• Tirage sur papier albuminé: Parlements et Palais de Justice 2/5

     

     

     

     

    Vue de la salle de l’Échiquier du château de Caen, 1819* (John Sell Cotman (1782-1842) Crayon et lavis sur papier – Source : Caen, musée de Normandie. © musée de Normandie-Ville de Caen)

    1. Vue de la salle de l’Échiquier du château de Caen, 1819* (John Sell Cotman (1782-1842) Crayon et lavis sur papier – Source : Caen, musée de Normandie. © musée de Normandie-Ville de Caen).

     

     

    *La salle originale de l’Échiquier n’existe plus. Au fil des siècles, elle a été plusieurs fois reconstruite, plus ou moins différemment, servant notamment d’entrepôts de matériels roulants et d’écurie pour les militaires qui avaient transformé le château en caserne. Ce sont eux qui ont ouvert de grandes fenêtres au rez-de-chaussée et créé un étage sur plancher, visibles sur ce dessin du début du XIXème, absents de la salle de réception d’origine du château de Caen, plus connue sous le nom de salle de l’Échiquier. En 1944, la salle de l’Échiquier a été endommagée par des bombardements, puis restaurée en 1962. 

     

     De l’Échiquier de Normandie au Parlement de Normandie. Je vous emmène aujourd’hui faire un p’tit tour à Rouen, la capitale de la Normandie bordée par la Manche, découvrir son Palais de Justice grâce à des photographies, prises sous le Second Empire (1851-1870) et au début de la Troisième République (1870-), tirées (sauf la dernière d’entre elles, n°14) sur papier albuminé par des professionnels ou des amateurs (n° 2 à 13 comprise).

     

     « J’irai revoir ma Normandie… » Mais avant de nous rendre à Rouen, il faut aller à Caen où tout à commencé, sans doute au XIème ou au XIIème siècle, avec la construction du Palais (le château de Caen) des ducs de Normandie (parmi ceux-ci : Robert le Magnifique de 1010 à 1035, et Guillaume le Conquérant de 1035 à 1087, qui fut roi d’Angleterre de 1066 à 1087). Ce palais ducal était notamment composé d’une salle de réception dans laquelle le duc-roi de Normandie tenait des assemblées solennelles, ainsi que des séances de sa cour des comptes et de justice.

     

    Cette salle portait le nom d’Échiquier de Normandie, sans que l’on sache très bien pourquoi (pour certains, parce que la salle aurait été constituée tour à tour de pavés de pierres carrées noires et blanches comme un tablier de jeu d’échecs). Toujours est-il qu’elle servait de siège « transitoire » à l’Échiquier de Normandie, qui avait été institué, au début du Xème siècle, par Rollon, premier duc de Normandie (de 911 à 927), pour juger des affaires relatives à l’administration du domaine du duc et des torts faits à ses droits. Car en effet, cet Échiquier était itinérant et, deux fois par an, il s’installait, trois mois durant, dans l’une des villes de la province normande (Rouen, Falaise, Caen…). Lorsque c‘était le tour de la ville de Caen, l’Échiquier siégeait dans la salle de réception de son château.

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé)

    2. L’aile gauche (aile Ouest) du Palais de Justice de Rouen, la plus ancienne de l’ensemble architectural, réalisée à partir de 1499, avec un clocher et des lucarnes de style gothique flamboyant (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée). 

     

    Les lettres patentes d’avril 1499 de Montilz-sous-Bois du roi Louis XII conférèrent alors à l’Échiquier de Normandie le statut de Cour de justice, souveraine, sédentaire et perpétuelle, tout en maintenant son siège à Rouen. De 1499 aux années 1510/1517, pendant la construction d’un nouveau bâtiment pour accueillir l’Échiquier, celui-ci continua de tenir ses audiences dans la salle de réception du château de Caen (devenu le Château du Roi). Puis, une fois les travaux achevés, il put tenir ses audiences dans le nouveau Palais du Neuf-Marché construit, en style gothique dit flamboyant (le réseau des nervures des bâtiments composant l’aile ouest de l’actuel Palais de Justice a l’apparence onduleuse de la flamme), entre la Cathédrale Notre-Dame-de-Rouen et la place du Vieux-Marché, en plein cœur du centre ville.

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé

    3. Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

    En 1515, le roi François Ier supprima le nom d’Échiquier, symbole de l’identité normande, pour le remplacer, à l’instar des autres cours souveraines du royaume, par celui de Parlement de Normandie, mais il maintint son siège dans les murs du nouveau Palais de Justice de Rouen tout juste achevé (cette aile ouest du nouveau palais abritait aussi le Parloir aux Bourgeois). Le Palais du Parlement de Normandie sera agrandi au fil des siècles par d’autres bâtiments aux styles architecturaux divers. En 1790, comme l’ensemble des parlements du Royaume, il sera supprimé par l’Assemblée nationale constituante (sa dernière audience eût lieu le 28 septembre 1790).

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé

    4. Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

    Du Parlement de Normandie au Palais de Justice de Rouen. Suite à la réforme judiciaire de l’an VIII (loi du 27 ventôse an VIII-18 mars 1800), une nouvelle organisation des tribunaux fut instituée avec, d’une part, des juges de paix et des tribunaux de district (ancêtres des Tribunaux de première instance et de grande instance, devenus, en 2020, Tribunaux judiciaires), d’autre part, des Tribunaux d’appel couvrant chacun plusieurs départements. C’est ainsi que l’ancien Palais du Parlement de Normandie, dont le siège était à Rouen, accueillit ces nouvelles juridictions provinciales dans ses murs, sous le nom commun de Palais de Justice de Rouen.

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé

    5. Le Palais de Justice de Rouen. Pavillon en avant-corps de l’ancien Palais du Parlement de Normandie, corps central de l’édifice : 1507-1517 (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

    Le Palais de Justice de Rouen sera agrandi au XIXème siècle vers les rues Jeanne d’Arc et Socrate, puis longuement restauré après avoir été endommagé par des bombardements les 19 avril et 26 août 1944 (en 2005, la façade et les gargouilles ont été rénovées). Il est, aujourd’hui, le siège du Palais de Justice de la ville de Rouen, qui accueille notamment son Tribunal Judiciaire (1 Place du Maréchal Foch), et sa Cour d’appel (36 rue aux Juifs). 

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé

    6. Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

    À l’origine, le Parlement de Normandie était composé de quatre Présidents (deux clercs et deux laïcs), dont le Premier Président, de treize conseillers clercs et de quinze conseillers laïcs (titulaires de leur office, transmissible moyennant rémunération), de deux avocats généraux, d’un Procureur Général, de deux greffiers, d’un huissier audiencier, et de six huissiers. 

     

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé

    7. Le Palais de Justice de Rouen. Vue de l’escalier néo-gothique construit par l’architecte Henri Charles Martin Grégoire entre 1890 et 1900 (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

    Quant à la légendaire Coutume de Normandie*, la plus ancienne de France (sa première rédaction date de la fin du XIème siècle), qui s’était appliquée au duché Normand depuis sa création en 911, à la suite du Traité de Saint-Clair-sur-Epte conclu entre le roi carolingien Charles-le-Simple et le chef viking Rollon, elle fut plus ou moins aménagée au cours du temps par des arrêts du Parlement de Normandie, avant d’être abrogée en 1804, laissant place au Code Civil promulgué par Napoléon Bonaparte (elle s’applique toutefois encore de nos jours dans les îles anglo-normandes, à Jersey et Guernesey).

     

    *En surfant sur la toile Internet, on trouve de très nombreuses études scientifiques, en accès libre, consacrées au droit coutumier normand, notamment celle de Jean Yver (1901-1988), qui fut Professeur agrégé à la Faculté de Droit de Caen, de 1931 à 1974, titulaire de la Chaire d’Histoire générale de Droit français. 

    Jean Yver : La rédaction officielle de la coutume de Normandie. Rouen 1583). Son esprit

    https://www.persee.fr/docAsPDF/annor_0003-4134_1986_num_36_1_1716.pdf

     

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé

    8. Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé

    9. Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé

    10. Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé

    11. Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie. L’aile Est construite au XIXème siècle en style néo-gothique (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

     

     

     

     

     

    Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (photographie tirée sur papier albuminé

    12. Le Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie. L’aile Est construite au XIXème siècle en style néo-gothique (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

     

     

     

     

     

    La Grand’Chambre du Parlement de Normandie, actuelle salle des Assises du Palais de Justice de Rouen (photographie tirée sur papier albuminé

    13. La Grand’Chambre du Parlement de Normandie, actuelle salle des Assises du Palais de Justice de Rouen (photographie tirée sur papier albuminé. Non datée).

     

    À l’origine, le Palais du Parlement de Normandie était divisé en deux Chambres, l’une jugeant le matin, l’autre l’après-midi, dans une salle bien étroite. Aussi fut-t-il construit, au début du XVIème siècle, à la demande des conseillers, un nouveau bâtiment, à l’équerre du Palais du Neuf-Marché, avec la grande salle d’audience la plus emblématique du Palais du Parlement, connue sous le nom de Grand’Chambre (aussi appelée Chambre du Plaidoyer). 

     

    Son plafond à caissons de style Renaissance, décoré de rosaces et d’ornements en bronze doré (pour cette raison, la Grand’Chambre est aussi appelée Chambre dorée), tel qu’on peut le voir sur cette photographie du XIXème siècle, a été entièrement détruit lors des bombardements de 1944. Fort heureusement, il a été restauré, dans les années 1980, avec le même type de bois de chêne vieilli de couleur ébène. Aussi les magistrats, les jurés, les avocats, le greffier, les personnes accusées de crime, leurs gardes, et le public, dès lors qu’ils s’intéressent à l’architecture peuvent-ils lever les yeux pour admirer ce plafond pendant les audiences, puisque la Grand’Chambre est devenue l’actuelle salle des Assises. Sauf erreur de ma part, chaque année, l’audience solennelle d’installation des nouveaux magistrats de la Cour d’appel de Rouen, en robe d’apparat, a également lieu dans cette salle.

     

     

     

     

     

    La Salle des Pas-Perdus, dite « Salle des Procureurs », du Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (carte postale des frères Étienne et Louis-Antonin Neurdein

    14. La Salle des Pas-Perdus, dite « Salle des Procureurs », du Palais de Justice de Rouen, ancien Palais du Parlement de Normandie (carte postale des frères Étienne et Louis-Antonin Neurdein, sous leur première marque « ND », utilisée dans les années 1885).

     

     

    Au fil des ans, d’autres chambres furent créées à l’occasion de travaux d’extension du bâtiment initial du Palais du Parlement de Normandie, édifié à Rouen. Entre autres : la Chambre de la Tournelle pour les affaires criminelles (1519) ; la première Chambre des Enquêtes (1543) ; la Chambre des Vacations (1547) ; la deuxième Chambre des Enquêtes (1680) ; la Chambre des Requêtes (1739).

     

    Mais tout Palais de Justice qui se respecte doit encore avoir sa salle dite des Pas-Perdus, définie comme étant la « Grande salle qui précède ordinairement la chambre des audiences d’un tribunal, et où le public se promène. » (Dictionnaire de la langue française d’Émile Littré, publié de 1872 à 1877). Celle du Palais de Justice de Rouen, qui jouxte sa Grand’Chambre, a la particularité d’être plus connue sous le nom de « Salle des Procureurs ». Elle a été construite, dans les années 1507, dans la partie Ouest du bâtiment, antérieure au corps principal (la façade avec sa tour visible sur les précédentes photographies).

     

    Longue de 48,72 mètres et large de 16, 24 mètres, donc un peu en deçà de la taille d’une piscine olympique (longueur : 50 mètre ; largeur : 25 mètres), et haute de plus de 16 mètres, la Salle des Procureurs ou des Pas-Perdus occupe la totalité du premier étage de ce corps du Palais. Elle est de style Louis XII, inspiré de la Renaissance artistique italienne, avec une voûte lambrissée en forme de carène de navire renversée dont la nef d’une seule volée n’est soutenue par aucun pilier. Cette salle a, elle aussi, été détruite lors des bombardements de 1944. Depuis, elle a été restaurée à l’identique.

     

    À bientôt (dans le courant de la semaine prochaine, si j'ai fini!) pour des photographies du XIXème siècle, tirées sur papier albuminé, représentant des Palais de Justice implantés, après la Révolution française, dans de nouveaux bâtiments, spécialement construits pour les accueillir, dans le style architectural néo-classique alors en vogue, inspiré des temples antiques grecs, voire romains et égyptiens, faisant suite au style architectural gothique (puis rococo):

    Tirage sur papier albuminé: Temples de Justice néoclassiques (1/3)

    Tirage sur papier albuminé: Temples de Justice néoclassiques (2/3)

    Tirage sur papier albuminé: Temples de Justice néoclassiques (3/3)