• La Chambre des Députés en chromos pour fines bouches 2/3

     

     

     

    L’Insurrection du 1er prairial an III : 20 mai 1795

    15 L’Insurrection du 1er prairial an III : 20 mai 1795 (chromo Chicorée Extra À LA BOULANGÈRE, éd. A Cardon Duverger, Ste Olle-lez-Cambrai). 

     

    « Prenez notes, s’il vous plaît, je ne répéterai pas deux fois ». Ce chromo rarissime nous montre le président de la Convention nationale, Boissy d’Anglas, saluant la tête tranchée et mise à bout d’une pique du député Jean-Bertrand Féraud, à la séance de la Chambre du 1er Prairial an III (20 mai 1795).

      Pour comprendre cette scène, il faut se souvenir qu’en ce joli mois de mai de l’année 1795, des parisiens du peuple, crevant de faim, manifestaient dans les rues aux cris de « du pain et la Constitution de l’an I » (Constitution de la Première République, proclamée le 24 juin 1793). Ils avaient pris connaissance d’un avis populaire qui, dans la nuit, avait été affiché, pour inviter la Capitale à s’insurger contre la Convention thermidorienne et à exiger le retour à la Constitution de 1793, la libération des Jacobins incriminés après la chute de Robespierre, et la convocation immédiate des Assemblées primaires.

     Surnommés par mépris des « sans-culottes », par référence aux manifestants populaires du début de la Révolution de 1789, ils marchèrent, le 20 mai 1795, vers la Convention nationale (Assemblée constituante qui pendant la Révolution succéda à l’Assemblée législative le 21 septembre 1792, fonda la Ière République et gouverna la France jusqu’au 26 octobre 1795). Celle-ci siégeait alors dans la salle du Manège du château des Tuileries (détruit par un incendie volontaire, le 23 mai 1871). Les manifestants se heurtèrent à Jean-Bertrand Féraud (1759-1795), un ancien étudiant en droit, élu député des Hautes-Pyrénées, et chargé de l’approvisionnement de Paris, qui les harangua en attendant des renforts de la Garde nationale. Mais une citoyenne, excédée, le tua d’un coup de pistolet à bout portant, et des manifestants lui coupèrent la tête qu’ils mirent au bout d’un piquet. Le barrage ayant cédé, les émeutiers entrèrent dans la salle du Manège après en avoir enfoncé les portes, et ils présentèrent la tête tranchée de Féraud au président de la séance, François-Antoine Boissy d’Anglas (1756-1826). Celui-ci, également ancien étudiant en droit, était devenu avocat au Parlement de Paris, procureur, homme de lettres, député du Tiers-État, et membre du Comité de Salut Public chargé du ravitaillement de Paris. Il aurait, selon des récits, gardé son sang-froid, se levant et se découvrant respectueusement devant la tête décapitée de Féraud, jusqu’à ce que la Garde nationale rétablisse l’ordre et délivre la Convention. Nul ne sait, s’il avait, de la sorte, entendu rendre hommage au jeune député assassiné ou à la justice populaire !

     

     

     

    Costume d’un député des Cinq-Cents : août/septembre 1795

    16 Costume d’un député des Cinq-Cents : août/septembre 1795 (chromo Blécao. Publicité au verso : « A votre réveil une minute suffit pour préparer un délicieux Blécao »).

                                                                                                                       

          Cinq-Cents ou Cinq = 500 députés élus. La dernière loi votée par la Convention nationale énonçait que les membres du Conseil des Cinq-Cents (aussi dit Conseil des Cinq) devaient revêtir « une robe longue et blanche, une ceinture bleue écarlate, le tout en laine et une toque de velours bleue » (l’illustrateur de ce chromo s’est un peu planté dans les couleurs du costume de son député !). 

       Ce Conseil, prévu par la Constitution de l’an III du 22 août 1795 était l’une des deux assemblées législatives du Directoire (1795-1799). Il constituait la Chambre basse ou assemblée législative de première instance. L’autre, le Conseil des Anciens, formait la Chambre haute, qui examinait les textes de lois en seconde lecture (ce système bicamériste se retrouve de nos jours avec la Chambre des Députés ou Assemblée nationale, et le Sénat, riches de 925 parlementaires). 

     

     

     

    La Chambre Introuvable : 8 avril 1816

    17 La Chambre Introuvable : 8 avril 1816 (chromo édité par l’imprimerie Gibert Clarey de Tours).

     

       Annotation au verso de l’image, signée de l’énigmatique J. Boiss dont j’ignore le métier et la tendance politique : 

    « Élue sous la pression des baïonnettes étrangères, la Chambre des Députés de la Restauration était composée des Royalistes les plus exaltés*, dont le but, chez la plupart, n’était que « de détruire tout ce que la Révolution avait fait, et refaire tout ce qu’elle avait détruit ». Chambre introuvable ! avait dit Louis XVIII, dans un transport de joie, qualification que l’histoire répète comme une flétrissure. La Chambre Introuvable** causa tous les excès de la Terreur Blanche***. Le président Lainé, se sentant débordé, donna sa démission. Heureusement, Louis XVIII, écoutant les sages conseils de Richelieu, qu’il venait de prendre pour ministre, prononça la dissolution de la Chambre. Grâce à Richelieu, notre armée fut réorganisée, nos dettes furent payées, et notre territoire évacué**** avant le terme fixé ».

     

    Quelques éclaircissements perso :

    *Ultraroyalistes ou Ultras (car plus royalistes que le roi Louis XVIII lui-même), proches du Comte d’Artois, qui sera roi de France et de Navarre sous le nom de Charles X de septembre 1824 à août 1830. Aux élections législatives d’août 1815, ils remportèrent 350 sièges sur 398.

    **Chambre Introuvable : surnom donné à la première législature de la Chambre des Députés des départements, assemblée législative de la Seconde Restauration, issue des élections législatives d’août 1815. Elle siégea à partir du 7 octobre 1815, et fut dissoute le 5 septembre 1816. Le mot Introuvable pourrait être pris dans le sens d’Impensable en ce que les idées de députés majoritaires de la Chambre, ultraroyalistes, étaient bien éloignées des sentiments des Français façonnés par vingt-cinq années de Révolution et d’Empire.

    ***Terreur Blanche : période de troubles, de juin à septembre 1815, dans la vallée du Rhône et le Midi de la France, lors de la chute de l’Empire au terme de la période des Cent-Jours (du 1er mars au 22 juin 1815), comprise entre le retour en France de l’empereur Napoléon Ier et son abdication. 

    ****Évacuation des armées alliées. Au printemps 1819, les troupes alliées (Angleterre, Russie, Prusse et Autriche), qui occupaient le territoire français en application du Second Traité de Paris du 20 novembre 1815, se retirèrent.

     

     

    Guizot à la Chambre des Députés sous la Monarchie de Juillet : janvier 1844

    18 Guizot à la Chambre des Députés sous la Monarchie de Juillet : janvier 1844 (chromo publicitaire de l’ancienne savonnerie de Marseille Le Fer à Cheval, propriété de la famille JB Paul & Roux. Années 1900-1910).

     

     « L’Homme de Gand » (terme peu flatteur utilisé contre Guizot). « Vos interruptions me ralentiront, mais ne m’empêcheront pas de dire ce que je pense… Je suis obligé de répéter qu’aucune interruption, aucun murmure ne m’empêchera d’aller jusqu’au bout… Messieurs, on peut épuiser mes forces, mais j’ai l’honneur de vous assurer qu’on n’épuisera pas mon courage… Quand je défends mon honneur et mon droit, je ne suis pas fatigable… On peut multiplier les injures et les calomnies, on peut les entasser tant qu’on voudra, on ne les élèvera jamais à la hauteur de mon dédain… ».

        Ce discours fut prononcé, en janvier 1844, à la Chambre des Députés, par François Guizot, un ancien diplômé de la Faculté de Droit de Paris, ministre des Affaires étrangères, en réponse à l’opposition qui dénonçait sa politique étrangère et lui reprochait d’avoir suivi Louis XVIII à Gand, durant les Cent-Jours, et n’être rentré en France qu’avec la royauté.

     

     

     

    « Appelez-vous Messieurs et soyez citoyens ». André Dupin, président de l’Assemblée nationale, à François Thouret : 6 octobre 1849

    19 « Appelez-vous Messieurs et soyez citoyens ». André Dupin, président de l’Assemblée nationale, à François Thouret : 6 octobre 1849 (chromo des Biscuits Pernot d’une manufacture fondée en 1869 à Dijon : « N’avoir pas de Biscuits Pernot, c’est être privé de dessert ! »).

     

        Comme cela est noté au bas du chromo, cette phrase est un « Vers d’Andrieux appliqué par le Président Dupin au citoyen Thouret, le 6 octobre 1849 ». Mais ce qui n’est pas expliqué aux amateurs des Biscuits Pernot, c’est que ces trois personnes furent atteintes d’une grave maladie connue, aujourd’hui encore, sous le nom de Jurispoliticonavirus, qui frappe essentiellement des gradués de nos Facultés de droit, devenus avocats avec ou sans causes à plaider. Que l’on en juge de droit :

     - Primo François Andrieux (1759-1833), poète et dramaturge, fut un étudiant de l’École de Droit de Paris (rebaptisée Faculté de Droit le 1er janvier 1809), devenu avocat de grand talent, membre du club révolutionnaire des Jacobins, élu, en 1796, juge au Tribunal de cassation, puis, en 1798, au Conseil des Cinq. Il fut président du Tribunat de 1799 à 1802, et professeur à l’École Polytechnique.

    - Secundo Anthony Thouret (1807-1871), fut diplômé de l’École de Droit de Paris, et avocat, avant de devenir écrivain et député à l’Assemblée constituante, du 4 mai 1878 au 26 mai 1849, puis à l’Assemblée nationale législative le 28 mai 1849.

        Pour l’anecdote pittoresque, apprenez qu’en raison de l’obésité d’Anthony Touret, il lui fut mis en place un siège spécial dans l’hémicycle, suscitant les moqueries de Victor Hugo, notre théoricien du rire : « Hier (8 août 1848), Anthony Thouret qui est énorme et Louis Blanc qui est microscopique se sont retrouvés ensemble à la tribune et s’y sont un moment disputés. La salle a éclaté de rire de l’antithèse. J’entendais une femme dire en sortant : "Il n’y a qu’une chose qui m’ait amusé, c’est la rencontre de l’hippopotame et du pierrot".

    - Tertio André Dupin (1763-1865), fut un célèbre Homme de loi et politique sous la Restauration (1814-1830), et la Monarchie de Juillet (1841-1870). Jeune clerc, en 1800, chez un avoué, il s’inscrivit à L’ Académie de Législation, puis à l’ École de Droit de Paris. Il y soutint sa première thèse de licence et obtint le diplôme de Licence en Droit, nécessaire pour être avocat, ou membre de cours et tribunaux. En 1806, il y soutint sa seconde thèse, lui conférant le diplôme de Docteur en Droit. En 1810, il se fit recevoir avocat au barreau de Paris, plaidant notamment pour le compte de la famille d’Orléans et de journaux d’appartenance politique. Il fut ensuite onze fois député entre le 10 mai 1815 et le 2 décembre 1851, deux fois Présidents de l’Assemblée nationale (du 29 avril 1832 au 2 février 1839 ; et du 1er juin 1849 au 2 décembre 1851), Garde des Sceaux (quelques jours, du 31 juillet au 11 août 1830), et Procureur général près la Cour de cassation plus de vingt années (de 1830 à 1852).

     

    Pour en savoir plus sur André Dupin, je vous renvoie à la page que je lui ai déjà consacrée :

    André Dupin

     

     

     

     

    « Je tacherai de me mettre du côté du manche ». Réponse de M. de Morny, à une Dame qui lui demandait ce qu’il pensait du coup de balais projeté sur l’Assemblée nationale : 1er décembre 1851

    20 « Je tacherai de me mettre du côté du manche ». Réponse de M. de Morny, à une Dame qui lui demandait ce qu’il pensait du coup de balais projeté sur l’Assemblée nationale : 1er décembre 1851 (chromo des Grands Magasins des Nouvelles Galeries, créés en 1897, et devenus des Galeries Lafayette).

     

       Élucidation. Ce chromo évoque un bref dialogue, le 2 décembre 1851, à l’Opéra Comique, entre une Dame et le Duc Charles de Morny, qui soutenait les droits de la famille d’Orléans au trône de France, mais dont le demi-frère adultérin, Louis-Napoléon Bonaparte, alors premier président de la République française (du 20 décembre 1848 au 2 décembre 1852), selon des rumeurs, envisageait de « balayer la Chambre » (Assemblée nationale législative). En effet, Louis-Napoléon Bonaparte était en conflit avec les députés de la Chambre à qui il reprochait notamment de n’avoir pas voté, à la majorité nécessaire, la réforme de la Constitution de la Deuxième République, laquelle en l’état lui interdisait de se représenter et donc d’être rééligible (à la suite de son Coup d’État du 2 décembre 1851, il proclama la dissolution de l’Assemblée nationale législative et conserva ses pouvoirs de Chef d’État, en violation de la Constitution !).

        Toujours est-il que le Duc de Morny, député du Puy-de-Dôme à l’Assemblée nationale, répondit avec humour à cette Dame qui l’interpelait : « Madame, s’il y a un coup de balai, je tâcherai de me mettre du côté du manche ». Il tint parole puisque Louis-Napoléon Bonaparte, devenu « Prince-Président », lui confia, le 2 décembre 1851, le poste de Ministre de l’Intérieur. Il sera même, sous le Second Empire de son frère consanguin, Président du Corps législatif (du 12 novembre 1854 au 10 mars 1865). 

     

     

     

     

    « Il n’y a plus une seule faute à commettre ». Adolphe Thiers au Corps Législatif, prévoyant les événements de 1870 : 18 mars 1867

    21 « Il n’y a plus une seule faute à commettre ». Adolphe Thiers au Corps Législatif, prévoyant les événements de 1870 : 18 mars 1867 (chromo Chocolat Carpentier. Maison fondée en 1853. « Qualité spécialement recommandée aux fins connaisseurs »).

     

      « Le meilleur prophète est celui qui devine juste » (Euripide). Adolphe Thiers (1797-1877), fut non seulement, selon les mots de Talleyrand, « un gamin ayant le feu sacré », mais un bon prophète. Comme le rappelle ce chromo, il avait prédit, à la Chambre des Députés, le 18 mars 1867, après la victoire de la Prusse sur l’Autriche en juillet 1866, les événements de 1870 : à savoir l’entrée en guerre de la France de Napoléon III contre la Prusse et des États allemands ; la défaite humiliante de la France ; et la chute du Second Empire et de l’Empereur Napoléon III.

      Mais je n’en dirai pas plus sur ce pitchoun sans le sous de Marseille, qui, après avoir été diplômé de la Faculté de Droit d’Aix-en-Provence, et quelques mois avocat sans causes au barreau d’Aix, monta à Paris pour y faire fortune comme Eugène de Rastignac, le personnage de Balzac :

    Eugène de Rastignac fait son droit (Balzac. Le père Goriot)

     

     Quoi qu’il en soit, un temps journaliste politique, Thiers exerça, dans notre capitale, quinze mandats de député à l’Assemblée nationale ou à la Chambre des Députés. Il fut six fois Ministre, et trois fois Président du Conseil des Ministres sous la Monarchie de Juillet. Enfin, « Cerise sur le gâteau », il devint, le 17 février 1871, sous le nouveau régime de la Troisième République, Président de la République. Mais «... goutte d’eau qui fait déborder le vase », il aurait été le Chef d’État le plus détesté de la plupart des mouvements politiques.

       Pour en savoir plus sur Adolphe Thiers, je vous renvoie à cette page:

     

    Quinze Présidents de la République diplômés en droit

     

     

     

     

     

    Déclaration de guerre à la Chambre : Juillet 1870 ?

    22. Déclaration de guerre à la Chambre : Juillet 1870 ? (chromo n° 87 d’une série dont l’ignore l’origine, et sans référence à une époque historique précise !).

      

       Présomption simple. Chers visiteurs, je suppose vrai, jusqu’à preuve du contraire, en raison des costumes des députés, que ce chromo met en scène la séance du Corps législatif (Assemblée législative instituée par la Constitution du 14 janvier 1852), du 20 juillet 1870, au cours de laquelle il fut donné lecture de la déclaration de guerre contre la Prusse. Cette déclaration avait été faite par le Gouvernement français, le 19 juillet, suite au vote des crédits de guerre par les députés du Corps législatif, le 15 juillet, par 425 voix pour, et 10 contre. Selon des historiens érudits, le Gouvernement français s’était senti ridiculisé par la publication dans la presse, par Bismarck, de la dépêche dite d’Ems qui relatait, en le déformant, un entretien, ayant eu lieu dans la ville allemande de Bad Ems, le 13 juillet 1870, entre  le roi de Prusse, Guillaume Ier, et l’ambassadeur de France en Prusse, Vincent Benedetti. Pourtant, dans ce contexte pernicieux, Adolphe Thiers, alors député de la Seine, face aux députés bellicistes, avait déclaré : « La France n’est pas prête à la guerre. Un jour prochain vous regretterez votre précipitation. » 

     

     

     

     

    La proclamation de la République à la Chambre des Députés, le 4 septembre 1870

    23 La proclamation de la République à la Chambre des Députés, le 4 septembre 1870 (chromo non publicitaire, sans explications historiques).

     

      L’intitulé de ce chromo, « La proclamation de la République à la Chambre des Députés le 4 septembre 1870 », ne doit pas être pris au pied de la lettre. En effet, à la suite de la défaite des armées françaises face aux armées prussiennes, survenue le 2 septembre 1870 à Sedan, accompagnée de la reddition de l’Empereur Napoléon III, qui sera emprisonné en Allemagne, des troubles éclatèrent à Paris, le 3 septembre. Les émeutiers réclamaient la déchéance de l’Empereur.

     

      « Il est de l’essence de l’émeute révolutionnaire d’avoir presque toujours tort dans la forme et raison dans le fond » (Victor Hugo. Littérature et philosophie mêlée. 1834). Le lendemain, 4 septembre, les députés du Corps législatif se réunirent au Palais Bourbon où des manifestants étaient empêchés d’entrer par un service d’ordre de quelques 5000 hommes. Mais, lors des débats, en présence d’émeutiers qui étaient parvenus à s’engouffrer dans l’hémicycle, les députés s’opposèrent sur les mesures à prendre. Les uns, comme Jules Favre et Léon Gambetta, exigeaient la déchéance de l’Empereur, alors qu’Adolphe Thiers proposait seulement de créer un « comité de gouvernement et de défense nationale ». Le public présent dans la salle hurlant en faveur de l’instauration de la République, le président de la séance, Joseph Eugène Schneider, dut se résoudre à mettre un terme aux débats, sans aucun vote. Jules Favre et Léon Gambetta appelèrent alors la foule présente à se rendre avec eux à l’Hôtel de Ville pour proclamer la République.

     

        La nouvelle République des avocats (des années 1880 à 1914, l’Assemblée nationale réunissait entre 25 et 40% d’avocats-députés). Aussitôt dit, aussitôt fait, et Léon Gambetta, entouré d’autres avocats devenus députés (Jules Ferry, Jules Favre, Adolphe Crémieux…), proclama devant la foule assemblée place de l’Hôtel de Ville, la IIIème République, en ces mots :

    « Le peuple a devancé la Chambre qui hésitait. Pour sauver la Patrie en danger, il a demandé la République : elle est proclamée, et cette révolution est faite au nom du droit et du salut public. Citoyens, veillez sur la cité qui vous est confiée ; demain, vous serez avec l’armée des vengeurs de la Patrie. ».   

       Puis, le 7 octobre 1870, tout juste nommé ministre de l’Intérieur d’un Gouvernement de la Défense nationale, autoproclamé et composé exclusivement de députés républicains de Paris, Léon Gambetta abandonna la capitale assiégée par les troupes prussiennes et rejoignit, à grand peine, en montgolfière, la ville de Tours d’où, en raison de l’approche de l’ennemi, il dut se replier jusqu’à Bordeaux.  

     

     

     

    La Constitution de 1875

                  24 La Constitution de 1875 (chromo Caisse d’Épargne, non daté).

     

       Cet autre chromo nous rappelle que la IIIème République ne sera instaurée définitivement que par trois lois de nature constitutionnelle, votées par l’Assemblée nationale, entre février et juillet 1875 (ces lois partageaient le pouvoir législatif entre la Chambre des Députés, élue au suffrage universel direct, et le Sénat, élu au suffrage indirect). Car, en effet, les premiers pas de la IIIème République, suite à sa proclamation verbale par Léon Gambetta, le 4 septembre 1870, furent pour le moins désordonnés. Sans être exhaustif, on peut évoquer : 

     

     Primo, l’absence de légitimité du Gouvernement de la Défense nationale l’empêchant notamment d’élaborer une nouvelle Constitution et de traiter avec l’ennemi vainqueur. 

     

     Secundo, la Convention d’armistice signée (en fait imposée à la France), à Versailles, le 28 janvier 1871, par Jules Favre, représentant le Gouvernement de la Défense nationale, et le chancelier allemand Bismarck, au nom du roi de Prusse, Guillaume Ier. Celui-ci, une semaine auparavant, avait été proclamé empereur d’Allemagne, dans la galerie des Glaces du Château de Versailles, marquant la revanche de l’Allemagne sur les humiliations de Louis XIV et de Napoléon Ier. À cette occasion, Bismarck donna dix jours au Gouvernement français pour organiser des élections législatives.

     Tertio, le 8 février 1871, les élections législatives en application de la Convention d’armistice, qui portèrent à l’Assemblée nationale, première assemblée élue de la IIIème République, une majorité de députés monarchistes favorables à la paix (396 députés sur 638, dont 214 Orléanistes et 182 Légitimistes), bien humiliante pour Léon Gambetta toujours à Bordeaux. 

     Quarto, du 18 mars au 28 mai 1871, le mouvement insurrectionnel du peuple ouvrier de Paris, du nom de la Commune. Il sera réprimé par les troupes de l’armée versaillaise, dirigées par Thiers et commandées par le maréchal Mac-Mahon, et ce sous les yeux de l’armée allemande qui, en vertu de l’armistice, occupait les forts du Nord et de l’Est de Paris (25 000 insurgés furent fusillés et des milliers condamnés et déportés).  

     Quinto, le 10 mai 1871, la signature du Traité de Francfort entre la France et la Prusse, qui condamnait la France à de nombreuses sanctions : lourde indemnité de guerre ; cession de l’Alsace et d'une partie de la Lorraine ; occupation de son territoire ; défilé solennel des troupes allemandes aux Champs-Elysées… (ce Traité sera ratifié par l’Assemblée nationale, le 18 mai).

     Sexto, le 31 août 1871, l’Assemblée nationale, présidée par Jules Grévy (du 16 février 1871 au 3 avril 1873), se déclara constituante et élut Thiers, républicain modéré, Président de la République. Celui-ci, renversé par les monarchistes, démissionnera le 24 mai 1873 et sera remplacé, le jour même, par le monarchiste Mac-Mahon, élu par le Sénat et la Chambre des Députés (lui-même démissionnera, le 30 janvier 1879, et il sera remplacé par le républicain Jules Grévy).

       Les lois constitutionnelles de 1875 consolideront définitivement la République, jusque-là menacée par une possible restauration monarchique, et renforceront le pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif.

       Et, le 8 mars 1876, les républicains obtiendront leur première victoire aux élections de l’Assemblée nationale. La IIIème République s’installera alors, certes durablement mais d’une manière tempétueuse, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

     

     

     

       Palais Législatifs - Chambre des Députés : Léon Gambetta et Adolphe Tiers

    25 Palais Législatifs - Chambre des Députés : Léon Gambetta et Adolphe Tiers (chromo publicitaire non daté : « Véritable extrait de viande LIEBIG »). 

      

     Cette belle illustration représente le Palais Bourbon, sur la rive gauche de la Seine en face du Pont de la Concorde, encadré de deux de ses plus illustres diplômés en droit devenus hommes politiques : Léon Gambetta et Adolphe Thiers.  

      Ils furent tous deux étudiants de nos Facultés de Droit (celle de Paris pour Gambetta, celle d’Aix pour Thiers), avocats, députés (Gambetta fut même président de la Chambre des Députés du 31 janvier 1879 au 27 octobre 1881), ministres, Chefs du Gouvernement, et, l’un d’entre eux, Président de la République (Adolphe Thiers du 31 août 1871 au 24 mai 1873). 

     

     

     

    Thiers. Séance à la Chambre. Évacuation du territoire français

    26 Thiers. Séance à la Chambre. Évacuation du territoire français (chromo Chocolat Guérin-Boutron, marque de luxe fondée à Paris en 1775). 

     

     Ce chromo édité dans les années 1890, pour les amateurs des chocolats à la vanille de la Maison Guérin-Boutron, représente l’hommage rendu à notre pauvre gamin de Marseille, diplômé en droit de la Faculté d’Aix-en-Provence, avocat sans client, devenu chef du pouvoir exécutif, le 17 février 1871, et premier Président de la République, le 31 août 1871, écarté du pouvoir, en mai 1873, par une Assemblée à majorité monarchique. Il redeviendra un simple député à l’Assemblée nationale, du 8 février 1871 au 3 septembre 1877.

      La scène se passe le 17 mars 1873, à la Chambre des Députés, deux jours après la signature de la convention d’évacuation définitive des troupes allemandes des territoires français encore occupés.

       Selon le compte rendu de la séance rapporté par le Journal Officiel, le ministre de l’Intérieur, Eugène de Goulard, aurait déclaré : « Les hommes qui sont au gouvernement aujourd’hui sortaient des élections de 1871 et faisaient partie de cette Assemblée nationale dont on peut dire qu’elle a été la pacificatrice du pays et la libératrice du territoire ! ». « Très bien », s’exclamèrent des députés membres de la droite. C’est alors que des députés membres de la gauche et du centre se levèrent, et, se tournant vers Adolphe Thiers, déclarèrent : « Le voilà, le libérateur du territoire ! » De nombreux députés de la gauche et du centre acclamèrent aussitôt l’ancien minot de Provence.

         La suite (page 3/3), dans quelques jours, après celui du Poisson d’Avril réservé à deux amusants dessins de la Belle Époque découverts dans l’océan de données gratuites d’Internet.