• Le nouveau Jardin du Luxembourg, poésie de Laprade (1868)

     

     

     

     

    Le Jardin du Luxembourg en 1794 par Jacques-Louis David (1748-1825). Source : Musée du Louvre

    Le Jardin du Luxembourg en 1794 par Jacques-Louis David (1748-1825). Source : Musée du Louvre. Cette toile porte la mention suivante : Vue d’un jardin dite vue du jardin du Luxembourg, à Paris.

     

     

               Sous le Second Empire (1852-1870), les aménagements de grande ampleur de Paris par le baron Haussmann, préfet de la Seine, se firent largement aux dépens du Jardin du Luxembourg, entraînant de violentes critiques dont celles de Victor de Laprade (1812-1883), un professeur de la Faculté des Lettres de Lyon, devenu député en 1871, et poète, élu à l’Académie française au fauteuil d’Alfred de Musset, en 1858.

     

             Les vers de sa poésie « Le nouveau Jardin du Luxembourg » (1858), évoquent ainsi l’amputation du Luxembourg qui s’en suivit pour permettre la création de voies et d’axes en ligne droite. Pour mieux les comprendre, j’abandonne, au préalable,  la plume d’oie ou le clavier d’ordinateur aux auteurs anonymes de l’encyclopédie en ligne wikipedia qui ont rédigé l’article Jardin du Luxembourg » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Jardin_du_Luxembourg). 

     

     

    « Sous le Second Empire, l'histoire du jardin est marquée par les travaux d’urbanisme du baron Haussmann. L’ouverture du boulevard Saint-Michel  — qui s'appelait alors « boulevard de Sébastopol» — et de la rue de Médicis réduisent le jardin au nord-est. L'intention d'Haussmann était de laisser la grotte Médicis  à son emplacement et ainsi de l'isoler sur une placette. Face aux protestations, elle est finalement démontée pierre par pierre, reconstruite et transformée en fontaine là où on peut l'admirer aujourd'hui. Un plan d'eau lui fait désormais office de miroir et la Vénus de la niche centrale est remplacée par Polyphème surprenant Galatée dans les bras d'Acis d’Auguste Ottin.

     

    Au nord-ouest, la démolition du couvent des Filles du Calvaire et l'élargissement de la rue de Vaugirard opéré en 1845, amènent Gisors à recomposer les bâtiments entre le palais du Luxembourg et le petit Luxembourg. Les protestations redoublent quand, en 1865, pour le percement de la rue Auguste-Comte, est annoncé le projet de suppression de la pépinière, dont les terrains doivent être bâtis. Les promenades dans cette partie sud du jardin étaient particulièrement appréciées des Parisiens. Après une inspection sur place, Napoléon III arbitre en faveur des travaux ».

     

    Le nouveau Jardin du Luxembourg. Victor de Laprade (Le Diable à Paris, J. Hetzel, 1868, volume 3, p. 96. En libre accès sur wikisource).

     

    Le sacrilège est consommé !
    Cherche, ô muse, un nouvel asile;
    En frappant ce sol bien-aimé,
    C’est toi, c’est l’esprit qu’on exile.

    Au lieu de ce vague horizon 
    Tout vert de lierre et de charmilles,
    Le voilà fermé sous des grilles,
    Le vieux jardin mis en prison.

    Adieu l’école buissonnière 
    Où tout un siècle avait rêvé !
    Sur tes printemps, ô Pépinière,
    On jette un linceul de pavé.

    A ces branches qu’on t’a laissées 
    Nul ne cueillera plus de fruit;
    Car la fleur des fines pensées 
    Meurt de la poussière et du bruit.

    Au lieu des treilles abattues,
    Du frais verger sans ornement,
    On prodiguera vainement 
    Les boulingrins et les statues :

    Nous verrons sur le sable fin 
    Traîner le velours et la soie…
    Ah ! notre vieux quartier latin,
    Voici le luxe, adieu la joie !

    Adieu le sentier des amours 
    Piétiné par la multitude;
    Roulez, chars, canons et tambours. 
    Plus de silence, adieu l’étude !

    Autour du jardin replanté 
    Le boulevard règne et gouverne:
    Le rossignol se sent guetté 
    Des fenêtres d’une caserne.

    La foule encor sous les lilas 
    Tourbillonne autour des corbeilles;
    Mais nous n’entendrons plus, hélas !
    Ni les songeurs ni les abeilles.

    Où fredonnaient les beaux esprits 
    Mugiront de lourdes fanfares !
    Ce n’est plus là notre Paris,
    On l’a refait pour les barbares !

    Chaque jour un nouveau décor 
    Naît de la pierre obéissante :
    Les murs se font de marbre et d’or,
    Mais l’âme est à jamais absente.

    Du passé qu’il ne reste rien !
    Que, dans la cité des ancêtres,
    L’étranger seul soit citoyen ;
    Les mieux payants seront nos maîtres !

    Vieille idole du souvenir,
    Tombe sous les marteaux profanes !
    Ces palais neufs vont se garnir 
    De boyards et de courtisanes.

    Mille essaims de riches pervers 
    S’ébattront dans nôtre héritage…
    Et les sots de tout l’univers
    Viendront saluer votre ouvrage.