• Honoré Daumier, Les Gens de Justice : caricatures. 1/4

     

     

     

    Honoré Daumier, Les Gens de Justice : caricatures. 1/4

    1. Honoré Daumier : photographie prise au début des années 1850 (source : Histoire des artistes vivants, français et étrangers, peintres, sculpteurs, architectes, graveurs, photographes : études d’après nature. Paris. 1853. Ed. Blanchard, pp. 49).

     

        Honoré-Victorin Daumier est né à Marseille, le 26 février 1808, d’un père ouvrier-vitrier et poète. Peintre (plus de cinq cent tableaux), sculpteur et lithographe (plus de quatre mille dessins), il est reconnu comme l’un des plus grands artistes français du XIXème siècle. Il nous séduit aujourd’hui encore par ses nombreuses caricatures humoristiques consacrées notamment aux hommes politiques, aux bourgeois et aux Gens de Justice de son époque. Presque aveugle, il se retira, dans les années 1870, à Valmondois, dans l’ancien département de la Seine et Oise (actuel département du Val-d’Oise de la région Île-de-France), où il mourut complètement ruiné le 10 février 1879. Son corps fut plus tard transféré au cimetière du Père Lachaise de Paris, aux côtés de ses amis Corot et Daubigny. On peut lire sur la pierre de sa tombe cette épitaphe : « Ci-gît Daumier, l’homme de bien, le grand artiste, le grand citoyen ».

     

     

     

    Honoré Daumier, Le Petit-Clerc dit Saute-ruisseau.

    2. Le Petit-Clerc dit Saute-ruisseau. « Le Petit Clerc mange peu, court beaucoup, flâne davantage et revient le plus tard possible à l’étude où il est le souffre douleur. Il s’appelle ordinairement Godard ou Galuchet » (lithographie et légende autobiographiques d’Honoré Daumier, parue [en noir et blanc], dans le journal Le Charivari du 23 septembre 1835. Première planche de sa série intitulée : Types français).

     

       Honoré Daumier, Petit-Clerc d’huissier. Arrivé avec ses parents à Paris en 1814, le jeune Daumier avait rapidement quitté les bancs de l’école élémentaire où il était un élève médiocre. C’est ainsi qu’il devint, en 1820, à l’âge de douze ans, Petit Clerc* dans une étude d’huissier de justice. Il y était surnommé Norin (diminutif d’Honoré-Victorin), et passait donc ses journées à sauter les nombreux caniveaux de la capitale (d’où l’appellation Saute-ruisseau) pour retirer ou déposer des colis et des lettres missives, et remettre aux greffes des tribunaux des placets**. Il put ainsi observer les divers gens de justice qu’il y croisait (juges, avocats, avoués, greffiers, huissiers…), ce qui lui permit de les reproduire avec leurs travers quelques années plus tard dans ses peintures et lithographies.

        

    * Honoré de Balzac, qui fut clerc de notaire de 1816 à 1819, nous a décrit le Petit-Clerc en ces termes : « Jeune clerc chargé des courses, dans une étude de notaire, d'avoué ou d’huissier. Le saute-ruisseau est généralement (...) un garçon de treize à quatorze ans, qui dans toutes les études se trouve sous la domination spéciale du principal clerc, dont les commissions et les billets doux l'occupent tout en allant porter des exploits chez les huissiers et les placets** au palais. » (Honoré de Balzac, « Le Colonel Chabert », p. 6, première version de 1832). 

     

      ** Le placet est une copie de l’assignation, contenant les prétentions du demandeur, remise au greffier d’un tribunal pour l’enrôlement de la cause.

    http://droiticpa.eklablog.com/le-petit-clerc-dit-saute-ruisseau-1-3-a129438286

     

     

     

     

    Louis-Gargantua (lithographie d’Honoré Daumier, parue le 15 décembre 1831, dans le journal La Caricature

    3. Louis-Gargantua (lithographie d’Honoré Daumier, parue le 15 décembre 1831, dans le journal La Caricature, représentant le roi Louis-Philippe sous les traits du géant Gargantua, le célèbre personnage du roman de Rabelais écrit en 1534).

     

      Après avoir abandonné sa fonction de Petit-Clerc qu’il abhorrait, Honoré Daumier devint, en 1821, commis chez Delaunay, un libraire-éditeur au Palais-Royal à Paris. Comme il passait tous ses loisirs à dessiner, son père présenta quelques uns de ses dessins à Alexandre Lenoir (1761-1839), un ancien élève du peintre Gabriel-François Doyen (1726-1806), devenu historien de l’art et conservateur du Musée des Monuments français. Ce dernier reconnut aussitôt les talents du jeune Daumier et lui donna ses premières leçons de dessins et de peintures. Toutefois, Honoré Daumier, peu enthousiasmé par le classicisme de son maître, le quitta et s’inscrivit, à Paris, aux cours de dessins de l’Académie Suisse et de l’Académie Boudin. En 1825, il devint l’assistant de l’éditeur-lithographe Beillard, spécialisé dans le portrait, et, en 1830, le principal dessinateur du journal satirique hebdomadaire La Caricature, tout juste créé par Charles Philipon, et dont Honoré de Balzac fut l’un des premiers rédacteurs. 

     

        Honoré Daumier y publia, dans le numéro du 15 décembre 1831, sa célèbre lithographie Gargantua qui représentait, de manière caricaturale, le roi Louis-Philippe, avec une tête en forme de poire, une énorme bedaine, et ses rouflaquettes (mèches de cheveux sur la joue). Plus risqué, le roi Louis-Philippe, connu pour son amour de l’argent et son avarice, y est représenté, de manière on ne peut plus vacharde, sous deux angles. En bas à droite, il prélève les impôts des gens du peuple et des miséreux. En haut à gauche, d’une part, il avale des sacs de pièces d’or offerts par des notables et des courtisans, d’autre part, il défèque ce butin à une nuée de députés réunis devant le Palais Bourbon (assimilés à des excréments du roi, ces député sont représentés à l’extrême gauche du dessin, sous le « trône » même du roi Louis-Philippe, autrement dit la chaise percée sur laquelle il est assis).

     

      Cette caricature politico-fécale valut à Honoré Daumier une condamnation à 6 mois de prison ferme et cinq cent francs d’amende, prononcée par la Cour d’assises de la Seine, le 22 février 1832,  « pour excitation à la haine et au mépris du Gouvernement du roi » (la Cour d’assises ordonna également le destruction de sa lithographie Gargantua). Honoré Daumier fut alors appréhendé le 30 août 1832 et enfermé à la prison Sainte-Pélagie, à Paris, avant d’être transféré à la Maison de Santé de l’aliéniste Pinel, jusqu’en janvier 1833.

     

       « Qui aime bien châtie bien » (maxime ignorée d’Honoré Daumier). À sa sortie de prison, en 1833, Honoré Daumier reprit ses publications de caricatures acerbes, dirigées, cette fois, à l’encontre des gens de justice qu’il avait pu observer, de loin, dans ses jeunes années, lorsqu’il était Petit-Clerc, et de plus près, comme prévenu devant la Cour d’assises de la Seine.

     

     

     

     

    Le Charivari : Journal publiant chaque jour un nouveau dessin (Journal quotidien [puis hebdomadaire], illustré satirique, paru de 1832 à 1937)

    4. Le Charivari : Journal publiant chaque jour un nouveau dessin (Journal quotidien [puis hebdomadaire], illustré satirique, paru de 1832 à 1937).

     

     

     Séries de planches caricaturales de Daumier.  C’est en 1835 qu’Honoré Daumier commença sa collaboration avec le journal hebdomadaire « Le Charivari ». Il y publia, pendant plusieurs années, chaque semaine, une lithographie intégrée à diverses séries. Parmi celles-ci : Caricaturana ; La Chasse ; Galerie physionomique ; Croquis d’expressions ; Mœurs conjugales ; Types parisiens ; Proverbes et Maximes ; Robert Macaire ; Physionomies tragi-comiques ; Les Chemins de fer ; Les Canotiers parisiens ; Les beaux Jours de la vie ; Les Bas-bleus ; Les Etrangers à Paris ; Les Philanthropes du jour ; Professeurs et moutards ; Locataires et propriétaires ; Les Baigneuses ; Quand on a du guignon ; Les Bons bourgeois…

     

       Séries de planches de Daumier consacrées aux Gens de Justice. Entre le 21 mars 1845 et le 31 octobre 1848, Honoré Daumier publia notamment, dans Le Charivari, une série de près de quarante planches consacrées au corps judiciaire (juges, avocats, avoués, greffiers, huissiers…), sous l’intitulé Les Gens de Justice. En novembre-décembre 1851, il publia, dans ce même journal, une autre série de quatre dessins, intitulée Les Avocats et les Plaideurs.

     

     

     

     

    Robert Macaire : avocat (lithographie en couleur d’Honoré Daumier).

                             5. Robert Macaire : avocat (lithographie en couleur d’Honoré Daumier).

     

    -  Mon cher Bertrand, donnes moi cent écus, je te fais acquitter d’emblée.

    - J’ai pas d’argent.

    - He bien donnes moi cent francs.

    - Pas le sou.

    - Tu n’as pas dix francs ?

    - Pas un liard !

    - Alors donnes moi tes bottes, je plaiderai les circonstances atténuantes.

     

      Honoré Daumier publia également quelques caricatures d’hommes de lois (notaires, juges, avocats…) dans son ouvrage, paru en 1840, sous le titre « Les cent et un Robert Macaire » (Daumier y emprunte le nom de l’un des personnages de l’œuvre de Balzac. De plus, il publiera une planche, en 1843, dans Le Charivari, sous le titre « La Comédie Humaine », en référence à l’édition Furne de l’œuvre complète de son ami Balzac, éditée en dix-sept volumes à partir de 1842).   

     

     

     

     

    Honoré Daumier, Les Gens de Justice

    6. Daumier, Les Gens de Justice. Préface de Julien Cain de l’Institut (ouvrage édité le 18 octobre 1954 par André Sauret, éditions du Livre-Monte-Carlo. Lithographies reproduites dans les ateliers des frères Mourlot, lithographes à Paris).

     

      Les caricatures judiciaires d’Honoré Daumier connurent un grand succès qui ne se démentit jamais au fil des ans. Aussi les éditeurs n’hésitèrent-ils guère à les réunir dans des ouvrages autonomes. Ils ne manquèrent pas de joindre aux lithographies en noir et blanc de Daumier plusieurs de ses peintures pleines de couleurs représentant également, de manière caricaturale, des gens de justice.

     

     

     

     

    Affiche d’une exposition consacrée, en 1968, à Honoré Daumier (Galerie R.G. Michel, Paris)

    7. Affiche d’une exposition consacrée, en 1968, à Honoré Daumier (Galerie R.G. Michel, marchand d’estampes à Paris de 1912 à 2018 [17 Quai Saint-Michel. Vème arrondissement]. Cette affiche reproduit une peinture d’Honoré Daumier intitulée par celui-ci : Grand escalier du Palais de Justice). 

     

       Je vous ai reproduit la quasi-totalité des caricatures judiciaires d’Honoré Daumier publiées, selon le procédé de la lithographie, dans Le Charivari, à la Belle Epoque, en trois pages successives (une page tous les trois jours). Chacune de ces pages réunit 15 images (mon hébergeur à titre gratuit eklablog me recommande de ne jamais dépasser ce nombre par page). Ces dessins sont évidemment en noir et blanc comme tous ceux publiés dans Le Charivari. Tout au plus, pour atténuer leur caractère tristounet, je les ai très légèrement colorisés pour leur donner une apparence du genre sépia.

     

     

     

     

    Honoré Daumier : Trois avocats

                                  8. Honoré Daumier : Trois avocats (avant ou après leur plaidoirie ?).

      

      En attendant, ces trois prochaines pages, voici pour clore cette page introductive plusieurs des peintures d’Honoré Daumier représentant des Gens de Justice. Certaines d’entre elles furent également reproduites en noir et blanc par Daumier dans Le Charivari.

     

     

     

    Honoré Daumier : Les avocats avant l’audience dans la salle des Pas Perdus

                       9. Honoré Daumier : Les avocats avant l’audience dans la salle des Pas Perdus.

     

     

     

     

     

    Honoré Daumier : Au palais de Justice

                                                10. Honoré Daumier : Au palais de Justice.

     

     

     

     

    Honoré Daumier : L’avocat et sa cliente

                                                   11. Honoré Daumier : L’avocat et sa cliente.

     

     

     

     

     

    Honoré Daumier : L’avocat lisant

                                                        12. Honoré Daumier : L’avocat lisant.

     

     

     

     

    Honoré Daumier : L’avocat plaidant

                                                13. Honoré Daumier : L’avocat plaidant.

     

     

     

     

     

    Honoré Daumier : Le défenseur

          14. Honoré Daumier : Le défenseur (source : RMN-Grand Palais [Musée d’Orsay]. Michel Bellot).

     

     

     

     

     

    Honoré Daumier : Les Gens de Justice.

                                              15. Honoré Daumier : Les Gens de Justice.