• Les juges de Grandville dans la " Comédie humaine " de Balzac

     

     

     

    Honoré de Balzac et ses personnages de la « Comédie humaine »

    1 Honoré de Balzac et ses personnages de la « Comédie humaine » (dessin à la plume de Jean-Jacques Grandville pour un projet d’éventail, antérieur à 1847. Paris, Maison de Balzac).

     

       Dans la rubrique « Droit Artistique » de ce blog, je viens de présenter Jean-Jacques Grandville (1803-1847), un dessinateur et caricaturiste qui a illustré plusieurs fables de Jean de La Fontaine et de Jean-Pierre Claris de Florian évoquant, de manière satirique, le Droit et la Justice (http://droiticpa.eklablog.com/jean-jacques-grandville-caricaturiste-judiciaire-a211696916).

      Ce grand artiste est également l’auteur d’un dessin sur un projet d’éventail représentant Honoré de Balzac, le père imaginaire de deux magistrats, le comte et le vicomte de Grandville, qui apparaissent dans plusieurs de ses romans réunis dans la « Comédie humaine ».

     

     

     

    Le comte de Grandville, Pair de France et président de la Cour de cassation (personnage de Balzac)

    2 Le comte de Grandville, Pair de France et président de la Cour de cassation (matrice pour une illustration d’un roman de Balzac, par Charles Huard, entre 1910 et 1950. Maison de Balzac. Paris Musées). 

     

     Le comte de Grandville. Le premier d’entre eux apparaît notamment dans « Une fille d’Ève », « La Muse du département », « Une double famille », « César Birotteau », « Le Cousin Pons » « Splendeurs et misères des courtisanes »…). Petit-fils du président du Parlement de Normandie, il s’agit du comte Roger de Grandville. Ce magistrat, ayant épousé une dévote ostentatoire avec laquelle il eut quatre enfants, entretenait en ville une maîtresse dont il eut deux autres enfants (donc naturels). Il rejeta alors sur son épouse, qu’il abhorrait pour être trop attachée aux pratiques religieuses, la faute de cette relation adultérine : « On ne peut être à la fois l’épouse d’un homme et celle de Jésus-Christ, il y aurait bigamie : il faut savoir opter entre un mari et un couvent. » Au demeurant, cette justification drolatique fera long feu, et, au bout du roman de Balzac « Une double famille », le comte de Grandville et sa maîtresse seront « punis de n’avoir pas obéi aux lois sociales ». « Le reste de la vie de Grandville, abandonné par sa femme et sa maîtresse, s’écoula solitaire…Le travail et les honneurs le consolèrent à demi » (« Une double famille », des « Scènes de la vie privée ». Edition Furne de 1842).

     

        Parmi ces honneurs de consolation, une exceptionnelle carrière dans la magistrature. En effet, au fil des romans de Balzac, le comte de Grandville, tout jeune avocat en 1803, devint avocat général près la Cour impériale de la Seine en 1805, Procureur royal de la Cour de Paris en 1829, et Procureur général à la Cour de cassation. Dans cette dernière charge, l’un de ses réquisitoires lui permit de réhabiliter César Birotteau, et il protégea secrètement Lucien de Rubempré lors du procès criminel de celui-ci. Cerise sur le gâteau de justice, il apparaît, dans « Une double famille », comme Président de la Cour de cassation en 1830, la plus haute fonction de la magistrature (aujourd’hui, première présidence de la Cour de cassation).

     

     

    Le comte des Lupeaulx, secrétaire général d’un ministère

    3 Le comte des Lupeaulx, secrétaire général d’un ministère (matrice pour une illustration d’un roman de Balzac, par Charles Huard, entre 1910 et 1950. Maison de Balzac. Paris Musées). 

     

       Balzac, un auteur parfois ironique. Voici d’ailleurs un court extrait du énième roman de Balzac « Splendeurs et misères des courtisanes », qui évoque l’ambition anonyme du comte de Grandville. Ces bons mots donnent tort à tous ceux qui continuent de soutenir que les romans de Balzac sont une « somme, imposante, pesante, et sérieuse ».  

     

    Le comte des Lupeaulx - Vous serez… garde des sceaux, quand le garde des sceaux actuel sera chancelier, mon cher…

    Le comte de Grandville - Je n’ai pas d’ambition !

    Le comte des Lupeaulx – Allons vous avez deux enfants (adultérins), vous voulez être fait au moins Pair de France ».

    Le comte des Lupeaulx sortit en riant.

     

     

     

     

    Honoré de Balzac, « Une double famille » (1ère de couverture, éditeur Flammarion. Collection Œuvres de Balzac. Non daté, sans doute XIXème siècle).

    4  Honoré de Balzac, « Une double famille » (1ère de couverture, éditeur Flammarion. Collection Œuvres de Balzac. Non daté, sans doute XIXème siècle).

     

       Les amateurs des destinées judiciaires et adultérines du comte Roger de Grandville trouveront, grâce à ce lien de la merveilleuse Bibliothèque Electronique du Québec, le livre « Une double famille », qui le met en scène assez longuement. Ce livre est en libre accès (donc gratuit), et il est téléchargeable sous divers formats (PDF, Word…).

    https://beq.ebooksgratuits.com/balzac/Balzac_06_Une_double_famille.pdf

     

     

     

    Jean François Tascheron et l’abbé Bonnet (« Le curé de village » de Balzac)

    5  Jean François Tascheron et l’abbé Bonnet (matrice pour une illustration du roman de Balzac « Le curé de village », par Charles Huard, entre 1910 et 1950. Maison de Balzac. Paris Musées).

     

     Le vicomte de Grandville. Deux autres magistrats, fils légitimes et non adultérins, du comte de Grandville, apparaissent dans le roman « Une fille d’Eve » de Balzac (1839. Etudes de mœurs, Scènes de la vie privée). L’un est magistrat « assis » (juge du siège), l’autre magistrat « amovible » (juge du parquet). Ce dernier réapparaît plus longuement dans « Le curé de village », en ces termes « Le jeune vicomte de Grandville fut envoyé, vers la fin de cette année, en qualité de Substitut, au parquet de la cour de Limoges, précédé de la réputation que l’on fait d’avance en province à tous les Parisiens ». Il y sera chargé de diriger l’instruction contre Jean-François Tascheron, un jeune ouvrier devenu criminel par amour. Jean-François Tascheron sera condamné et exécuté alors qu’il aurait pu avoir la vie sauve s’il avait dénoncé sa maîtresse Véronique Graslin qui avait participé au crime… et dont le Substitut Grandville était secrètement amoureux !

     

     

     

    Honoré de Balzac dans sa vingtième année : un piètre étudiant en droit devenu l’un des plus grands romanciers du monde (dessin attribué à Achille Devéria [1800-1857]).

    6 Honoré de Balzac dans sa vingtième année : un piètre étudiant en droit devenu l’un des plus grands romanciers du monde (dessin attribué à Achille Devéria [1800-1857]).

     

     Toujours est-il que, dans ce roman, « Le curé de village », l’on peut lire cette pensée juridique de Balzac : « Le Droit, inventé pour protéger les Sociétés, est établi sur l’Egalité. La Société, qui n’est qu’un ensemble de faits, est basée sur l’Inégalité. Il existe donc un désaccord entre le Fait et le Droit ». On rappellera, pour égayer cette idée, que le jeune Balzac fut, de 1816 à 1819, étudiant à l’Ecole de Droit de Paris, place du Panthéon, tout en étant clerc de notaire comme le fut son propre père :

    http://droiticpa.eklablog.com/2-honore-de-balzac-clerc-de-notaire-de-1816-a-1820-a153738814

     

    Toutefois, il laissa tomber ce cursus sans avoir obtenu le moindre diplôme (il préférait la fréquentation des dames de Paris à celle des bancs de sa faculté). Quelques années plus tard, il justifiera son abandon des études de droit en ces quelques mots devenus cultes : « Je ne me suis point sali les pieds dans ce bouge à commentaires, un grenier à bavardages, appelé École de Droit » (Le contrat de mariage, 1835).

     

     

     

    Honoré de Balzac, « Le curé de village » des « Scènes de la vie de campagne » (1ère de couverture, éditeurs Michel Lévy Frères. 1875).

    7  Honoré de Balzac, « Le curé de village » des « Scènes de la vie de campagne » (1ère de couverture, éditeurs Michel Lévy Frères. 1875).

     

        Les amateurs trouveront, grâce à cet autre lien de la Bibliothèque Electronique du Québec, le livre « Le curé de village », qui relate les débuts du jeune Substitut, le vicomte de Grandville. Ce livre est en libre accès, et il peut être téléchargé gratuitement sous divers formats (PDF, Word…).

    https://beq.ebooksgratuits.com/balzac/Balzac-65.pdf

     

     

     

    Honoré de Balzac, Poète (CPA. Non datée).

                                                    8  Honoré de Balzac, Poète (CPA. Non datée).