• Du droit des écoliers à la paresse 9/19 (Derniers de classe)

     

          

               Le banc des Derniers de classe (peinture de Gustav Igler. 1881).

                91 Le banc des Derniers de classe (peinture de Gustav Igler. 1881).

     

    « Ô rage ! Ô désespoir ! Ô jeunesse meurtrie. N’ai-je donc tant vécu que pour ce cauchemar de l’école ? » (à la manière de Pierre Corneille). Comme chacun sait ou ne sait pas, les élèves d’une classe d’école, de collège et de lycée sont répertoriés en trois groupes :  

     - celui des Premiers de classe, installés tout près du tableau pour mieux écouter le maître et être vu  de lui lorsqu’ils lèvent le doigt pour répondre à une question ;

    - celui des Moyens de classe, installés derrière les Premiers de classe sur plusieurs rangs (le second rang leur permet de copier sur les premiers de classe) ;

    - et celui des Derniers de classe, au fond de la classe, près de la fenêtre et des radiateurs, à l’abri du bruit fatiguant des voix du maître et des premiers de classe.

     

       Dans sa poésie Les Écoliers, le professeur de lettres et écrivain Maurice Fombeure (1906-1981) emploie une autre classification, somme toute équivalente :

     

    Sur la route couleur de sable

    En capuchon noir et pointu,

    Le « moyen », le « bon », le « passable »

    Vont à galoches que veux-u

    Vers leur école intarissable…

     

    Robert Lamoureux [1920-2011], nous a laissé ce poème intitulé précisément Le Dernier de la classe : 

    A la fin d'une année scolaire, le dernier, au fond, qu'est-ce qu'il sait ?
    A quoi ça lui a servi de faire tous les affreux devoirs qu'il a faits ?
    Il n'a jamais connu le bien-être du bon élève qui sait ses leçons,
    Ni le regard affectueux du maître qui sourit en disant son nom.
    Sur son cahier, il y a cinq cents taches ;
    C'est ce qui fait dire à ses parents:
    " à ce gosse-là il faut la cravache,
    Quand on n'est bon qu'à faire des taches,
    La cravache, il n'y a que ça qu'on comprend!
    Qu'est-ce que tu fous à l'école ?
    Qu'est-ce que tu fous si tu fous rien ?
    "
    Et de tout son cœur qui se désole,
    Le petit répond: " Eh ben ... eh ben ... "
    Oh! Il en a appris des choses
    De la petite classe au certificat :
    Il sait qu'il y a des nuages qui sont roses
    Vers quatre heures, pendant la leçon de choses
    Quand le soleil fout le camp, tout là-bas.
    Il sait très bien ce que c'est qu'une droite,
    Une droite qui n'a ni de A ni de B,
    Quand le soleil du matin éclate,
    Il y a ses rayons qui font des droites.
    C'est comme ça qu'il apprend, le dernier.
    Lui, ce qui l'amuse, ce sont les mouches
    Qu'on garde captives dans un bouchon,
    Les mots qui font drôle dans la bouche,
    Comme " tintinabulle " ou " polochon " .
    A la fin d'une année scolaire, à la distribution des prix,
    Le petit dernier traîne sa misère
    Sous le regard méprisant de son père
    Et sa détresse est infinie.
    Mon petit copain, dernier de la classe,
    Moi, je sais bien que tu n'es pas le dernier.
    Puis console-toi, les années passent.
    En prenant la vie face à face
    Tu verras que les premières places
    Ne sont pas toutes pour les premiers.

     

    Quant à Paul Guth [1919-1997], Premier de classe en tout sauf en gym et en math, agrégé de lettres, puis prof dans divers lycée, devenu un écrivain célèbre grâce à sa série du Naïf (Grand Prix de littérature de  l’Académie française en 1978), il s’est raconté dans son autobiographie : Une enfance pour la vie (librairie Plon, 1984) ; 

    Mon étrange entrée au collège. Je passai le premier jour à subir des épreuves et à attendre leurs résultats. En quelques heures, sans bouger, je sautai deux classes : la neuvième et la huitième. On décida de m’admettre en septième…

    … De la septième à la philo, abonné au prix d’excellence, je pris sur ces bancs quelques mauvais plis qui, dans notre noir avenir, me porteront tort. La passion du travail dans une société de laxisme. La joie de la réussite, affichée naïvement sur mon visage, alors que le vent soufflerait au misérabilisme…

    … Le triomphe de la jeunesse était alors, en fin d’année scolaire, dans la cour du collège, la distribution des prix. Dans le public, les jolies dames décolletées, conduites à leur place par les grands de première et de philo qui leur offrait galamment le bras. Une estrade dressée sous les platanes. Resplendissante de drapeaux et de guirlandes sous son chargement de notables. Sous-préfet en grande tenue, capitaine de gendarmerie étincelant de galons, maire, député, sénateur avec écharpe, professeurs en robe avec épitoge, rouge, jaune, extraite de la naphtaline pour cette apothéose. Et la musique. Et les flots d’éloquence, du président et du professeur chargé du discours d’usage. Et la lecture du palmarès. « Prix d’excellence : Guth Paul… Français : premier prix : Guth Paul… Version latine : premier prix : Guth Paul… ». GUTH PAUL, GUTH PAUL. Il n’y en avait que pour ce Guth Paul, qui, avec les autres lauréats, rougissants, trébuchants, escaladait les marches de l’estrade et recevait des sommités, un petit tapotement paternel sur la joue et des livres dorés sur les trances.

     Enfin, la remontée triomphale de l’avenue d’Eysse (Villeneuve, département des Alpes-de-Haute-Provence), avec ma pile d’ouvrages rutilants, escorté par mes parents jubilants. Tous les gens aux fenêtres. La revanche du mécanicien de sa femme, de son fils … » (chapitre VI).

     

    Chagrins d’école (première de couverture du livre autobiographique de Daniel Pennac. Folio 2009)

    92 Chagrin d’école (première de couverture du livre autobiographique de Daniel Pennac. Folio 2009).

     

     « Les profs y nous prennent la tête avec leurs trucs qui servent à rien. » Ces mots de jeunes cancres sont rapportés par Daniel Pennac dans son livre autobiographique Chagrin d’école, paru en 2007, aux éditions Gallimard (réédité chez Folio en 2009, Prix Renaudot).

     

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 9/14 (Derniers de classe)

                                                        93 C’est pas juste !

     

        « Voilà deux semaines que votre fils Julien passe d’excellentes nuits pendant mes cours » (Jérôme Duhamel, Le bêtisier des profs. Les incroyables perles des enseignants du primaire à la Fac. Albin Michel. Le Livre de Poche. 2000. Page 139). Certes, les Derniers de classe ne sont pas férus d’études, préférant l’école buissonnière ou, les jours de pluie, rêver en classe en une ou plusieurs phases de sommeil ou de veille. Pourtant, beaucoup d’entre eux s’en sortent dans la vie parfois aussi bien que les Premiers de classe, et les surdoués à haut potentiel intellectuel (HPI), ou atteints de troubles Dys' comme l'auraient été Léonard de Vinci, Mozart, Albert Einstein, Picasso, Agatha Christie et Walt Disney.

     

     

     

    Alexandre Dumas fils enfant (huile sur toile de Louis Boulanger, vers 1830. Sources : Wikipedia et Artnet).

    94 Alexandre Dumas fils enfant (huile sur toile de Louis Boulanger, vers 1830. Sources : Wikipedia et Artnet).  

     

     « Comment se fait-il que tant d’enfants étant si intelligents, tant d’adultes soient si bêtes. Cela doit tenir à l’éducation. » (citation attribuée à Alexandre Dumas fils). Voici, sans être exhaustif, quelques Cancres de France, Derniers de classe, Passables ou, pour reprendre les mots du président de la République, le 23 août dernier, « En difficultés », devenus célèbres : Claude Gelée dit le Lorrain, Augustin Fresnel, Gustave Flaubert, Alexandre Dumas, Sacha Guitry, Jean Cocteau, Jean Genet, François Truffaut, Jacques Prévert, Alain Souchon, Daniel Pennac, Alphonse Boudard, Gérard Depardieu... 

     

    Claude le Lorrain [1600-1682], dernier de sa classe devenu l’un des plus grands peintres français : « Écoutez cette histoire […] : c'est celle d'un homme que ses obscurs commencements n'ont pas empêché de devenir illustre : c'est celle d'un des plus grands peintres qui aient jamais existé. Il s'appelait Claude Gelée, et on l'a surnommé le Lorrain en l'honneur de son pays, car il est né dans ce département et en est une des gloires. Ce petit Claude était fils de simples domestiques. Dans son enfance on le croyait presque imbécile, tant son intelligence était lente et tant il avait de peine à apprendre. Ses camarades d'école se moquaient alors de lui, […] et cependant leur nom à tous est resté inconnu, tandis que celui du petit Claude est devenu célèbre dans le monde entier… » (Le tour de la France par deux enfants, G. Bruno, chapitre XXVI – La modestie. Histoire du peintre Claude le Lorrain. 1ère édition, 1877). 

     

     

    Augustin Fresnel [1788-1827], dernier de sa classe devenu l'un des plus grands physiciens français. « III. Augustin FRESNEL, né dans l'Eure à la fin du siècle dernier, fut d'abord un enfant paresseux ; il était à l'école le dernier de sa classe. Mais il ne tarda pas à comprendre qu'on n'arrive à rien dans la vie sans le travail, et bientôt il travailla avec tant d'ardeur pour réparer le temps perdu, qu'à l'âge de seize ans et demi il entrait l'un des premiers à l'Ecole polytechnique. FRESNEL, né à Broglie (Eure) en 1788, mort en 1827. Il en sortit à dix-neuf ans avec le titre d'ingénieur des ponts et chaussées. Bientôt, il fut grand bruit dans le monde savant des découvertes faites par un jeune physicien sur la lumière et la marche des rayons lumineux. C'était Fresnel qui, grâce à ces découvertes, put plus tard perfectionner l'éclairage des phares. Avant lui, la lampe des phares n'avait qu'une faible lumière, qui ne s'apercevait pas d'assez loin sur les flots, et les naufrages étaient encore fréquents. Fresnel sut multiplier la lumière de cette lampe en l'entourant de verres savamment taillés et de miroirs de toute sorte. « C'est la France, a dit un de nos écrivains, qui, après ses grandes guerres, inventa ces nouveaux arts de la lumière et les appliqua qu salut de la vie humaine. Armée du rayon de Fresnel, de cette lampe forte comme quatre mille et qu'on voit à douze lieues elle se fit une ceinture de ces puissantes flammes qui entrecroisent leurs lueurs. Les ténèbres disparurent de la face de nos mers. Qui peut dire combien d'hommes et de vaisseaux sauvent les phares ? » (G. Bruno, Le tour de la France par deux enfants.  Chapitre XCVI, Trois grands hommes de la Normandie. 1ère édition. 1877).

     

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 9/14 (Derniers de classe)

    95 L’éducation à la tolérance (image d’un film documentaire russe : РУССКИЕ В ЕВРЕЙСКОЙ ШКОЛЕ. Воспитание толерантности. 2008).

     

    « Я не ленивый ! У меня просто мотивация ничего не делать ! » (« Je ne suis pas paresseux ! Je suis juste motivé à ne rien faire ! »*). Au demeurant, la phase de sommeil des Derniers de classe n’est pas l’apanage d’écoliers français, qu’ils soient laïques ou chrétiens (souvent en France, les écoles publiques invitent les parents des Derniers de classe dont elles veulent se débarrasser à les inscrire dans des écoles privées !). Comme le révèle cette image extraite d’un film documentarisé russe tourné dans une école juive sous le titre Éducation à la tolérance, le passage de l’état de veille à celui de sommeil est également apprécié d’écoliers russes derniers en classe (последний в классе).

     

     * Nota bene. Je ne parle ni n'écrit le Russe, sauf deux mots (Oui : Да da ; Merci : СПАСИБО spasibo), mais je commence à comprendre la raison pour laquelle nos collégiens et lycéens derniers de classe, adeptes des traducteurs gratuits en ligne pour faire leurs devoirs d'anglais, d'allemand ou d'espagnol, suggèrent à l'Education nationale pour faire des économies de supprimer les cours de langues étrangères !       J'ajouterai que, parfois, la fatigabilité qui empêche un enfant de rester éveiller à l'école peut être la conséquence d'un ou plusieurs troubles Dys (dyslexie, dysorthographie, dyslexie, dysgraphie, dyscalculie, dysphasie, dyspraxie). 

     

     

     

    Oraison à Saint Lâche, patron des Paresseux…

    96 Oraison à Saint Lâche, patron des Paresseux… (estampe gravée par Joseph-Louis Renou, au milieu du XVIIIème siècle. Source : site Gallica de la Bibliothèque nationale de France).

     

      Au demeurant, qu’ils soient français ou  русский (russes), ces p’tiots (affectueusement petits), en manque de réactivité émotionnelle ne font rien d’autre que mettre en œuvre l’oraison (imaginaire) au bienheureux Saint Lâche, patron des Paresseux, des Endormis, et des Fainéants :

     

        « O’ bienheureux, Saint Lâche qui possédez le Royaume de la Paresse, des Endormis et des Fainéants, faîtes par votre nonchalante intercession, que nous puissions bien boire, bien ronfler, bien dormir sans travailler. C’est tout ce que nous vous demandons. Ainsi-soit-il. »

     

       Pour éviter toute discrimination, cette oraison chrétienne trouve son pendant avec celle à Sainte Lâche, très digne sœur du bienheureux Saint Lâche et patronne des Paresseuses, des Dormeuses et des Fainéantes :

     

    « O’ bienheureuse, Sainte Lâche qui possédez le délicieux Royaume de la Paresse, des Endormies et des Fainéantes, accordez-nous d’être bien nourries, bien parées et bien bichonnées, sans qu’il nous coute rien que le doux plaisir de Captiver les Cœurs et de jouir des bienfaits de la nature en dormant. Ainsi-soit-il.»

     

      Et, pour les partisans de l’école publique laïque indépendante de toutes religions, voici La semaine de l’écolier paresseux, décrite dans le livre intitulé French Nursery Rhymes, publié, en langue française, en 1881, à Londres par la Librairie Hachette : 

    Lundi, mardi, fête;
    Mercredi, peut-être;
    Jeudi*, la Saint-Nicolas**;
    Vendredi, je n’y serai pas;
    Samedi, je reviendrai;
    Et voilà la semaine passée !

    *À l’époque, les écoliers n’avaient pas classe le jeudi (c’est en 1972 que le mercredi a remplacé le jeudi).

    **La Saint-Nicolas est un jour de fête sans école dans de nombreux pays européens, parfois plus populaire que Noël.

     

     

     

    Lebrac, grand dernier de classe, et son instituteur (image du film La Guerre des Boutons d’Yves Robert, sorti le 18 avril 1962. Prix jean Vigo. Victoire du cinéma français)

    97 Lebrac, grand dernier de classe, et son instituteur (image du film La Guerre des Boutons d’Yves Robert, sorti le 18 avril 1962. Prix jean Vigo. Victoire du cinéma français). 

     

      « Si j’aurais su j’aurais pas venu ! » (l’une des répliques du film, prononcée par P’tit Gibus). Cette photographie de Lebrac, joué par André Treton (1948-2015), nous rappelle que le Dernier de classe, installé au dernier rang ou à l’avant dernier rang, est souvent reconnaissable par sa taille bien plus grande que celle des moyens et des premiers de classe. Car, en effet, contrairement à ses condisciples, il a multiplié les redoublements !

     

       « Dans la vie, le chef, c'est celui qui a le plus grand zizi » (autre réplique culte du film). Cela dit, je vous rappelle l’intrigue de ce film adapté du roman éponyme de Louis Pergaud, publié en 1912. Des enfants du village de Longevernes, avec à leur tête Lebrac, ont déclaré la guerre à ceux du village voisin de Velrans, menés par l’Aztec des Gués, après avoir été traités par ces derniers de « Couilles molles » (gros mot que ne comprend pas très bien P’tit Gibus qui va en demander la définition à son instituteur lequel lui répond, en riant, ne connaître aucun gros mot !). Lors d’une bataille entre les deux bandes, Lebrac arrache tous les boutons et les bretelles de l’un des vaincus afin qu’il soit puni par ses parents. Puis, pour éviter le même châtiment, s’ils sont eux-mêmes vaincus, Lebrac et ses camarades décident de combattre entièrement nus.

     

        À la fin du film, sans se concerter, le père de Lebrac et celui de l’Aztec les envoient en pension, malgré les réserves de leurs instituteurs. En effet, la mise en pension est souvent le triste remède utilisé par les parents pour se débarrasser de leurs rejetons derniers de classe et/ou en difficultés.  Le maître de l’école de Longeverne (joué par Pierre Trabaud), qui accompagne alors Lebrac au pensionnat, avant de le quitter, lui demande : « Qu’est-ce que je dois dire à ton père ? ». Lebrac répond : « Qu’il aurait pu m’accompagner lui-même ».

         Lebrac reste seul dans le dortoir encore vide du pensionnat, désemparé et les yeux pleins de tristesse. Soudain, la porte du dortoir s’ouvre et apparaît l’Aztec. L’un et l’autre, naguère ennemis, sont alors fous de joie de se retrouver et ils s’amusent à sauter sur les lits. Lebrac dit en rigolant à L'Aztec : « Et dire que quand on sera grand on sera aussi bête qu’eux (nos pères) ».  

     

     

     

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 9/14 (Derniers de classe)

     

    98 - Z’peux pus rentrer en classe, yzont fermé la porte et la sonnette est trop loin !

     

     « Le droit de l’enfant c’est d’être un homme. Ce qui fait l’homme c’est la lumière. Ce qui fait la lumière c’est l’instruction. Donc le droit de l’enfant c’est l’instruction gratuite obligatoire » (Victor Hugo. Choses vues. 1887-1900). La question qui se pose aux grandes personnes est évidemment de savoir comment faire disparaître les Derniers de classe, autrement qu’en leur sucrant dix jours de vacances l’été comme l’envisage notre président de la République.

       La méthode la plus efficace serait, à priori, de supprimer toutes les écoles puisqu’elles en sont la cause ! Ainsi, faute d’écoles, il n’y aurait plus ni Derniers de classe, ni Moyens de classe, ni Premiers de classe. Mais, cela poserait de sacrés problèmes. D’abord à Victor Hugo et Jules Ferry premiers au hit parade des noms donnés aux écoles, collèges et lycées publics de France et de Navarre. Ensuite, avec le retour à la maison, tout au long de l’année, de plus de 12 millions d’enfants. Enfin, avec la mise au chômage de 1 202 900 grandes personnes relevant du ministère de l’Éducation nationale (892 300 enseignants, 297 400 non-enseignants…).  

     

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 9/14 (Derniers de classe)

    99 Vous ne travaillez pas assez Mademoiselle. Vous ne faîtes aucun progrès ; à votre âge je lisais et j’écrivais couramment !...

    -         C’est que vous aviez, sans doute, une meilleure maîtresse que moi.

     

       Plus réaliste, le changement de maîtresses d’écoles. En effet, les Derniers de classe, selon une étude statistique non publiée, s’installent spontanément aux derniers rangs de leur classe, pour être le plus loin des maîtresses lorsque celles-ci sont vieilles, laides, bêtes et méchantes.

     

     

     

    image du film Jeannette Bourgogne, de Jean Gourguet, sorti en 1938

    100 La nouvelle maîtresse : pas mal non ? (image du film Jeannette Bourgogne, de Jean Gourguet, sorti en 1938. Une jeune orpheline, jouée par Blanchette Brunoye, devient institutrice dans l’école d’un village du Morvan).

     

      Aussi, en remplaçant ces maîtresses mal aimées par des maîtresses jeunes, jolies, intelligentes et gentilles, les Derniers de classe seraient-ils plus enclins à quitter leurs rêves et à s’intéresser aux leçons, en se précipitant pour s’installer au premier rang de la classe.

     

     

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 9/14 (Derniers de classe)

                101 « Clotaire a des lunettes » (dessin de Jean-Jacques Sempé).

     

        Une autre méthode pour transformer un Dernier de classe en Premier de classe nous est rappelée par le Petit Nicolas (René Goscinny [auteur du texte] et Jean-Jacques Sempé [illustrateur] : Le Petit Nicolas et les Copains. 1963. Folio Junior Edition Spéciale. Chapitre 1).

    « Quand Clotaire est arrivé à l’école, ce matin, nous avons été drôlement étonnés, parce qu’il avait des lunettes sur la figure. Clotaire, c’est un bon copain, qui est le dernier de la classe, et il paraît que c’est pour ça qu’on lui a mis des lunettes.

    -      C’est le docteur, nous a expliqué Clotaire, qui a dit à mes parents que si j’étais dernier, c’était peut-être parce que je ne voyais pas bien en classe. Alors, on m’a emmené dans le magasin à lunettes et le monsieur des lunettes m’a regardé les yeux avec une machine qui ne fait pas mal, il m’a fait lire des tas de lettres qui ne voulaient rien dire et puis il m’a donné des lunettes, et maintenant, bing ! je ne serai plus dernier.

     Moi, ça m’a un peu étonné, le coup des lunettes, parce que si Clotaire ne voit pas en classe, c’est parce qu’il dort souvent, mais peut-être que les lunettes, ça l’empêchera de dormir. Et puis c’est vrai que le premier de la classe c’est Agnan, et c’est le seul qui porte des lunettes, même que c’est pour ça qu’on ne peut pas lui taper dessus aussi souvent qu’on le voudrait.

      Agnan, il n’a pas été content de voir que Clotaire avait des lunettes. Agnan, qui est le chouchou de la maîtresse, a toujours peur qu’un copain soit premier à sa place, et nous on a été bien content de penser que le premier, maintenant, ce serait Clotaire, qui est un chouette copain.

    -      T’as vu mes lunettes ? a demandé Clotaire à Agnan. Maintenant, je vais être le premier en tout, et ce sera moi que la maîtresse enverra chercher les cartes et qui effacerai le tableau ! La la lère !

    -      Non, monsieur ! Non, monsieur ! a dit Agnan. Le premier, c’est moi !... et il s’est mis à crier et à pleurer ; il a dit que c’était de la triche, qu’on avait pas le droit d’être premier à sa place, qu’il se plaindrait, que personne ne l’aimait, qu’il était très malheureux, qu’il allait se tuer… »

     

       Nota bene. Désolé, je ne peux mettre en ligne l’intégralité de ce chapitre en raison des droits d’auteur. Toutefois, sachez que Clotaire, interrogé par sa maîtresse en géographie, a eu zéro. En effet, à cet instant, il n’avait plus ses lunettes qu’il venait tout juste de prêter à son copain Alceste. Il resta donc Dernier de classe et Agnan, porteur de lunettes, Premier !  

     

     

     

       image du film Un Bon Petit Diable, réalisé en 1923 par Bruno Leprince

    102 La rentrée éphémère de Charles à l’école des frères Old Nick (image du film Un Bon Petit Diable, réalisé en 1923 par Bruno Leprince).

     

        Dans un de ses plus célèbres livres pour enfants, Un Bon petit Diable, publié en 1865, la Comtesse de Ségur indique une autre méthode pour supprimer les Derniers de classe peu inspirés par l’instruction scolaire. Pour la Comtesse de Ségur, ils n’ont qu’à se faire renvoyer de leur école.

       Souvenez-vous. Dans une petite ville d’Écosse, Charles, orphelin, habite chez sa vieille cousine, méchante et avare, Madame Mac’Miche. Elle lui fait croire qu’il est pauvre alors qu’elle a subtilisé tout l’argent que les parents de Charles lui avait confié pour élever celui-ci et l’établir dans la vie. Puis, lasse des tours que ne cesse de lui jouer Charles, elle le place dans la pension sévère des frères Old Nick.

       N’ayant jamais été dans une école et moins encore dans une pension, Charles y entre avec l’intention de s’en faire renvoyer en accumulant les farces. Il y parvient, en quelques jours à peine ! Par exemple, alors qu’il pénètre dans la salle d’études, le surveillant, maître Boxear, l’invite à s’installer à une place disponible. Ignorant tout du fonctionnement d’une école, Charles jette un coup d’œil dans la salle et s’aperçoit que la chaise du bureau du surveillant est libre puisque celui-ci s’est levé et lui tourne le dos. Il s’y assied provoquant l’hilarité des élèves et, évidemment, la colère du surveillant !

     

    Chapitre X : Dernier exploit de Charles (extrait) :

      …Après la leçon on commença l’étude ; les élèves se placèrent devant leurs pupitres ; Charles n’en avait pas encore, il demanda où il devait travailler.

    BOXEAR. – À votre pupitre, Monsieur.

    CHARLES. – Lequel, Monsieur ?

    BOXEAR. – Le premier vacant.

    Charles en aperçut un inoccupé près du surveillant ; c’était celui du remplaçant. Charles alla s’y placer.

    Boxear se retourna vers lui, croisa ses bras et le regarda d’un air indigné :

    « Avez-vous perdu la tête, petit drôle ? dit-il. Est-ce la place d’un élève près de moi, sur une estrade ? »

    CHARLES. – Ma foi ! Monsieur, est-ce que je sais, moi ? Est-ce que je peux deviner, moi ? Vous me dites : le premier vacant ; j’aperçois celui-ci, je le prends.

    BOXEAR. – Ah !... Monsieur est beau parleur ! Monsieur est raisonneur ! Monsieur est insubordonné, révolutionnaire, etc. Voilà comme nous venons à bout des beaux parleurs (il lui tire les cheveux) ; des raisonneurs (il lui donne des claques) ; des insubordonnés (il lui donne des coups de règle) ; des révolutionnaires (il lui donne des coups de fouet). Allez, Monsieur, chercher un pupitre vacant…

     

     

     

        

    103 Un Bon Petit Diable. Chapitre IV : Charles fait ses conditions. Il est délivré (extrait).

     

        Cumulant maintes autres bêtises comme de la glue posée sur la chaise de maître Boxear, la mise hors service de la cloche de la pension, et quelques cruautés sur le chat de maître Boxear, Charles parvint à se faire renvoyer de la pension après avoir piégé Old Nick en lui faisant promettre par écrit de renvoyer immédiatement l’auteur de toutes ces bêtises dont il lui dira le nom. Avouant ensuite être le seul coupable, il fut donc chassé aussitôt de la pension sans aucune autre punition. De retour chez Madame Mac Miche, un juge exigea d’elle qu’elle restitue à Charles tout l’argent lui appartenant. Et Charles fut ensuite recueilli par ses gentilles cousines Juliette et Marianne… 

       Vous trouverez dans ce fichier (n° 103) un très long extrait du chapitre XIV du livre dans lequel Charles fait ses conditions à Old Nick pour lui révéler l’auteur des bêtises et comment, de la sorte, il parvint à être renvoyé de la pension :

      Le livre complet est en libre accès gratuit au format PDF entièrement retapé à la main et corrigé sur le site de la bibliothèque électronique du Québec, sous ce lien : https://beq.ebooksgratuits.com/auteurs/Segur/Segur-14-xpdf.pdf 

      Ce site offre gratuitement la quasi-totalité des livres français classiques, romantiques…, libres de droit car appartenant au domaine public, au grand dam de nos éditeurs et libraires de la France de l'Europe occidentale (ces livres sont bien plus agréables à lire que ceux disponibles sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France, car ils ont été retapés mot à mot et non simplement photographiés page par page).

     

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 9/14 (Derniers de classe)

    104 Abracadabra ! Oups ! ça marche pas toujours ! (image d’une série enfantine russe [en libre accès sur Youtube avec cet ensemble de mots et chiffres: Ералаш N° 218 "Фокус-покус", mettant en scène un dernier de classe joué par l’enfant-acteur Pavel Melenchuk, né en 1994).

     

         Dans cette série, notre jeune écolier russe, après avoir planché sur un devoir, remet une copie blanche à sa maîtresse. Celle-ci, en sa présence, lui met aussitôt un zéro. Mais, pour l’apitoyer, notre cancre se met à chanter avec une voix merveilleuse. La maîtresse ébahie relève alors sa note de quelques points. Pas suffisant pour notre élève malicieux qui se met à faire des pas de danse classique avec grand talent. La maîtresse subjuguée lui remonte encore sa note de quelques points. Pas assez cependant pour notre bonhomme qui lui demande sa montre pour faire un tour de magie formidable. La maîtresse, un peu inquiète, lui donne sa montre et notre jeune magicien improvisé la pose sur le sol, la recouvre d’une toile et saute à pieds joints dessus. Puis, il enlève la toile et la montre apparaît en mille morceaux. La maîtresse est tétanisée! Mais notre élève repose la toile sur la montre et prononce la formule magique abracadabra, en russe bien évidemment : Абракадабра. Plein d’assurance, il retire ensuite la toile et, à sa grande surprise, la montre est toujours cassée. Sa maîtresse remet un 0 à sa copie !  

     

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 9/14 (Derniers de classe)

    105 Leçon de morale (lutte contre l’alcoolisme), dans une école du Pas-de-Calais, vers 1900 (source : musée national de l’éducation de Rouen, aujourd’hui Munaé, créé en 1879 par Jules Ferry).

     

       « Bienvenue chez les ch’tis ». Voici pour conclure cette page dédiée aux dernières longues vacances estivales des Derniers de classe (l’année prochaine, notre président de la République a décrété que ces enfants en difficultés rentreraient à l’école le 20 août, donc plus d'une dizaine de jours avant les Premiers et Moyens de classe !), une poésie en patois ch’ti du Nord et du Pas-de-Calais, intitulée : « Ch’dernier d’el classe », de Christian Delattre (sauf erreur, un ancien professeur et élu de la ville de Sante du département du Nord) :

     

    Ch’dernier d’el classe 


    Su l'coup d'huit heures et d'mie i rassaque es'carnasse
    Qu'i avot j'té dins un coin ... pour pas qu'al prenne trop d'plache,
    I l'accroche à sin dos, i s'in va in chifflant,
    Les deux mains dins ses poches, in dirot d'jà un grand.

    I n'a qu'tros quat' chints mètes pour aller à l'école
    Mais i passe un quart d'heure à taper dins l'castrole
    Qui traîne là dins ch'rucheau et qui n'attindot qu'li
    Pour faire un bout d'quémin, vire un n'tiot peu d'pays.

    Comme i s'arrête souvint su l'plache un n'tiot momint
    Pour abatte quèques marrons quand qu'ch 'est qu'y nn'a grinmint,
    Et qu'i prind tout sin temps pou n'in rimplir ses poches,
    Quant' i' arrife y a longtemps qu'in a fait sonner l'cloche!

    Dins ch'couloir i busie à cha qu'i va bien dire
    Quand i va pousser l'porte et qu'ech clerc i va l'vire;
    I buque un cop duchemint in trannant comme eune feulle,
    Ech'maîte i crie « entrez», alors i passe es'neulle.

    I s'assit dins sin coin près d'ech radiateur
    Et i déballe sin sac, cha n'i arprind un quart d'heure;
    El'temps qu'i s'mette in route, les autes i z'ont fini,
    Ch'est rien car i'a pas querre faire d'el géométrie!

    D'ailleurs quo qu'ch'est qu'i a querre, i n'réussit dins rien,
    Jamais qu'su sin cahier i n'a vu rire un « bien» ;
    El jour qu'i réfléchit i met deux S dins ch'mot...
    Bardouf ! Ch'arrest pour li, i nn'avot cor un d'trop!

    Passé, présent, futur, tout i s'mélange dins s'tiête ;
    Verbe, adjectif et nom, attribut, épithète,
    I toulle, i ratatoulle, i nn'arconnot pas un !
    Après tout, l'nom d'sin père i n'el connot même point!

    Mais pour briquer ch 'tableau i n'a pas sin parelle !
    Ch' est li qui sortira pour vidier ch' el corbelle !
    Quand ch'facteur s'ra passé i'ira querre ech' courrier. ..
    Si y'a d'el neiche qui quet i l'arverra l'premier!

    Habile qu'y seuche dix heures, qu'i s'arposse al'récré,
    Car si cha continue es'tiête al va funquer.
    P'tête qu'ech' t'après-midi in va faire eune promenate,
    Cha li plaît cor assez, i connot tous chés' apes !

    I sait bien qu'y a d'z'halaux dréchés près d'el rivière
    Et qu'par in d'zous d'ech quêne in treufe des glands pleins d'viers !
    Qu'fi n'prind pas du séhu pour faire eu ne arbalète
    Qu'in casse plutôt eune branque dins in ape à nojettes !

    Mais allez fourrer cha dins eune composition !
    Surtout qu'monsieur i d'mante qu'in écrife ches vrais noms!
    I f'ra comme d'habitute, i'écrira n'importe quoi!
    Ah si seulemint i'avot eune compote ed'patois.

     

    La suite, dans une semaine :

    Du droit des écoliers à la paresse 10/19 (La rentrée des classes… c’est aujourd’hui !).