• Du droit des écoliers à la paresse 8/19 (L'école buissonnière).

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 8/15 (L'école buissonnière).

    85. 1ère Série Amusante. -École buissonnière (Collection Tol Sim, 28 rue d'Assas. Paris)

     

    « De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure et dont j’ai le mieux profitéIl n’est tel que de muser, ô mes amis. On y gagne toujours quelque chose. Si le petit Chaperon Rouge avait traversé le bois sans cueillir la noisette, le loup ne l’aurait pas mangé ; et, pour un petit Chaperon Rouge, en bonne morale, le sort le plus heureux est d’être mangé par le loup » (Anatole France. Le Petit Pierre. Edit. Calmann-Lévy. 1921. Chapitre VIII, p. 34). 

     

      « On apprend bien que ce qui plaît ». Voici un extrait du livre autobiographique de Paul Léautaud (1872-1956), chroniqueur dramatique dans divers journaux (Mercure de France, Nouvelle Revue Française, Nouvelles littéraires…), et écrivain, dans lequel il raconte ses jeunes années d’écolier : « J’ai été à l’école communale de l’impasse Rodier (à Courbevoie)… Je manquais une fois cette dernière pendant quinze jours, disant à mon père qu’il n’y avait pas classe, tantôt parce que le directeur avait perdu sa mère, tantôt parce que le maître était malade, etc. Mon père me croyait, et je pouvais flâner toute la journée par les rues. Mais, un jour, pendant le déjeuner, on vint de l’école pour savoir les raisons de mon absence. Quelle volée je reçus, dans le petit salon, à côté de la salle à manger ! Je m’entends encore crier à mon père, qui me marchait presque dessus de colère : Pardon, papa, je ne le ferai plus ! » (Paul Léautaud, Le Petit Ami, chap. 3 ; 1903, éd. Mercure de France). On notera que le Petit Paul quitta sans regret l’école, après son certificat d’études, et commença à travailler en exerçant divers petits métiers, notamment clerc dans une étude d’avoué, quai Voltaire, puis chez un administrateur judiciaire, rue Louis-le-Grand. Mais, peu inspiré par la vie judiciaire, il fut bientôt conquis par le monde des Lettres (et celui des belles femmes de Paris !) : « J’ai appris tout seul, par moi-même, sans personne, sans règles, sans direction arbitraire, ce qui me plaisait, ce qui me séduisait, ce qui correspondait à la nature de mon esprit ».

     

     

     

     

     L’École buissonnière (carte photo. Circa 1900).

                                 86. L’École buissonnière (carte photo. Circa 1900).

     

      Mon oPion (du latin opinio) - Pierre a déserté l’école et il commence à afficher ses opinions révolutionnaires, pour bien affirmer son indépendance.

     

     

    « École buissonnière, s’est d’abord dit d’écoles tenues par les hérétiques dans les lieux écartés de la campagne » (dictionnaire de la langue française Le Littré, 1874-1877).

     

        En effet, comme l'évoquait Émile Littré, l’école buissonnière est une expression qui remonte au XVIème siècle. Alors que les écoles des villes étaient dirigées par le clergé catholique, Martin Luther (1483-1546), un moine allemand, professeur de théologie à l’Université de Wittenberg, en Saxe, et fondateur du protestantisme, ne pouvait enseigner dans les villes cette religion qui remettait en cause des fondements du catholicisme (il sera excommunié le 3 janvier 1521). Il créa alors des écoles clandestines dans les bois, écoles qui, pour cette raison, furent qualifiées de buissonnières (Etymol. et Hist. : boissun « bouquet d’arbustes sauvages » ; boysson et boisson « petit bois » ; devenus buisson « petits groupes d’arbres, d’arbustes, d’arbrisseaux »). 

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 8/11 (photos anciennes 3/3).

                    87. L’École buissonnière (CPA pour enfants. Circa 1900). 

     

       Depuis, les mots école buissonnière ont un autre sens puisqu’ils sont utilisés pour signifier qu’un enfant sèche la classe pour aller s’amuser dehors. Pour les p’tits campagnards, des promenades et des jeux en plein air (buissons, bois, plan d’eau…). Pour les p’tits citadins, oisiveté dans les rues, parcs, fêtes foraines, grands magasins, cinémas…

     

       Voici encore la définition de l’expression « faire l’école buissonnière », telle qu’elle est apparue dans nos plus grands dictionnaires du XIXème siècle, et que l’on retrouve aujourd’hui dans ceux des XXème et XXIème siècles plus ou moins plagiaires :

     

    « Faire l'école buissonnière, en parlant d'un écolier, aller jouer au lieu de se rendre à l'école…»

    (Dictionnaire de la langue française Le Littré, 1874-1877. En libre accès sur internet [Open Access-OA]). 

     

    « Buissonnier-Buissonnière… 2. Spéc. École buissonnière. P. Plaisant. École de la nature que certains écoliers préfèrent à l'école officielle obligatoire.  Faire l'école buissonnière. Manquer la classe en allant se promener ; p. ext. muser, vagabonder »

    (Centre national de ressources textuelles et lexicales du CNRS. En libre accès sur internet [Open Access-OA]). 

     

     

    L’École buissonnière (CPA pour enfants. Circa 1900).

                             88. L’École buissonnière (CPA pour enfants. Circa 1900).

      

      « Deux élèves ont cané l'école (caner : s’enfuir, renoncer, reculer devant le danger. Par extension : faire l'école buissonnière), le frère et la sœur − six ans et quatre ans − se tenant par la main, avec leur panier du déjeuner, sont allés aux Buttes-Chaumont − les pattes flâneuses, le nez en avant, renifleur, attirés par l'odeur. Ils ont mangé leur pain, assis par terre, dans le jardin. Mais, la fillette fatiguée a fini par se mettre à pleurer, le garçon n'a plus reconnu son chemin. Un cantonnier les a ramenés à trois heures, un peu avant la fin de la récréation. Grand scandale ! On les a plantés contre le mur, au pilori ; toute l'école a défilé devant eux. Il y a eu un speech de la directrice, sur ces deux vagabonds qui auraient pu être ramassés par des saltimbanques… »

    (Léon Frapié. La Maternelle. Librairie universelle, 1908).  

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 8/11 (photos anciennes 3/3). 

        89-1. L’École buissonnière (CPA de photographies. Série de 5. Circa 1900).

     

    « Fritz Jacob n'avait qu'une idée : entraîner ses camarades dans une école buissonnière monstre.

    - L'école buissonnière ! L'école buissonnière ! s'écrie-t-il. C'est bien plus amusant que l'école pas buissonnière. Vive la clef des champs !

    - Vive la clef des champs ! » répètent avec lui les petits sots

    qu'il traîne à sa suite… »

    (P-J. Stahl [1844-1886], L’école buissonnière et ses suites. Éditeur J. Hetzel, avec des illustrations de G. Jundt. 1881. En libre accès sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5698597f

     

     

     L’École buissonnière (CPA de photographies. Série de 5. Circa 1900).

                                              89-2. L’école buissonnière

     

       Voici deux extraits du livre de l’énigmatique Paulin Poulain, « Religion et Socialisme », paru, en 1867, à Paris-Librairie Internationale, 13 boulevard Montmartre, dans lequel il fustige l’écolier paresseux par nature adepte de l’école buissonnière tout en opérant une amusante distinction selon sa classe sociale ! 

     

     

     

     L’École buissonnière (CPA de photographies. Série de 5. Circa 1900).

                                             89-3. L’école buissonnière

     

     

    Primo : l’écolier buissonnier pauvre et l’écolier buissonnier riche : « L’écolier qu’on appelle paresseux n’est pas plus somnolent que les autres ; seulement il préfère à l’école communale, l’école buissonnière, et ne craint pas de se fatiguer à courir les champs et les bois. Ou, si l’écolier est un fils de famille, un de ces riches héritiers dont le peu démocrate M. Thiers parle avec tant de complaisance et d’amour, il s’échappe, au moment où il pourrait dormir sur son thème ou sur sa version, pour aller enfourcher le poney dont il ménage peu les jambes, ou pour se mêler à ses gens, et faucher, moissonner ou battre, à leur exemple. »

     

     

     

     

    89-4. L’école buissonnière

                                              89-4. L’école buissonnière

     

     Secundo : l’écolier buissonnier futur étudiant sécheur de cours : « Plus tard l’écolier paresseux sera encore l’étudiant paresseux. Mais quand il manquera ses cours, ce ne sera pas pour aller rêver sous les frais ombrages ; vous le trouverez remontant à force de rames, le cours d’une rivière sous un soleil brûlant, ou exterminant dans un abominable steeple-chase, le pauvre cheval que lui aura confié le loueur imprudent ».

     

     

     

    89-4. L’école buissonnière

                                             89-5. L’école buissonnière

     

     

     

    L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

    90-1 L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

     

                       L’École c’est bien ennuyeux,

                       Si tu voulais, petite amie,

                       Nous irions courir tous les deux

                      A travers la grande prairie.

     

     

    L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

                                              90-2

     

                       Je vais grimper dans ce pommier,

                       Repose-toi, tu vas voir comme

                       Dans ton beau petit tablier,

                       Je vais jeter de belles pommes.

     

     

    L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

                                              90-3

     

                        Encore une et puis c’es assez,

                        Notre provision est complète.

                        Le paysan va faire un nez

                        En voyant la récolte faite !

     

     

    L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

                                             90-4

     

                       Maintenant, régalons-nous bien

                        Nous allons faire la dinette.

                        Il ne voit pas notre vaurien

                        Que le maître est là qui le guette.

                                

     

    L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

                                              90-5

     

                        Tout se finit par des chansons

                        Dit un proverbe. En l’occurrence

                        Nos vilains petits polissons

                        Finirent, eux, par une « danse ».

     

     

     

    Les Aventures de Tom Sawyer (film technicolor réalisé par Norman Taurog en 1938 avec Tommy Kelly dans le rôle de Tom Sawyer).

           91. Les Aventures de Tom Sawyer (film technicolor réalisé par Norman Taurog  en 1938 avec Tommy Kelly dans le rôle de Tom Sawyer).

     

          L’image de cette affiche représente une scène du film The adventures of Tom Sawyer, tiré du célèbre roman éponyme de Mark Twain paru en 1876. Cette scène est empruntée au premier chapitre du livre. De retour de son école buissonnière, Tom se met à table avec son demi-frère, Sidney, et sa tante Poly. Celle-ci essaye alors de lui faire avouer qu’il a fait l’école buissonnière.

     

       Chapitre 1

     

    « … Tom fit l’école buissonnière et s’amusa beaucoup. Il rentra juste à temps afin d’aider Jim à scier la provision de bois pour le lendemain et à casser du petit bois en vue du dîner. Plus exactement, il rentra assez tôt pour raconter ses exploits à Jim tandis que celui-ci abattait les trois quarts de la besogne. Sidney, le demi-frère de Tom, avait déjà, quant à lui, ramassé les copeaux : c’était un garçon calme qui n’avait point le goût des aventures.

     

          Au dîner, pendant que Tom mangeait et profitait de la moindre occasion pour dérober du sucre, tante Polly posa, à son neveu Tom, une série de questions aussi insidieuses que pénétrantes dans l’intention bien arrêtée de l’amener à se trahir. Pareille à tant d’autres âmes candides, elle croyait avoir le don de la diplomatie et considérait ses ruses les plus cousues de fil blanc comme des merveilles d’ingéniosité.

    « Tom, dit-elle, il devait faire bien chaud à l’école aujourd’hui,

    n’est-ce pas ?

    – Oui, ma tante.

    – Il devait même faire une chaleur étouffante ?

    – Oui, ma tante.

    – Tu n’as pas eu envie d’aller nager ? »

    Un peu inquiet, Tom commençait à ne plus se sentir très à son aise. Il leva les yeux sur sa tante, dont le visage était impénétrable.

    « Non, répondit-il… enfin, pas tellement. »

    La vieille dame allongea la main et tâta la chemise de Tom.

    « En tout cas, tu n’as pas trop chaud, maintenant. »

    Et elle se flatta d’avoir découvert que la chemise était parfaitement sèche, sans que personne pût deviner où elle voulait en venir. Mais Tom savait désormais de quel côté soufflait le vent et il se mit en mesure de résister à une nouvelle attaque en prenant l’offensive.

    « Il y a des camarades qui se sont amusés à nous faire gicler de l’eau sur la tête J’ai encore les cheveux tout mouillés. Tu vois ? »

    Tante Polly fut vexée de s’être laissé battre sur son propre terrain. Alors, une autre idée lui vint.

    « Tom, tu n’as pas eu à découdre le col que j’avais cousu à ta chemise pour te faire asperger la tête, n’est-ce pas ? Déboutonne ta veste. »

    Les traits de Tom se détendirent. Le garçon ouvrit sa veste. Son col de chemise était solidement cousu.

    « Allons, c’est bon. J’étais persuadée que tu avais fait l’école buissonnière et que tu t’étais baigné. Je te pardonne, Tom. Du reste, chat échaudé craint l’eau froide, comme on dit, et tu as dû te méfier, cette fois-ci. »

     Tante Polly était à moitié fâchée que sa sagacité eût été prise en défaut et à moitié satisfaite que l’on se fût montré obéissant, pour une fois. Mais Sidney intervint.

    « Tiens, fit-il, j’en aurai mis ma main au feu. Je croyais que ce matin tu avais cousu son col avec du fil blanc, or ce soir le fil est noir.

    – Mais c’est évident, je l’ai cousu avec du fil blanc ! Tom ! »

    Tom n’attendit pas son reste. Il fila comme une flèche et, avant de passer la porte, il cria :

    « Sid, tu me paieras ça !...  »

     

    La suite dans une semaine : 

    Du droit des écoliers à la paresse 9/19 (Derniers de classe).