• Tirage papier albuminé: Temples de Justice néoclassiques 6/15

     

     

     

     

    Nantes. Vue sur la Loire (carte postale illustrée, sous la marque « L.L. », des frères Léon & Lévy [plus tard Lévy & fils], Circa 1900)

    1 Nantes. Vue sur la Loire (carte postale illustrée, sous la marque « L.L. », des frères Léon & Lévy [plus tard Lévy & fils], Circa 1900).

     

    Petite note de l’auteur de ce blog. Ne pouvant résister lors de mes chasses gratuites sur la toile à la prise d’images représentant des Palais de Justice de style néoclassique autres que celles, assez rares somme toute, sous la forme de photographies tirées sur papier ou carton albuminé, j’ai ajouté à cette page nantaise et aux suivantes des cartes postales illustrées (CPI), de la Belle Époque. Celles-ci étaient d’abord tirées en noir et blanc en nombreux exemplaires (parfois des dizaines de milliers). Puis, quelques unes d’entre elles étaient colorisées, une à une, selon diverses techniques (pochoir…) par « les petites mains » de femmes beaucoup plus habiles que les hommes pour ce genre de travail.

      

    " La carte postale peinte à la main présente un intérêt plus grand que les autres en noir et blanc, car elle représente directement une impression un sentiment. Je demande à mes collègues de mettre ces cartes aux premières places de leur collections, soyez sûrs qu'elles sont des exemplaires uniques. Ils pourront lire sur l'image, une pensée un sentiment personnel et cher que la machine indifférente ne peut pas signifier" (article signé Acrom. CPI n° 24 de mai 1901).

     

     

     

     

     

    Le Château du Bouffay, premier Palais de Justice de Nantes

    2 Le Château du Bouffay, premier Palais de Justice de Nantes (vue du Beffroi et du Château, du côté de la Loire, depuis le Pont de la Poissonnerie. Carte postale de R. Guénaut, photographe-éditeur à Nantes. Gravure extraite de la collection de Paul Soullard [1839-1930], numismate et sigillographe nantais).

     

    Au fil des siècles. À Nantes, ancienne « Cité des Namnètes », depuis le Moyen Âge et jusqu’au milieu du XIXème siècle, la justice était rendue dans le « Château du Bouffay », l’ancienne résidence des comtes de Nantes et ducs de Bretagne construite (ou tout du moins achevée), à la fin du Xème siècle, par le duc de Bretagne, Conan Ier dit le Tort (mort en 992), à l’extrémité sud-ouest de la cité. Ce Château était également le siège d’une prison. 

     

     

     

     

     

     

    Le Château du Bouffay, premier Palais de Justice de Nantes

    3 Le Château du Bouffay, premier Palais de Justice de Nantes (façade sur la Place. Carte postale de R. Guénaut, photographe-éditeur à Nantes, portant la mention : Gravure communiquée par M. Angot).

     

    Devenu Tribunal révolutionnaire sous la Révolution, Cour impériale en 1811, et Cour royale en 1814, la « Château du Bouffay », aussi dénommé  « Palais du Bouffay »,  fut démoli en 1843. Sa tour, qui avait été construite en 1459 et élevée, en 1662, de six toises (une toise =  1,949 mètres), fut détruite en 1848. 

     

     

     

     

     

     

     

     L’Hôtel des Monnaies, second Palais de justice de Nantes sous la Monarchie de Juillet (1830-1848) et au début de la Deuxième République (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

    4. L’Hôtel des Monnaies, second Palais de justice de Nantes sous la Monarchie de Juillet (1830-1848) et au début de la Deuxième République (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

    Le Palais de Justice trouva alors refuge, jusqu’en 1851, dans le second « Hôtel des Monnaies » (aujourd’hui Muséum d’Histoire naturelle, inauguré le 19 août 1875). En effet, cet édifice, situé rue Voltaire, n’avait plus d’utilité depuis la fin de la frappe des pièces de monnaie par les départements, décidée par l’État en 1835. La ville de Nantes avait alors pu le racheter à l’État, mais avec l’obligation de lui conserver un usage public.

     

     

     

     

     

     

    L’ancien Palais de Justice de Nantes devenu Muséum d’histoire naturelle (carte postale illustrée. Non datée). 

    5. L’ancien Palais de Justice de Nantes devenu Muséum d’histoire naturelle (carte postale illustrée. Non datée).

     

    À l’instar de la plupart des édifices publics construits à Nantes aux XVIIIème et XIXème siècles (théâtre Graslin, bourse, préfecture…), ce second « Hôtel des Monnaies », élevé Place de la Monnaie, et devenu un temps Palais de Justice, est de style néoclassique inspiré des temples antiques gréco-romains.

     

    Conçu par l’architecte nantais Gustave Bourgeret, on retrouve dans ce bâtiment un avant corps de style corinthien avec des colonnes cannelées, surmontées d’un fronton de forme triangulaire enrichi d’une fresque du sculpteur nantais Guillaume Grootaërs (1816-1882), qui représente une allégorie de la Science éclairant le monde entre le règne animal et le règne végétal, figurée par une femme vêtue à l'antique brandissant un flambeau.

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Nantes (lithographie de Félix Benoist. 1850).

               6. Le Palais de Justice de Nantes (lithographie de Félix Benoist. 1850).

     

     

    C’est en 1842 que le Conseil général de Loire-Inférieure envisagea la construction d’un nouveau Palais de Justice, d’une prison et d’une caserne de gendarmerie, au centre de la ville, place de la Fayette (aujourd’hui, place Aristide Briand. Voir ci-après). Une ordonnance royale du 7 avril 1845 déclara d’utilité publique la construction de ces bâtiments.

     

     

     

     

     

     

     

    L’ancien Palais de Justice de Nantes (gravure de Muller, in L’Univers Illustré. n° 431 du 10 mai 1865)

    7 L’ancien Palais de Justice de Nantes (gravure de Muller, in L’Univers Illustré. n° 431 du 10 mai 1865).

     

    Deux architectes nantais, Saint-Félix Seheult (1793-1858) et Joseph-Fleury Chenantais (1809-1868), dessinèrent et supervisèrent cette construction. Il va de soi qu’ils adoptèrent le style néoclassique inspiré des temples gréco-romains, fort prisé à Nantes depuis le XVIIIème siècle, et, dans la France entière, au XIXème siècle, pour l’édification des palais de justice, pour cette raison appelés temples de justice.

     

     

     

     

     

     

    L’ancien Palais de Justice de Nantes désaffecté depuis juin 2000 (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée)

    8. L’ancien Palais de Justice de Nantes désaffecté depuis juin 2000 (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

     Ce nouveau temple de justice de Nantes fut inauguré le 2 mars 1852. Il mesure 55 mètres de large et 65 mètres de long et comporte trois étages reliés entre eux par quatre escaliers. À l’extérieure, le fronton d’entrée, soutenu par des doubles colonnes, offre une sculpture d’Étienne-Édouard Suc (1802-1855), qui représente « La Justice protégeant l’Innocence contre le crime ». 

     

    L’escalier monumental qui permet d’accéder à l’entrée principale est encadré de deux statues d’Amédée Ménard dans des niches : La Force et la Loi. Devant elles, ont été posées deux statues de lion en bronze. Fondues pendant la seconde guerre mondiale, elles ont été remplacées en 1990 par des copies en pierre. 

     

     

     

     

     

     

    Aristide Briand, un jeune avocat des « Pays de la Loire »

            9 Aristide Briand, un jeune avocat des « Pays de la Loire » (Circa 1906. Source : wikipedia).

     

         De la Tenue Bruneau à l’esplanade Aristide Briand. Le lieu choisi, en 1842, par le Conseil général de Loire-inférieure pour l’édification du palais de justice, de la prison et d’une caserne de gendarmerie était une parcelle maraîchère au nord de la ville de Nantes appelée la « Tenue Bruneau », du nom de son propriétaire. D’abord baptisé « place de la Reconnaissance », puis « place de Berry », ce terrain connu d’autres noms au fil des constructions : « place La Fayette », à l’achèvement du palais de justice (1852), de la gendarmerie (1864); et de la prison (1869) ; « place Aristide Briand », en 1918 ; « place La Fayette », de 1919 à 1932 ; et, de nouveau, « place Aristide Briand », depuis le 21 mars 1932 jusqu’à aujourd’hui.

     

        « Notre grande erreur est de croire que… l’avocat… n’est pas un homme comme les autres » (Henry de Montherlant). Les biographies consacrées à Aristide Briand, l’un des plus célèbres hommes politiques de la IIIème République (1870-1940), onze fois président du Conseil, vingt-six fois ministre, père de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État, et prix Nobel de la Paix en 1926, étant nombreuses sur la « toile » (par exemple sur wikipedia), je rappellerai seulement deux éléments en relation avec la thématique de cette page :

     

       - Un nantais… D’une part, Aristide Briand naquit le 28 mars 1862 à Nantes (comme Jules Vernes), rue du Marchix, dans un quartier populaire. Ses parents ayant ouvert une auberge à Saint-Nazaire en 1864, il fut élève au collège de cette ville portuaire, avant de revenir comme élève boursier au lycée de Nantes où il obtint son baccalauréat.

     

      -… avocat. Il s’inscrivit ensuite à la Faculté de Droit de Paris où il obtint sa licence. Il revint alors à Saint-Nazaire comme clerc de notaire (seule une biographie en ligne l’évoque). Puis, en 1886, il s’inscrivit comme avocat stagiaire dans cette même ville, plaidant sans doute de temps à autres à Nantes, mais pas pour bien longtemps. Car, en effet, ayant été séduit, à Saint Nazaire, par Fernand Pelloutier, un militant syndicaliste révolutionnaire socialiste et libertaire, il fut happé par le démon de la politique à l’instar de nombreux avocats avec ou sans causes, et se retira du barreau (voir dans les prochains mois, sur ce blog, les articles que je suis en train de préparer intitulés : Du Droit au Démon de la Politique). 

     

     

     

     

    L’ancien Palais de Justice de Nantes désaffecté depuis juin 2000 (carte postale illustrée. Non datée)

    10. L’ancien Palais de Justice de Nantes désaffecté depuis juin 2000 (carte postale illustrée. Non datée). 

     

    Cet édifice, inauguré en 1852 sur la place La Fayette (actuelle place Aristide Briand), comme Palais de justice, appartient aujourd’hui aux seuls historiens du droit et des institutions judiciaires. En effet, il a cessé toute activité judiciaire en 2000 (il est resté inoccupé jusqu’à sa conversion, une fois restauré, en un hôtel de luxe 4 étoiles, ouvert le 19 novembre 2012).

     

    Pour accueillir ses tribunaux, un nouveau palais de justice a été construit selon des plans de l’architecte français Jean Nouvel sur l’Île de Nantes accessible par la passerelle Victor-Schœlcher (n° 19 du quai François Mitterrand). Depuis 2019, la Chancellerie envisagerait des travaux d’agrandissement de cet édifice devenu trop étroit sur un terrain vert situé à son arrière.

     

     

     

     

     

    L’ancien Palais de Justice de Nantes (carte postale de l’éditeur-imprimeur E. L. D. [E. Le Deley. 127 boulevard de Sébastopol], colorisée par des « petites mains ». Datée 1908. Collection F. Chapeau. Nantes)

     

    11. L’ancien Palais de Justice de Nantes (carte postale de l’éditeur-imprimeur E. L. D. [E. Le Deley. 127 boulevard de Sébastopol], colorisée par des « petites mains ». Datée 1908. Collection F. Chapeau. Nantes). 

     

       De notre temps. On notera que le nouveau palais de justice, ouvert en juin 2000 sur l’Île de Nantes, n’est pas le siège de la Cour d’appel judiciaire. En effet, celle-ci est établie, à une centaine de kilomètres, dans la ville de Rennes (le ressort de la Cour d’appel de Rennes s’étend sur les départements des Côtes-d’Armor, du Finistère, d’Ille-et-Vilaine, de la Loire-Atlantique, donc Saint-Nazaire et Nantes, et du Morbihan. Sur le Palais de Justice de Rennes, héritier du Parlement de Bretagne, voir ma page du 17 novembre dernier: http://droiticpa.eklablog.com/tirage-sur-papier-albumine-parlements-et-palais-de-justice-1-2-a204148732).

     

      Ce bâtiment est actuellement le siège du Tribunal judiciaire de Nantes, issu de la fusion de son Tribunal d’instance et de son Tribunal de grande instance en 2020, ainsi que du Tribunal de commerce. Le Conseil de Prud’hommes, lui, est installé dans un l’immeuble contemporain, dit Atlantica II, au 26 du boulevard Vincent Gache. Quant à la Cour administrative d’appel, elle a son siège dans un  hôtel particulier construit, à la fin du XIXème siècle pour la famille Hardy, au n° 2 de la place de l’Édit de Nantes.

     

     

     

     

     

    Nantes. L’ancien  Palais de Justice et la Prison (carte postale illustrée. Collection privée de la famille Decré, fondatrice de divers Bazars et Grands Magasins à Nantes depuis les années 1880)

    12. Nantes. L’ancien  Palais de Justice et la Prison (carte postale illustrée. Collection privée de la famille Decré, fondatrice de divers Bazars et Grands Magasins à Nantes depuis les années 1880).

     

    « Nantes : peut-être avec Paris la seule ville de France où j'ai l'impression que peut m'arriver quelque chose qui en vaut la peine, où certains regards brûlent pour eux-mêmes de trop de feux […], où pour moi la cadence de la vie n'est pas la même qu'ailleurs, où un esprit d'aventure au-delà de toutes les aventures habite encore certains êtres, Nantes, d'où peuvent encore me venir des amis [...] » (André Breton, Najda, 1928).