• Amphis en ruine de nos universités (2/5)

     

     

    ROME. LE COLISEE. Peinture de Canaletto

                     6 L'amphithéâtre en ruine de Vespasien (le Colisée), par Canaletto  

     

    Passons aujourd’hui aux choses sérieuses annoncées par l’intitulé de cette chronique que je rédige chaque matin pendant mon petit déjeuner sous l’œil attentif d’un toutou en attente de notre première sortie quotidienne.

    Un Tumblr consacré aux universités en ruine fait un tabac (https://universiteenruines.tumblr.com/). Cette plate-forme, qui s’appuie sur le reblogage (du celte re, blo et guer), est alimentée par des photographies de locaux dégradés, amphithéâtres compris,  de nos universités, qui sont adressées par tout un chacun.

    Ce Tumblr me fait mal pour trois raisons :

     

     

     

    Rome Le Colisée

     

                                                7 La tumeur latine du Colisée. 

     

        D’abord parce qu’il a pour origine le mot latin tumorer, tumeur (désolé pour mes jeunes lecteurs, mais le seul dico que j’utilise est celui d’Émile Littré des années 1900 pour faire croire que je suis cultivé). En effet, les amphithéâtres du monde antique, parents lointains de nos amphis’ universitaires, avaient pour objet premier les combats de  gladiateurs qui pouvaient se terminer par la mort d’un des deux adversaires.

     

     

     

    Amphans an enfis : l’a lesson d’ortaugraffe

           8 Amphans an enfis : l’a lesson d’ortaugraffe (foto des anés baby boom ou yéyé) 

     

     

         Ensuite, en raison de l’orthographe de son intitulé : universiteenruines. Faut-il écrire université(s) en ruine, sans s final au mot ruine, ou université(s) en ruines, avec un s final au mot ruine ? Telle est ma question !

         Mon copain Émile Littré et moi-même optons pour le singulier car la ruine est avant tout un état de dégradation d’une ou plusieurs universités, avant d’en être des débris. Telle est notre réponse ! 

         Bossuet ne nous aurait pas donné tort : «  L'homme est tombé en ruine par sa volonté dépravée, le comble s'est abattu sur les murailles, et les murailles sur le fondement ». (Bossuet. Oraisons funèbres). 

     

     

     

    Un cours à l'Université au Moyen-Âge

                                        9 Un cours de droit en amphi au Moyen Âge

     

    Enfin et surtout, parce que ce Trumblr reproduit des photos d'une des facs où j'ai enseigné, humble co-héritière de l'ancienne université de la Sorbonne installée au Quartier Latin depuis le Moyen-Âge.

      Souvenirs d’un prof’ de droit. J’étais malheureux comme les pierres lorsque j’entrais pour faire cours dans un amphi de cette fac’ où il pleuvait (Premier cours de droit : il pleut dans l'amphi). Pis, du plâtre se détachait du plafond et tombait sur divers rangs, fort heureusement, pendant la nuit. Le matin, pendant que je tentais d’arrêter l’alarme qui se déclenchait de manière intempestive à chaque entrée de retardataires, de relever un store dont la colonne lombaire était bloquée au niveau de la L4 et de la L5, et de m’asseoir sur une chaise à trois pieds devant un tableau noir à craie, sans jamais de craies, et sur lequel un feutre anonyme indélébile avait couché un appel à manifester pour l’accueil des étudiants sans fac et sans papiers, mes étudiants à fac et papiers examinaient scrupuleusement l’état d’avancement du plafond de l'amphi de leur fac avant de choisir une place. 

     

     

     

    Amphis en ruine de nos universités (2/5)

                     10 Cours en amphi de programmation d’APB par le MEN (1885)

     

    Le plus triste pour moi était d’accueillir, à la rentrée de septembre, les nouveaux étudiants en droit de première année, grotesquement affublés par le MEN (pour les nuls : ministère de l’Éducation nationale) de l’appellation paléolithique  « néo-entrant-primo-arrivant d’une L1 Droit », après avoir été triés par l’algorithme baroque APB à l’insu du plein gré du MEN qui ne souvenait plus l’avoir programmé à cette fin (APB ou l'histoire sans fin du petit Bosco). 

     

     

     

     

    Astérix et la surprise de César (Uderzo & Gosciny 1985)

                           11 Astérix et la surprise de César (Uderzo & Gosciny 1985)

     

    Beaucoup de mes jeunes étudiantes et étudiants ignoraient ce qu’était un « amphi », en dehors de l’empire romain sous Alix ou Astérix le Gaulois (excusez-moi, j’avais oublié que le MEN recommande aujourd’hui à ses instits’ et profs’ de ne plus employer le mot Gaulois [du mot latin gallia, sans doute dérivé du celte gallus], pour éviter toute polémique avec les joueurs de rugby du pays de Galles ! Dans la 5ème  édition de mon manuel d’introduction au droit que je suis en train d’actualiser, j’ai lâchement édulcoré quelques lignes consacrées à l’ancien droit sous la Gaule indépendante, la Gaule romaine et la Gaule germanique, pour ne pas être banni des bibliothèques universitaires, dites B.U.). 

     

     

     

    Un toutou aux yeux tristes pour attendrir son maître

                                12 Un toutou aux yeux tristes pour attendrir son maître

     

    Toujours est-il que voici ma contribution au Tumblr universiteenruines avec de nouvelles photographies d’amphis en ruine de nos facultés.

    Non, dzolé je n’ai pas le temps de les poster ce matin sur ce blog. Mon toutou vient de m’apporter ma laisse pour que je prenne l’air (« On croit qu’on amène son chien pisser midi et soir. Grave erreur : ce sont les chiens qui nous invitent deux fois par jour à la méditation. » Daniel Pennac, La Fée carabine, 1987).

    à suivre