• Les Plaideurs de Racine. Le procès du chien

     

     

    Les Plaideurs de Racine. Le procès du chien

    1. Première de couverture de la comédie Les Plaideurs de Racine, d’une édition publiée, en 1829, avec des dessins de Joseph Hémard [1880-1961] (Paris, éditeur Les Papeteries de Sorel-Moussel).

     

          Dandin, le juge atteint de folie procédurière est retenu enfermé chez lui, jour et nuit, pour éviter qu’il n’aille juger au tribunal. Léandre, son fils, pour le calmer, lui propose de juger tout en restant chez lui. À cette fin, Léandre improvise le procès du chien Citron qui aurait volé et mangé un chapon en pénétrant dans une cuisine par la fenêtre. L’Intimé s’improvise alors avocat et tient des discours incohérents.

     

    ACTE III. SCÈNE III

     

     

    L'INTIMÉ

    Voici le fait. Un chien vient dans une cuisine ;

    Il y trouve un chapon, lequel a bonne mine.

    Or, celui pour lequel je parle est affamé,

    Celui contre lequel je parle est plumé ;

    Et celui pour lequel je suis prend en cachette

    Celui Contre lequel je parle. L'on décrète !

    Oh! le prend. Avocat pour et contre appelé ;

    Jour pris. Je dois parler, je parle, j'ai parlé.

     

     

    Les Plaideurs de Racine. Le procès du chien

    2. La scène des petits chiens des Plaideurs de Racine (gravure d’une édition du XVIIème siècle).

     

    ACTE III. SCÈNE III

     

     

    LÉANDRE

    Mon père, il faut juger.

     

    DANDIN, le juge

    Aux galères.

     

    LÉANDRE

    Aux galères !

     

    DANDIN

    Un chien

    Ma foi ! je n'y conçois plus rien ;

    De monde, de chaos, j'ai la tête troublée.

    Hé ! concluez.

     

    L'INTIMÉ, lui présentant de petits chiens

    Venez, famille désolée ;

    Venez, pauvres enfants qu'on veut rendre orphelins ;

    Venez faire parler vos esprits enfantins.

    Oui, messieurs, vous voyez ici notre misère :

    Nous sommes orphelins ; rendez-nous notre père,

    Notre père, par qui nous fîmes engendrés,

    Notre père, qui nous...

     

     

    Les Plaideurs de Racine. Le procès du chien

    3. La scène des petits chiens des Plaideurs de Racine (gravure de Chauveau, édition de 1697).

     

         Jean Racine a quasiment repris, dans la scène III de l’acte III de sa comédie, la plus célèbre scène de la farce des Guêpes d’Aristophane, celle du procès du chien Citron, accusé d’avoir volé et mangé une poule. Il le révéla, dès 1668, dans un avertissement « Au lecteur », en ces termes :

     

     «  Quand je lus les Guêpes d'Aristophane, je ne songeais guère que j'en dusse faire les Plaideurs. J'avoue qu'elles me divertirent beaucoup, et que j'y trouvai quantité de plaisanteries qui me tentèrent d'en faire part au public; mais c'était en les mettant dans la bouche des Italiens, à qui je les avais destinées, comme une chose qui leur appartenait de plein droit. Le juge qui saute par les fenêtres, le chien criminel et les larmes de sa famille me semblaient autant d'incidents dignes de la gravité de Scaramouche. Le départ de cet acteur interrompit mon dessein, et fit naître l'envie à quelques-uns de mes amis de voir sur notre théâtre un échantillon d'Aristophane. Je ne me rendis pas à la première proposition qu'ils m'en firent. Je leur dis que quelque esprit que je trouvasse dans cet auteur, mon inclination ne me porterait pas à le prendre pour modèle si j'avais à faire une comédie, et que j'aimerais beaucoup mieux imiter la régularité de Ménandre et de Térence, que la liberté de Plaute et d'Aristophane. On me répondit que ce n'était pas une comédie qu'on me demandait, et qu'on voulait seulement voir si les bons mots d'Aristophane auraient quelque grâce dans notre langue. Ainsi, moitié en m'encourageant, moitié en mettant eux-mêmes la main à l'œuvre, mes amis me firent commencer une pièce qui ne tarda guère à être achevée. »

     

     

    Les Plaideurs de Racine. Le procès du chien

    4. La scène des petits chiens des Plaideurs de Racine (gravure de Louis Monziès peintre et graveur [1849 1930]).

     

          Comme les aimables visiteurs, accidentels ou épisodiques, de mon blog peuvent le voir, les diverses illustrations de cette page, consacrée à la scène du procès du chien Citron des Plaideurs de Racine, montrent une audience devant un juge unique (il en est de même du procès de Figaro et Marceline dans Le Mariage de Figaro). C’est normal car dans les cas mineurs, le terme procès désigne simplement une instance devant un juge unique sur un différend entre deux ou plusieurs parties (Dictionnaire d’Emile Littré). De plus, souvenons-nous que Léandre a dû improviser ce procès au domicile même de son père, le juge Dandin, pour éviter que celui-ci n’aille au palais de justice. Sans compter (nonobstant disent les juges !) qu’il serait malaisé de présenter sur une scène de théâtre une audience solennelle avec plusieurs juges, un procureur, un greffier, les avocats, les parties, les témoins, le public, et une portée de chiots.

     

    Les Plaideurs de Racine. Le procès du chien

    5. La scène de petits chiens dans Les Plaideurs de Racine (Œuvres de Racine, vol. 3, Paris Didot, 1805, gravure de Benoit Louis Prévost, d’après un dessin de  Nicolas Antoine Taunay).

     

           Cette autre gravure montre la grande difficulté pour les peintres et graveurs de représenter la scène des petits chiens des Plaideur car  non seulement ils sont plusieurs comme dans toute portée qui se respecte, mais surtout ils sont tout-petits !

     

         Sur cette pensée naïve, je vous quitte et vous offre, pour conclure cette série consacrée aux Plaideurs de Racine, la scène complète du procès du chien Citron en un fichier PDF (je rappelle que, dans le premier post de cette série, j’ai joint la comédie complète des Plaideurs de Racine en un fichier PDF. Je sais que des profs’ de collèges et de lycées sont heureux de pouvoir en disposer).

     

     

    6. Les Plaideurs de Jean Racine. Acte III Scène III. Le procès du chien Citron (fichier PDF)