• XL. La Bibliothèque de Droit, rue Cujas (1/3)

     

     

     

     

    Veuillez ne pas encombrer l'issue de secours

                      1. Veuillez ne pas encombrer l’issue de secours. 

     

     

     « Il n’y a que les professeurs de droit qui aient encore des bibliothèques de livres de droit, anciens, rares et de belles éditions : et l’on sait qu’ils ne les lisent jamais car les textes cités sont tous périmés. ».

     

     

    La bibliomanie des hommes de lois. Les bons étudiants en droit et leurs professeurs sont des bibliotaphes, à cause du soin qu’ils ont de refermer leurs livres et de ne les prêter à personne. C’est pourquoi il a dû être institué des bibliothèques de livres de droit qui sont ouvertes, en dehors des petites et des grandes vacances, presque tous les jours de la semaine, à l’exception des dimanches, des samedis après-midi et parfois des lundis matins, des jours fériés, d’inventaire, de formation des bibliothécaires ou de grève. Les jours d’ouverture, on peut en général y entrer et emprunter des livres de 10 heures à 17 heures (en 1887, la Bibliothèque de la Faculté de Droit de Paris était ouverte le soir de 17 heures à 22 heures).

     

     

     « La vérité ne fait pas tant de bien dans le monde que les apparences y font de mal » (La Rochefoucauld). Chers visiteurs de ce blog, qui m’occupe les jours de pluie sur la Côte d’Opale où j’ai pris ma retraite de l’Université, n’attachez pas trop d’importance à cette dernière blague de potache sur les jours et heures d’ouverture des bibliothèques universitaires. Ainsi, par exemple, en 2019, la Bibliothèque de Droit de la rue Cujas, héritière de la Bibliothèque de la Faculté de Droit de Paris, est ouverte, pendant l’année scolaire, du lundi au vendredi de 9 heures à 21 heures, et le samedi de 9 heures à 18 heures. Pendant les vacances d’été, elle est encore ouverte tous les jours de 13 heures à 19 heures. 

     

     

     

     

     

     

    Souvenir d’un étudiant de BU

                                   2 Souvenir d’un étudiant de BU : 

     

     

     

    « La BU, j’y restais enfermé des heures et des heures pour faire croire que je travaillais. »

     

     

     

         BU (J : part. passé du verbe boire. Qui a bu, boira). Les Bibliothèques Universitaires (BU) sont nées au Moyen Âge pour réunir les collections de manuscrits des Universités. Elles étaient alors appelées librairies (Maître de la librairie, se disait du bibliothécaire du droit). Car, en effet, jusqu’au XVIème siècle, le mot librairie désignait à la fois une collection de livres et le bâtiment destiné à recevoir des livres (par exemple, les librairies des Universités d’Avignon, Orléans, Angers et Poitiers, construites dans le courant du XVème siècle). Le terme Library a été conservé dans ce sens dans les pays anglo-saxons.

     

     

     

     

     

     

    Le savant chercheur (dessin de John Wills)

                    3. Le savant chercheur en BU (dessin de John Wills) 

     

     

    « Si vous possédez une bibliothèque et un petit chien vous avez tout ce qu’il vous faut. » (citation inspirée de celle de Cicéron : « Si vous possédez une bibliothèque et un jardin vous avez tout ce qu’il vous faut. ») 

     

     

         Aujourd’hui, chaque université dispose d’une Bibliothèque Universitaire intégrée, dite BU,  ainsi qu’une ou plusieurs bibliothèques associées qui sont gérées par les UFR (ou Facultés), les Instituts, et les Laboratoires de recherche (l’ensemble est fédéré au sein d’un Service Commun de Documentation : SDC).

     

       Malheureusement, il est toujours interdit aux étudiants en droit d’accéder aux BU accompagnés de leurs toutous, ce qui occasionne à ces derniers un grand préjudice moral. Fort heureusement, la Cour européenne des Droits de l’Homme, le 1er avril dernier, vient de condamner la France pour sa vision non humaniste et non éthique des animaux de compagnie, en  violation de la reconnaissance par le nouvel article 515-14 du Code civil de l’animal comme « un être vivant doué de sensibilité et toujours près à suivre son maître en BU » (issu de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015).

     

     

     

     

     

     

     

          Une ancienne salle de lecture de La Sorbonne

    4. Une ancienne salle de lecture de La Sorbonne (avant 1910, la Bibliothèque de l’Université de Paris était composée de cinq sections, dont une pour le Droit, à l’origine de la Bibliothèque Cujas de Droit et de Sciences économiques).

     

     

     « Il suffit de passer cinq minutes à la bibliothèque de droit de la rue Cujas pour s’endormir. »

     

     

    À Paris, les étudiants en droit peuvent aussi accéder aux Bibliothèques InterUniversitaires, dites BIU, comme la célèbre Bibliothèque Cujas.

     

    La BIU Cujas est l’héritière de l’ancienne Bibliothèque de la Faculté de Décret de la Sorbonne (rebaptisée Faculté des Droits en 1680, puis École ou Faculté de Droit), dont la première mention date de 1475 avec 17 manuscrits parmi lesquels le Code Justinien, le Digeste et les Décrétales (tous détruits sous la Révolution de 1789). Aujourd’hui, elle est la première bibliothèque de droit français et francophone d’Europe (Du grec, Europe, fille de Phénix et mère de Minos), avec plus d’un million de volumes (le volume se dit d’un livre relié ou broché, imprimé ou manuscrit. Il peut être in-folio, lorsque la feuille est pliée en deux ; in-quarto lorsqu’elle est pliée en quatre feuillets, ce qui fait huit pages, in-plano, lorsqu’elle ne contient qu’une page de chaque côté,  etc.).

     

     

     

     

     

     

    Recueil Dalloz de l’année 1833

                                       5. Recueil Dalloz de l’année 1833

            

     

    « Le secret d’une culture juridique intelligente, c’est de savoir sur quel rayon de la bibliothèque se trouve le Répertoire Dalloz de Droit civil ».

     

     

    Chercheur, celui qui cherche (dict. Emile Littré). Ces bibliothèques sont également ouvertes aux chercheurs et enseignants-chercheurs en droit. Ils sont appelés chercheurs, car ils cherchent avec activité et persévérance, d’abord, une place pour garer leur voiture, puis la porte d’entrée de la BU, ensuite des revues et des livres de droit, déjà empruntés régulièrement ou pris furtivement, rangés sur des étagères interminables par thème subtilement organisé (civil, criminel, privé [par opposition à public], public [par opposition à privé], introduction, sortie, etc.), au moyen de codes tenant de l’allégorie (ex. : BMW X3 M), enfin une photocopieuse en état de marche et dont l’usage ne serait pas restreint aux seuls détenteurs d’une carte magnétique disponible le mardi de 14h à 14 h 30 à l’accueil de la Bibliothèque sur présentation de justificatifs dont la liste est consultable au bureau des renseignements de l’Université, aux jours et heures d’ouverture affichés sur le site Internet de la Faculté de Droit en cours de construction.

     

     

     

     

     

     

    Les meilleurs bonbons des BU : JCP ou SJ ?

                        6. Les meilleurs bonbons des BU : JCP ou SJ ?

     

     

    « S’il fallait étudier toutes les lois, on aurait jamais le temps de les transgresser. »

     

     

    « Ma p’tite Semaine Juridique ». La plus grande épreuve de l’étudiant en droit de première année, affublé du qualificatif ethnologique de primo arrivant par le MEN (ministère de l’Éducation nationale) ; est de découvrir en BU le dernier numéro de la Semaine Juridique, la revue concurrente du Recueil hebdomadaire Dalloz. Car, en effet, dans le catalogue des BU, la Semaine Juridique (SJ) s’appelle aussi le JurisClasseur Périodique (JCP), et le JurisClasseur Périodique s’appelle aussi la Semaine Juridique.

     

    Pourquoi deux noms pour une même et unique revue me direz-vous ? Ben’ la réponse est toute simple comme la Sainte Binité ou 1 x 1 = 1 : c’est parce que c’est comme ça !

     

     

     

     

     

     

            

          La rue Saint-Étienne-des-Grés renommée rue Cujas (détail d’un plan de Paris levé par Edme Verniquet entre 1785 et 1791)

    7. La rue Saint-Étienne-des-Grés renommée rue Cujas (détail d’un plan de Paris levé par Edme Verniquet entre 1785 et 1791).

     

     

    « En raison de votre nombre, plus de 847, vous serez répartis pour l’examen d’Introduction au droit entre les amphis A, B et C, de l’UFR D dans le bâtiment E de l’Université. Le Code civil étant autorisé, vous en trouverez quelques exemplaires à la BU dont un ou deux de cette année. »

     

     

    Coupe-Gueule et Coupe-Gorge. C’est un décret du 2 octobre 1865 qui, en raison du voisinage de la Faculté de Droit, donna le nom de Jacques Cujas à une rue légendaire du Quartier Latin : l’ancienne rue Coupe-Gueule, où étaient installés les premiers locaux du Collège de la Sorbonne, non loin de la rue Coupe-Gorge. La rue Coupe-Gueule fut renommée rue des Grès ou des Grès (dérivé du mot Grec), puis rue Saint-Étienne-des-Grés, enfin rue Cujas.

     

     

    La section de droit de la Bibliothèque de l’Université de Paris alors installée au sein même de la Faculté de Droit n’a pas craint de s’approprier aussitôt le nom de Cujas, incomparablement plus attractif que celui de Coupe-Gueule. 

     

     

    Le plan d’Edme Verniquet ci-dessus reproduit représente : la nouvelle église Sainte-Geneviève, renommée Panthéon, achevée. Devant elle (en vert), l’École de Décrets (ancien nom de l’École des Droits, puis de Droit, avant la levée de l’interdiction de l’enseignement du droit civil ou romain à Paris) a déjà été construite par l’architecte Jacques-Germain Soufflot, la rue Soufflot n’a pas encore été formée vers la rue Saint-Jacques, et l’ilot des anciennes maisons de la rue Saint-Étienne-des-Grés (en jaune), derrière l’École de Droit, est toujours présent. Il ne sera annexé à l’École de Droit qu’au cours du XIXème siècle pour permettre l’agrandissement de celle-ci jusqu’à la rue Saint-Jacques avec une grande salle de lecture dénommée Bibliothèque de droit Cujas (voir le Chapitre XLI : La Bibliothèque de Droit, rue Cujas 2/3). 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jacques Cujas (dessin et gravure/gillotage de Pérot dans  « Le tour de la France par deux enfants. Devoirs et patrie », de G. Bruno, édition Eugène Belin, 1877, chapitre LXXXIV. – Toulouse. – Un grand jurisconsulte, Cujas)

     

    8. Jacques Cujas (dessin et gravure/gillotage de Pérot dans  « Le tour de la France par deux enfants. Devoirs et patrie », de G. Bruno, édition Eugène Belin, 1877, chapitre LXXXIV. – Toulouse. – Un grand jurisconsulte, Cujas).  

     

     

     

    « Il suffit de savoir les vingt-quatre lettres de l'alphabet et de vouloir ; avec cela, on apprend tout le reste. » (G. Bruno : Le tour de France par deux enfants, en prologue au récit de la vie de Jacques Cujas).

     

     

    Jacques Cujas naquît à Toulouse en 1522 et il professa le droit successivement à Cahors (1554-1555), à Bourges (1555-1557), à Valence (1557-1559), de nouveau à Bourges (1559-1566), à Turin (1566-1567), à Valences (1567-1575), peut-être à Paris, en 1576 (c’est discuté), et encore à Bourges jusqu’à la fin de sa vie, le 4 octobre 1590.

     

     

    Pour en savoir un peu plus sur ce grand jurisconsulte, voici ce que G. Bruno (de son vrai nom Augustine Fouillée), racontait avec simplicité et talent aux jeunes orphelins André et Julien, dans son célèbre livre d’instruction élémentaire « Le tour de la France par deux enfants (plus de 8,4 millions d’exemplaires vendus à ce jour !) : 

     

      

     

     

     

     

     

     

     

    G. Bruno : Le tour de France par deux enfants. Devoirs et patrie. Éditions Bélin, 1877. LXXXIV. – Toulouse. – Un grand jurisconsulte, Cujas. 

     

     

     

     

     

     

     

    Jours et heures d’ouverture de la Bibliothèque Cujas en 1907

    9. Jours et heures d’ouverture de la Bibliothèque Cujas en 1907 (source : htpp://expo-paulviollet.univ-paris1.fr/).

     

     

    « On apprend moins des cours en amphis que des bibliothèques universitaires ».

     

     

          Impair et pair. Pour découvrir la Bibliothèque Cujas en images et cartes postales anciennes (ICPA), je vous invite à me suivre, ces prochains jours, à ses heures d’ouverture, d’abord, du côté des numéros impairs de la rue Cujas où cette bibliothèque de droit fut créée (chapitre XLII : La Bibliothèque de Droit, rue Cujas 2/3), ensuite, du côté des numéros pairs de la même rue où elle fut transférée, en 1958, dans de nouveaux bâtiments, dont la salle de lecture a été modernisée en 2012-2013 (chapitre XLII : La Bibliothèque de Droit, rue Cujas 3/3).

     

     

    À très bientôt donc pour le chapitre XLI : La Bibliothèque de Droit, rue Cujas (2/3)