• Tirage papier albuminé: Temples de Justice néoclassiques 1/15

     

     

     

     

    Tirage papier albuminé: Temples de Justice néoclassiques 1/3

    1 Projet d’un Palais de Justice par Benoist (plume et encre noire sur traits de crayon noir. 1785. Benoist est un architecte de la fin du XVIIIème siècle, mentionné dans l’étude de Werner Szambien, en libre accès sur le site Persée : « Les architectes parisiens à l’époque révolutionnaire », in. Revue de l'Art, 1989, n°83. pp. 36-50.

    https://www.persee.fr/doc/rvart_0035-1326_1989_num_83_1_347756).

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Pau

    2 Le Palais de Justice de Pau (lithographie de Charles Mercereau, éd. S. Sinnet et Frick frères, non datée. Source : Bibliothèque municipale de Toulouse).

     

        Pour me faire pardonner dans les règles de l’ar « t » chitecture. J’avoue bien volontiers que les façades des Temples de Justice néoclassiques du XIXème siècle, prises par des photographes professionnels ou amateurs de l’époque, et tirées sur papier ou carton albuminé, peuvent engendrer, pour certains amateurs de beaux édifices et de belles images, des réserves et/ou de l’ennui. Aussi pour les amadouer, je leur offre, en prologue, cette jolie lithographie pleine de couleur du XIXème siècle, représentant le Palais de Justice de Pau (Pyrénées-Atlantiques), construit en pure style néoclassique, entre 1847 et 1856 (depuis 1958, ce bâtiment donnant sur la place de la Libération accueille la Cour d’appel, la Cour d’assises, et le Tribunal de grande instance de Pau, devenu, en 2020, Tribunal judiciaire).

     

         Pour m’enfoncer encore de plus belle. Je rappelle, par ailleurs, que cette présentation de Palais de justice en style néoclassique ne répond à aucune logique si ce n’est alphabétique (de la lettre « a », pour Aix, à la lettre « t » pour Tours). Elle dépend tout simplement de ce que j’ai pu dénicher, en libre accès, sur la toile, armé des mots « palais de justice », « vintage », « albuminem », et « albuminé », soit une trentaine de photographies d’époque. Sachez toutefois qu’avec les seuls mots « palais de justice », associés ou non au nom d’une ville, sur le site de cartes postales anciennes Delcampe, vous découvrirez des milliers  de photographies prises autrefois par des photographes professionnels de grand talent, et éditées en cartes postales en noir et blanc, lesquelles ont parfois été colorisées par des « petites mains » ! https://www.delcampe.net/fr/collections/

     

         Temples de Justice. Un mot enfin à propos de ce style d’architecture néoclassique, inspiré de l’Antiquité, très à la mode dans la seconde moitié du XVIIIème siècle et la première moitié du XIXème siècle. Il emprunte aux modèles antiques grecs et romains divers éléments et formes comme les colonnes de piliers doriques, ioniques ou corinthiens (sur la définition de ces trois ordres, voir le prochain chapitre 3/15), le fronton, le portique, et l’harmonie des proportions.

     

          Ce style architectural s’est ainsi exprimé dans de nombreux bâtiments judiciaires construits à cette époque (53% de nos bâtiments judiciaires ont été construits au XIXème siècle, contre seulement 17% avant la Révolution française, et 20% après 1958. Source : La justice et ses temples, regards sur l’architecture judiciaire en France. Ouvrage collectif des membres de l’Association française pour l'histoire de la justice, préfacé par Robert Badinter. 1992).

     

         Les nouveaux Palais de Justice ainsi édifiés ayant l’apparence des temples antiques leur empruntèrent également le nom de temple, d’où leur titre de « Temples de Justice ».

     

     

     

     Le Palais de Justice d’Aix, l’ancienne capitale du Comté de Provence (photographie de Claude Gondran [1823-1913], épreuve sur papier albuminé. XIXème siècle. Source : Bibliothèque numérique M méjanes d’Aix-en-Provence

    3 Le Palais de Justice d’Aix, l’ancienne capitale du Comté de Provence (photographie de Claude Gondran [1823-1913], épreuve sur papier albuminé. XIXème siècle. Source : Bibliothèque numérique M méjanes d’Aix-en-Provence.

    https://bibliotheque-numerique.citedulivre-aix.com/idurl/1/7097).

     

      Aix-en-Provence, la ville de l’étudiant en Droit Portalis. Le Palais de Justice de la ville d’Aix-en-Provence s’élève à l’emplacement de l’ancien Palais du Parlement de Provence (depuis la fin du XVème siècle),  détruit en 1786 car menaçant ruine. Sa reconstruction, ordonnée par le roi Louis XVI, subit alors une multitude d’aléas. En effet, commencés en 1787, les travaux furent suspendus de 1790 à 1822. Ce n’est qu’en 1832 que l’édifice fut achevé, sur les plans de l’architecte du département, Michel-Robert Penhaud, auteur de l’arc de triomphe de Marseille.

     

       Deux statues, réalisées par Ramus en 1847, sont placées de chaque côté de la façade de ce bâtiment de style grec. Elles représentent les jurisconsultes aixois Joseph Jérôme Siméon (1749-1842), et Jean-Etienne-Marie Portalis (1746-1807). Ce dernier fut étudiant, dès l’âge de seize ans, à l’École de Droit d’Aix-en-Provence et avocat au barreau de cette cité dès 1765.

     

       De notre temps. Situé Place de Verdun, le Palais de Justice d’Aix accueille actuellement les chambres civiles de la Cour d’appel et la Cour d’assises. Dans les toutes prochaines semaines (livraison fin décembre 2020, mise en service premier semestre 2021), il voisinera avec un autre Palais de Justice dont les travaux ont commencé au second semestre de l’année 2018. Celui-ci accueillera, boulevard Carnot, le Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, issu de la fusion, en 2020, du TGI d’Aix et des Tribunaux d’Instance de Martigues et Salon, actuellement éparpillés sur divers sites (boulevard Carnot ; boulevard des Poilus).

     

     

     

     

    Le Palais de Justice d’Alençon en Normandie (photographie tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

    4 Le Palais de Justice d’Alençon en Normandie (photographie tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

     

         « Alençon n’est pas une ville qui affriande l’étranger, elle n’est sur le chemin d’aucune capitale, elle n’a pas de hasards ; les marins qui vont de Brest à Paris ne s’y arrêtent même pas. » (Honoré de Balzac. La vielle fille). En 1811, après avoir été accueilli dans la ville d’Alençon, l’empereur Napoléon Ier ordonna par décret la construction du Palais de Justice. Commencé en 1818, achevé en 1824, et inauguré en 1827, ce palais est bâti sur l’emplacement de l’ancien donjon du château des Ducs, construit sous Pierre II, duc d’Alençon entre 1861 et 1404. Il est de style néoclassique, inspiré des temples grecs. L’entrée de sa façade est composée de quatre colonnes doriques de pierre de taille soutenant le fronton.

     

         De notre temps. Situé Place Maréchal Foch, le Palais de Justice d’Alençon, édifié sous le Premier Empire, accueille actuellement le nouveau Tribunal judiciaire issu de la fusion, au 1er janvier 2020, de son Tribunal de grande instance et de son Tribunal d’instance. Il est également le siège de la Cour d’assises de l’Orne, d'un Tribunal pour enfants, d'une juridiction de proximité, d'un Tribunal de commerce et d'un Conseil des prud'hommes.  

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice d’Angers dans les Pays de la Loire  (photographie tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

    5 Le Palais de Justice d’Angers dans les Pays de la Loire  (photographie tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

     

    Angers « la Ville des Fleurs ». C’est en 1864 que les travaux du nouveau Palais de Justice commencèrent sur des plans de Charles Edmond Isabelle, architecte du gouvernement, sur un terrain du Champ de Mars cédé par la ville. Ils furent achevés seulement vingt ans plus tard par Metzger puis Beignet, en raison de problèmes financiers. Inauguré en 1883, l’édifice est de style néoclassique, typique des constructions des bâtiments judiciaires et administratifs du XIXème siècle. Ainsi l’entrée de sa façade est-elle composée d’un escalier monumental permettant d’accéder au péristyle composé de six colonnes doriques de pierre de taille qui soutiennent le fronton à la manière des temples antiques.

     

    De notre temps. Situé rue Waldeck Rousseau, le Palais de Justice d’Angers, accueille actuellement la Cour d’appel et le nouveau Tribunal judiciaire issu de la fusion, en 2020, du Tribunal de grande instance et du Tribunal d’instance.

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Bordeaux, l’ancienne capitale de la Gaule romaine (photographie tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

    6 Le Palais de Justice de Bordeaux, l’ancienne capitale de la Gaule romaine (photographie tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

     

    Bordeaux « la Belle Endormie ». Son Palais de Justice a été construit entre 1839 et 1846 sur l’emplacement de l’ancien fort ou château du Hâ, sur des dessins de l’architecte Joseph-Adolphe Thiac (1800-1865). De style néoclassique, sa longue façade principale, inspirée du temple Grec d’Aphaïa, comporte un péristyle, lui même inspiré du temple Grec du Parthénon, à douze colonnes doriques, surmonté de trois frontons circulaires, auquel on accède par un escalier monumental.

     

    Sur la toiture des avant-corps, cette photographie ancienne laisse deviner quatre sculptures de Dominique Fortuné Maggesi (1801-1892), représentant Montesquieu, Michel de L’Hospital (à droite), Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes et Henri François d’Aguesseau (à gauche).

     

    De notre temps. Situé place de la République, cet ancien bâtiment du Palais de Justice accueille actuellement la Cour d’appel. Quant au Tribunal de grande instance, il a quitté ce Palais pour intégrer un autre Palais de Justice achevé en 1998, rue des Frères Bonie, et devenu, en 2020, siège du Tribunal judiciaire, issu de la fusion du Tribunal de Grande Instance et du Tribunal d’instance.

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Caen, l’ancienne capitale des ducs de Normandie dont Guillaume le Conquérant (photographie stéréoscopique, tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

    7 Le Palais de Justice de Caen, l’ancienne capitale des ducs de Normandie dont Guillaume le Conquérant (photographie stéréoscopique, tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

     

      Caen « Une Ville aux Cent Clochers ». Caen, qui fut au Moyen Âge la rivale de Rouen pour l’accueil de l’Echiquier itinérant de Normandie, ancêtre du Parlement de Normandie, installé définitivement à Rouen au XVIème siècle (sur cette saga judiciaire normande, voir ma page : Tirage sur papier albuminé: Parlements et Palais de Justice 2/2. http://droiticpa.eklablog.com/tirage-sur-papier-albumine-parlements-et-palais-de-justice-2-2-a204248186), n’a pas pour autant perdu tout lien avec l’institution judiciaire. Au contraire, siège d’un baillage devenu après la Révolution française tribunal civil et correctionnel, la ville de Caen a lancé la construction en 1783, dans la partie nord de la place Fontette, alors en cours d’aménagement à l’emplacement des anciennes fortifications, d’un Palais de Justice, sur des plans dressés par l’architecte Armand Bernardin Lefebvre (1733-1807). Bien que l’édifice ne soit pas terminé (la construction s’achèvera dans les années 1840), le Palais de Justice fut inauguré le 11 février 1792 et le Tribunal civil y tiendra épisodiquement ses audiences, avant de s’y installer définitivement avec le tribunal correctionnel en 1843, sous le nom de Tribunal de première instance jusqu’en 1958, puis après sous celui de Tribunal de grande instance. La Cour d’appel, la Cour d’assises, le Tribunal de commerce et le Conseil de Prud’hommes y siégeront également.

     

        De style néoclassique, alors en vogue aux XVIIIème et XIXème siècles, le Palais de Justice de Caen, aussi connu sous le nom de « Palais Fontette » a la particularité d’être en forme d’un losange tronqué à ses extrémités nord et sud. Quant à sa façade, à l’instar des autres Palais de Justice de l’époque, inspirés des temples antiques, elle  comporte un péristyle à six colonnes doriques, surmonté d’un fronton circulaire.

     

        De notre temps. Le Palais de Justice de Caen, place Fontette, n’est plus. Il a été entièrement désaffecté en 2005 (les dernières audiences judiciaires y ont eu lieu le 23 juillet 2015). Il n’a cependant pas été détruit. Au contraire, acquis par la ville de Caen en 2018, celle-ci a consenti un bail emphytéotique à un promoteur privé qui envisage de le transformer en un hôtel de luxe.

     

          Quant aux diverses institutions judiciaires qu’il accueillait, celles-ci ont trouvé d’autres refuges : la Cour d’appel, la Cour d’assises, le Tribunal de commerce et le Conseil de Prud’hommes dans le nouveau Palais de Justice construit sur la place Gambetta et inauguré en janvier 1997 ; le Tribunal Judiciaire, issu de la fusion du Tribunal de grande instance et du Tribunal d’instance, dans un autre bâtiment livré en 2015 (rue Dumont d'Urville), et rapidement épinglé par le Cour des Comptes en décembre 2017 (https://www.ccomptes.fr/fr/documents/40970).