179. Au secours, la mer monte ! (Chromo. Circa 1890-1900).

 

                           Quand la mer monte
                           J'ai honte, j'ai honte
                           Quand elle descend
                           Je l'attends
                          A marée basse
                          Elle est partie hélas
                          A marée haute
                          Avec un autre. 

(refrain de la chanson Quand la mer monte, interprétée par Jean-Claude Darnal, un nordiste de Douai, et reprise par les Compagnons de la Chanson en 1968 :

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/r11108082/jean-claude-darnal-interprete-quand-la-mer-monte).  

 

 

 

180. Les pieds dans l‘eau (Chromo La Belle Jardinière « Habillements tout faits et sur mesures pour Hommes et pour Enfants », 2 rue du Pont-Neuf, Paris. Circa 1890).

       -  Très coquet ton costume quoique mouillé

    - Ah voilà, il sort de l’eau c’est vrai, mais il sort aussi de la Belle              Jardinière.

 

Troisième groupe de jeux de plage des enfants de la Belle Époque : les bains de mer.

 

                    Aux bains de mer. Poésie de François Coppée :

                   Sur la plage élégante au sable de velours
                   Que frappent, réguliers et calmes, les flots lourds,
                   Tels que des vers pompeux aux nobles hémistiches,
                   Les enfants des baigneurs oisifs, les enfants riches,
                   Qui viennent des hôtels voisins et des chalets,
                   La jaquette troussée au-dessus des mollets,
                   Courent, les pieds dans l’eau, jouant avec la lame.
                   Le rire dans les yeux et le bonheur dans l’âme,
                   Sains et superbes sous leurs habits étoffés
                   Et d’un mignon chapeau de matelot coiffés,
                   Ces beaux enfants gâtés, ainsi qu’on les appelle,
                   Creusent gaîment, avec une petite pelle,
                   Dans le fin sable d’or des canaux et des trous;
                   Et ce même Océan, qui peut dans son courroux
                   Broyer sur les récifs les grands steamers de cuivre,
                   Laisse, indulgent aïeul, son flot docile suivre
                   Le chemin que lui trace un caprice d’enfant.
                   Ils sont là, l’œil ravi, les cheveux blonds au vent,

                   Non loin d’une maman brodant sous son ombrelle,
                   Et trouvent, à coup sûr, chose bien naturelle,
                   Que la mer soit si bonne et les amuse ainsi.

              — Soudain, d’autres enfants, pieds nus comme ceux-ci,
                   Et laissant monter l’eau sur leurs jambes bien faites,
                   Des moussaillons du port, des pêcheurs de crevettes,
                   Passent, le cou tendu sous le poids des paniers.
                   Ce sont les fils des gens du peuple, les derniers
                   Des pauvres, et le sort leur fit rude la vie ;
                   Mais ils vont, sérieux, sans un regard d’envie
                   Pour ces jolis babys et les plaisirs qu’ils ont.
                   Comme de courageux petits marins qu’ils sont,
                   Ils aiment leur métier pénible et salutaire
                   Et ne jalousent point les heureux de la terre ;

                   Car ils savent combien maternelle est la mer
                   Et que pour eux aussi souffle le vent amer
                   Qui rend robuste et belle, en lui baisant la joue,
                   L’enfance qui travaille et l’enfance qui joue.

 

(Aux Bains de mer est une poésie de François Coppé [1842-1908], à ne pas confondre avec son paronyme Jean-François Copé. Elle a été publiée, en 1892, par la librairie L. Hébert, dans le Tome II des Œuvres complètes de cet écrivain, réunissant l’ensemble de ses poésies sous le titre Le Cahier rouge). 

 

 

181. Non non non, pitié, pas ça ! (Chromo À La Boulangère : « La Chicorée Extra, la meilleure des Chicorées Françaises ». Hérold, Paris. Circa 1900).

 

Fabrication d’eau de mer : Prendre de l’eau de pluie dans laquelle vous faîtes dissoudre par litre : Sel gris de cuisine 20 gr., Chlorure de magnésium 2 gr., Sulfate de magnésie 1 gr., Chlorure de potassium et Chlorure de calcium 1 centigr.

 

 

 

182. Bain de pieds (Chromo de la société anonyme Bovril, 4 rue de la Tacherie, Paris.  « Bovril, fabriqué avec la meilleure viande de bœuf, sert à faire des sauces, des potages délicieux, donne de la saveur aux entremets, légumes, etc. ; étant de plus très-fortifiant, très-nourrissant, il devrait se trouver dans toutes les cuisines, dans tous les ménages.» Circa 1900).

 

    « Bain de pieds : celui où l’on ne baigne que les pieds » (Dictionnaire de l’Académie Française, 8^ème édition). Pour les très jeunes enfants de Paris découvrant pour la première fois les plages du littoral du Nord (Mer du Nord, Manche), à l’eau de mer un peu fraiche (environ 15°-16° l’été !), le bain de pieds est parfaitement adapté.

 

 

 

             183. Les pieds dans l’eau, la tête au soleil… (Chromo. Circa 1900).

 

 « Oh! dit Estelle, toute petite j'ai pataugé* (...). L'eau me connaît bien. Nous sommes de vieilles amies » (Émile Zola, Les coquillages de monsieur Chabre, 1884, p. 264).

* Patauger, « notamment en parlant des enfants, barboter dans l’eau en essayant d’y nager ». Ce mot est à l’origine du mot pataugeoire : « un bassin de faible profondeur, spécialement conçu pour le bain des enfants » (Dictionnaire de l’Académie Française. 8^ème édition).

 

 

 

                    184. Ronde des enfants de la mer (Chromo. Circa 1900).

 

Les pieds dans l’eau, sans grands risques, les enfants peuvent danser et chanter en ronde…

        Il tourne en rond notre beau bateau
        Il tourne en rond (trois fois)
        Il tourne en rond notre beau bateau
        et tombe... au fond... de l'eau.

       (Comptine d’enfants).

 

 

 

 

       185. Le premier qui attrape le ballon gagne ! (Chromo. Circa 1900).

 

          … jouer au ballon…

 

 

 

                            186. Rapporte le bâton ! (Chromo. Circa 1900).

 

         … ou lancer un bout de bois à leur gentil toutou.

 

 

 

                    187. Cerf-volant en bord de mer (Chromo. Circa 1900).

 

  « Tout le monde court après sa jeunesse. A douze ans, on court après un cerf-volant. Puis, on court après son âme d’enfant » (Francis Blanche, 2012).

 

 En revanche, il n’est pas recommandé aux enfants de faire voler un cerf-volant* avec les pieds dans l’eau de mer. En effet, s’il tombe, sa voile en toile ou en papier mouillée l'empêchera de redécoller. Aussi, l’illustrateur de ce chromo aurait-il été plus éclairé en représentant cet enfant faire planer son cerf-volant avec les pieds sur le sable de la plage !

* Le mot cerf-volant viendrait de l’ancien français serf ou serpe volant qui désignait un serpent ou un dragon volant par emprunt à la mythologie de la Chine qui le représentait souvent sous la forme d’un serpent ou d’un dragon avec une tête féroce et une longue queue faite de ficelles et de bouts de papier. L’illustrateur de ce chromo a préféré représenter le cerf-volant du p’tit parisien en forme de cage rectangulaire car ce type de cerf-volant beaucoup plus puissant connaissait en France un certain succès dans les années 1900. 

 

 

 

                                        188. Demi-Bain (Chromo. Circa 1900).

 

 Baignade autorisée. Noyade interdite. Les enfants un peu moins p’tits et de grande bravoure peuvent préférer le demi-bain, celui où l'on se baigne jusqu'à la ceinture. Pour limiter tous risques de noyade, ils peuvent porter dans leurs mains un p’tit bateau de sauvetage.

 

 

 

189. Le Grand nageur (Chromo Chocolat Besnier « un chocolat garanti pur cacao et sucre et de loin supérieur à tous les autres ». Série Les Petits Domestiques, impr. Appel. Circa 1890-1900).

 

 C’est l’heure du bain ! Pour les enfants encore un peu plus grands, l’heure du bain c’est évidemment celle d’aller nager dans la mer et non pas d’y barboter ou d’y patauger comme un bébé !

 

 

 

190. Les vacances du petit parisien : la plage (Chromo du Bon Marché, le premier des Grands Magasins parisiens qui avait été ouvert, en 1852, par Aristide Boucicaut).

 

 La Mer-Veille n’est pas une Mère qui Veille ! Mais, à la Belle Époque, un important problème se posait à nos enfants gâtés des villes découvrant la mer-veilleuse mer. Comment flotter et avancer dessus sans couler ?

   Certes, Archimède avait énoncé, vers 250 av. J.-C., sa théorie de la poussée selon laquelle « tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale vers le haut égale au poids du volume de liquide déplacé ». Mais, il l’aurait expérimentée dans sa baignoire ce qui limitait d’autant le risque de noyade. De plus, sauf erreur, cette théorie n’a jamais permis à quiconque d’avancer sur l’eau à la nage.

   Quant à l’apprentissage de la natation par les enfants des villes et des campagnes, il était exceptionnel à la fin du XIXème siècle. Certes, l’école primaire gratuite et obligatoire, voulue par Jules Ferry (1832-1893), devait enseigner aux enfants une natation utilitaire et hygiénique. Seulement, cet apprentissage se limitait en général à des mouvements élémentaires de gymnastique reproduisant la brasse à 4 temps, à terre et en tenue d’écoliers, dans la cour de récréation (un manuel de 1891 évoque une gymnastique de base constituée de mouvements élémentaires à sec qui visent « le perfectionnement de la coordination dans les mouvements par la répétition lente et fréquente d'actes musculaires simples et par la décomposition des mouvements complexes »).

 

   En revanche, cet apprentissage de la natation ne s’accompagnait quasiment jamais de mouvements pratiques dans l’eau des fleuves, des rivières, des étangs, des lacs ou des piscines (du mot d'origine latine piscis qui signifie poisson). En effet, à Paris, par exemple, les deux premières piscines publiques couvertes et chauffées ne datent que des années 1884 [piscine Château-Landon] et 1887 [piscine Oberkampf]. De plus, en 1922, la France entière ne disposait que de 20 piscines contre 1360 pour les Allemands et 800 pour les Anglais ! Sans compter qu’à cette époque bien peu de gens étaient capables d’enseigner la natation dans l’eau.

 

 

 

191. Si tu sais pas nager, va pas nager !  (Chromo imprimé aux machines lithographiques de la Maison Testu & Massin, vers 1880. Le crawl, du mot anglais signifiant ramper, est une technique de natation qui existe depuis l'Antiquité grecque, et qui a été perfectionnée par les frères Cawill, deux Australiens, dans les années 1870).

 

 Aussi nos enfants des cités qui débarquaient, à la fin du XIXème siècle et au tout début du XXème siècle, dans les nouvelles stations balnéaires du littoral, devaient-ils y apprendre à nager, soit seuls, soit avec leurs parents, soit avec leurs domestiques, soit avec de rarissimes maîtres de nage dont la compétence en la matière n’était pas toujours garantie (souvent des pêcheurs reconvertis aux nouveaux métiers saisonniers de surveillants de baignade et/ou de maîtres de nage).

 

     De la sorte, les enfants les plus courageux pouvaient découvrir et réussir, avec plus ou moins de succès, l’une ou plusieurs des nages déjà pratiquées au Moyen Âge par le jeune Gargantua « Nageoyt en profonde eau, à l’endroici, à l’envers, de cousté, de tout le corps, des seuls pieds » (François Rabelais, Gargantua, chapitre XXI. Publiée en 1534). En français moderne : « Il nageait en eau profonde, sur le ventre, sur le dos, en nage complète ou avec les seuls battements de pieds ».

 

 

 

                 192. Plongeon avec ou sans plouf (Chromo. Circa 1890-1900).

 

  Plus rare sur nos plages du littoral, le plongeon dans l'eau de mer des p'tits parisiens les plus téméraires, faute de plongeoirs adaptés !

 

 

 

                      193 - Hé les filles, tombez pas ! (Chromo. Circa1900).

 

  La suite dans quelques jours... avec le quatrième et dernier groupe des jeux de plage des enfants de la Belle Époque en chromos.  Je vous laisse le deviner en vous soufflant qu'il ne s'agit ni du lancer de sables dans les yeux des copains interdit par les parents, ni du lancer de miettes de pains ou de frites aux mouettes et goélands interdit par arrêté municipal pris par un méchant Maire, ni de bonhommes de neige à cause du sel de mer, ni de jeux de balles se terminant par balls à cause du trop grand nombre de cabines de bains sur la plage, ni de jeux vidéos car les petits écrans cadrent mal avec l'ambiance des années 1900 !

 

 

          

193 Maman les p’tits bateaux qui vont sur l’eau… (chanson enfantine du XIXème siècle. D’autres versions mentionnent : Papa les p’tits bateaux qui vont sur l’eau…)

 

  Quatrième et dernier groupe des jeux de plage des enfants gâtés de la Belle Époque (1870-1914) en vacances dans les nouvelles stations balnéaires du littoral (Mer du Nord, Manche, Atlantique) : la navigation de p’tits bateaux. 

  

Les enfants ont toujours été fascinés par les bateaux naviguant sur la mer. Nombre d’entre eux, dans les années 1900, étaient tombés amoureux des romans maritimes de Jules Verne (1828-1905), cet ancien étudiant, docteur en droit, passionné de îles, des bateaux et des ports, devenu l’un des auteurs les plus célèbres dans le monde, cloué au pilori par nos hommes de lettres et interdit d’entrer à l’Académie française.

   Les dessinateurs de chromolithographies (ou chromos), foulés aux pieds, quant à eux, par les musées et les auteurs d'ouvrages plus ou moins académiques de beaux-arts, ont représenté, avec grand talent, ce plaisir des enfants des plages pour les p’tits bateaux. Pour vous en convaincre, voici une quinzaine de chromos publicitaires des années 1880-1900, parmi des milliers qui furent édités à cette époque à la demande de commerces et de nouveaux grands magasins, et qui ressurgissent aujourd’hui sur la toile.

 

  Voyez également des photographies anciennes représentant des enfants de Paris faisant naviguer, dans les années 1900, leurs p’tits bateaux sur le grand bassin du Jardin du Luxembourg, surnommé Le Luco par nos étudiants du Quartier Latin :

http://droiticpa.eklablog.com/les-bateaux-du-jardin-du-luxembourg-1-depuis-1830-a135643172

 

 

 

                                                            194 Ont-ils des jambes ?

 

 

                                                    195 Mais non, mon gros bêta

 

 

                                           196 S’ils en avaient, ils marcheraient !

                   

                     Autre variante de ce premier couplet :

             Maman les p’tits bateaux qui vont sur l’eau

             Ont-ils des jambes ?  

             Mais oui, mon gros bêta.

             S’ils n’en avaient pas

             Ils ne marcheraient pas. 

 

 

                                  197 Maman les p’tits bateaux qui vont sur l’eau

 

 

                                                             198 Ont-ils une âme ?

 

 

                                                    199 Mais oui, mon gros bêta

 

 

                                                        200 S’ils n’en avaient pas,

 

 

                                                        201 Ils n’avanceraient pas ! 

 

 

                                                     202 Va, quand tu seras grand

 

 

                                                     203 Tu feras le tour du monde

 

 

                                                      204 Pour lutter vaillamment

 

 

                                                205 Contre le vent et la mer

 

 

                                                      206 Allant droit devant eux,

                                                         Ils font le tour du monde,

 

 

                                                  207 Mais comme la terre est ronde,

                                                      Ils reviennent chez eux.  

 

La suite des jeux de plage des enfants de la Belle Époque en chromos : très bientôt …

 

 

208 Bain de mer du gentil toutou (chromo de l’imprimeur-lithographe de Tours [7-11 rue de Jérusalem] Jean-Baptiste Gibert-Clarey [né en 1832, décédé en 1902]. Circa 1870/1880. Source de l’image : http://www.chromo-clarey.com/).

 

  Du Droit de jouer des enfants. Voici la suite de la série des jeux de plage des enfants de la Belle Epoque (1870-1914), en chromolithographies (chromos) publicitaires d’éditeurs-imprimeurs-lithographes, qui étaient remises en caisse aux clients des magasins et commerces (ou glissées dans les tablettes de chocolat pour enfants gourmands). Elles proviennent des plus importantes imprimeries-lithographiques de ce temps passé comme la Société Clarey-Martineau et Gibert de Tours, L'Imprimerie Lithographique, Artistique & Commerciale F. APPEL de Paris, et J. Minot & Cie de Paris. Elles se retrouvent, aujourd’hui, sur la toile, grâce à des passionnés désintéressés.

 

 

 

 

209 Maman les p’tits bateaux qui vont sur l’eau… (chromo de l’imprimeur-lithographe Jean-Baptiste Gibert-Clarey, Circa 1870/1880. Source de l’image : http://www.chromo-clarey.com/).

 

    Il est difficile de connaître le nombre exact de chromos édités par chacun de ces imprimeurs-lithographes sur le thème des jeux de plage des p’tits parisiens accueillis dans les toutes nouvelles stations balnéaires du littoral de la mer du Nord, de la Manche et de l’océan Atlantique.

     De plus, le nom des dessinateurs, employés par ces imprimeries, est rarement mentionné au recto ou au verso de ces images (l’imprimerie F. Appel employait plus d’une centaine de personnes !).

 

 

 

210 Enfants se chamaillant au bord de la mer (chromo des années 1880 d’Alfred Clarey [né en 1838], imprimeur-lithographe, d’abord à Tours avec son beau-frère Jean-Baptiste Gibert-Clarey, puis à Asnières. Avant d’ouvrir sa propre imprimerie, il fut dessinateur de lithographies, à Paris, chez l’imprimeur F. Appel).

 

 

 

211 Enfants à la plage avec un homard tirant un chariot (chromo des années 1880 d’Alfred Clarey).

 

 

 

212 Enfants affrontant une grosse vague (chromo des années 1880 d’Alfred Clarey).

 

 

 

213 Enfants attaqués par un crabe (chromo des années 1880 d’Alfred Clarey).

 

 

 

214 Enfants remorquant un bateau (chromo des années 1880 d’Alfred Clarey).

 

 

 

 

215 Enfant à la plage (chromo d’une série des années 1880 éditée par L'Imprimerie Lithographique, Artistique & Commerciale F. APPEL de Paris, 12 rue du Delta, 9^ème arrondissement).

 

 

 

 

216 Enfant à la plage (chromo d’une série des années 1880, éditée par L'Imprimerie Lithographique, Artistique & Commerciale F. APPEL).

 

 

 

 

217 Enfant à la plage (chromo d’une série des années 1880, éditée par L'Imprimerie Lithographique, Artistique & Commerciale F. APPEL). 

 

 

 

 

218 Enfant à la plage (chromo d’une série des années 1880, éditée par L'Imprimerie Lithographique, Artistique & Commerciale F. APPEL). 

 

 

 

 

219 Enfant à la plage (chromo d’une série des années 1880, éditée par L'Imprimerie Lithographique, Artistique & Commerciale F. APPEL). 

 

 

 

 

220 Enfant à la plage (chromo d’une série des années 1880, éditée par L'Imprimerie Lithographique, Artistique & Commerciale F. APPEL). 

 

 

         La suite des jeux de plage des enfants de la Belle Époque en chromos : très bientôt … 

 

 

 

221 Au Bon Marché-Maison Aristide Boucicaut (en 1852, Aristide Boucicaut installa son magasin parisien de vente d’articles textiles à l’angle des rues du Bac et de Sèvres, dans le 7^ème arrondissement).

 

  Les Chromos publicitaires enfantins. Comme tant d’autres nouveaux commerces du Second Empire (du 2 décembre 1852 au 4 septembre 1870) et du début de la Troisième République (4 septembre 1870 – 10 juillet 1940), le grand magasin Au Bon Marché (aujourd’hui Le Bon Marché du groupe LVMH), se fit connaître grâce à la publicité. Il recourut notamment aux dessins imagés issus du procédé d’impression lithographique en couleurs dit chromolithographie (du grec, couleur, et, voir), ou chromo pour aller plus vite (comme kilo au lieu de kilogramme), qui avait été perfectionné, en 1837, par Godefroy Engelmann. 

     Ces chromos étaient adorés des enfants pour qui ils étaient remis gratuitement lors du passage en caisse de leurs parents ou bonnes (ces enfants ne connaissaient alors ni les bandes dessinées, ni les écrans !). Le magasin Au Bon Marché distribua ainsi plus de 50 millions de chromos entre 1895 et août 1914. Mais la mobilisation des dessinateurs des imprimeries lithographiques, en 1914, marqua la disparition progressive de cette technique d’impression complexe. Elle sera remplacée, au lendemain de la guerre, par d’autres techniques d’impressions plus simples et moins couteuses comme celle de l’offset. 

 

 

 

222 Au Bon Marché (entre 1869 et 1888, d’importants travaux permirent à ce grand magasin d’occuper un ilot complet encadré par les rues de Sèvres, de Babylone, du Bac, et Velpeau).

 

 Comment séduire les enfants de la Belle Époque ? L’un des thèmes privilégiés de ces chromos publicitaires était celui des jeux de plage des p’tits parisiens issus de familles aisées, qui partaient en vacances dans les nouvelles stations balnéaires du littoral (Mer du Nord, Manche, Océan Atlantique). En voici deux séries qui furent réalisées par l'éditeur-imprimeur-lithographe J. Minot (Charles Antoine Joseph Simon Minot [1847-1901]). Celui-ci, après avoir repris, en 1877, l’imprimerie parisienne de Fortuné Léon Guesnu, s’était installé 5 rue Béranger dans le 3^ème arrondissement. Comme souvent, en matière de chromos, le nom du dessinateur ou de l’illustrateur, employé par cette imprimerie reste inconnu.

 

 

223 -J’peux pas, j’vais en vacances à Boulogne-sur-Mer (chromolithographie Au Bon Marché. J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris. Circa 1890). 

 

  « Boulogne-sur-Mer… c’est le meilleur mélange de ville et de campagne avec l’air de la mer par surcroit, que je connaisse » (Charles Dickens, après trois étés passés dans cette ville entre 1854 et 1856).

  La ville de Boulogne-sur-Mer du département du Pas-de-Calais, sur le bord de la Manche, était, jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, un port de pêche en déclin.

    Puis, en 1785, Cléry de Bécourt y fonda le premier établissement français de bains de mer chauds à des fins thérapeutiques. Il s’était inspiré, d’une part, des travaux du docteur Charles Russel à l’origine du premier établissement de bains de mer créé, en 1783, à Brighton, en Angleterre, d’autre part, de la première maison de santé thermale Marine ouverte à Dieppe en 1778 (voir ci-après). Un siècle plus tard, en 1894, Boulogne-sur-Mer accueillit le premier Congrès international des bains de mer et d’hydrologie, autrement dit de thalassothérapie.

   À la Belle Époque (de la fin du XIXème siècle au début de la Première Guerre mondiale en 1914), Boulogne-sur-Mer devint encore l’une des plus importantes stations balnéaires de loisirs françaises. Sa fréquentation fut même plus élevée dans les années 1900 qu’elle le sera en 1936, sommet du succès balnéaire français. En effet, cette ville était galvanisée par la recherche de plaisirs de l’aristocratie et de la bourgeoisie aisée, le développement du chemin de fer permettant aux parisiens de la rejoindre en moins de 4 heures (la ligne Paris-Amiens-Boulogne fut achevée en 1848), et son attrait auprès des anglais (près de 15 000, l’été 1854). Les constructions se succédèrent pour l’accueil de ces vacanciers : Le Palais Neptune dédié aux bains de mer, inauguré en 1825 ; un casino municipal mondain en 1863 ; de grands hôtels ; des villas luxueuses…

  À l’arrière de ce chromo mettant en scène des enfants jouant sur la plage de Boulogne-sur-Mer, on découvre les cabines de bains de l’époque, qui permettaient aux femmes d’y revêtir leur maillot de bains à l’abri des regards indiscrets. Ces cabines étaient ensuite tractées par un cheval jusqu’à la mer et les femmes pouvaient s’y baigner. Une fois le bain achevé, elles remontaient dans leur cabine qui était de nouveau tractée jusqu’au sable de la plage, et elles s’y changeaient pour revêtir une robe longue et un chapeau à large bord les protégeant du soleil de la tête aux pieds (le bronzage et le bikini n’étaient pas encore en vogue !). 

 

 

224 -J’peux pas, j’vais en vacances à Cabourg (chromolithographie Au Bon Marché. J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris. Circa 1890). 

 

   Cabourg-les-Bains. C’est à Cabourg, petit village de pêcheurs du département du Calvados, qu’Henri Durand-Morimbeau, un avocat et homme d’affaires parisien, et Achille Colin, directeur du théâtre de la porte Saint-Martin, décidèrent d’y créer une station balnéaire de loisirs. À cette fin, ils constituèrent, en 1854, une Société Thermale qui racheta les dunes du bord de mer et des herbages. Des architectes (Paul Leroux, Robinet…) y élaborèrent la nouvelle station de « Cabourg-les-Bains » dont les avenues en forme d’éventail convergent vers une place centrale sur laquelle avait été édifié un premier casino en bois. La station sera inaugurée en 1855. Elle verra naître un Grand Hôtel en 1861 en bordure du rivage, un casino en pierre en 1867, et une digue-promenade en 1887. En 1879, l’élaboration d’un tronçon de chemin de fer entre la gare de Mézidon et celle de Dives-Cabourg mit cette nouvelle station à cinq heures de Paris.

  Bientôt, Cabourg deviendra la « Reine des Plages » de la Côte Fleurie, qui s’étend d’ouest en est de Merville-Franceville à Honfleur, fréquentée par l’aristocratie et la grande bourgeoisie.

 

« La marée pleine et le grand jour élevaient… un rempart indestructible et mobile d’émeraude et d’or » (Marcel Proust). La notoriété de Cabourg dut encore beaucoup à l’écrivain Marcel Proust [1871-1922], qui y séjourna régulièrement, entre 1907 et 1914, au Grand Hôtel de la station pour soigner son asthme :

 

 

« Ayant appris qu'il y avait, à Cabourg, un hôtel, le plus confortable de toute la côte, j'y suis allé. Depuis que je suis ici, je peux me lever et sortir tous les jours, ce qui ne m'était pas arrivé depuis six ans. » (Lettre de Marcel Proust à Mme de Caraman-Chimay. 1907).

   

Marcel Proust entreprit alors à Cabourg l’œuvre de sa vie : « À la recherche du temps perdu », un roman écrit de 1906 à 1922, et publié de 1913 à 1926. Il y évoque maintes fois la station de Cabourg qu’il rebaptisa Balbec :

 

  « Car – comme la baie de Balbec était un petit univers à part au milieu du grand, une corbeille des saisons où étaient rassemblés en cercle les jours variés et les mois successifs, si bien que, non seulement les jours où on apercevait Rivebelle, ce qui était signe d'orage, on y distinguait du soleil sur les maisons pendant qu'il faisait noir à Balbec, mais encore que quand les froids avaient gagné Balbec, on était certain de trouver sur cette autre rive deux ou trois mois supplémentaires de chaleur –ceux de ces habitués du Grand-Hôtel dont les vacances commençaient tard ou duraient longtemps faisaient, quand arrivaient les pluies et les brumes, à l'approche de l'automne, charger leurs malles sur une barque, et traversaient rejoindre l'été à Rivebelle ou à Costedor… ».

 

   «… Cette salle à manger [du Grand Hôtel], de Balbec, apparaissait nue, emplie de soleil vert comme l’eau d’une piscine. À quelques mètres de celle-ci, la marée pleine et le grand jour élevaient, comme devant la cité céleste, un rempart indestructible et mobile d’émeraude et d’or… ».

  

     La plage des bébés. Quant aux enfants de la plage de Cabourg, Marcel Proust en avait été l’un d’eux, lorsque, petit parisien de santé fragile, il y était venu à l’âge de dix ans pour soigner ses troubles respiratoires, accompagné par sa grand-mère. De plus, nombre d'affiches publicitaires de la Belle Époque, pour attirer les familles parisiennes à Cabourg, la dénommait « La plage des bébés », énonçant que l’air iodé et vivifiant de la mer devait permettre de les fortifier. Quant à ce chromo du Bon Marché, il représente nos p’tits parisiens comme travailleurs du sable armés de pelles et d’une brouette !

 

 

 

225 -J’peux pas, j’vais en vacances à Dieppe (chromolithographie Au Bon Marché. J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris. Circa 1890).

 

  Ce chromo nous représente des jeunes garçons faisant, sur la plage de Dieppe, des pâtés de sable avec leurs seaux et pelles, et des jeunes filles les vendant comme pâtés de pâtisserie. 

   

   Une ville aux 4 ports (commerce, pêche, loisirs et transmanche). La ville de Dieppe est un très ancien petit port de pêche du département de Seine-Maritime (région de Normandie), marqué par de grands événements de l’histoire de France. Elle connut entre autres : à l’époque gallo-romaine, le « Camp de César » ou « Cité de Limes » ; au Moyen Âge, les Vikings et les Normands ; et devint, sous la Renaissance, un important foyer de commerce et de navigation maritime.

  

  Le roi Henri III : premier curiste d’eau de mer ? Les historiens nous apprennent également que Dieppe aurait accueilli, dès juin 1578, le roi de France Henri III (1551-1589), fils de Catherine de Médicis. Il se baignait dans l’eau de mer afin de « guérir certaines gales dont il était travaillé », sur les conseils d’Ambroise Paré, Chirurgien du roi et des champs de bataille, pour qui l’eau de mer était aussi efficace que l’eau thermale en matière de santé.

 

   Des bienfaits de l’eau de mer. Deux siècles plus tard, en 1778, fut ouvert à Dieppe le premier centre de thalassothérapie français (soins utilisant l’eau de mer, à la différence de la balnéothérapie qui utilise l’eau douce).

   Dans un premier temps, les bains étaient en pleine mer (bains à la lame), le baigneur étant encadré par des « guides-baigneurs » qui le plongeaient brusquement à la renverse dans les vagues. Sur la plage, des cabanes en bois et des tentes permettaient d’entreposer le linge et le matériel de bains.

   Puis, en1822, fut construit sur la plage de Dieppe un « établissement des bains » au sein duquel les soins étaient donnés à l’aide d’eau prélevée dans la mer et chauffée. Le succès de ce nouveau thermalisme marin fut exceptionnel et Dieppe, à moins de 3 heures de Paris par chemin de fer, accueillit de nombreux curistes issus de la grande bourgeoisie et de la noblesse. Cette même année, la reine Hortense de Beauharnais, fille de l’impératrice Joséphine, accompagnée de ses enfants dont le futur Napoléon III, y fut accueillie en cure. De 1824 à 1829, Marie Caroline Ferdinande Louise de Bourbon, plus connue comme la « Duchesse de Berry », multiplia à Dieppe les séjours et bains de mer avec ses enfants, apportant à cette ville une double notoriété : celle d'une station balnéaire thérapeutique et celle d'une station balnéaire de loisirs.

   

   Première station balnéaire de France. Dieppe connaîtra son apogée au début du XXème siècle, en devenant la première station balnéaire de France. On y rencontra notamment le roi Léopold II de Belgique, Camille Saint-Saëns, Claude Debussy, Claude Monet, Auguste Renoir, Marcel Proust, Gabriel Fauré, et même, dans la nuit du 21 décembre 1911, des membres de la Bande à Bonnot venus y respirer l’air iodé après un braquage sanglant à Paris (l’un d’entre eux, Albert Soudy sera arrêté le 30 mars 1912 à Berck Plage, dans le Pas-de-Calais).

 

 

226 -J’peux pas, j’vais en vacances à Étretat (chromolithographie Au Bon Marché. J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris. Circa 1890).

 

    « Si j'avais à montrer la mer à un ami pour la première fois, c'est Étretat que je choisirais » (Alphonse Karr).  La pêche aux crevettes et petits poissons pratiquée à la Belle Époque à Étretat, par ces jeunes enfants, venus de Paris le temps d’un été, était-elle fructueuse ? Honnêtement, je n’en sais rien ! Mais le dessin de ce chromo nous rappelle au moins deux choses :

  - D’une part, la plage de cet ancien village de pêcheur du littoral de la Manche, dans le département de la Seine-Maritime, en Normandie, fondé, selon une légende, par les Vikings, est bordée de hautes falaises de craie turonienne dite « du Tilleul » (le dessinateur de ce chromo n’a pas représenté les célèbres galets de la plage d’Étretat liés à leur érosion !).

 - D’autre part, Étretat serait devenu une station balnéaire à la mode sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), grâce à un roman d’Alphonse Karr (1808-1890), « Histoire de Romain d’Étretat », paru en 1836, et dont voici un extrait : 

« Étretat est un bourg de Normandie, situé à vingt-trois kilomètres nord-est du Havre-de-Grâce ; une vallée étroite, qui paraît avoir été le lit d’un torrent, descend vers la mer par une pente rapide. La plage forme un amphithéâtre, borné à droite et à gauche par des falaises de rochers de trois cents pieds de haut. De cet amphithéâtre fermé, on sort des deux côtés par des portes que la mer a creusées dans le roc : on les appelle porte d’Aval et porte d’Amont. La porte d’Amont est ronde et basse ; la porte d’Aval, en forme d’ogive, ressemble au portail d’une cathédrale. Auprès de cette porte est un immense obélisque de roche blanche, au sommet duquel les mouettes et les goélands se plaisent à faire leurs nids.

 Quand la mer est pleine, on passe sous les portes en canot ; à la marée basse, on peut y passer à pied sec. La mer a, en outre, creusé des cavernes, revêtues d’algues et de varechs, qui contribuent à faire d’Étretat un des sites les plus sévèrement pittoresques qu’il soit possible de voir. Une source très abondante coule à la mer par-dessous le galet, non loin de la porte d’Aval. On prétend que ça été une rivière qui s’est perdue sous terre ; pour dire la vérité, elle apporte autant d’eau à la mer que beaucoup de rivières auxquelles la grammaire de la géographie donne le droit de s’appeler fleuves […].

« … À Étretat, où il n’y a pas de terre au bord de la mer, où il ne se détache qu’à des espaces très éloignés quelques morceaux de rocher, ce sont les mêmes pierres, toujours roulées, toujours sassées, ressassées, usées, polies, qui forment le bassin, de sorte qu’elles sont presque toutes ou rondes ou en forme d’œufs ; on y trouve souvent des sortes d’agates d’une belle couleur… »

Le texte complet de ce roman est en accès libre sur wikisource :

https://fr.wikisource.org/wiki/Karr_-_Contes_et_nouvelles/Romain_d%E2%80%99%C3%89tretat

 

   À l’instar de Dieppe, sa voisine normande de la côte d’Albâtre, Étretat devint une station balnéaire très en vogue à la Belle Époque auprès de la noblesse, de la haute bourgeoisie et de personnes de grande notoriété.

    Le Château Les Aygues, construit en 1866, accueillit le prince polonais Lubomirski, puis les reines d’Espagne Marie-Christine de Bourbon Sicile et Isabelle II.

   Jacques Offenbach fit construite en 1858 la Villa Orphée et donna ce nom à l’un de ses opéras bouffes, Orphée aux Enfers, créé le 21 octobre de la même année au théâtre des Bouffes-Parisiens. 

   Guy de Maupassant qui avait passé une partie de sa jeunesse à Étretat, dans la villa Les Verguies de sa mère Laure de Maupassant, rue Notre Dame, fit construire dans le potager de celle-ci, en 1882, la villa La Guillette. Il y rédigea son premier roman Une Vie qui sera publié en 1883.

 Maurice Leblanc, l’auteur de romans policiers avec pour héros le célèbre gentlemen-cambrioleur Arsène Lupin, y fit construire sa villa Le Clos Lupin, aujourd’hui musée scénographique « Le Clos Lupin-Maison Maurice Leblanc », au 15 rue Guy de Maupassant.

 Les peintres Eugène Delacroix, Jean-Baptiste Isabey, Camille Corot, Gustave Courbet, Claude Monet, Eugène Boudin y posèrent leur chevalet sur la plage de galets.

  Les écrivains Victor Hugo et André Gide (il se maria au Temple Protestant d’Étretat en 1895) ; l’historien Jules Michelet ; les présidents de la République Félix Faure et René Coty ; le prince Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, et la cour du Second Empire, fréquentèrent également la station balnéaire d’Étretat

 

 

 

227 -J’peux pas, j’vais en vacances à Trouville (chromolithographie Au Bon Marché. J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris. Circa 1890). 

 

  Trouville ou Deauville : le bon choix ? Ce chromo représente des enfants qui jouent sur le sable d’une plage des côtes normandes du littoral de la Manche au croquet. Mais, ce qui peut surprendre, c’est que cette plage est celle de Trouville-sur-Mer, un ancien village de pêcheur, et non celle de Deauville, sa très proche voisine (environ 1 km), aujourd’hui bien plus renommée pour son luxe et les célébrités qu’elle accueille.

    L’explication tient sans doute à l’époque d’édition de ce chromo pour enfants du Bon Marché : les années 1890. En effet, depuis les années 1840/1850, Trouville-sur-Mer, surnommée « La Reine des Plages », était devenue une station balnéaire très appréciée des parisiens pour ses bains de mer. En revanche, Deauville, station plutôt de plaisirs de l’aristocratie, voulue par de Duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, et édifiée avec difficultés dans des marais et garennes, resta dans l’ombre de Trouville-sur-Mer jusqu’au XXème siècle (elle connut son apogée dans les années 1925).

     C’est ainsi qu’en 1868, Henry Auxcouteaux de Condy (1828-1896), dans son légendaire guide éponyme (Guide Condy) notait :   

« Deauville est-il appelé à soutenir sa réputation factice et exagérée, et les familles vraiment bourgeoises se décideront-elles jamais à voir y implanter « leur tente » ? J'en doute fort […] Ajoutons qu'en raison des sables mouvants, Deauville ne vaut pas, à beaucoup près, Trouville, ni comme plage, ni comme végétation. […] En effet, tout, à Deauville, est prétentieux, même jusqu'à la mer, après laquelle il faut courir. En un mot, je me résume : beaucoup de sable et beaucoup trop de poudre aux yeux »).

   Et, en 1870, les Guides Joanne enfonçaient le clou en ces termes : « Quoiqu’elle paraisse être simplement le prolongement de celle de Trouville, la plage de Deauville est en réalité moins commode ».

 

    Rappelons également que, comme les stations balnéaires de Cabourg, Dieppe et Étretat, celle de Trouville-sur-Mer a accueilli nombre d’écrivains (Alexandre Dumas, Marcel Proust, Gustave Flaubert, Marguerite Duras…), de peintres (Eugène Isabey, Camille Corot, Eugène Boudin, Claude Monet…), et d’autres personnalités comme Charles Mozin et Gustave Effel.

 

   Bienheureux donc nos jeunes parisiens qui, sur cette belle plage de Trouville, à la fin du XIXème siècle, le temps d’un été, s’essayaient à faire passer sur son sable doux et fin des boules en bois à travers des arceaux en les frappant à l’aide d’un maillet, sous le regard  des habitués de sa jetée en bois, dite Promenade des Planches, installée en 1867, et des résidents de ses belles villas normandes du front de mer.

 

 

228 -J’peux pas, j’vais en vacances à Villers-sur-Mer (chromolithographie Au Bon Marché. J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris. Circa 1890).

 

    À peine à une dizaine de km au sud de Trouville-sur-Mer, la station balnéaire de Villers-sur-Mer a été créée, en 1856 par Félix Pigeory, un architecte de Paris rédacteur de la Revue des Beaux-Arts, et Pierre-Michel-François Chevalier, directeur du journal Le Figaro. Cette station très familiale est certes plus discrète que ses deux voisines, Deauville et Trouville-sur-Mer, mais elle est fort appréciée des jeunes parisiens qui, chaque été, y viennent faire naviguer leur p’tits bateaux sans jambes sur l’eau.

 

   Rappelons encore que la dernière scène émouvante du film de François Truffaut Les Quatre Cents Coups a été tournée, en 1959, sur la plage de Villers-sur-Mer. On y voit le jeune Antoine Doinel qui, après s’être échappé du centre de surveillance où l’avait placé un juge pour enfants, et longtemps couru, découvrit, pour la première fois de sa vie, la mer, symbole de la mort de son enfance et peut-être d’une renaissance pour son avenir :

Les 400 Coups, scène finale du film de François Truffaut tournée sur la plage de Villers-sur-Mer en 1959 (youtube)

Les 400 coups, scène finale du film de François Truffaut tournée à Villers-sur-Mer en 1959 (daylimotion)

 

 

229 Une belle prise (chromolithographie Au Bon Marché.  J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris).

 

 

230 Une pêche piquante (chromolithographie Au Bon Marché.  J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris).

 

 

 

231 Les petites misères du bonheur (chromolithographie Au Bon Marché.  J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris).

 

 

232 Le trop nuit en tout (chromolithographie Au Bon Marché.  J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris).

 

 

233 Ça mordait pourtant ! (chromolithographie Au Bon Marché.  J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris).

 

 

234 Quelle patience tu as ! Voilà trois heures que nous te regardons ne rien prendre (chromolithographie Au Bon Marché.  J. Minot & Cie Éditeurs, 5 rue Béranger, Paris).

 

La suite des jeux de plage des enfants de la Belle Époque en chromos :  bientôt …