• Tirage papier albuminé: Temples de Justice néoclassique 2/15

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Chambéry, l’ancienne capitale des États de Savoie (lithographie d’Isidore Deroy)

    1 Le Palais de Justice de Chambéry, l’ancienne capitale des États de Savoie (lithographie d’Isidore Deroy [1797-1886]. Circa 1860. Domaine public. Source : wikipedia).

     

     « S’il est une petite ville au monde où l’on goûte la douceur de la vie dans un commerce agréable et sûr, c’est Chambéry. La noblesse de la province qui s’y rassemble n’a que ce qu’il faut de bien pour vivre, elle n’en a pas assez pour parvenir. Les femmes sont belles et pourraient se passer de l’être, elles ont tout ce qui peut faire valoir la beauté et même y suppléer. Il est singulier qu’appelé par mon état à voir beaucoup de jeunes filles, je ne me rappelle pas d’en avoir vu à Chambéry une seule qui ne fut pas charmante. » (Jean-Jacques Rousseau. Confessions, livre V).

     

    Chambéry, la « Cité des ducs », a été, au fur et à mesure des siècles, le siège de juridictions d’ordre supérieur sous diverses appellations (Conseil Résident puis Conseil Souverain au XIVème siècle ; Parlement puis Cour Souveraine au XVIème siècle ; Sénat de Savoie de 1559 à 1792, puis de 1815 à 1848; Tribunal Criminel du Mont Blanc entre 1792 et 1815 ; Cour d’appel depuis 1848).

     

        Aussi, en 1848, pour installer ces juridictions judiciaires dans les meilleures conditions, le gouvernement du Royaume de Sardaigne auquel fut un temps rattaché la ville de Chambéry, décida-t-il d’y édifier un nouveau Palais de Justice. Sa construction commença deux années plus tard en présence de Victor-Emmanuel II, duc de Savoie et roi de Sardaigne.

     

     

     

    Le Palais de Justice de Chambéry et la rivière La Leysse

    2 Le Palais de Justice de Chambéry et la rivière La Leysse (Photographie publiée, vers 1890, en carte postale colorisée à la main, sous la marque « L.L. », des frères Léon & Lévy [plus tard Lévy & fils], les plus grands éditeurs de cartes postales (et surtout talentueux photographes) après les frères Neurdein [« ND »] avec lesquels ils fusionnèrent  en 1922 [« Lévy et Neurdein réunis »]).

     

        L’édifice fut achevé, en 1860, l’année même de l’annexion de la Savoie à la France impériale, décidée lors du Traité de Turin le 24 mars 1860, et confirmée par un plébiscite au suffrage universel, exclusivement masculin, le 22 avril 1860 (130 533 Savoyards pour ; 235 contre !). Pour cette raison, le roi Victor-Emmanuel de Sardaigne, désormais étranger à la ville de Chambéry, ne put participer à une inauguration éventuelle du Palais de Justice. Il en fut de même de l’empereur des Français Napoléon III, pour la raison qu’il était étranger à la décision d’édification dudit Palais, prise par le gouvernement du Royaume de Sardaigne. La cérémonie d’installation du premier procureur général de la nouvelle Cour d’appel impériale dans le Palais de Justice fit alors office d’inauguration !

     

     

     

    Le Palais de Justice de Chambéry

    3 Le Palais de Justice de Chambéry (photographie tirée sur papier albuminé. Circa 1890). 

     

          Auparavant, le Sénat de Savoie, ancienne Cour souveraine de justice du duché de Savoie, était installé à Chambéry, à l’intérieur des remparts, dans les bâtiments qui entouraient le cloître de l’ancien couvent des Dominicains, aujourd’hui disparu (actuel emplacement des Halles de Chambéry). La Cour impériale d’appel de Chambéry destinée à le remplacer ne reprit pas ces anciens bâtiments. Elle s’installa, en 1860, dans un bâtiment construit, au cours des dix années précédentes, à l’extrémité du Jardin de Verney, lui-même entièrement réaménagé, au bord de la rivière alpine La Lessey.

     

     

     

    La façade principale extérieure du Palais de Justice de Chambéry  (photographie tirée sur papier albuminé. XIXème siècle)

    4 La façade principale extérieure du Palais de Justice de Chambéry  (photographie tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

       

         Ce nouveau Palais de Justice a été construit à partir des plans de l’architecte chambérien Pierre-Louis Besson, dans un style sarde (murs et fronton surplombant l’avant-corps de la façade principale recouverts d’un enduit jaune, repeints en « rouge sarde » lors d’un ravalement effectué en 1976), et néoclassique inspiré des temples antiques grecs et romains (colonne, fronton triangulaire, portique, harmonie des proportions). 

     

     

    La statue du jurisconsulte Antoine Favre devant la façade principale du Palais de Justice  de Chambéry

    5 La statue du jurisconsulte Antoine Favre devant la façade principale du Palais de Justice (photographie tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

     

        La décision d’ériger, au centre de la place du nouveau Palais de Justice, une statue en bronze représentant Antoine Favre (Bourg en Bresse 1557-Chambéry 1624), un illustre jurisconsulte savoyard, Premier Président du Sénat de Savoie à Chambéry, fut prise en 1850. À cette fin, l’Académie de Savoie et le Conseil municipal réunirent plus de 40 000 F, et une souscription fut ouverte pour le solde de 20 000 F.

     

          La statue est l’œuvre du sculpteur Charles Alphonse Achille Gumery (Paris 1837-Paris 1871). Achevée en 1863, elle fut inaugurée, au centre de la place du Palais de Justice, le 15 août 1865.

     

      Elle porte les inscriptions suivantes :

       -  à droite : « A. GUMERY » ;

       - à gauche : « VOR THIEBAUT/1864 A / ANTOINE FAVRE / PREMIER PRESIDENT / DU SENAT DE SAVOIE / JURISCONSULTE EMINENT / ECRIVAIN PROFOND / HOMME D’ ETAT / NE EN 1557 MORT EN 1624 ». 

     

     

     

    La statue d’Antoine Favre (photographie stéréoscopique, tirée sur papier albuminé

    6 La statue d’Antoine Favre (photographie stéréoscopique, tirée sur papier albuminé. XIXème siècle).

     

       Pour en savoir un peu plus sur le jurisconsulte Antoine Favre. Voici deux liens pour découvrir :

    d’une part,  sur ce blog, d’une manière amusante avec des images et cartes postales anciennes (ICPA), ce qu’est un jurisconsulte :

    http://droiticpa.eklablog.com/c-est-quoi-un-jurisconsulte-a130881410

     

    d’autre part, sur wikipedia, d’une manière bien plus sérieuse, la vie et l’œuvre de ce jurisconsulte :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Favre_(1557_-_1624)

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Chambéry

    7 Le Palais de Justice de Chambéry (le cachet dit « au blason », avec les lettres E et C, en bas à gauche de cette jolie carte postale colorisée, donne à penser qu’il s’agit  de celui d’E. Reynaud qui était libraire, papetier et éditeur d’articles photographiques et de cartes postales illustrées, installé à Chambéry).

     

    De notre temps. La Cour d’appel de Chambéry et le nouveau Tribunal Judiciaire de cette citée savoyarde, issu en 2020, de la fusion de ses Tribunaux de grande instance et d’instance, siègent, aujourd’hui encore, dans le bâtiment du Palais de Justice, construit entre 1850 et 1860, dont la façade principale donne sur la place elle-même dénommée « place du Palais de Justice ».