• VIII. La promulgation des statuts de l’Université de Paris

     

     

    52. L'Université de Paris au XIIIème siècle

                       56. L’Université de Paris au XIIIème siècle

     

     

     Suite à des conflits opposant les écoles de droit de Paris aux autorités royales, épiscopales et pontificales, le roi Philippe Auguste entreprit de les regrouper en une « Communauté » (appelée « Université », en 1231) et de garantir leur autonomie. Aussi, promulgua-t-il, en l’an 1200, une Charte assimilant les écoliers à des clercs, afin de les placer sous la haute autorité du pape. Les Maîtres et écoliers (au sens d’ « étudiants » en ancien français) bénéficièrent en outre de privilèges comme celui d’être jugés par un tribunal ecclésiastique (justice de l’évêque) et non civil (justice royale). Et, en 1213, un arbitrage pontifical organisa l’enseignement en quatre Facultés (de l'expression latine facultas docendi, « droit d'enseigner ») : Arts libéraux, Théologie, Médecine, et Décret, c’est-à-dire le droit canon (v. rubrique X : La Faculté de Décret de la Sorbonne).

     

     

     53. Premiers statuts de l'Université de Paris, août 1215

                57. Premiers statuts de l'Université de Paris, août 1215

     

    En août 1215, la nouvelle communauté des « Maîtres et écoliers de Paris » reçut ses premiers statuts, octroyés par Robert de Courson, légat du pape Innocent III. Ces statuts définissaient, essentiellement pour les arts libéraux (le droit est passé sous silence), des règles relatives à la durée des études, au programme et aux modalités d’examens. Plus généralement, ils reconnaissaient la communauté des « Maîtres et écoliers de Paris », ainsi que son autonomie garantie par l’autorité pontificale. 

     

     

    54. Sceau de l’Université de Paris au XIIIème siècle

    58. Sceau de l’Université de Paris au XIIIème siècle (au centre la Vierge, encadrée par Saint Nicolas de Myre, patron protecteur des écoliers, et par Sainte Catherine, patronne des écoliers, des nourrices et des notaires). 

     

    Le 13 avril 1231, la Bulle « Parens scientiarum universitas », émanant de la chancellerie du pape Grégoire IX, confirma l’autonomie de cette nouvelle communauté qu’elle désigna sous le mot latin d’ « Universitas » signifiant, à cette époque, compagnie, communauté, corporation, assemblée. Voici, la traduction de cette Bulle écrite en langue latine :

     

    Grégoire Evêque, serviteur des serviteurs de Dieu, A ses chers fils, tous les maîtres et étudiants de Paris, Salut et bénédiction apostolique. Paris, mère des sciences, comme une autre Cariath Sepher, cité des lettres, brille d'un éclat précieux, grande sans doute, elle fait attendre d'elle de plus grandes choses, grâce à ceux qui apprennent et à ceux qui enseignent (...) Aussi n'est-il pas douteux que celui qui, dans la cité susdite, se sera de quelque manière efforcé de troubler une grâce aussi éclatante ou celui qui ne sera pas opposé clairement et avec force à ceux qui la troublent, ne déplaise profondément à Dieu et aux hommes. C'est pourquoi, ayant considéré attentivement les problèmes qu'on nous a soumis à propos de discorde qui est née ici à l'instigation du diable et qui trouble gravement les études, nous avons, assisté du conseil de nos frères, pensé qu'il était préférable de les résoudre par un règlement sage plutôt que par une décision judiciaire. Ainsi, en ce qui concerne le statut des étudiants et des écoles, avons-nous décidé que l'on devra appliquer les règles suivantes: Celui qui sera choisi comme chancelier de Paris devra, lors de son institution, jurer devant l'évêque, ou à son mandement, dans le chapitre de Paris, en présence de deux maîtres convoqués pour cela et représentant de l'Université des étudiants, que pour le groupement de la théologie et des décrets, loyalement et selon sa conscience, il n'accordera la licence d'enseigner qu'à des hommes dignes en fonction du lieu et du moment, selon le statut de la cité, l'honneur et le renom des facultés, et la refusera aux indignes, toute considération de personne ou d'origine étant écarté. Avant d'accorder une licence à qui que ce soit, dans les trois mois à partir de la demande de licence, il devra faire examiner avec diligence tant par tous les maîtres en théologie présents dans la cité que par d'autres personnes honnêtes et cultivées, par lesquelles on peut connaitre la valeur, et ses ambitions et autres choses que l'on examine dans ces circonstances: ayant ainsi examiné ce qu'il convient de faire et ce qu'il parait opportun, en sous âme et conscience il donnera ou refusera au candidat la licence demandée. Quant aux maitres en théologie et en décret, lorsqu'ils commenceront à donner des leçons, ils prêteront serment en public de porter fidèlement témoignage sur les choses susdites. Le chancelier jurera aussi de ne révéler en aucun cas le propos des maîtres à leurs détriments, la liberté et le droit des chanoines de Paris demeurant dans leur vigueur initiale. Pour les médecins, les artistes, et les autres, le chancelier promettra d'examiner loyalement les maîtres et d'admettre les gens dignes à l'exclusion des indignes. Au reste, il est vrai que le mal se glisse facilement là ou règne le désordre, nous vous accordons le pouvoir d'établir de sages constitutions ou règlements sur les méthodes et horaires des leçons, des discussions, sur la tenue souhaitée, sur les cérémonies funéraires, sur les bacheliers: qui doit leur donner des leçons, à quelle heure et quel auteur choisir; sur la taxation des loyers et l'interdiction de certaines maisons; et le pouvoir de châtier comme il faut ceux qui se rebelleront conte ces constitutions ou règlements en les excluant (...). Celui qui aura commis un crime nécessitant l'emprisonnement sera détenu dans la prison de l'évêque, interdiction absolue étant faite au chancelier d'avoir une prison particulière. Nous interdisons en outre qu'un étudiant soit arrêté pour une dette, alors que cela est interdit par des décisions canoniques régulières. Ni l'évêque, ni son official ni le chancelier ne devront prononcer de peine pécuniaire pour relever d'une excommunication ou de quelque autre censure. Le chancelier ne devra exiger des maîtres auxquels il accorde la licence aucun serment, aucune marque de soumission ou autre caution et ne réclamera pour cet accord aucune somme d'argent ou obligation mais se contentera du serment indiqué plus haut. Nous interdisons formellement que les étudiants se déplacent en armes et que l'Université défende ceux qui troublent la paix et l'étude. ceux qui feignent d'être étudiants sans fréquenter les écoles ni avoir de maitres ne devront pas jouir des franchises (libertas) des étudiants (...). Que personne n'enfreigne cette décision, constitution, concession, défense et interdiction ou n'ose s'opposer à elle par une audace téméraire. Et si quelqu'un ose y attenter, qu'il sache qu'il encourra l'indignation de Dieu tout puissant et des bienheureux Pierre et Paul Apôtres. Donné au Latran, aux Ides d'avril, en la cinquième année de notre pontificat. Grégoire IX, Pape. 

     

     

    55. La répression contre les étudiants de 1229

      59. La répression contre les étudiants de 1229.

     

     

    Droit de grève. Les Maîtres et écoliers de l'Université de Paris avaient également obtenu le droit de faire grève. Ainsi, en 1229, des écoliers de l’Université de Paris contestèrent-ils à un cabaretier du faubourg Saint-Marcel le prix de la chope de vin. Celui-ci appela à la rescousse des voisins qui frappèrent les écoliers. Le lendemain, ces derniers revinrent armés de bâtons et frappèrent le tavernier et ses voisins. Le prieur de Saint-Marcel demanda à la régente Blanche de Castille de punir les coupables. Les sergents royaux tuèrent et blessèrent de nombreux étudiants dont certains étrangers à la rixe. Les Maîtres de l'Université exigèrent de la régente réparation, ce qu’elle refusa. Aussi les Maîtres et les écoliers de l’Université de Paris entreprirent-ils une grève mémorable de plusieurs mois. Sous la pression du pape, le jeune roi Louis IX accepta, en définitive, de payer une amende, et il fit jurer aux bourgeois et à l'évêque de ne jamais porter tort aux écoliers de l'Université. Les Maîtres et écoliers cessèrent leur grève et ils reprirent les cours.