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    Les Avariés, d’Eugène Brieux, 1903 (Paris, Librairie illustrée. Illustrations d’Édouard-Auguste Carrier).

    1 Les Avariés, d’Eugène Brieux, 1903 (Paris, Librairie illustrée. Illustrations d’Édouard-Auguste Carrier).

     

    L’avarié (Georges Dupont) : — Mais, monsieur le docteur, répondit-il, pour me faire une situation. Mon père était notaire, et, paraît-il, avant sa mort, il avait exprimé le désir que j'épouse ma cousine, dont la dot va me permettre de tenter quelque chose (acquérir une étude d’avoué ou de notaire), — un beau parti, monsieur le docteur, — une jeune fille charmante que j'adore, — car notez bien que je l'adore, — et j'en suis, je crois pouvoir le dire, tendrement aimé. Tout, j'avais tout pour vivre dans une tranquille félicité. Monsieur, ceux qui me connaissent m'enviaient... Et il a fallu que des camarades imbéciles m'entraînent après le dîner d'enterrement de ma vie de garçon... Et voilà où j'en suis... Je n'ai pas de chance, je n'ai jamais eu de chance. J'en connais qui mènent une vie de débauchés. Il ne leur arrive rien, à ces animaux-là... Moi, pour un malheureux écart, voilà mon avenir perdu, mon existence empoisonnée... Qu'est-ce que je vais devenir?... Tout le monde me fuira... Je suis un paria, un pestiféré... Alors? Est-ce qu'il ne vaut pas mieux que je disparaisse? Au moins je ne souffrirai plus ! Vous voyez bien qu'il n'y a personne de plus malheureux que moi !... Il n’y a personne, je vous le dis, monsieur, il n’y a personne ! 

     

     

     

     

    Le joyeux étudiant en Droit au Quartier Latin (dessin de Xavier Sager).

         2 Le joyeux étudiant en Droit au Quartier Latin (dessin de Xavier Sager).

     

    De l’accès de l’étudiant à la vérole et au notariat. Dans ce roman dramatique, notre triste héros, Georges Dupont, étudiant en Droit et fils de notaire, attrape la syphilis, une maladie sexuellement transmissible, après un rapport avec une femme livrée à l’impudicité dans un lieu qui ne se peut pas nommer honnêtement (cabinet particulier ou maison close) où il avait enterré sa vie de garçon avant son mariage avec sa cousine Henriette.

     

     

     

     

           Syphilis (Le Rire, 20 janvier 1906, dessin d'Albert Guillaume)

    3 - Alors docteur, vous croyez que je peux dire à ma fiancée que j’ai attrapé ça dans un roman d’un cabinet particulier… de lecture ? (Le Rire, 20 janvier 1906, dessin d’Albert Guillaume).

     

     Devenu l’avarié, et malgré l’avis de son médecin de famille soucieux de la contagion, il épousa quand même sa cousine dont il était amoureux et dont la dote devait lui permettre d’acquérir, à Paris, une belle et riche étude d’avoué ou de notaire. Par malheur, il lui transmit, à son tour, la syphilis, et ils mirent au monde une petite-fille qui se révéla rapidement atteinte, elle aussi, de cette maladie (La vérole, nom vulgaire de la syphilis, se communique, et l’on a trop d’exemples d’enfants qui sont, même en naissant, les victimes de la débauche de leurs parents.  Buffon, Hist. Ani. Œuv. T. IV, p. 118).

     

     

     

     

     

    Eugène Brieux, auteur dramatique (gravure de Rousset, revue L’Instantané, n° 53 du 30 novembre 1903).

    4 Eugène Brieux, auteur dramatique (gravure de Rousset, revue L’Instantané, n° 53 du 30 novembre 1903).

     

     

    D’hier à aujourd’hui. Voici donc la maladie la plus « honteuse » au dix-neuvième siècle, aussi dénommée « grosse vérole », ou, simplement « vérole », révélée sous la plume d’Eugène Brieux dans le milieu pour le moins austère du droit et du notariat, alors même qu’elle était plutôt l’apanage de nos militaires et grands écrivains (Baudelaire, Maupassant, Daudet…), et de quelques millions d’anonymes de divers autres milieux (sur sept hommes, il y avait, au moins, un syphilitique). Mais que le lecteur de ce blog, futur ou actuel homme de lois, se rassure, la syphilis se traite aujourd’hui, simplement et efficacement, avec l’administration d’antibiotiques, en particulier la  pénicilline arrivée en 1943.

     

     

     

     

    Le Bureau de la Censure

                            5 Le Bureau de la Censure - Ne bougeons plus !

     

    « J’ai besoin d’un remède et non pas de censure » (Mairet, Solim. I, 2). On ajoutera que le roman de Brieux était tiré, presque mot à mot, de sa pièce de théâtre éponyme en trois actes qui avait été répétée, en novembre 1901, au théâtre Antoine, avant d’être interdite en France par la censure. En effet, véritable pièce à thèse traitant d’un sujet tabou à l’époque, Eugène Brieux y dénonçait l’égoïsme, l’indifférence et l’hypocrisie du monde politique et de la bourgeoisie qui faisaient semblant d’ignorer la syphilis. Toutefois, la pièce connut un grand succès en Allemagne, en Suisse, en Scandinavie et en Belgique où elle fut jouée, le 6 mars 1902, au théâtre du Gymnase de Liège, et, le lendemain, à Bruxelles. La censure ayant été levée, elle put enfin être jouée pour la première fois à Paris, au théâtre Antoine, le 22 février 1905.

     

     

     

     

    Théâtre complet de Brieux. Tome VI : Les avariés… (Librairie Stock. 1923).

    6 Théâtre complet de Brieux. Tome VI : Les avariés… (Librairie Stock. 1923).

     

    Cette pièce est en accès libre sur le site gallica.bnf.fr., sous ce lien :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5682008k?rk=321890;0 

     

     

     

     

    Grand roman dramatique inédit : Les Avariés, tiré de la pièce de Brieux interdite par la censure.

    7 Grand roman dramatique inédit : Les Avariés, tiré de la pièce de Brieux interdite par la censure.

     

    Le roman tiré de la pièce est lui aussi en accès libre, sur le site gallica.bnf.fr., sous cet autre lien :

     

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55388980?rk=107296;4 

     

        Aussi me conterai-je de recopier le texte d’une publicité faite à ce livre par son éditeur de Paris, la Librairie illustrée, lors de sa parution en 1903, que j’ai déniché sur la « toile » :

     

    Nul n'a oublié l'émotion profonde et universelle que suscita, l'an dernier, la pièce de Brieux « LES AVARIÉS », interdite par la censure.

     

    Transportée sur les scènes de l'étranger, partout elle fut un triomphe pour l’auteur ; mais en Allemagne, en Suisse, et en Belgique particulièrement, l'enthousiasme fût prodigieux.

     

         En France, le courage de l'auteur, qui, le premier, osait parler ouvertement d'une maladie qualifiée jusqu'ici de « honteuse » fut admiré, et des administrations officielles lui rendirent hommage. C'est ainsi que le Ministre de la Guerre adressa à tous les généraux, en avril 1902, une circulaire spéciale pour inviter les hommes à avouer ce qui n'était ni une honte ni un crime, afin de leur faciliter les moyens de guérir et défendre les humiliations ridicules infligées aux soldats atteints.

     

         De cette pièce, œuvre noble et saine, il a été tiré un roman populaire, où sont dépeints les drames intimes, les situations tragiques, les mystères inexpliqués qui, souvent, se déroulent dans les milieux les plus divers, et dont l'origine remonte à ces « avaries » premières, insuffisamment suivies et malheureusement inavouées.

     

         LES AVARIÉS, c'est une histoire vraie, palpitante d'émotion dramatique, dont tous les personnages ont vécu ou vivent encore, c'est le roman véridique d'une exquise histoire d'amour, détruite par la faute d'une victime de cette maladie universelle. C'est l'union brisée de deux cœurs tendrement unis; c'est aussi l'histoire de deux charmants enfants, innocentes victimes, tendres et mignonnes créatures, qui renaissent enfin à la vie et au bonheur.

     

         Dans ce roman, où tous les cas d'avaries ont été décrits et traités avec leurs conséquences émouvantes et tragiques, le lecteur assiste au calvaire d'un homme et à l'histoire atrocement douloureuse d'une épouse surprise dans son affection et dans sa confiance, blessée aux sources les plus intimes de son être.

     

       Œuvre tour à tour terrifiante, attendrissante, et par dessus tout généreuse, LES AVARIÉS traitent des secrets les plus cachés, fouillent les alcôves les plus intimes, dénoncent les plus poignantes douleurs, mais se terminent dans une apothéose de bonté, de miséricorde et.de pardon.

     

     

         C'est le roman d'angoisse et de tendresse, dont le succès sera prodigieux, parce que, tout en révélant les pires atrocités contre lesquelles aucune créature humaine ne peut se prétendre garantie, il dévoile les moyens de les prévenir, de les combattre, ou mieux, de les éviter.


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    Le Notaire, par Gilbert-Martin (Le Don Quichotte)

                           1 Le Notaire, par Gilbert-Martin (Le Don Quichotte).

     

    Romancerie. Un bien joli mot qui a disparu de nos dictionnaires contemporains savants, y compris celui de l’Académie française. Pis, il est inconnu de mon correcteur orthographique Word qui le souligne en rouge ! Pourtant, autrefois, il se disait d’une collection de romans : « L’Arioste emprunta à la romancerie française les enchantements et les prophéties de Merlin » (M. J. Chén., dans le Nouveau dictionnaire de la langue française de Louis Dochez, 1861). Aujourd’hui, je vais le ressusciter pour désigner les romans populaires écrits en prose et dont le héros est notaire (ou se destine au notariat). De tels romans existent, quand bien même le notaire est l’une des personnes qui suscite le moins l’imagination. J’en ai déniché plus d’une dizaine sur la « toile », qui peuvent se revendiquer du label littérature populaire (les plus courts, souvent publiés dans des journaux, portent le nom de nouvelles). Pour cette raison, ils sont exclus des programmes des collèges, lycées et Facultés de Lettres, et méprisés de nos quarante membres encore en vie (plus que trente-sept en août dernier) de l’Académie française, qui se réunissent le jeudi à quinze heures (j’ai un peu honte de l’avouer, mais je préfère de beaucoup les romans pleins de substances mortifères de Stephan King à ceux de nos gens de lettres immortels comme les anges et les démons!).

     

    Je précise toutefois que je n’ai pas encore eu l’occasion de lire ou de parcourir tous ces romans, à l’exception des plus anciens, qui sont en libre accès gratuit (free access) sur le site gallica.bnf.fr. J’attends donc de les dénicher dans un vide-grenier de quartier pour les acheter vingt ou cinquante centimes pièce, après longue négociation (j’ai pu l’an passé, pour moins de dix euros, y acheter la collection complète de Signes de Piste que je rêvais de lire depuis ma jeunesse !). Aussi les éventuels résumés que je donne peuvent-ils être empruntés à la quatrième de couverture (le dos du livre) où l’éditeur résume souvent en quelques lignes l’ouvrage et présente son auteur.

     

     

     

     

     

    Le nez du notaire, d’Edmond About, 1871 (Collection Nelson. Illustration de R. Skelton)

    2 Le nez du notaire, d’Edmond About, 1871 (Collection Nelson. Illustration de R. Skelton).

     

     

    J’ai déjà consacré dans la rubrique des « Gens de justice » de ce blog, le 8 septembre dernier, une page complète au roman d’Edmond About « Le nez d’un notaire », publié en 1871, plein d’humour et de dérision, au style élégant et enlevé, qui nous invite à réfléchir sur la chirurgie, la solidarité humaine et l’union des classes sociale (voir le chapitre 33: Le nez d'un notaire, d'Edmond About). Je ne l’évoque donc, aujourd’hui, que pour l’image de la première de couverture de l’une de ses éditions. En effet, il y a encore quelques années, les éditeurs de romans populaires ne rechignaient pas à rogner sur leur marge bénéficiaire en agrémentant la couverture de leurs livres de dessins ou de photographies.

     

     

     

     

    Le petit notaire, par Jean de La Varende, 1944 (Maximilien Vox. Illustrations de Raymond Haasen).

    3 Le petit notaire, par Jean de La Varende, 1944 (Maximilien Vox. Illustrations de Raymond Haasen).

     

         Jean de La Varende (1887-1959) est issu d’une famille aisée de la noblesse normande. Élu à l’académie Goncourt au fauteuil de Léon Daudet, le 16 décembre 1942, il en démissionna deux années plus tard, las des campagnes visant les écrivains ayant écrit, sous l’Occupation, dans des journaux supposés collaborationnistes. Cela ne l’empêchera aucunement d’être toujours apprécié du public et de continuer à écrire de nombreux romans (une vingtaine), des biographies (une dizaine), des monographies, et de courtes nouvelles (plus de deux cents).

     

         Parmi ces nouvelles, Le petit notaire,  paru en 1944, à Paris, chez Maximilien Vox, où il évoque le terroir normand avec un notaire, ses notables et ses paysans. Le texte et les illustrations de l’édition originale, tirée à 130 exemplaires, étaient réunis dans un étui portefeuille de cuir noir de notaire, surpiqué de fil vert olive, et fermé par une plume d’oie. La nouvelle a été rééditée, en 1955, dans Eaux vives, et, en 1961, dans Seigneur ! Tu m’as vaincu…

     

     

     

     

     

    Quand un notaire est amoureux, d’Éliane Noël (Collection Notre Cœur - Éditions Chantal – 1942)

    4  Quand un notaire est amoureux, d’Éliane Noël (Collection Notre Cœur - Éditions Chantal – 1942).

     

     

     

     

    Le notaire des noirs, de Loys Masson

    Le notaire des noirs, de Loys Masson (roman paru en 1961, réédité en Livres de Poche en 1969, année de la mort de son auteur, et en 1999 chez A. Dimanche, Marseille). 

     

     

    " Là-bas, sur la terrasse, où les bigaradiers (espèce du genre oranger) sont morts depuis longtemps, où il n'y a plus de géraniums, où l'odeur d'Aline s'est dissipée dans le vent, un clerc de notaire promène un enfant. Il ne sait pas que l'enfant va bientôt mourir et qu'il deviendra, lui, un vieillard froid et seul. " (introduction du roman).

     

    Pièce adaptée à la télévision. À l’origine, ce roman était une pièce écrite par Loys Masson, poète et romancier originaire de l’Île Maurice, entièrement réécrite en dialogue pour un film de la télévision diffusé en 1968, réalisé par Jean-Paul Carrère. Aucun extrait de ce téléfilm n’est accessible sur la toile, mais j’y ai trouvé une page complète d’un journal de programmes télés de l’époque (sans doute Télé 7 jours ou Télérama), dont j’extraits les deux premières rubriques rituelles suivantes :

     

    Le thème. Deux époux restés sans enfants se haïssent. Sur le tard, ils recueillent un petit neveu abandonné par ses parents. Malgré les tentatives maladroites de l’oncle et l’affection d’un vieil ami de la famille, surnommé le vieux notaire, l’enfant ne peut surmonter sa détresse morale et son désespoir dont il finira par mourir…

     

    Si vous avez manqué le début. Edgar Gébert, notaire attitré des Noirs, se souvient… En 1928, dans l’île Maurice, il était jeune clerc dans l’étude notariale de son oncle, Émile Galantier, lorsqu’un matin arrive André Jollet, son petit cousin abandonné par sa mère.

     

    Émile Galantie et sa femme accueillent André fort maladroitement et l’on comprend vite que la haine divise les époux. Edgard, lui, sent aussitôt qu’il aimera comme le sien cet enfant de huit ans à l’air maladif, que sa mère a abandonné ; le père de l’enfant un alcoolique condamné à la prison, lui, a dû s’expatrier à Madagascar. Edgard tient lieu de précepteur à son jeune cousin. Mais rien n’intéresse l’enfant excepté Madagascar et les navires qui pourraient lui ramener ce père qu’il adore et dont il a fait, dans son imagination, un héros, un révolutionnaire…

     

    La triste fin d’un enfant. La détresse morale et le désespoir de l’enfant seront tels qu’il finira par en mourir. Son cousin, désespéré et plein de remords de n’avoir su mieux aimer cet enfant, parce qu’il  restait soumis à son oncle auquel il devait succéder et était tombé amoureux de la femme d’un voisin, le capitaine Bruckner, renoncera à une brillante carrière pour n’être plus, jusqu’à la fin de sa vie, que notaire des noirs, dans la plus grande solitude. 

     

     

     

     

     

    Qui a tué le notaire ?, d’Yves Dermèze alias Paul Bérato (Paris : Société Anonyme d’Éditions Techniques et Littéraires, collection Haute-Police. 1945) 

    6 Qui a tué le notaire ?, d’Yves Dermèze alias Paul Bérato (Paris : Société Anonyme d’Éditions Techniques et Littéraires, collection Haute-Police. 1945).

     

     

     Le polar, à ne pas confondre avec le mot polard, synonyme de bûcheur, qui, dans le jargon de certaines écoles supérieures et facultés, désigne l’étudiant qui passe tout son temps dans ses cours sans jamais s’intégrer aux divers groupes de ses camarades festifs, est le petit nom du roman policier, l’un des genres littéraires qui séduit le plus les lecteurs. En 2018, un livre sur 5 vendu en librairie était un polar, soit près de vingt millions de livres. Le premier festival du polar a eu lieu au Touquet-Paris-Plage, les 13 et 14 juillet 2019, sous le nom de Polartifice !

     

     

    Le notaire en polar. C’est précisément ce que nous a offert, en 1945, sous le pseudonyme d’Yves Dermèze, l’un des auteurs français les plus prolixes de ce genre et de celui des romans d’aventure, d’espionnage et de science fiction, Paul Bérato (1915-1989). Tout au long de sa carrière il utilisa de nombreux autres pseudonymes comme Michel Avril, André Gascogne Alain Janvier, Steve Evans, Francis Hope, Serges Mareges, Francis Richard, Paul Mystère (collectif), John Luck, Serge Marèges, Luigi Saetta, Martin Slang, Téka, Serge Valentin…

     

    Cet ancien enseignant et journaliste fut récompensé, en 1950, par le prix du roman d’aventures, et, en 1977, par le grand prix de l’imaginaire. Personne mieux que lui n’a pu dire ce qu’était la littérature populaire aimée d’une foule de lecteurs anonymes et bannie des censeurs académiques savants (mot synonyme de rasoir). Voici donc un extrait d’un entretien qu’il a échangé avec un amateur, H.D.F., publié sur le blog de Papy Dulaut, sous ce lien :

     

     

    http://www.papy-dulaut.com/2018/09/yves-dermeze-patronyme-paul-berato-1915-1989.html

     

     

    H.D.F. —  

     

    Vous êtes un auteur de… « littérature populaire » ? 


    Paul Bérato. — 

     

    Je crois qu’il n’y a plus de littérature populaire. Il y a simplement une littérature d’évasion. Ce n’est pas une question de qualité qui différencie cette dernière de l’autre. Un roman mal écrit est-il forcément populaire ? Un roman populaire est-il forcément mal écrit ? Dans la science fiction, par exemple, n’y a-t-il que du populaire ? La planète des singes, est-ce littéraire ? Pourquoi van Vogt ne le serait-il pas ?

     


    Il y a deux genres. Ce que vous appelez littérature « tout court » et ce qu’on peut appeler littérature d’évasion. En gros, on lit la seconde pour s’évader de la vie banale alors qu’on lit la première pour s’y replonger en étudiant les caractères des gens qui sont près de soi, qu’on voit tous les jours. Bizarrement, je dirais que les lecteurs « évasion » sont des imaginatifs, les autres pas. Mais peut-être est-ce le contraire ?


    Du point de vue qualitatif, ce qu’on appelait autrefois le roman populaire n’existe plus. Je crois pouvoir assurer que tout ce que j’ai écrit avant 1950 serait refusé par les éditeurs maintenant; non pas parce que ça ne serait pas au goût du jour, mais tout simplement parce que c’était trop mal écrit. L’évolution est évidente, depuis une vingtaine d’années, y compris dans la psychologie des personnages.
     

     

     

     

     

     

    Le bon, la brute et le notaire, de Luc Calvez (chez Alain Bargai, collect. Enquêtes & Suspense, 1994)

    Le bon, la brute et le notaire, de Luc Calvez (chez Alain Bargai, collect. Enquêtes & Suspense, 1994).

     

    Le visiteur ne frappa pas, il dégagea le pêne de la serrure en douceur. Lorsqu'il poussa la porte, tout se précipita. Un violent courant d'air fit comprendre à Kerlidec qu'il avait quelqu'un dans le dos. Déjà sa bouche était bâillonnée par une main calleuse qu'un gant de peau n'adoucissait guère, un gant qui sentait la marée, mais il n’eut pas le temps de réfléchir à ce détail…

     

     

     

     

    Un notaire peu ordinaire, d’Yves Ravey (éditions de Minuit. 2003)

    Un notaire peu ordinaire, d’Yves Ravey (éditions de Minuit. 2003).

     

     

    Madame Rabernak ne veut pas recevoir son cousin Freddy à sa sortie de prison. Elle craint qu’il ne s’en prenne à sa fille Clémence. C’est pourquoi elle décide d’en parler à maître Montussaint, le notaire qui lui a déjà rendu bien des services…

     

     

     

     

     

    Histoire ordinaire d'un notaire de campagne, de Joseph Barthen (Aéropage. 6/01/2005)

    Histoire ordinaire d'un notaire de campagne, de Joseph Barthen (Aéropage. 6/01/2005).

     

    Joseph Barthen, dans ce livre, décrit l’intimité familiale et la fonction de notaires ruraux (deux générations) dans la France du XXe siècle confrontée à diverses événements depuis les années 1930 jusqu’à la crise de la sidérurgie et les événements de Longwy en 1979.

     

     

     

     

    Les Actes, de Cécile Guidot (éditions JCLattès. Avril 2019).

                   10 Les Actes, de Cécile Guidot (éditions JCLattès. Avril 2019).

     

     

    Parmi les romans populaires dont le fond est tiré du notariat, rare sont ceux écrits par des notaires eux-mêmes. Sans doute parce qu’il est délicat pour un notaire tenu par sa fonction à la confidentialité de raconter sous forme d’anecdotes, tristes ou amusantes, ce qu’il a vu et entendu tous les jours.

     

    Pourtant dans son premier roman, Les Actes, paru en avril dernier, chez JCLattès, l’une d’entre eux (dzolé pour l’orthographe), Cécile Guidot, qui fut longtemps notaire assistante dans une grande étude de Paris spécialisée en droit de la famille, n’hésite pas à entraîner le lecteur dans les coulisses du notariat avec le personnage de Claire Castaigne, une jeune notaire à la mode (tatouée, roulant à moto, adepte des sites de rencontre, et lectrice passionnée de Marguerite Duras !). Le lecteur en manque d’imagination et de cancans peut donc y découvrir les joies et les peines quotidiennes des notaires, de leurs employés, et de leurs clients confrontés aux tracasseries juridico-formelles de la vie de tous les jours (achat d’un appartement, pacs, divorce, succession…). 

     

     

     

     

    Maitre Bernillon, notaire à Paris, par Aimé Giron (L’ouvrier, n° 1384, 5 novembre 1887)

    11  Maitre Bernillon, notaire à Paris, par Aimé Giron (L’ouvrier, n° 1384, 5 novembre 1887).

     

     

     

    La filleule du notaire, de Jacques Des Genêts (Collection Parisienne.1937).

    12 La filleule du notaire, de Jacques Des Genêts (Collection Parisienne.1937).

     

     

     

     

    Les doléances du notaire Poupart, de Carl Dubuc (Éditions du Jour, Montréal, 1961).

    13 Les doléances du notaire Poupart, de Carl Dubuc (Éditions du Jour, Montréal, 1961).  

     

    Si l’humour très particulier du Notaire Poupart fait rire, il donne aussi à penser; il risque même de blesser la famille du Notaire, ses amis, ses admirateurs, tous ceux qui, avant de lire ce livre, ne s'étaient pas rendu compte du ridicule d'une certaine pensée. Pour les rassurer, faudrait-il rappeler que, dans cette province, le ridicule n'a jamais tué personne... 

     


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    Un notaire à la rigolade (paroles de Ch. Blondelet & Léon Garnier, musique de Ch. Balanqué)

    1 Un notaire à la rigolade (paroles de Ch. Blondelet & Léon Garnier, musique de Ch. Balanqué).

     

     

    Le notaire en musique et images anciennes ? Quel curieux titre ! Décidément, ce prof’ de droit à la retraite, qui tient son blog les jours de pluie sur la Côte d’Opale (pas tous les jours, je vous en donne ma parole) dit encore n’importe quoi pour passer le temps pluvieux (ce matin, c’est quand même très pluvieux, mais quand il pleut le matin, avec un peu de chance, il ne pleut pas l’après-midi !).

     

    Pas si sûr ! La preuve avec les images de cette page.

     

    Pour commencer, cette partition non datée, de l’époque de nos arrières- arrières-grands-parents ou de nos grands-parents selon les circonstances, intitulée : Un notaire à la rigolade, une chansonnette créée par Gilbert (qui c’est celui-là ?) à l’Eldorado (ça n’existe même plus !), sur des paroles  de Ch. Blondelet & Léon Garnier, et une musique de Ch. Balanqué.

     

     

     

     

    Un grand clerc de notaire. Balançoire (Paroles d’Arthur Floquet, musique de Paul Blaquière).

    2 Un grand clerc de notaire. Balançoire (Paroles d’Arthur Floquet, musique de Paul Blaquière).

          

     

     

     

    Placid Currat, le notaire de Bulle, en costume de fonction, à une fête des vignerons de 1905, où il chantait : « Ranz des Vaches »  

     

    3 Placid Currat, le notaire de Bulle, en costume de fonction, à une fête des vignerons de 1905, où il chantait : « Ranz des Vaches ». 

     

     

    Les notaires portaient un costume comprenant un chapeau claque à plumes, un rabat blanc, un manteau à petit collet, une culotte courte, des bas de soie et des souliers plats. 

     

     

     

     

    L'amour médecin. La signature du contrat de mariage

    4 La signature du contrat de mariage par devant notaire (L’amour médecin, opéra-comique en trois actes de MM. Charles Monselet et F. Poise, d’après Molière. Dessin de M. Adrien Maris. Le théâtre illustré).

     

     

     

    Fortunio, Comédie musicale d’André Messager (1907)

    5 Fortunio, Comédie musicale d’André Messager (1907), sur un livret de Robert de Flers et Gaston Arman de Caillavet, d’après Le Chandelier, une pièce d’Alfred de Musset (en 1861, Jacques Offenbach avait déjà composé une comédie musicale du même nom).

     

     

    Fortunio, un vieux notaire obèse (dans les écrits et dessins populaires de l’époque, le notaire est très souvent en surcharge pondérale à l’instar de députés et sénateurs qui, entre deux siestes de travail en Chambres, mangent beaucoup trop à l'occasion de repas informels remboursés une ou plusieurs fois !), a épousé la jeune et jolie Laurette. Il la surveille pour éviter que ne se reproduise la mésaventure survenue à son ancien patron, le notaire Maître André, avec sa jeune épouse Jacqueline.

     

     

     

    Pour masquer ses coupables amours, Jacqueline avait pris pour « Chandelier », Fortunio, alors tout jeune clerc de l’étude (selon le dictionnaire d’Emile Littré, « dans le langage de la galanterie, Chandelier est le nom de ceux qu'on a mieux nommé paravents, et que l'on rend l'objet de la jalousie du mari, lorsque c'est un autre qui courtise la femme »).

     

     

     

    Or la belle Laurette, l’épouse de Maître Fortunio, est aimée en secret par Valentin, le second clerc de l’étude qui n’ose lui déclarer sa flamme.

     

     

    En consultant des vieux papiers, Valentin et le petit clerc Friquet retrouvent la chanson que leur patron, Maître Fortunio, avait chantée, lorsqu’il était lui-même un jeune clerc de l’étude, pour séduire la jolie Jacqueline, l’épouse de son propre patron. Touchée par l'amour de celui-ci, Jacqueline avait fini par tomber dans ses bras.

     

     

    Valentin se demande si cette chanson ne pourrait pas opérer de nouveau son charme, et lui permettre de conquérir le cœur de Laurette, la notairesse. Le jeune clerc chante alors la chanson en présence de Laurette qui tombe aussitôt amoureux de lui, au grand dam de Maître Fortunio qui découvre son infortune.

     

     

    Quant aux autres clercs de l’étude, ils chantent également avec grand succès cette chanson magique auprès des jeunes femmes qu’ils désirent.

     

     

    J’ai déjà reproduit le texte des couplets de la chanson de Fortunio dans un récent passé (rubrique des « Gens de Justice », chap. 21 : Madame la notairesse en images anciennes). La voici interprétée par Paul Trépanier, un ténor canadien, en 1975.

     

    https://www.youtube.com/watch?v=1rFiLPwigBw

     

     

     

     

     

     

    Le Pré aux clercs, opéra comique en trois actes, musique de Ferdinand Hérold, paroles de Planard (1832)

    6 Le Pré aux clercs, opéra comique en trois actes, musique de Ferdinand Hérold, paroles de Planard (1832).

     

     

     

     

    Le Pré aux clercs de Ferdinand Hérold ne met pas en scène des clercs de notaire. Son intitulé fait seulement référence à la célèbre prairie de Paris où, depuis Philippe Lebel, se réunissaient chaque année, les clercs du Palais (le Parlement de Paris), ceux des provinces et leurs suppôts.

     

    C’est également dans cette prairie que les clercs du Palais jugeaient les différends qui s’élevaient entre eux.

     

     

    De plus, les étudiants de l’Université de Paris, eux-mêmes appelés clercs, venaient s’y détendre entre les cours, et parfois s’y battre en duel.

     

    Aujourd’hui, la rue du Pré-aux-Clercs, située dans le 7ème arrondissement, perpétue ces souvenirs.

      

    Dans l’opéra comique d’Hérold, c’est au Pré aux Clercs que l’un des personnages, Girot, possède une auberge et se marie avec Nicette, la filleule de la reine Marguerite de Navarre. C’est dans ce même lieu que s’affronteront en duel deux autres personnages : le marquis de Comminges et le jeune baron Mergy.

     

     

     

     

     

     

    Le Pré aux clercs d'Hérold

    7 Le Pré aux clercs d'Hérold. La mascarade de l'acte II dans une illustration du XIX° siècle.

     


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    Un notaire accusé de crime

    1 L’acharnement de la presse sur le notaire de Bruay-en-Artois (France Soir. Samedi 15 avril 1972).

     

    « Les crimes secrets ont les dieux pour témoins » (Voltaire, Sémiram, V, 8). Tous ceux de ma génération ont encore en mémoire l’affaire du meurtre de Brigitte Dewèvre, survenu dans sa seizième année, le 6 avril 1972, à Bruay-en-Artois (aujourd’hui, Bruay-la-Buissière). Étranglée et frappée avec un objet tranchant, le corps de l’adolescente avait été retrouvé dans un terrain vague de cette ville, à proximité de la maison de Monique Beghin-Mayeur, la fiancée de maître Pierre Leroy, un notaire célibataire connu de tous (ils se marièrent ultérieurement). Diverses personnes ont alors été, tour à tour, suspectées voire inculpées, avant d’être disculpées ou innocentées. À ce jour, le coupable n’a jamais été identifié et le crime est prescrit.

     

     

     

    Un notaire accusé de crime

    2  L’acharnement de la presse sur le notaire de Bruay-en-Artois (Choc. N° 36 du 19 au 26 juin 1972)

     

          Funeste succès. Près d’un demi-siècle plus tard, ce fait divers alimente toujours les médias en mal d’audience. D’une part, la radio (sur France Inter, le 20 janvier 2016 dans Affaires sensibles : « Le mystère de Bruay-en-Artois : la mort de Brigitte Dewèvre », et sur RTL, le 25 janvier 2017, dans L’heure du crime). D’autre part, la télévision, sur France 2, le 5 mars 2017, dans l’émission Faîtes entrer l’accusé (« Bruay-en-Artois : Le notaire et le petit juge ». En ligne sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=eTe68zkuZKY).

     

    Silence de prudence. De nouveaux livres y sont encore consacrés comme ceux de Daniel Bourdon, un ancien policier, au rythme d’un par an ! (Brigitte, histoire d’une contre-enquête : Retour sur l’affaire de Bruay-en Artois. Ravet-Anceau. 2017 ; Brigitte, acte II. Ravet-Anceau. 2018). L’auteur y prétend avoir identifié l’assassin, sans pouvoir dire son nom car le crime est prescrit depuis 2005 !

     

     

     

     

         40 : Des notaires accusés de crimes (2/2).         Un notaire accusé de crime

     

    3 L’acharnement de la presse sur le notaire de Bruay-en-Artois (La Cause du peuple. 1er mai 1972).

     

    « Le crime de Bruay : il n’y a qu’un bourgeois pour avoir fait ça… C’est la conviction des ouvriers de Bruay qui font leur enquête et surveillent la bourgeoisie, pour que la vérité éclate. » Le coupable du meurtre de la jeune Brigitte Dewèvre ne pouvait être que Pierre Leroy, selon ce titre fallacieux du journal d’extrême gauche maoïste La Cause du peuple, dans son numéro du 1er mai 1972, se référant fort hypocritement à des propos anonymes de la rue !

     

    Car en effet, Pierre Leroy, principal suspect de l’affaire, était un « notaire », pis encore, « richissime » selon le titre au vitriol d’un autre journal (France-Soir. 15 avril 1972, page 3 : « A l’heure ou Brigitte, 16 ans, a été tuée, le richissime notaire de Bruay n’a pas d’alibi »), alors que la victime, elle, faisait partie des familles ouvrières des corons (mines du Nord-Pas-de-Calais). C’est ainsi que l’on peut lire, dans le journal révolutionnaire La Cause du peuple, ces lignes, véritable appel au meurtre par la justice populaire au nom de la lutte des classes :

     

    « Pour renverser l’autorité de la classe bourgeoise, la population humiliée aura raison d’installer une brève période de terreur et d’attenter à la personne d’une poignée d’individus méprisables, haïs. Il est difficile de s’attaquer à l’autorité d’une classe sans que quelques têtes des membres de cette classe ne se promènent au bout d’une pique », « Oui nous sommes des barbares. Il faut le faire souffrir petit à petit ! (...) Nous le couperons morceau par morceau au rasoir ! (...) Il faut lui couper les couilles ! (...) Barbares ces phrases ? Certainement, mais pour comprendre il faut avoir subi 120 années d’exploitation dans les mines. »

                

     

     

     

    Jean-Paul Sartre et l'affaire de Bruay-en-Artois

    L’entrée en scène, par la porte de secours, de Jean-Paul Sartre (source de la photographie : wikipedia).

     

    « Lynchage ou justice populaire ».  Le journal La Cause du peuple était le lointain héritier du journal du même nom créé par  George Sand lors de l’insurrection populaire parisienne de juin 1848, et il fut le géniteur de l’actuel quotidien Libération, créé sur ses cendres le 18 avril 1973, et dont Jean-Paul Sartre sera le premier directeur, avant d’en laisser la direction à Serge July, de 1973 à 2006. Journal de l’extrême gauche maoïste, anti-autoritaire, le journal La Cause du peuple était soutenu par Jean-Paul Sartre, son directeur du 1er mai 1970 au 1er mai 1971, le normalien André Glucksmann, ou encore Simone de Beauvoir et les philosophes Louis Althusser et François Ewald.

     

    Ses journalistes, rédacteurs ou éditorialistes s’emparèrent  de l’affaire de Bruay en stigmatisant la classe bourgeoise, représentée par le notaire Pierre Leroy, exploiteur du petit peuple, lui-même représenté par Brigitte Dewèvre, sa famille et les mineurs du coron. Ce combat, sous des titres et articles ambigus fut aussitôt traduit comme un appel au lynchage populaire du notaire Pierre Leroy. Aussi Jean-Paul Sartre, jugea-t-il prudent de prendre ses distances en publiant un article, bien hypocrite, dans le même journal sous le titre « Lynchage ou justice populaire. » En voici un extrait :

     

    «… il est impardonnable que La Cause du peuple n’ait pas fait suivre le texte que la ville ouvrière de Bruay [lui] a donné dans son dernier numéro d’une  discussion où l’on aurait tenté d’établir sa valeur et sa portée générale au niveau du peuple tout entier, c’est-à-dire de la justice populaire. Il aurait fallu montrer que la haine légitime du peuple s’adresse au notaire pour ses activités sociales, comme ennemi de classe caractérisé et non à Leroy, assassin de la petite Brigitte, pour la raison que l’on a pas encore prouvé qu’il l’ait tuée… On a voulu faire ces quelques remarques, non pas pour défendre Leroy (que personnellement je crois coupable et sur qui pèsent de lourdes présomptions), mais pour susciter un débat non seulement sur les mineurs de Bruay dont nous nous sentons solidaires, mais avec des lecteurs d’autres lieux ou d’autres catégories sociales ».

     

     

     

     

    le petit juge Pascal

    5. Le Petit juge Pascal (photo extraite des archives audiovisuelles de l’INA).

     

         C’est dans ce contexte de lynchage médiatique et/ou populaire du notaire de Bruay-en-Artois que le premier juge d’instruction de Béthune, Henri Pascal, surnommé par la presse « le petit juge Pascal », dût poursuivre son instruction de l’affaire. Il inculpa alors Pierre Leroy, le 13 avril 1972, pour homicide volontaire et le fit écrouer. Le 13 juillet suivant, il fit également inculper et écrouer sa fiancée, Monique Beghin-Mayeur, sa compagne, une femme mariée en instance de divorce. La conviction du juge Pascal quant à leur culpabilité s’était forgée suite à deux faits. D’une part, le témoignage d’une voisine qui avait aperçu la voiture du notaire, ainsi qu’un homme en col roulé parlant avec la jeune Brigitte, près de la maison de la compagne de maître Leroy, contiguë au terrain vague où l’on retrouva le corps de la victime. D’autre part, les explications contradictoires et embarrassées de Pierre Leroy et de sa compagne.

      

    Seulement, l’absence de preuves plus conséquentes (lors d’une reconstitution, le témoin ne reconnut pas Pierre Leroy bien plus corpulent que l’individu au col roulé), conduisit la Cour d’appel d’Amiens, le 18 juillet 1972, à les libérer. Et, quelques jours après, la Cour de cassation dessaisissait le juge Pascal de ce dossier pour le confier à un juge parisien : Jean Sablayrolles.  

     

    Sur ce, un nouveau coup de théâtre se produisit, le 18 avril 1973. Jean-Pierre Flahaut, un orphelin désorienté, âgé de 17 ans, ancien camarade de Brigitte Dewèvre, avoua aux enquêteurs être l'auteur du meurtre (il avait été suspecté au début de l’enquête). Il indiqua notamment aux enquêteurs avoir caché chez son frère les lunettes de la victime, qui y furent effectivement retrouvées. Il fut aussitôt inculpé par le juge Jean Sablayrolles qui ne prononça pas pour autant  un non-lieu en faveur de Pierre Leroy. Jugé à huis clos devant le tribunal pour enfants de Paris, le jeune Jean-Pierre Flahaut, qui avait été finalement relâché, sera acquitté au bénéfice du doute le 15 juillet 1975. La décision sera  confirmée par la Cour d’appel de Paris, le 25 février 1976. De manière étonnante, Maître Kiejman, l’avocat de la partie civile (les parents de Brigitte Dewèvre), avait plaidé pour la relaxe de celui-ci (les parents de Brigitte Dewèvre ne croyaient pas en la culpabilité de Jean-Pierre Flahaut).  

     

    De son côté, le juge Pascal sera inculpé pour violation du secret de l’instruction à l’occasion de ses déclarations théâtrales aux micros des journalistes. Il déclarera alors à ces mêmes journalistes, le 22 août 1974, en sortant du cabinet de M. Le Saoul, président de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de  Rennes :

     

    « Je suis le seul inculpé de l’affaire de Bruay. En fin de compte, ce n’est pas banal. Le jeune Jean-Pierre n’est que prévenu, et j’ai eu droit à deux inculpations, l’une pour violation du secret professionnel et l’autre du secret de l’instruction. Mais ne croyez pas que je vais en perdre ma bonne humeur et mon allant […]. Maintenant je vais aller me reposer, je me suis levé à cinq heures du matin pour venir à Rennes, mais je reviendrai ; nous nous retrouverons. Je parlerai encore car je n’ai vraiment pas l’intention de me taire ».

     

    Plus tard, le juge Pascal sera nommé conseiller à la Cour d’appel de Douai, et il prendra sa retraite en 1986. Il s’est éteint, à Lille, le 1er mai 1989, dans l’indifférence quasi générale de la presse et de ses journalistes.

     

     

     

    Maître Pierre Leroy, le notaire de Bruay-en-Artois (Paris Match. N° 1252. 5 mai 1973).

          6 Maître Pierre Leroy, le notaire  (Paris Match. N° 1252. 5 mai 1973). 

     

    Quant au notaire, Pierre Leroy, après avoir bénéficié d’un non lieu définitif, le 30 octobre 1974, par la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris, non lieu confirmé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, il obtint réparation de l’État, le 21 octobre 1977, pour avoir été détenu à tort du 13 avril au 18 juillet 1972.

     

    Il reprit sa charge notariale à Bruay, jusqu’à sa mort, suite à un malaise cardiaque, survenue à l’âge de 62 ans, le 26 octobre 1997, au Touquet, sur la Côte d’Opale où il résidait avec son épouse, lui  aussi dans l’indifférence quasi générale de la presse et de ses journalistes.

     

     

     

     

    La jeune Brigitte Dewèvre, victime d’un crime jamais élucidé

    La jeune Brigitte Dewèvre, victime d’un crime jamais élucidé (photo extraite des archives audiovisuelles de l’INA). 

     

    Naufrages judiciaires. L’affaire du meurtre de Brigitte a été définitivement classée sans suite en 1981, et le crime prescrit en 2005.

     

     Cette triste affaire, comme celle d’Outreau pour des abus sexuels commis sur des enfants entre 1997 et 2000, et celle du meurtre du petit Grégory Villemin, en 1984, nous a éclairés, si ce n’est sur les auteurs de leurs actes, au moins sur l’action nocive de certains journalistes de presse et la déroute de basochiens (juges et avocats). Toujours est-il qu’aujourd’hui  les juges d’instruction fuient les micros des journalistes comme la peste.  

     

     

     

     


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    Ce que sont les notaires : loi du 25 ventôse an XI organisant le notariat

                                           1 « Ce que sont les notaires… »

     

    Des condamnations de notaires à être pendus ou guillotinés pour avoir commis des crimes ? Voilà qui peut sembler bien peu conforme à la définition du notaire, donnée par le Conseiller d’État Pierre-François Réal dans son rapport au Corps législatif sur le texte du projet appelé à devenir la loi du 25 ventôse an XI organisant le notariat. En voici le texte tel que j’ai pu le déchiffrer sur ce parchemin ou cette feuille de papier encadrée offerte à la vente en ligne :

     

    « … conseils désintéressés des parties, aussi bien rédacteurs impartiaux de leurs volontés, leur faisant connaître toute l’étendue de leurs obligations qu’elles contractent, rédigeant ces engagements avec clarté, leur donnant le caractère d’un acte authentique et la force d’un jugement en dernier ressort, perpétuant leur souvenir et perpétuant leur dépôt avec fidélité, empêchant les différends de naître entre les hommes de bonne foi, et enlevant aux hommes cupides, avec l’espoir du succès, l’envie d’élever une injuste contestation.

    Ces conseils désintéressés, ces rédacteurs impartiaux… sont les notaires ».

     

    Et, pourtant, voici l’histoire imagée de plusieurs notaires qui furent condamnés à mort, soit par des tribunaux, aux XVIIIème et XIXème siècles (chapitre 39), soit par des militants de l’extrême-gauche maoïste au nom de la lutte des classes, à la fin du… XXème siècle (voir le prochain chapitre 40).

     

     

     

     

    C’était bien une chose inouïe autrefois qu’un notaire pût être banqueroutier  

    2 « C’était bien une chose inouïe autrefois qu’un notaire pût être banqueroutier »Voltaire, Lettre à Damilaville (dessin de Jules Potvin. Circa 1990. Canada. Québec).

     

    Des crimes d’argent et/ou des crimes contre-révolutionnaires tout d’abord, commis au XVIIIème siècle. Car en effet, à cette époque, Paris était le siège de grandes études de notaires financiers, comparables aux plus grands des Fermiers généraux auxquels le roi affermait le droit de lever certains impôts. Sous l’Ancien Régime, Louis-Sébastien Mercier, dans son Tableau de Paris n’allait-il pas jusqu’à écrire à leur propos :

     

    « Véritables protées, remueurs d’argent, agioteurs, courtiers officieux des opérations de finance, bien plus financiers que jurisconsultes, ils étudient tous les moyens d’emprunter à ceux-ci, de prêter à ceux-là. Leurs fortunes sont rapides. À 35 ans, ils vendent leurs charges dont le prix à tripler depuis 10 ans. Quatre mille jeunes gens aspirent à cette Charge, il n’y en a que 113 à vendre…). Les notaires il y a 50 ans faisaient payer le dépôt d’argent ; aujourd’hui, ils l’empruntent à 6% ». (Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris, T. I, p. 143. Amsterdam. 1782. En ligne sur gallica.bnf.fr.),

     

     

     

     

     

    Localisation des 120 études de notaires de Paris entre 1775 et 1799

    3 Localisation des 120 études de notaires de Paris entre 1775 et 1799 (source Geneawiki. Pour identifier les notaires de ces études consultez :

    Les études de notaires de Paris entre 1775 et 1799

     

     

    Un premier exemple nous est donné avec maître Deshayes, l’un des plus importants notaires de Paris. Accusé de faux et de soustractions de minutes, et ayant fait une banqueroute de 3 000 000 de livres, il fut arrêté et emprisonné dans les prisons du Châtelet. Condamné à mort en 1764 par le tribunal du Châtelet, il fut aussitôt pendu.

     

    C’est à son propos que Voltaire dans une lettre en date du 27 janvier 1764, écrivit à son ami Étienne-Noël Damilaville, membre du Contrôle Général des Finances :

     

    « C’était bien une chose inouïe autrefois qu’un notaire pût être banqueroutier. Mais depuis que Mazade, Porlier, Conseillers au Parlement, Bernard, Maître des Requêtes, ont fait de belles faillites, je ne suis plus étonné de rien ». 

     

     

     

     

    Inauguration de la guillotine

                        4 Deux notaires guillotinés sous la Terreur (1793-1794)

     

    Deux autres exemples de crimes d’argent et/ou de crimes contre-révolutionnaires, qui auraient été commis par des notaires parisiens, nous sont donnés avec maître Vivant-Jean-Baptiste Chaudot, installé rue des Prouvaires au Quartier des Halles, de 1781 à 1782, puis, dans le même quartier, rue Plâtrière (devenue rue Jean-Jacques Rousseau), de 1783 à l’an II, et maître François Brichard, dont l’étude était installée rue Saint André des Arts, dans le quartier de la Monnaie du 6ème arrondissement. Accusés d’être conspirateurs ou contre-révolutionnaires pour avoir facilité en 1790 la cession de créances sur les fils du roi d’Angleterre, ils furent tous deux arrêtés et condamnés à mort*. Chaudot fut décapité le 12 janvier 1794 avant d’être réhabilité, seulement quelques jours après, par la Convention en raison de son patriotisme avéré. Brichard fut guillotiné le 11 février 1794. Il alla à l’échafaud en prononçant ces mots :

     

    « Je meurs content, puisque l’innocence de Chaudot est reconnue : on ne ment pas quand on va au supplice ».

     

         * Les « Observations de la Convention sur l’affaire de Chaudot, notaire, condamné à mort et en faveur duquel la Convention a décrété un suris » sont en ligne sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France, sous ce lien:

    Observations de la Convention sur l'affaire du notaire Chaudot, condamné à mort

     

     

     

     

     

    La guillotine sous la Terreur (Révolution française)

                     5 Un troisième notaire guillotiné sous la Terreur (1793-1794).

     

    Un autre exemple de crime contre-révolutionnaire nous est donné avec maître Charles-Nicolas Duclos du Fresnoy (aussi orthographié Dufresnoy), notaire à Paris. Il avait racheté en 1763 l’étude spécialisée dans la finance de maître Patu, rue Vivienne, à côté de la Bourse.

     

    Toutefois, Duclos du Fresnoy ne fut pas condamné parce qu’il aurait commis des crimes financiers à son profit personnel. Au contraire, il fut le modèle même du grand notaire intègre de la finance et de la banque de la fin de l’Ancien Régime. Il effectuait notamment des opérations de banque et de sociétés de finance pour le compte de ses clients. Il avait encore procédé aux arbitrages de litiges entre banquiers à la suite des difficultés engendrées par des spéculations boursières malheureuses (Nouvelle Compagnie des Indes, Compagnie des Eaux de Paris…). Et, surtout, il fut rédacteur du règlement, dirigeant et administrateur de la Caisse d’Escompte, qui avait été établie par Turgot en 1776 (la Caisse d’Escompte est à l’origine de la Banque de France). Il convainquit encore la Compagnie des Notaires de Paris d’octroyer un prêt avec intérêt de 7 000 000 de livres au Trésor royal, lequel fut replacé entièrement auprès de leurs clients respectifs.

     

    Malheureusement pour lui, Duclos du Fresnoy s’engagea dans la vie politique au cours de l’une des périodes les plus folles de notre Histoire de France : la Révolution. C’est ainsi qu’il participa en 1789 à l’élaboration des Cahiers de l’ordre du Tiers État et à l’Assemblée électorale de cet ordre avec 42 autres notaires de Paris sur un nombre total de 407 membres (un seul notaire était membre de l’ordre de la noblesse et aucun, bien entendu, de celui du clergé). Il devint encore membre du comité chargé, par l'Hôtel de Ville de Paris, d'assurer la sûreté et l'approvisionnement de la capitale. Mais, sous La Terreur (1793-1794), il fut arrêté le 30 décembre 1793 sur ordre du Comité de Sûreté Générale créé par l’Assemblée législative durant l’été 1792, et condamné à mort le 2 février 1794 par le Tribunal Révolutionnaire pour « avoir  été l'auteur ou le complice d'une conspiration contre la liberté et la sûreté du peuple français, en entretenant des intelligences et correspondant avec les ennemis de la France, en leur fournissant des fonds numéraires pour faciliter, soit leur émigration, soit leur rentrée en France, et exécuter leur complot contre la Révolution » (source : journal Le Moniteur du 18 Pluviôse an II).  Il fut guillotiné, le même jour, place de la Révolution.

     

     

     

     

    Une séance du Tribunal Révolutionnaire sous la Terreur.

                     6 Une séance du Tribunal Révolutionnaire sous la Terreur.

     

    À propos de ces trois notaires de Paris, Chaudot, Brichard et Duclos du Fresnoy, décapités sous la Terreur, on rappellera seulement que le Tribunal Révolutionnaire, mis en place le 10 mars 1793, pour juger les crimes contre-révolutionnaires, ne pouvait prononcer que l'acquittement ou la mort (sans peine intermédiaire). En outre, les accusés n’avaient pas droit à des défenseurs, et le recours aux témoins était refusé, sauf à charge !

     

    Du 10 juin 1794 au 27 juillet, soit en seulement six semaines, 1376 accusés furent ainsi envoyés à la guillotine, dont maître Duclos du Fresnoy. Quant aux notaires Chaudot et Brichard, ils avaient été condamnés à la guillotine dès le début de l’année 1794. On ajoutera qu’une vingtaine de notaires furent arrêtés sous la Terreur.

     

    Message in extremis de J.B. Je viens de trouver dans le Journal républicain des deux départements du Rhône et de Loire, rédigé par une Société de Sans-Culottes (manifestants parisiens issus du petit peuple qui portaient des pantalons à rayures, et non des culottes comme les aristocrates), le 10 Ventôses de l'an II de la République, en accès libre sur la toile, ce texte qui mentionne un autre notaire de Paris lui aussi condamné à mort : " René-François Foucault de Pavant, natif d'Argenteau, notaire public, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, à Paris, convaincu d'être l'un des auteurs des correspondances et intelligences entretenues en 1791 et en 1793 avec les ennemis intérieurs et extérieurs de l'état, en leur fournissant de l'argent, a été condamné à la peine de mort par le Tribunal révolutionnaire de Paris ". 

               

     

     

    Pierre André Perrod : L'affaire Peytel (Librairie Hachette. 1958)

      7 Sébastien Peytel, le notaire de Belley, guillotiné pour un double meurtre, en 1839, était-il innocent ? (depuis plus de deux siècles, des dizaines de livres, d’articles de presse et, aujourd’hui, de sites Internet, tentent de répondre à cette question).

     

     

    Des crimes de sang (meurtres ou homicides volontaires) commis par des notaires ? Cela n’est pas du domaine de l’imagination ou de la fiction comme en témoigne l’une des plus célèbres affaires criminelles que connut le règne de Louis-Philippe sous la monarchie de Juillet (1830-1848). Honoré de Balzac lui a même consacré un volume entier de la Comédie Humaine intitulé « Une ténébreuse affaire », publié en 1841 (en libre accès sur le site gallica.bnf.fr.).

     

    Si vous avez manqué la fin, le début et le milieu…

     

     

    Sébastien Peytel devant la Cour d’Assises de l’Ain (illustration de Cagniet)

      8 Sébastien Peytel devant la Cour d’Assises de l’Ain (illustration de Cagniet). 

     

    La fin… pour commencer. Cour d’Assises de l’Ain (Bourg-en-Bresse), audience du 29 août 1839. La Cour rentre en séance. Le chef du jury se lève et dit : « Sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les hommes, la déclaration du jury est : Antoine-Sébastien Peytel est-il coupable d'avoir commis un homicide volontaire sur la personne de Félicie Alcazar ? Oui, à la majorité. Ledit homicide a-t-il été commis avec préméditation ? Oui, à la majorité. Peylel est-ii coupable d'avoir Commis un homicide volontaire sur la personne de Louis Rey ? Oui, à la majorité. Ledit homicide a-t-ii été commis avec préméditation ? Oui, à la majorité.»

     

    Peytel est introduit. Arrivé près de son défenseur, il tombe épuisé sur son banc. Le greffier donne lecture de la déclaration du jury. Peytel l'entend les yeux fixes et comme anéanti. Le président : « Accusé, avez-vous quelque chose à dire sur l'application de la loi ? » Peytel incline la tête et un mouvement convulsif fait tressaillir tous ses membres.

     

    La Cour délibère alors sur l'application de la loi. Puis, le président donne lecture de l'arrêt qui condamne Benoît-Sébastien Peytel à LA PEINE DE MORT.

     

    « Ah! mon Dieu, Ah ! mon Dieu,  Ah ! mon Dieu » s'écrie Peytel.

     

    Champ de foire de Bourg-en-Bresse, 28 octobre 1839, le couperet de la guillotine s’abat sur la tête de Sébastien Peytel, le notaire de Belley, protégé de Lamartine et ami de Balzac et de l’illustrateur Gavarni.

     

     

     

     

     

    Le jeune Sébastien Peytel à Paris (dessin de Gavarni).

                        9 Le jeune Sébastien Peytel à Paris (dessin de Gavarni) 

     

       Le début…pour poursuivre. Sébastien Peytel était né à Mâcon en 1804. Clerc de notaire dans une étude de Saint-Laurent, il renonça bien vite au notariat pour « monter à Paris » où il devint critique littéraire et journaliste politique. L’un de ses articles au vitriol, sous le pseudonyme de Louis Benoît Jardinier, dans le journal Le Siècle, intitulé «Psychologie de la Poire », fit scandale, car la poire en question n’était autre que le roi Louis-Philippe. Au moins cet article lui permit-il de gagner l’estime de Lamartine et de Balzac. Mais, très dispendieux et sans réelle notoriété, il fut contraint de quitter la capitale et tenta d’obtenir une charge de notaire à Mâcon. Il ne fut pas admis à cette charge par ses confrères trop inquiets de sa vie passée. Ce n’est qu’en 1838 qu’il fut admis à reprendre l’étude notariale de maître Cerdon, à Belley, dans l’Ain.

     

     

     

     

     

    La notairesse Félicité Alcazar, épouse de Sébastien Peytel (dessin de Gavarni).

    10 La notairesse Félicité Alcazar, épouse de Sébastien Peytel (dessin de Gavarni). 

     

    Notre notaire de Belley, Sébastien Peytel, épousa alors la jeune, belle et riche Félicité Alcazar, d’origine créole. Lamartine fut témoin à son mariage.

     

     

     

     

    L’assassinat, le 1er novembre 1838, de l’épouse du notaire Sébastien Peytel

    11 L’assassinat, le 1er novembre 1838, de l’épouse du notaire Sébastien Peytel (gravure tirée des Drames judiciaires. Scènes correctionnelles. Causes célèbres de tous les peuples. Première série, rédigée par Ch. Dupré, en libre accès sous ce lien :

    L'assassinat de l'épouse du notaire Sébastien Peytel

     

     

    Le milieu… pour comprendre la fin du début et le début de la fin ! Dans la nuit du 1er novembre 1838, arrive à Belley, devant la maison du docteur, la calèche de maître Peytel avec son épouse, mortellement blessée. Il dit que sa femme a été victime d’un coup de pistolet tiré par leur domestique, Louis Rey, lequel, voyageant avec eux, aurait tenté de les délester d’une importante somme d’argent. Le notaire aurait poursuivi son domestique et l’aurait tué à coups de marteau, laissant son cadavre au bord de la route. Le juge et les gendarmes chargés de l’enquête se montrèrent perplexes face aux explications de Peytel. Aussi celui-ci fut-il incarcéré à la prison de Belley. C’est alors qu’une autre thèse se dessina en cours d’enquête. Peytel aurait découvert que son épouse le trompait avec son domestique, Louis Rey. Fou de jalousie, il aurait décidé de les tuer tous les deux. La Cour d’assises ayant condamné à mort Peytel pour ce double meurtre, il fut très rapidement guillotiné sur le champ de foire de Bourg-en-Bresse, malgré la venue de Balzac et de Gavarni, tous deux convaincus de son innocence.

     

    À très bientôt pour  le prochain chapitre 40 : Des notaires accusés de crimes (2/2).