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Amours d'étudiants au fil des siècles
Comme beaucoup d’monde j’ai fait mon droit,
Mais vraiment je m’ souviens pas d’tout !
Et pourtant j’ai beaucoup de mémoire.
Mais y’a des trucs que j’retiens,
et des trucs que j’retiens pas !
Je n’ sais plus la date de la promulgation du Code civil,
Mais je m’souviens de ce jour où je t’ai vue pour la première fois à la fac.
Je n’sais plus si une présomption simple c’est mieux ou moins bien qu’une présomption irréfragable,
Mais je m’souviens, parfaitement bien, de ton sourire.
Je n’sais plus si le droit de propriété c’est un droit réel ou un droit personnel,
Mais j’me souviens, joliment bien, de la robe que tu portais ce jour là.
Je n’sais plus ce que ça veut dire ab intestat,
Mais j’me souviens de ce p’tit coin du Luxembourg où nous allions après les cours.
J’sais plus si on écrit un contrat « innommé » ou un « contrat innomé »,
Mais j’me souviens des mots que tu as murmuré quand je t’ai pris la main.
J’me rappelle plus du prénom de Domat,
Mais toi tu t’appelais Isabelle !
Je m’ souviens pas si c’est le droit objectif qui a mangé le droit subjectif, ou si c’est le droit subjectif qui a mangé le droit objectif,
Mais je m’rappelle des jours où l’on s’asseyait à la même table au Resto’ U.
Je n’me souviens pas très bien des conditions légales du mariage,
Mais je m’rappelle des paroles de la chanson que je te fredonnais timidement : « Isabelle, Isabelle, je t’aime ».
Je n’sais plus très bien ce que racontait la prof’ de droit de la famille à cause des grèves,
Mais je m’souviens, parfaitement bien, qu’on s’était juré de ne jamais se séparer, d’avoir une maison, un beau jardin, des bébés et de vivre heureux pour une longue éternité…
Je n’sais plus très bien si y’a encore des recours ou non après un arrêt de rejet de la Cour de cassation,
Mais je m’souviens, parfaitement bien, avoir effleuré tes lèvres de ma bouche affolée.
Je m’ souviens pas très bien quand la loi est impérative et quand elle l’est pas,
Mais je m’souviens, parfaitement bien, que je n’avais que toi au monde et que rien ne pouvait nous séparer.
Je m’souviens pas très bien pourquoi les créanciers chirographaires étaient malheureux,
Mais je m’souviens, parfaitement bien, que pour être heureux il fallait passer par ton cœur.
Je m’souviens pas très bien pourquoi y’a des arrêts qui commencent par « Attendu que… », et d’autres par « Considérant que… »,
Mais je m’souviens bien, parfaitement bien, que je t’aimais tous les jours, même les jours fériés.
Je m'souviens plus très bien si j'ai rendu tous mes livres à la BU quand on a quitté la fac.
Mais je m' souviens bien, parfaitement bien, de ce jour où tu es partie pour l'étranger.
Peut-être que tu m'as oublié, moi je ne t'ai jamais oubliée.