• « Faire son droit » : de l’origine d’une expression française

     

     

     

    Introduction au droit. Jérôme Bonnard

                                          1  Il fera son droit (dessin de Plantu)

     

     

    À l’Ecole de Droit : l’examen (dessin de Starling)

                           2. À l’Ecole de Droit : l’examen (dessin de Starling)

                                  - Pourquoi avez-vous choisi de faire droit ?

                            - Pour la robe (de docteur, de professeur d'université, d'avocat, de juge, d'huissier, de notaire...)

     

       « Faire son droit ». Voila une expression connue de tous, imagée et bien moins triste que sa voisine « faire son deuil ». Toutefois, contrairement à l’expression  « faire son deuil »  dont l’origine est connue de tous (le deuil, du latin dolus, signifie la douleur et s’appliquait au XIXème siècle à une chose qui disparaissait, avant d’être étendue aux personnes défuntes), nos dictionnaires et encyclopédies sont quasiment aux abonnés absents pour éclairer les visiteurs de ce blog, futurs ou actuels « diseurs de droit » (à ne pas confondre avec les « diseurs de bonne aventure »).

     

      L’expression « faire son droit » est tout au plus mentionnée dans le dictionnaire d’Emile Littré, reproduit par le site Internet du Centre National de Ressources textuelles et Lexicales du CNRS, en ces termes : 

    « Connaissance, science des lois. Étudier le droit. École de droit. Professeur en droit. Les étudiants, les élèves en droit. Étudier en droit, faire son droit, fréquenter les écoles où l'on enseigne le droit ». 

     

        Du côté des dictionnaires, vocabulaires et lexiques juridiques de Gérard Cornu et Cie  (PUF), ou de Serge Guinchard, Gabriel Montagnier et Cie (Dalloz), ce n'est guère plus brillant ! Pas un mot sur cette belle expression, alors même que ces ouvrages consacrent plusieurs pages à définir le mot Droit, et à citer d'innombrables groupes de mots commençant par Droit (droit des gens, droit civil, droit de garde, droits de l'homme, etc.), de manière, il est vrai, bien aléatoire (aucune référence au droit de cuissage ou de jambage des Seigneurs du Moyen Âge, ni aux droits de présence versés aux professeurs des Facultés de droit par les étudiants au XIXème siècle pour passer leurs examens !).  

     

          Aussi irai-je droit au but (métaphore juridico-footballistique). Faire son droit ou faire droit, à l’instar des expressions faire sa médecine ou faire médecine, veut dire faire ou suivre des études de droit ou de médecine. 

     

    Un exemple en est donné avec le jeune Gustave Flaubert qui, après avoir été reçu bachelier, prit ses inscriptions à la Faculté de Droit de Paris, sans grande conviction. 

      

    Dans une lettre à son ami Ernest Chevalier, il écrivait : «  En tout cas je ferai mon droit, je me ferai recevoir avocat, même docteur, pour fainéantiser un an de plus ». 

      

     

     

     

    « Faire son droit » : de l’origine d’une expression française

    3. Le jeune étudiant en droit de L'Education sentimentale de Gustave Flaubert

      

     

      Frédéric Moreau fait son droit à Paris. Gustave Flaubert récidiva (du latin recidivare : commettre de nouveau une infraction, après une première condamnation définitive), dans l’un de ses romans, en ces termes : « M. Frédéric Moreau, nouvellement reçu bachelier, s’en retournait à Nogent-sur-Seine, où il devait languir pendant deux mois, avant d’aller faire son droit » (G. Flaubert, L’éducation sentimentale, 1869).

     

         Mais alors qu'elle est l'origine de cette expression admise par nos plus grands écrivains et l'ensemble de nos étudiants du Quartier latin ? Je n'irai pas par trois ou quatre chemins, car, en vérité, en vérité, je vous le dis (amne amen dico vobis), je l'ignore (du latin ignorare: ne pas connaître, être dans l'ignorance. Par exemple: Nul n'est censé ignoré la loi).

     

         Toutefois, je vous reproduis une hypothèse bien séduisante que j'ai dénichée (enlever un oiseau de non nid) sur un site Internet en accès libre:

     

    WordReference.com : Faire son droit

     

       "Il me semble que c'est lié à une tradition familiale qui veut (ou voulait) que le fils (aîné) - mais aujourd'hui aussi la fille - prenne automatiquement la succession de son père comme avocat, magistrat, notaire... Pour moi, "il/elle fait son droit" implique cette vision d'une étape obligée (il faut bien passer par là) dans un parcours tracé d'avance. Je ne sais pas si j'utiliserais cette expression pour un jeune issu d'un milieu plus populaire et qui se serait orienté vers de études de droit.

           C'est ce qui expliquerait aussi pourquoi on peut parfois entendre "il fait sa médecine", pour les mêmes raisons, mais qu'on n'utilise pas cette expression pour des études plus récentes ou des carrières qui ont moins cette image de "succession de père en fils/fille". "Il fait son informatique", "elle fait son histoire", "il fait son ingénieur"... seraient curieux ou prêteraient carrément à sourire". 

     

         À très bientôt pour le prochain post de ce blog de désinformation juridique : Eugène de Rastignac fait son droit (Balzac. Le père Goriot).