• Le Droit : on ne sait pas ce que c'est (Gustave Flaubert)

     

     

     

    Grandville. Le procès. Lithographie 1833

    Jean Ignace Isidore Gérard, dit Grandville ou Jean-Jacques Grandville (1803-1847). Le Procès. La Caricature. 21 mars 1833. Lithographie. 

     

    Cette rubrique intitulée « Comédies du Droit » sera constituée, au fil des mois, de textes d’auteurs célèbres, méconnus ou anonymes, qui ont tourné le droit et les gens de justice en dérision. Ces textes seront enrichis de nombreuses images anciennes.

     

     

    ☺Pour l’heure, voici quelques témoignages vibrants et émouvants de grands écrivains sur leurs études de droit.

     

     

    Voltaire, élève brillant en rhétorique et en philosophie, négligea ses études de droit commencées en 1713 : « Ce qui m’a dégouté de la profession d’avocat, c’est la profusion de choses inutiles dont on a voulu charger ma cervelle » (Lettre au marquis d’Argenson, 1739).

     

     

     Honoré de Balzac, qui avait fréquenté, de 1816 à 1819, les bancs de l’École de Droit du Panthéon écrivait : « Je ne me suis point sali les pieds dans ce bouge à commentaires, un grenier à bavardages, appelé École de Droit » (Le contrat de mariage, 1835).

     

     

    Franz Kafka racontait : « Je fis donc des études de droit, c’est-à-dire que, m’épuisant sérieusement les nerfs pendant les quelques mois qui précédaient les examens, je me suis nourri spirituellement d’une sciure de bois que, pour comble, des milliers de bouches avaient déjà mâchée pour moi » (Lettre au père, 1919).

     

     

     

    Le Droit : on ne sait pas ce que c'est (Gustave Flaubert)

    " Le droit est la plus puissante des écoles de l'imagination. Jamais poète n'a interprété la nature aussi librement qu'un juriste la réalité " (Jean Giraudoux. La guerre de Troie n'aura pas lieu. 1935).

     

     

    D'autres, à la plume élégante et parfois piquante, délaissèrent le droit et l'avocature pour la tragédie ou la comédie où ils purent éventuellement témoigner d'une parfaite connaissance du langage de la basoche (hommes de lois: juges, avocats, procureurs, etc.).

     

       Parmi eux, Pierre Corneille (1606-1684), qui fut reçu avocat au Parlement de Rouen, en juin 1624, à l’âge de dix-huit ans, après avoir été licencié ès loix d’une Faculté de droit de province, sans doute celle de Caen ou de Poitiers (dans sa Comédie : Le Menteur, Corneille se dévoile sous le personnage de Dorante, un avocat défroqué, ayant suivi ses études à la Faculté de Droit de Poitiers). Faute d’avoir plaidé, Corneille perdit son titre d’avocat (son matricule d’après le langage de son époque). Après sa mort, son neveu, Fontenelle affirmait : « Il se mit d’abord au barreau ; mais comme il avait trop d’élévation d’esprit pour ce métier là et un génie trop différent des affaires, il n’eut pas plus tôt plaidé une fois qu’il y renonça » (Fontenelle, Nouvelles de la République des lettres, 2ème édition, janvier 1689, p. 89). Ce que ses biographes ignorent c'est que, à défaut d'avoir plaidé comme avocat au Parlement, Pierre Corneille fut magistrat, en qualité d'avocat du Roi aux eaux et forêts, et premier avocat du Roi en l'amirauté. Ayant acquis ces deux offices en 1628-1629, il en assuma les charges avec application jusqu'en 1650, année de la résignation, conjointement à l'écriture de ses tragédies (Le Cid, 1636, etc.) et comédies (Le Menteur, 1642).

     

        Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, fit une partie de ses études à l’Université des Lois d’Orléans de 1640 à 1643 (en free access sur gallica.bnf.fr : E. Paringaud, La langue du droit dans le théâtre de Molière, 1861 ; F. Sanlaville, Molière et le Droit, 1913). Reçu avocat en 1641, il renonça à la promotion sociale que lui offrait ce diplôme (possibilité d’achat d’une charge dans l’administration ou la justice), pour devenir comédien.

     

     

       Charles Perrault, auteur des célèbres « Contes de ma mère l’Oye » (Peau d’Âne ; La Belle au bois dormant ; Le Petit Poucet ; Barbe Bleue ; Le Petit Chaperon rouge ; Cendrillon ; Le Chat Botté...) étudia également le droit à l’Université d’Orléans en 1650. Reçu avocat à Paris, il quitta cette fonction pour d’autres cieux où il voyait « plus de douceur et de plaisir qu'à traîner une robe dans le Palais ».

     

       Nicolas Boileau, après des études de théologie et de droit à la Sorbonne, fut reçu avocat au Parlement, le 4 décembre 1656, à l’âge de 20 ans : « Il suivit le Barreau pendant quelques temps ; mais il préféra les douceurs de la poésie au tumulte des affaires » (Œuvres de Nicolas Boileau-Despréaux, avec des éclaircissements historiques donnés par lui-même. 1729, p. 28, note 115. En free access sur gallica.bnf.fr).

     

     

       Et, en des temps moins lointains, Eugène Labiche délaissa ses études de droit, commencées en 1833, pour nous offrir ses merveilleux vaudevilles juridiques (en free access sur gallica.bnf.fr : L’avocat d’un grec ; L’avocat Loubet ; L’avocat pédicure ; L’article 960 ou la donation ; L’article 330 ; L’ami des lois, etc.).