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    De l'inégalité des personnes dans nos Codes

                                                 1. Code pénal, 1810, édition originale

     

    « Le Code pénal est ce qui empêche les pauvres de voler les riches, et le Code civil est ce qui permet aux riches de voler les pauvres » (Emmanuel Carrère, né en 1957).

     

     

     

    Le Code pénal est ce qui empêche les pauvres de voler les riches

    2. Famille Moutardier, épiciers : l’aïeule (jeux ancien des 7 familles, trilingue). 

     

     

    Vendre à faux poids et à fausses mesures. L’ancien article 423 du Code pénal de 1810 plaçait dans la compétence des tribunaux correctionnels l’usage par un marchand des faux poids et des fausses mesures, et punissait ce délit d’un emprisonnement de un mois à 1 an au plus, et d’une amende qui ne pouvait excéder le quart des restitutions et dommages et intérêts, ni être au dessous de 50 francs.

     

    Victor Hugo trouvait ces sanctions bien peu sévères à l’égard d’un marchand par rapport à celles susceptibles d’être prononcées à l’égard d’un vagabond ayant dû voler un morceau de pain pour ne pas mourir de faim. Il a dénoncé cette inégalité de traitement dans au moins deux de ses récits.

     

     

     

     

    Le Code pénal est ce qui empêche les pauvres de voler les riches

                       3. Un riche marchand (Honoré Daumier, Types de gens, 1835)

     

     

    « Deux voleurs » (Victor Hugo, Choses vues, 8 avril 1852) : 

     

    Voici deux voleurs :

     

    -     Celui-ci est pauvre, et vole les riches.

    La nuit, il escalade un mur, laisse de sa chair et de son sang aux culs des bouteilles et au verre cassé qui hérissent le chevron, et vole un fruit, un pain.

    Si le propriétaire de ce fruit ou de ce pain l'aperçoit et prend son fusil et le tue, eh bien, tout est dit ; ce chien est tué, voilà tout.

    Si la loi saisit ce voleur, elle l'envoie aux galères pour dix ans. Autrefois, elle le pendait. Plus tard, elle le marquait au fer rouge. Maintenant les mœurs sont douces ; les lois sont bonnes personnes. La casaque, le bonnet vert et la chaîne aux pieds suffisent. Dix ans de bagne, donc, à ce voleur. 

    -     Cet autre est riche et vole les pauvres.

    C'est un gros marchand. Il a maison en ville et maison de campagne. Il va le dimanche en cabriolet ou en tapissière, avec force amis roses, gras et joyeux, s'ébattre dans son jardin de Belleville ou des Batignolles. Il fait apprendre le latin à son fils. Lui-même est juré, électeur dans l'occasion prud'homme, et si le vent de la prospérité souffle obstinément de son côté, juge au tribunal de commerce. Sa boutique est vaste, ouverte sur un carrefour, garnie de grilles de fer sculptées aux pointes splendides, avec de grandes balances dorées au milieu. 

     

    Un pauvre homme entre timidement chez le riche, un de ces pauvres diables qui ne mangent pas tous les jours. Aujourd'hui, le pauvre espère un dîner. Il a deux sous. Il demande pour deux sous d'une nourriture quelconque. Le marchand le considère avec quelque dédain, se tourne vers sa balance, jette dedans ou colle dessus on en sait quoi, donne au pauvre homme pour un sou de nourriture et empoche les deux sous. Qu'a fait ce riche ? Il a volé un sou à un pauvre. Il répète ce vol tant de fois, il affame tant de pauvres dans l'année, il filoute si souvent ce misérable sou que, de tant de sous filoutés, il bâtit sa maison, nourrit son cheval, arrondit son ventre, dote sa fille et dore sa balance. Il fait cela sans risques, sans remords, tranquillement, insolemment. Cela s'appelle vendre à faux poids. Et on ne le punit pas ? Si ! Il y a une justice dans le monde ! La loi prend parfois cet homme sur le fait. Alors elle frappe. Elle le condamne à dix jours de prison et à cent francs d'amende. 

     

     

     

     

    Le Code pénal est ce qui empêche les pauvres de voler les riches

    4. « Vous aviez faim… vous aviez faim… ça n’est pas une raison… moi aussi presque tous les jours j’ai faim et je ne vole pas pour cela ! » (Honoré Daumier, Les Gens de Justice).

     

     

    Les contemplations, Melancholia (Victot Hugo, 1856) :

     

    Un homme s’est fait riche en vendant à faux poids ;
    La loi le fait juré. L’hiver, dans les temps froids,
    Un pauvre a pris un pain pour nourrir sa famille.
    Regardez cette salle où le peuple fourmille ;
    Ce riche y vient juger ce pauvre. Écoutez bien.
    C’est juste, puisque l’un a tout et l’autre rien.
    Ce juge, — ce marchand, — fâché de perdre une heure, 
    Jette un regard distrait sur cet homme qui pleure, 
    L’envoie au bagne, et part pour sa maison des champs.
    Tous s’en vont en disant : — C’est bien ! — bons et méchants ;
    Et rien ne reste là qu’un Christ pensif et pâle, 
    Levant les bras au ciel dans le fond de la salle.

     

     

     

    Le Code pénal est ce qui empêche les pauvres de voler les riches

    5. Poids et mesures. Tableau dressé conformément à la loi du 11 juillet 1903 et au décret du 28 juillet 1903, éditions Forest, 1929 (Source gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France).

     


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    Summum jus, Summa Injuria. Suum Cuique

     

     

    Summum jus, summa injuria.

     

    Cet adage (en haut à gauche de la gravure sur bois), attribué à Cicéron, peut être traduit ainsi : Droit extrême, suprême injustice.

    Il signifie que l’application excessive du droit ou de la justice mène à l’injustice.

     

    Cette idée a été reprise par Montesquieu dans son traité de la théorie politique publié en 1748, et aussitôt mis à l’index : « La justice consiste à mesurer la peine à la faute, et l’extrême justice est injustice lorsqu’elle n’a nul égard aux considérations raisonnables qui doivent tempérer la rigueur de la loi. » 

     

    Portalis, l’un des rédacteurs du Code civil de 1804, considérait, lui aussi, qu’ « une excessive rigueur dans l'administration de la justice aurait tous les caractères d'une tyrannique oppression : summum jus, summa injuria. Le bien se trouve entre deux limites ; il finit toujours où l'excès commence » (Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. XIV, p. 123). 

     

     Suum cuique.

     

              Ces deux autres mots latins (en haut à droite de l’image), signifient : ce qui est propre à chacun, à chacun le sien.

     

    Chaque membre d’un même groupe social doit donc recevoir ce qui lui est dû, ce qui lui appartient.

    Aussi l’Etat (ou la justice) ne peut-il se limiter à protéger les seules personnes riches et prospères, par exemple, celles qui sont issues du milieu fermé de la banque et de la finance. Il doit également prendre des mesures en faveur des autres membres du corps social (classe ouvrière, chômeurs, handicapés, retraités, SDF…).

     


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    C’est quoi : une présomption légale ?

    -         

            - Qu’est-ce que ça veut dire « irréfragable » ?

    -       - Ne me faites pas chier, répondit le professeur.

    (citation de Jean Giono dans sa préface du roman de Charles Dickens "De grandes espérances", Le Livre de Poche, 1958, p. 9).

     

    "Prenez notes s'il vous plaît, je ne répéterai pas deux fois, et fermez vos fichus portables"

     

    Les présomptions légales constituent des conséquences que la loi tire d’un fait connu à un fait inconnu. En somme, si pour établir une situation deux faits sont nécessaires, le législateur donne un « coup de main » à celui à qui incombe la preuve. Il suffit qu’il parvienne à prouver un premier fait pour que la loi induise le second fait. Il est donc dispensé de le prouver.

     

    Ce mécanisme est précisé par le premier alinéa de l’article 1354 nouveau du Code civil en ces termes : « La présomption que la loi attache à certains faits en les tenant pour certains dispense celui au profit duquel elle existe d'en rapporter la preuve. » Ce texte doit être compris comme dispensant de la preuve le seul fait qui est objet de la présomption.

     

    Le second alinéa de ce même distingue trois sortes de présomptions légales : la présomption simple ; la présomption mixte; la présomption irréfragable.

     

    - La présomption est simple, « lorsque la loi réserve la preuve contraire, et peut alors être renversée par tout moyen de preuve » (C. civ., art. 1354 nouveau, al. 2).

     

    - La présomption est mixte, « lorsque la loi limite les moyens par lesquels elle peut être renversée ou l'objet sur lequel elle peut être renversée » (C. civ., art. 1354 nouveau, al. 2). Certes, comme en matière de présomption simple, la preuve contraire du fait présumé est possible. Toutefois, la preuve contraire n'est pas libre : elle ne peut être rapportée que par des preuves administrées par certains moyens ou par l'établissement de certains faits.

       Les présomptions mixtes sont nombreuses en matière de responsabilité civile extra contractuelle, l’existence d’une responsabilité de plein droit limitant les causes d’exonération de l’auteur présumé du dommage. En général, il ne peut écarter sa responsabilité en démontrant n’avoir commis aucune faute. Tout au plus, peut-il invoquer une cause étrangère (force majeure aussi dénommée cas fortuit, fait du tiers et fait de la victime). Il en est ainsi, par exemple, de la responsabilité du fait des choses de l’alinéa premier de l’ancien article 1384 du Code civil, repris à l'identique à l'article 1242 nouveau. D’une part, la victime est dispensée de prouver la faute du gardien de la chose. D’autre part, le gardien de la chose ne peut écarter cette présomption en démontrant n’avoir commis aucune faute dans la garde de la chose. Il ne peut détruire cette présomption que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause étrangère qui ne lui est pas imputable (Cass. Chbres. réun, 13 févr. 1930 : DP. 1930.1.57, note Ripert).

     

    - La présomption est irréfragable, « lorsqu'elle ne peut être renversée » (C. civ., art. 1354 nouveau, al. 2). Cette fois encore, celui qui invoque un droit est dispensé de la preuve du fait à l’origine de ce droit. Cependant, son adversaire n’a plus la possibilité de contester ce fait. En effet, la présomption est « irréfragable », ce qui signifie qu’elle ne peut être combattue ou contredite. Non seulement le fait inconnu est présumé exister, mais il est incontestable, toute preuve contraire étant interdite.

       Un exemple est donné avec l’article 909 du Code civil, qui interdit aux membres des professions de santé qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle est morte, de recevoir de celle-ci des donations ou des legs faits en leur faveur pendant sa maladie. Dans tous ces cas, le législateur présume, à tort ou à raison, que ces personnes ont profité de leur influence sur le malade pour se faire consentir des libéralités. Cette présomption étant irréfragable, elle ne peut être combattue par la preuve contraire (Req., 7 avril 1863, DP 1863.I.231). 

     

     

     

     

    C’est quoi : une présomption légale ?

     

                   La présomption punie, une comédie politique

     

      Pip, Pip, Pip, Pourra !… On ajoutera que la présomption légale ne saurait être confondue avec la présomption d'innocence politique, dite PIP, en souvenir de Philip Pirrip, le jeune héros du roman de Charles Dickens "De grandes espérances", qui, dans sa langue enfantine, se donnait le nom moins long et plus explicite de Pip.

     

      La présomption d'innocence politique est un principe selon lequel tout homme politique (ministre, député, sénateur, etc.) qui est poursuivi est considéré comme innocent des faits qui lui sont reprochés, aussi longtemps que sa culpabilité n’a pu être reconnue par leurs juges en attente d’une promotion de la Chancellerie.


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    Advocat

    1. Advocat, du latin advocatum : celui qui assiste quelqu’un en justice (1er siècle avant Jésus-Christ) ; personne qui défend des causes (1er siècle après Jésus-Christ) ; avocat, défenseur.

     

     

     «  Il n'est bon avocat qui ne mente en plaidant ». (Le dictionnaire des proverbes français. 1757).

     

     

    Cette courte maxime populaire et imagée de l’Ancien régime exprimerait-elle, comme toutes les maximes, une vérité générale ?

     

    Ne serait-elle pas plutôt une simple blague, tout juste digne des « 10 conseils pour devenir un super menteur » que l’on trouve sur la Toile, et dont le dernier d’entre eux est emprunt d’esprit basochien : « faites des études de droit, vous pourrez gagner de l’argent au passage… »

     

    Mais comme le disait Spinoza : «… dans une libre République, il est permis à chacun de penser ce qu’il veut et de dire ce qu’il pense ». Aussi, conformément aux règles de la bienséance, je donne la parole à d’autres penseurs qui ne se laissaient pas aller facilement à la distraction :

     

    Sacha Guitry : « Si les avocats et les curés ont des robes, c’est parce qu’ils sont aussi menteurs que les femmes » ;

     

    Patrick Murray : « Un avocat ferait n’importe quoi pour gagner un procès, parfois il pourrait dire la vérité » ;

     

     

    Pierre Dac : « Un accusé est cuit quand son avocat n’est pas cru ».

     

     

     

       

    Il n'est bon avocat qui ne mente en plaidant (proverbe français)   

    2. - Dites donc confrère, vous allez soutenir aujourd'hui contre moi exactement ce que je plaidais il y a trois semaines dans une cause absolument identique... hé! hé! hé... c'est drôle!

       - Et moi je vais vous rodebiter ce que vous me ripostiez à cette époque… C’est très amusant, au besoin nous pourrons nous souffler mutuellement !... hi hi hi ! (Daumier. Gens de Justice. Les avocats, n° 14).

     

     

    Quant aux gens de robe noire à trente-trois boutons, tout est dit dans le discours en ligne de l'un d'eux, lors de la rentrée solennelle du Conseil de l'Ordre du Barreau de Montpellier, le 14 juin 2002 : Les avocats sont-ils des super-menteurs ?

     

     

      Pour clore ce sujet stérile, je vous invite à lire, dans la rubrique Comédie du Droit, mon tout prochain post consacré à l'un de nos plus grands tragédiens : " Pierre Corneille, avocat et père de Dorante Le Menteur ".

     

     


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    L’ennui naquit un jour de l’Université. Honoré de Balzac

     

      

           Un jour que je chinais du côté de cartes postales anciennes, j’ai repéré cette image publicitaire des années 1900 représentant un professeur et deux écoliers ou étudiants. La légende m’a étonné : « L’ennui naquit un jour de l’Université ». N’ayant jamais entendu cette boutade, je me suis demandé d’où elle pouvait bien sortir !

         Voici les résultats de mon enquête.

     

     

     

    L’ennui naquit un jour de l’Université. Honoré de Balzac 

    2. Un début dans la vie d'Honoré de Balzac. Philadelphie. Georges Barrie & Son, 1897. Auteur: Oreste Cortazzo (1830 ou 1836-1910). 

     

    Source :  http://commons.wikimedia.org/wiki/File:BalzacStartinLife.jpg 

     

     

    L’ennui naquit un jour de l’Université. Cette citation se trouve dans un feuilleton d’Honoré de Balzac, paru en 1842, dans la revue La Législature, sous l’intitulé Le danger des mystifications. Ce feuilleton prendra plus tard la forme d’un roman : « Un début dans la vie » (Études de mœurs. 1er livre. Scènes de la vie privée. T. 4. 1844). 

    Dans une scène de ce roman, Honoré de Balzac fait dire à Léon de Lora, dit Mistigris, l’assistant bavard du peintre sans succès Joseph Brideau, au jeune Oscar qui se destine à l’apprentissage du métier de notaire à Paris : « L’ennui naquit un jour de l’Université »

     

    − Votre précepteur est sans doute quelque professeur célèbre, M. Andrieux de l'Académie française, ou M. Royer−Collard, demanda Schinner.

    − Mon précepteur se nomme l'abbé Loraux, aujourd'hui vicaire de Saint−Sulpice, reprit Oscar en se souvenant du nom du confesseur du collège.

    − Vous avez bien fait de vous faire élever particulièrement, dit Mistigris, car l'Ennui naquit un jour de l'Université ; mais vous le récompenserez, votre abbé ? 

    − Certes, il sera quelque jour évêque, dit Oscar. 

    − Par le crédit de votre famille, dit sérieusement Georges. 

    − Peut−être contribuerons-nous à le faire mettre à sa place, car l'abbé Frayssinous vient souvent à la maison. 

     Ah ! vous connaissez l'abbé Frayssinous ? demanda le comte. 

    − Il a des obligations à mon père, répondit Oscar. 

    − Et vous allez sans doute à votre terre ? fit Georges. 

    − Non, monsieur ; mais moi je puis dire où je vais, je vais au château de Presles, chez le comte de Sérisy. 

    − Ah ! Diantre, vous allez à Presles, s'écria Schinner en devenant rouge comme une cerise. 

    − Vous connaissez Sa Seigneurie le comte de Sérisy ? demanda Georges.

    Le père Léger se tourna pour voir Oscar, et le regarda d'un air stupéfait en s'écriant :

    − Monsieur de Sérisy serait à Presles ?

    − Apparemment, puisque j'y vais, répondit Oscar. 

     

     

     

        L’ennui naquit un jour de l’Uniformité. Sans doute, Honoré de Balzac a-t-il détourné un vers ancien de la fable « Les Amis trop d’accord », d'Antoine de La Motte-Houdar (1672-1731).

     

     

    C'est un grand agrément que la diversité.
    Nous sommes bien comme nous sommes.
    Donnez le même esprit aux hommes,
    Vous ôtez tout le sel de la société ;
    L'ennui naquit un jour de l'uniformité.
     

     

     

     

     

     

    L’ennui naquit un jour de l’Université. Honoré de Balzac

     

    3. Charlot (Charlie Chaplin) : Ce que l'Université fait du Belletrien (en Suisse, ce terme désignait une corporation d'étudiants de Belles-Lettres)

     

     

     

      Ennui, Université, Uniformité. Voici donc l’origine du trinôme académique ou diabolique de quelques universités, et non pas toutes !

     

     

         N’oublions quand même pas que nos Facultés de droit ont accueilli et formé comme étudiants : Nicolas Boileau, Corneille, Molière, Voltaire, Balzac, Gustave Flaubert, Brillat-Savarin, le poète de la gourmandise, Tristan Bernard, le père de l’expression Les Pieds nickelés, Jean Nohain et Sylvie Joly, pour la plupart avocats « défroqués ».

     

     

     

     





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