsque l’on consulte de vieux documents ou livres consacrés à la vie des étudiants au Moyen-Âge, on y trouve souvent la reproduction de gravures représentant un messager (par exemple : Docteur Cabanes. Moeurs intimes du passé - 4ème série - La vie d'étudiant, Albin Michel, 1927). L’explication est simple. Avant Louis XI (1423-1483), il n’existait aucun service des postes. Aussi les escholiers venus de Paris pour étudier le droit civil dans les universités de province remettaient-ils des lettres à destination de leur famille à des messagers (nuntii minores ou viatores). Il en était de même des jeunes étrangers venus étudier à Paris. Les messagers, à cheval, portaient ces lettres aux familles restées dans leur terre natale.

     

    Voici, par exemple, une fort belle lettre d’un jeune homme faisant ses études de droit à l’Université d’Orléans dans laquelle il demande à ses parents de lui envoyer de l’argent pour lui permettre d’ « acheter du parchemin, de l'encre, un écritoire, et autres objets… » (Lettre publiée par Léopold Delisles : Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 1869, p. 139 et s.. En free access sur Gallica.bnf.fr).

     

    « A leurs chers et vénérés parents, M. Martre, chevalier,M., sa femme, M. et S., leurs fils, salut et obéissance filiale.

    Veuillez apprendre que, grâce à Dieu, nous demeurons en bonne santé dans la cité d'Orléans, et que nous nous consacrons tout entiers à l'étude, sachant que Caton a dit : Scire aliquid laus est...

    Nous occupons une bonne et belle maison, qui n'est séparée des écoles et du marché que par une seule maison, de sorte que nous pouvons nous rendre journellement aux cours sans nous mouiller les pieds.

    Nous avons aussi de bons camarades, déjà avancés et fort recommandables à tous égards.

    Mais pour que le manque d'instruments ne compromette pas les résultats que nous avons en vue, nous croyons devoir faire un appel à votre tendresse paternelle, et vous prier de nous envoyer, par le porteur de la présente, assez d'argent pour acheter du parchemin, de l'encre, un écritoire, et les autres objets dont nous avons besoin.

    Vous ne nous laisserez pas dans l'embarras et vous tiendrez à ce que nous finissions convenablement nos études, pour pouvoir revenir honorablement dans notre pays le porteur se chargerait bien aussi des souliers et des chausses que vous auriez à nous envoyer.

     

    Vous pournez aussi nous donner des nouvelles par la même voie ». 


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    Professeur et étudiants à La Renaissance des XIIème et XIIIème siècles

     

    83. Professeur et étudiants à La Renaissance des XIIème et XIIIème siècles.

     

    Rappelons que la Faculté de Décret, aussi appelée École de droit canon, regroupait des dizaines d’écoles de droit qui existaient au Moyen-Âge central (XIème-XIIème siècles) devant le parvis et dans le cloître de Notre-Dame (v. chapitre IV : Les écoles du cloître de Notre-Dame de Paris). Afin d’échapper au contrôle épiscopal, plusieurs de ces écoles, qui réunissaient chacune près d’une vingtaine d’écoliers, quittèrent l’Île de la Cité pour la Rive gauche de la Seine, en contrebas de la Montagne Sainte-Geneviève (v. chapitre VI : La naissance du Quartier Latin au XII° siècle).

     

     

     La rue du Clos-Bruneau aussi appelée rue des Écoles aux Décrets

          84. La rue du Clos-Bruneau aussi appelée rue des Écoles aux Décrets.

     

    Ces écoles de droit s’établirent, au début du XIIème siècle, dans l’actuel quartier de la Sorbonne, Rue du Clos-Bruneau, aussi mentionnée dans des écrits anciens Rue Clos-Burniau, Rue de Brenot, ou Rue Brunel, du nom de l’enclos d’un vignoble sur lequel elle passait (in vico cloffi Brunelli). La Rue du Clos-Bruneau fut également appelée Rue des Écoles aux Décrets car des professeurs y lisaient les décrets, c’est-à-dire le droit canonique lui-même (l’enseignement du droit civil ou droit romain avait été interdit à Paris par le pape Honorius III en 1219 : v. chapitre X : La Faculté de Décret de La Sorbonne). Ainsi un Doyen de la nouvelle université de Paris, qui deviendra l'université la Sorbonne, pouvait-il écrire que les Décrétistes, en 1384, donnaient leurs classes : « en la rue de Clo Brunel, et non point es ecoles du cloistre de Paris, et onques ni du fait » (Chartularium Universitatis Parisiensis, édité par H. Denifle et E. Chatelain, Paris 1894, t. III, p. 324, n° 1486). 

     

     

     

    3 Jean Gerson, un chancelier de l’Église de Paris (ou de Notre-Dame), & de l’Université

    85. Jean Gerson, un chancelier de l’Église de Paris (ou de Notre-Dame), & de l’Université (1389-1395). Avant Gerson, cette dignité fut conférée à Jean de Calore (1370-1380) Jean Blanchart (1381-1386), Jean de Guignecourt (1386-1389) et Pierre d’Ailly (1389-1395). 

     

    De l’autorité pour conférer la licence en droit. La dignité de chancelier de l’Église de Paris (ou de Notre-Dame), & de l’Université réunissait deux offices. D’une part, celui de chancelier de cette église (inspection sur les collèges et garde du sceau). D’autre part, celui de chancelier de l’Université « donnant la bénédiction de licence de l’autorité apostolique, et le pouvoir d’enseigner à Paris et ailleurs ». C’est précisément ce droit du chancelier de Notre-Dame de conférer la licence qui fut remis en cause avec l’installation rue du Clos-Bruneau d’une partie des écoles de droit de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Aussi le Chapitre de Notre-Dame engagea-t-il, en l’année 1384, un procès au Parlement contre l’École de droit canon (ou Faculté de Décret) pour qu’elle revienne dans le cloître. Les Décrétistes rétorquaient que le service divin ne constituait pas un empêchement pour les chanoines [decretum doctor], de venir eux-mêmes donner leurs enseignements de droit au Clos-Bruneau. Le Chapitre gagna son procès, mais il ne donna pas suite au compromis qui s’en suivit. Aux termes de celui-ci, le chancelier de Notre-Dame aurait eu le droit de conférer la licence en droit, sous réserve que les Maîtres des écoles du Chapitre donnent leurs leçons ordinaires « entre les deux ponts », sous l’autorité du doyen de la Faculté de Décret.

     

     

     

     

    La Rue Saint-Jean-de-Beauvais, ancienne rue du Clos-Bruneau

     

      86. La Rue Saint-Jean-de-Beauvais, ancienne rue du Clos-Bruneau (plan de Truschet et Hoyau vers 1550).

     

    La Rue du Clos-Bruneau deviendra plus tard la Rue Saint-Jean-de-Beauvais. Pour Jaillot, cette dénomination viendrait de Jean de Beauvais, un libraire demeurant au coin de la rue des Noyers, boulevard Saint-Germain.

     

     

     

    5 Le collège de Dormans-Beauvais (Charles Fichot, 1861. Musée Carnavalet).

    87. Le collège de Dormans-Beauvais (Charles Fichot, 1861. Musée Carnavalet).

     

    Pour d’autres, elle viendrait du célèbre Collège de Beauvais, aussi dénommé collège de Dormans-Beauvais, qui avait été bâti, en 1370, à cet endroit, par Jean de Dormans, cardinal évêque de Beauvais, pour l’accueil de douze boursiers nés à Dormans. La chapelle du collège de Beauvais, en premier plan de cette image, subsiste, aujourd’hui, au 9 bis rue Jean de Beauvais, dans le prolongement de la rue de Latran. Elle est affectée au culte orthodoxe roumain (église des Saints Archanges). 

     

     

     

    Percement de la rue des Ecoles sur la rue Saint-Jean-de-Beauvais (photographie de Charles Marville)

    89. Percement de la rue des Ecoles sur la rue Saint-Jean-de-Beauvais

    (photographie de Charles Marville).

     

    La rue Saint Jean-de-Beauvais, ancienne rue du Clos-Bruneau, a été en grande partie démolie en 1858 pour le percement de la rue des Écoles.

     

     

     

     La rue Saint-Jean-de-Beauvais à présent

                             90. La rue Saint-Jean-de-Beauvais à présent.

     

    Aujourd’hui, son nom a été donné à une voie du 5ème arrondissement commençant boulevard Saint-Germain, au niveau de la Place Maubert, montant jusqu’à la rue des Écoles, et longeant la rue de Latran (en jaune sur ce plan).

     

     

     

    La première édition de la Bible publiée par l’imprimeur de la rue Saint-Jean-de-Beauvais, Robert Estienne

    91. La première édition de la Bible publiée par l’imprimeur de la rue Saint-Jean-de-Beauvais, Robert Estienne. En couverture, la marque de cet imprimeur : un olivier dont plusieurs branches sont détachées avec une citation de l’Épitre de Saint Paul aux Romains (11.20) : « Noli altum sapere, sed time » (« ne t’abandonne pas à l’orgueil, mais crains »).

     

    Des écoles de droit canonique, autres que celles venues du parvis et du cloître Notre-Dame, composaient encore la Faculté de Décret de la nouvelle Université de Paris. En particulier, celle créée, en 1384, par deux savants, Gilbert et Philippe Ponce, rue Saint-Jean-de-Beauvais (en fait, il s’agissait d’un regroupement de plusieurs écoles de droit). Pour la plupart des historiens de nos rues de Paris, cette école de droit canon, Clauso Brunello universitatis Parisiensis, était située en face de la boutique et des ateliers du grand imprimeur Robert Estienne (1503-1559). Toutefois, Henri Sauval considérait que Robert Estienne s’était établi dans la maison même de l’ancienne école de droit de Gilbert et Philippe Ponce (Henri Sauval : Histoire et recherches des Antiquités de la ville de Paris. 1724. Tome II, p. 355. En free access sur gallica.bnf.fr). Pour autant, tous s’accordent à rappeler que le célèbre imprimeur Robert Estienne, sous l’enseigne de l’Olivier, imprima non seulement plusieurs versions de la Bible, mais aussi des jurisconsultes et des traités à l’usage des écoles de droit (je n’ai pu retrouver d’images de ces traités !). Persécuté par le collège de la Sorbonne (sic !), qui le suspectait d’hérésie dans la publication de certaines versions de la Bible, Robert Estienne s’exila à Genève où il mourut en 1559.

     

     


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    XIII. Saint Yves, l’avocat des pauvres, patron des avocats.

    92. Saint Yves (illustration d’après une ancienne bannière de Tréguier. Saint Yves : Etudes sur sa vie et son temps, par M. L’Abbé France, 2ème édition, Saint-Brieux, 1893. En libre accès sur www.gallica.bnf.fr).

     

    Un célèbre breton du Moyen Âge illustre parfaitement les éléments mentionnés dans plusieurs chapitres de cette histoire de la Faculté de Droit de Paris. Il s’agit d’Yves (en breton : Erwan) Hélori de Kermartin, plus connu sous les noms d’Yves de Tréguier ou Saint Yves (1253-1303). Il étudia le droit aux Universités de Paris et d’Orléans dont il fut Docteur, avant de devenir prêtre (paroisse de Trédrez, puis de Louannec) et Official, autrement dit juge au tribunal de l’Évêque, d’abord à Rennes, ensuite à Tréguier (l’officialité permettait d’être avocat devant les juridictions féodales et royales en même temps que juge du tribunal de l’Evêque).

     

     

     

    XIII. Saint Yves, l’avocat des pauvres, patron des avocats.

    93. Saint Yves, avocat : entre le riche et le pauvre (statue de l’église d’Irvillac, du département du Finistère dans la région Bretagne). Beaucoup de statues et d’images anciennes nous montrent Saint Yves, habillé en avocat ou en juge, entre le riche et le pauvre. L’un d’entre eux tient toujours à la main des « sacs de procès », car à l’époque on écrivait les actes sur des papiers ou des parchemins roulés ensuite dans un sac. Le riche est celui qui porte de beaux habits et un chapeau sur la tête, alors que le pauvre est découvert. 

     

    Advocatus erat, sed non latro, res mirabilis populo : Il était avocat, mais pas voleur, chose admirable pour les gens (Dicton du XIIIe siècle à propos de la générosité d’Yves de Tréguier). Les procès qu’Yves plaida comme avocat le rendirent célèbre dans le peuple autant pour l’habileté de ses plaidoiries que par son désintéressement, puisqu’il ne demandait pas d’honoraires aux pauvres, aux veuves et aux orphelins. C’est ainsi qu’Yves de Tréguier est non seulement devenu le proverbial protecteur des pauvres, des veuves et des orphelins, mais aussi le saint patron des avocats et même de tous les gens de loi (notaires, avoués, huissiers, etc.).

     

     

    XIII. Saint Yves, l’avocat des pauvres, patron des avocats.

    94. Saint Yves. Patron des Avocats, Notaires, Avoués, Huissiers, etc… (image enfantine fin du XIXème siècle).

     

    Yves de Tréguier fut déclaré saint en 1347, et les Barreaux, ordres professionnels des avocats, le considèrent toujours comme leur patron, non seulement en Bretagne mais dans toute la France et même dans d’autres pays du monde.

     

     

    XIII. Saint Yves, l’avocat des pauvres, patron des avocats.

    95. Le Pardon de Saint-Yves, 20 mai 1964 (image extraite d’une vidéo de l’INA en accès libre : http://www.ina.fr/video/RYC9710315504). En Bretagne, le pardon veut dire fête religieuse du Saint Patron.

     

    Aujourd’hui encore, au Grand Pardon de Saint-Yves, qui réunit chaque année, au mois de mai, plusieurs milliers de personnes, des délégations d’avocats venus de toute la France et parfois de plus loin encore sont présentes.

     

     

     

    XIII. Saint Yves, l’avocat des pauvres, patron des avocats.

    96. Tréguier. Le Minihy. La ferme de Kermartin. C’est sur cet emplacement, ainsi que l’indique la plaque apposée sur la maison, que se trouvait le manoir de Kermartin où naquit Saint-Yves. Le vieux puits, au premier plan, est de l’époque. Le manoir en ruine a été démoli en 1827 par Mgr Quelen, archevêque de Paris, reconstruit en 1834 par M. Guilleme, le maire de Tréguier, et incendié accidentellement en 1907.

     

    Yves Hélory (Hélori ou Héloury) naquit , il y a 764 ans, le 17 octobre 1253, sous le règne de Saint Louis, au manoir de Kermartin, à Minihy-Tréguier, en Bretagne. Enfant de petits nobles bretons, il étudia la grammaire auprès du recteur de Pleubian, et il fut éduqué et protégé par Jean de Kerc’hoz, son précepteur de sept ans plus âgé que lui.

     

     

    XIII. Saint Yves, l’avocat des pauvres, patron des avocats.

     

    97. Jeunes escholiers gagnant les collèges de Paris sous la conduite des messagers de l'Université (dessin d’Albert Robida, extrait de son livre : Les escholiers du temps jadis, Librairie Armand Colin, 1907. En libre accès sur www.gallica.bnf.fr). Dès sa naissance, l’Université de Paris avait établi des messagers qui se chargeaient d’aller chercher dans les provinces, et de conduire à Paris les jeunes gens qui voulaient venir y étudier.

     

    Lorsqu’Yves atteignit l’âge de quatorze ans, ses parents décidèrent de l’envoyer à l’Université de Paris, pour qu’il y suive des enseignements de philosophie, de théologie et de droit, accompagné de son précepteur Jean de Kerc’hoz. Le voyage étant long et non sans dangers, le convoi de plusieurs jeunes bretons, tous escholiers de droit, fut escorté de messagers de l’Université de Paris et d’hommes d’armes auxquels se joignit le seigneur de Kermartin lui-même.

     

    La suite, dans quelques jours, avec le chapitre XIV de cette histoire de la Faculté de Droit de Paris en images et cartes postales anciennes : Saint Yves, étudiant en droit à Paris et Orléans.


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    Saint Yves, par Rogier van der Weyden (XVème siècle)

                  98 Saint Yves, par Rogier van der Weyden (XVème siècle)

     

     

    Voici la suite des aventures d’Yves de Tréguier qui fut envoyé, à l’âge de 14 ans, par ses parents, petits nobles bretons, à l’Université de Paris pour y étudier, pendant près de dix années, la philosophie, la théologie et le droit canonique (v. la première partie de ses aventures : chapitre XIII : Saint Yves, l'avocat des pauvres, patron des avocats). Plus tard, il rejoignit l’Université d’Orléans pour étudier le droit civil et se perfectionner dans le droit canonique. 

     

     

     

    Un professeur en chaire au Moyen Âge, d’après un bas relief de l’Université de Paris, au XVème siècle

    99. Un professeur en chaire au Moyen Âge, d’après un bas relief de l’Université de Paris, au XVème siècle.

     

     

    Saint Yves : étudiant à Paris. Yves de Tréguier et ses jeunes compagnons de voyage et d’études arrivèrent à Paris au début du mois d’octobre 1267. Ils s’inscrivirent aussitôt aux cours de la communauté des « Maîtres et écoliers de Paris » dont les statuts avaient été promulgués, en août 1215, et qui sera renommée, en 1323, « Université de Paris » (v. chapitre VIII : La promulgation des statuts de l’Université de Paris en 1215). La venue de jeunes provinciaux à Paris, en cette année 1267, pour suivre leurs études « supérieures » met en évidence la qualité déjà bien ancrée de sa toute nouvelle Université (v. chapitre  IX : La fondation de la Sorbonne, rue Coupe-Gueule). En effet, lorsqu’Yves et ses compagnons se présentèrent pour suivre les cours de l’Université de Paris, ses grands maîtres, Albert-le-Grand, saint Bonaventure et saint Thomas d'Aquin, attiraient déjà près de vingt-cinq mille étudiants, venus de toutes les provinces de France et de nombreux pays étrangers. Parmi eux : Dante d'Alghiéri, Duns-Scot, Raymond Lulle et Roger Bacon.

     

     

     

     

    Albert Robida : Les écoles de la rue du Fouarre au Moyen Âge

    100  Les écoles de la rue du Fouarre au Moyen Âge (Dessin d’Albert Robida, extrait de son livre : Les escholiers du temps jadis, Librairie Armand Colin, 1907. En free access sur gallica.bnf.fr).

     

     

    De la rue du Fouarre… Nos jeunes bretons trouvèrent d’abord à se loger, en contrebas de la Montagne Sainte-Geneviève, rue de Fouarre où étaient déjà installés leurs compatriotes en très grand nombre. La rue de Fouarre ou du Feurre (synonymes de paille ou fourrage) était ainsi nommée à cause des bottes de paille dont elle était jonchée et sur lesquelles les écoliers et leurs maîtres s’asseyaient pendant les leçons (v. chapitre VI : La naissance du Quartier Latin au XIIème siècle). Toutefois, Yves, lui, suivait les conférences des maîtres de l’Université non pas rue du Fouarre, mais dans des écoles plus éloignées. Il résidait seulement dans l’une des maisons de la rue du Fouarre dont les extrémités fermées la nuit le protégeaient des chahuts estudiantins nocturnes. Il y mangeait, dormait dans une chambre qu’il partageait avec Jean de Kerc’hoz, son précepteur, et s’adonnait aux exercices de piété et de prières propres à son époque (ses contemporains relatent qu’il ne couchait pas dans son lit, mais sur un peu de paille, et qu’il donnait aux pauvres toutes les portions de viande qui lui étaient servies).

     

     

     

     

     

    Sceau de la Nation Normande

     

    101 Sceau de la Nation Normande. À cette époque, les membres des Facultés de l’Université de Paris, en particulier celle des Arts,  étaient subdivisés en quatre « Nations » qui correspondaient aux pays d’où ils étaient originaires : la Nation de Normandie pour les Normands et les Bretons ; la Nation de Picardie ; la Nation d’Angleterre, rebaptisée Nation d’Allemagne pour les Allemands, les Anglais et les Suédois ; et la Nation de France réunissant les Français de Paris, Bourges, Sens, Tours et Reims, ainsi que, plus largement, tous les latins.

     

     

    … à la rue Saint-Jean de Beauvais. Yves quitta la rue du Fouarre, après une année seulement, pour être plus près des cours de l'Université. Il s’installa rue Saint-Jean de Beauvais dans l’un des nombreux collèges qui accueillaient les maîtres et étudiants Normands et Bretons réunis au sein de la Nation de Normandie (« l’on pouvait s’y croire en Bretagne » raconte l’un d’eux !). Mais surtout, cette rue Saint-Jean de Beauvais, qui longeait le Clos-Bruneau, accueillait la plupart des écoles de droit du Quartier Latin, qui formaient la Faculté de Décret de la nouvelle Université de Paris (v. chapitre XII. La Faculté de Décret, rue Saint-Jean de Beauvais).

     

     

     

     

    Collège des Cholets au Moyen Âge

     

    102 Un collège du Quartier Latin au Moyen Âge. Il s’agit du collège des Cholets qui a été fondé en 1295 pour les étudiants de Beauvais et d’Amiens avec la succession du cardinal Jean Cholet, mort en 1292. Il a été réuni au collège Louis-le-Grand en 1764. Il s’agit de l’un des plus anciens collèges de l’Université de Paris avec celui d’Harcourt fondé en 1280. La plupart de ces collèges ont été détruits et il n’en reste éventuellement que des estampes anciennes. Je ne sais dans quel collège de la rue Saint-Jean de Beauvais Yves de Tréguier fut hébergé (si quelqu’un a une idée, je suis preneur !). Les collèges créés spécialement pour l’accueil des étudiants bretons comme celui de Léon et évidemment celui de Tréguier sont plus tardifs (vers 1325). Mais souvent les collèges fondés pour les étudiants d’une province ou d’une nation donnée, comme les collèges d’Harcourt ou de Beauvais, acceptaient d’accueillir des étudiants d’autres province ou nations.

     

     

    Pendant plusieurs années, Yves étudia, avec ardeur, les divers matières du Trivium (grammaire, rhétorique, dialectique [philosophie]) et du Quadrivium (arithmétique, musique, géométrie, astronomie), les deux degrés successifs des arts-libéraux, ainsi que les décrétales, c’est-à-dire le droit canonique lui-même. L’un de ses compagnons d’études, Yves Suet, témoigna qu’Yves fut Maître-ès-arts à vingt-ans (vers 1270) et qu’il aurait enseigné les lettres pendant un certain temps tout en s’appliquant à l’étude de la théologie et du droit canonique dans la rue du Clos-Bruneau (Jean Christophe Cassard : Saint Yves de Tréguier : un saint du XIIIème siècle, éd. Beauchesne, 1997, p. 15).

     

     

     

     

     

     

     

    La cité d’Orléans (gravure de Johanes Peeters Leli ou Lely [1624-1677])

     

    103 La cité d’Orléans (gravure de Johanes Peeters Leli ou Lely [1624-1677])

     

     

    Saint Yves : étudiant à Orléans. En 1277, Yves de Tréguier, accompagné de son fidèle précepteur Jean de Kerc’hoz, quitta l’Université de Paris pour les écoles de droit civil d’Orléans (v. chapitre XI : Les étudiants de Paris à l’Université des Lois d’Orléans). Il put y suivre, d’une part, des enseignements de droit civil (ou droit romain), qui avaient été interdits à Paris par le pape Honorius III en 1219 (v. chapitre X : La Faculté de Décret de La Sorbonne), d’autre part, des enseignements de droit canonique sous la férule de Guillaume de Blaye pour les décrétales, et de Guillaume de Pierre de la Chapelle pour les Institutes.

     

     

     

     

    Saint Yves, patron des avocats et des gens de lois

     

    104 Saint Yves, patron des avocats et des gens de lois (notaires, avoués, huissiers…), et protecteurs des pauvres, des veuves et des orphelins.

     

     

    Saint Yves : avocat des pauvres. Après plusieurs années d’études, de mortifications et d’assistance aux pauvres, Yves de Tréguier, appelé par l’archidiacre Maurice, retourna, en 1280, en Bretagne. Il tint à Rennes les fonctions de juge au tribunal de l’Évêque, autrement dit d’official (plus tard, il fut official à Tréguier où il fut ordonné prêtre). Cette officialité lui permettait d’être en même temps avocat devant les juridictions féodales et royales. C’est ainsi qu’il put mettre à profit sa connaissance des lois et sa grande éloquence pour défendre les veuves, les pauvres et les orphelins, contre les riches et puissants seigneurs.

     

     

     

     

    Fanch Lell, Pardon de Saint Yves à Tréguier

     

    105 Fanch Lell, « Pardon de Saint Yves à Tréguier » (la châsse contenant le Chef de Saint Yves est portée en procession par des avocats en robe jusqu’à sa paroisse natale, Minihy-Tréguier). Aujourd’hui âgé de 88 ans, Fanch Lell a peint plus de 20 000 tableaux représentant, pour la plupart, des scènes de sa Bretagne natale, « la plus belle région française » selon ses propres mots. 

     

     

    Modèle de prêtre, d’avocat, de juge et de bonté, Yves de Tréguier s’éteignit en 1303. Il fut reconnu quarante-quatre ans après sa mort, comme saint, honoré le 19 mai par l’Église catholique, grâce à Clément VI, pape d’Avignon. Patron des avocats et des hommes de lois, ainsi que de la Bretagne (avec Sainte Anne), Saint Yves est fêté religieusement, aujourd’hui encore, tous les ans, au mois de mai (Pardon de Saint Yves).

     

     

     





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