• XLIX : Quatre Doyens de 1899 à 1922

     

     

     

     

    L’École de Droit, renommée Faculté, place du Panthéon (c. 1900)

                   1 L’École de Droit, renommée Faculté, place du Panthéon (c. 1900)

     

    D’un siècle…. Dans un précédent chapitre, j’ai présenté les Doyens qui se sont succédés à la tête de la Faculté de Droit de Paris tout au long du XIXème siècle (chapitre XXIX : Onze Doyens de la Faculté de Droit de Paris au XIXe siècle).

     

    Jusqu’en 1885, ils étaient choisis et nommés par l’État, sans le consentement de leurs collègues. Puis, à partir de 1887, à l’occasion de la succession de Charles Beudant à la charge décanale, ils ont été nommés par arrêté ministériel, pour une durée de trois années, après avoir été élus par les professeurs titulaires de la Faculté (aux termes d’un décret du 28 décembre 1885, le conseil de la Faculté devait présentait deux candidats au décanat, au choix du ministre de l’Instruction).

     

    1805-1809 : Louis-François René Portiez, surnommé de l’Oise

    1809-1830 : Claude-Étienne Delvincourt

    1830-1843 : Hyacinthe Blondeau

    1843- 1845 : Pelligrino Rossi

    1845-1846 : Jacques Berriat, dit Saint-Prix

    1846-1847 : Albert-Paul Royer-Collard

    1847-1868 : Auguste Pellat

    1868-1879 : Gabriel Frédéric Colmet-Daâge

    1879- 1887 : Charles Beudant

    1887-1896 : Edmond Colmet de Santerre

    1896-1899 : Eugène Garsonnet

     

    … à l’autre. Je vous invite, aujourd’hui, à découvrir les professeurs de la Faculté de Droit de Paris qui furent nommés Doyens après avoir été élus par leurs pairs entre 1899 et 1922 :

     

    1899-1906 : Ernest Désiré Glasson

    1906-1910 : Charles Lyon-Caen

    1910-1913 : Paul Cauwès 

    1913-1922 : Ferdinand Larnaude (élections suspendues pendant la guerre)

     

     

     

     

    Ernest Désiré Glasson, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1899 à 1906

                               2 Ernest Désiré Glasson, Doyen de 1899 à 1906

     

    Né le 6 octobre 1839 à Noyon dans l’Oise et mort le 6 janvier 1907 à Paris, Ernest Désiré Glasson fut d’abord professeur de législation au lycée de Strasbourg (1863), et chargé de cours à la Faculté de Droit de Strasbourg (1864). Agrégé à Nancy (1865), à Paris (1867), à Poitiers (1871), et de nouveau à Paris (1875), il devint professeur à la Faculté de Droit de la capitale en 1878, chargé du cours de Code civil, puis de celui de Procédure civile.

     

    Ernest Désiré Glasson fut élu Doyen de la Faculté de Droit de Paris en 1899, avec 30 voix sur 32, succédant à Eugène Garsonnet. Son mandat triennal de Doyen lui fut renouvelé une première fois en février 1902 (32 voix sur 36), et une seconde fois en février 1905 (26 voix sur 38). Il démissionna, l’année suivante, pour raisons de santé.

     

               Élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1882, Ernest Désiré Glasson est l’auteur de nombreux ouvrages dont un Précis théorique et pratique de procédure civile (2 volumes, 1902, avec le concours, au point de vue pratique, de P. Colmet-Daage), et une Histoire du droit et des institutions de la France (8 volumes, 1887-1903).

     

     

     

     

     

    Charles Lyon-Caen, Doyen de 1906 à 1910

    3 Charles Lyon-Caen, Doyen de 1906 à 1910 (tableau de Georges Léo Degorce. Peace Palace Library. The Hague. The Netherlands).

     

    Né le 25 décembre 1843 à Paris et mort le 17 décembre 1935 à Paris, Charles Lyon-Caen prit ses inscriptions en Droit à la Faculté de Droit de Paris dont il fut docteur en 1966. Agrégé à Nancy en 1867, il fut professeur à la Faculté de Droit de cette ville jusqu’en 1872. Agrégé de la Faculté de Droit de Paris en 1872, il y fut d’abord chargé du cours de Législation Industrielle (1874-1880), puis professeur de Droit romain en 1881, et professeur de Droit commercial comparé et de Droit maritime de 1889 à 1919, année où il prit sa retraite. Il enseigna également à l’École libre des sciences politiques ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales.

     

    Membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1893, Charles Lyon-Caen en fut président de la section de Législation, Droit public et Jurisprudence (1905), et secrétaire perpétuel (1908).

     

    Il est l’auteur de plusieurs ouvrages scientifiques : Étude de droit international privé maritime (1883) ; De l’agrégation des Facultés de droit, 1889 ; Traité de droit commercial (8 vol., en collaboration avec Louis Renault, 1889-1899, 1906-1914), etc.  

            

     

     

     

             Le Doyen Charles Lyon-Caen lors d'une séance du Conseil de la Faculté de Droit de Paris.

     

      4 Le Doyen Charles Lyon-Caen lors d'une séance du Conseil de la Faculté de Droit de Paris.

     

    À la Faculté de Droit de Paris en 1901, Charles Lyon-Caen fut l'assesseur du Doyen Ernest Désiré Glasson en 1901, puis Doyen de 1906 à 1910. Premier professeur Juif à la Faculté de Droit de Paris, il fut difficilement élu par ses collègues (23 voix seulement sur 41 suffrages exprimés). Le 13 février 1909, Charles Lyon-Caen fut réélu dans ses fonctions de Doyen (19 voix pour 44 votants dont 21 bulletins blancs). Mais, victime, en décembre 1909, de manifestations antisémites du groupe parisien des Étudiants d’Action française, créé en 1905 dans la mouvance des Camelots du Roi (voir le prochain chapitre L, ou 50 : Manifestations des étudiants en Droit de Paris entre 1909 et 1912), et de l’opposition hostile d’une partie de ses collègues, il démissionna de ses fonctions le 23 février 1910, laissant la place à un protestant, le professeur Paul Cauwès.

     

     

     

     

    Paul Cauwès, Doyen de la faculté de Droit de Paris de 1910 à 1913

    5 Paul Cauwès, Doyen de 1910 à 1913 (Source de l'image: Journal Excelsior, 5 février 1911, p. 5).

                                                 

    Né à Paris le 4 mai 1843 et mort le 24 avril 1917 à Versailles, Paul Cauwès fut élève de l’École impériale des chartes (reçu premier de sa promotion au  diplôme d’archiviste paléographe), tout en faisant son Droit à la Faculté de Droit de Paris, dont il fut licencié en 1863, et docteur en 1865. Agrégé des Facultés de Droit en 1867 (reçu 2ème), il fut d’abord chargé de cours à la  Faculté de Droit de Nancy de 1867 à 1873, puis à celle de Paris de 1873 à 1881, année où il y devint professeur titulaire d’une chaire d’histoire du droit romain et du droit français. Bien plus passionné par l’économie que par le droit, il obtint la nouvelle chaire d’économie politique de la Faculté de Droit de Paris de 1895 à 1913, et présida, jusqu’en 1900, la Société d’économie politique nationale qu’il avait contribué à créer.

     

    Parmi ses publications scientifiques, on mentionnera son Cours d’économie politique professé à la Faculté de droit de Paris (Larose, Paris, 1879-1880, 2 vol. ; Larose, Paris, 1893, 4 vol.) ; ainsi qu’une étude intitulée De la protection des intérêts économiques de la femme mariée (Larose, Paris, 1894). Il est également l’un des fondateurs de la Revue d’Économie politique.

     

    Bien qu’économiste, Paul Cauwès fut facilement élu Doyen de la Faculté de Droit de Paris en 1910 (43 voix sur 45). Il fut réélu en février 1913 (38 voix sur 43), mais démissionna cette même année pour raisons de santé, et prit sa retraite.

     

     

     

     

    Ferdinand Larnaude, Doyen de la faculté de Droit de Paris de 1913 à 1922

    6 Ferdinand Larnaude, Doyen de 1913 à 1922 : « Je n’ai jamais oublié que je n’étais rien que par la Faculté et en la servant » (discours d’adieu à la Faculté).

     

    Né le 21 mai 1853 à Condom (Cher), dont il fut maire, et mort le 7 décembre 1942 à Castelnau d’Auzan (Cher), Ferdinand Larnaude, après ses études à la Faculté de Droit de Paris (Licencié en 1974, Docteur en 1874) fut chargé de cours de Droit romain à la Faculté de Droit d’Aix en 1877, agrégé à Bordeaux en 1878, puis à Paris en 1882. Il devint professeur adjoint à la Faculté de Droit de Paris en 1890, et professeur titulaire en 1890 en charge du nouveau cours de Droit public.

     

    Ferdinand Larnaude fut l’auteur d’une centaine d’ouvrages et articles, dont un Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, en 1888). Il créa en 1894 la Revue du droit public (RDP).

     

    Assesseur du Doyen Paul Cauwès depuis mars 1910, Ferdinand Larnaude fut élu Doyen de la Faculté de Droit de Paris, le 11 juillet 1913, par 32 voix sur 43, pour trois années. Il fut maintenu à cette charge de 1916 à 1919 (les élections avaient été suspendues pendant la Guerre). En mars 1919, il fut renouvelé à la fonction décanale, pour trois nouvelles années, par 33 voix contre 34. Au terme de ce second mandat, il fut nommé Professeur et Doyen honoraire, le 23 octobre 1922, avant d’être admis à faire valoir ses droits à la retraite, le 20 avril 1923. 

     

    La Guerre d’un Homme et du Droit. Le Doyen Ferdinand Larnaude a marqué la Faculté de Droit de Paris par son engagement sans faille pour la France et le Droit français pendant la Première Guerre mondiale. À la tête de la Faculté de Droit, il ne cessa de dénoncer dans ses discours « l’invasion de nouveaux Barbares », et les Universités allemandes dont « l’enseignement a empoisonné l’esprit public allemand, détraqué les cerveaux allemands, et déchaîné, par la mégalomanie qu’il a engendrée, et les convoitises les plus odieuses ».

     

    En 1915, alors que Paris était menacé, il refusa de quitter la Faculté de Droit, couchant dans son bureau pendant les bombardements (Paris fut bombardé tout au long de la guerre par des ballons Zeppelins, des avions Taubes, et des canons géants de longue portée situés à plus d’une centaine de km de la capitale).

     

     

     

     

    Le Doyen Ferdinand Larnaude, élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur, en 1919.

    7   Le Doyen Ferdinand Larnaude, élevé au grade d’Officier de la Légion d’honneur, en 1919.

     

     

    Le 4 mai 1919, son dévouement pour la Faculté de Droit pendant la Grande Guerre fut récompensé par la croix d’Officier de la Légion d’honneur, remise par Charles Lyon-Caen, et sa réélection aux fonctions décanales à la quasi unanimité des professeurs votants (moins une voix, sans doute la sienne !). Parmi de très nombreuses fonctions exercées après la Guerre par le Doyen Ferdinand Larnaude, on relèvera qu’il fut Délégué du Gouvernement de la République française à la Conférence de la Paix.

     

    À bientôt pour le chapitre L (ou 50) : Manifestations des étudiants en Droit de Paris entre 1909 et 1912.