• Jeux d’enfants du temps passé en chromos (23/30)

     

     

    Jeux d’enfants du temps passé en chromos (22/25)

    152 Jeu de société : Atout ! (Chromolithographie des années 1900). 

     

     « Faire société ». Â la Belle Epoque, entre l’Exposition universelle de 1889 et la mobilisation générale de l’été 1914, des centaines de milliers de chromolithographies pour enfants émises par des chocolateries importatrices de fèves de cacao de nos colonies, représentaient de nombreux jeux anciens et modernes (voir les pages précédentes). Toutefois, elles ne représentaient quasiment jamais les jeux de société des enfants, c’est-à-dire, selon les psy’, ceux qui peuvent permettre d’entretenir un lien social important entre les joueurs.

     

       « Donne-nous Ptit’ Maman du Chocolat Idéal en poudre soluble garanti pur cacao et sucré » (légende d’une affiche de la Compagnie Française des Chocolats et des Thés. 1897). Fort heureusement, un éditeur a comblé ce vide avec une série de six images de jeux de société pratiqués aussi bien par les grandes personnes (jusqu’à 97 ans sauf exceptions) que par les enfants (dès leur sixième année, ou un peu avant pour les plus précoces). La série a été distribuée, entre autres commerces, par la Compagnie Française des Chocolats et des Thés Pelletiers & Cie (à Paris, 60 rue des Gobelins).

      Cette chocolaterie avait été fondée, dans la première partie du XIXème siècle, par les pharmaciens André Lhœst et François Pelletier, qui avaient repris un Comptoir des Thés et Chocolats, lui-même créé, en 1770, à Paris, par un autre pharmacien : Henri Duthu. Leur ambition était de fabriquer du chocolat sain, « garanti pur cacao et sucré ». En 1862, cette chocolaterie fut promue fournisseur de la princesse de Galles (future reine Victoria), et, en 1867, elle remporta une médaille d’argent à l’exposition de Paris.

     

      Atout ! Toujours est-il que le jeu de cartes de cette première image représente une partie dans laquelle les deux jeunes joueuses exposent tour à tour une carte sur la table, et celle qui a joué la carte de plus grande valeur dit Atout*. Les jeux de cartes étant tellement nombreux (tarot, bataille, bridge…), et les dessins publicitaires de l’époque pour enfants assez approximatifs, la question qui me taraude est de savoir de quel jeu de cartes il s’agit. Sans certitude, j’opte pour la belotte. Dans ce jeu, les deux cartes d’atout les plus fortes y sont le valet [20 points], et le neuf [14 points], et, en dehors de l’atout, l’as [11 points] et le dix [10 points]).

    * Le mot Atout n’a rien à voir avec le Toutou qui, sur ce chromo, regarde ses jeunes maîtresses jouées. Il proviendrait de l’expression « à tout », c’est-à-dire « jouer pour tout l’enjeu ».

     

     

     

    Jeux d’enfants du temps passé en chromos (22/25)

    153 Jeu de société : Dans le Puits ! (Chromolithographie des années 1900).

     

      Cet autre chromo représente deux enfants au cours d’une partie de jeu de l’oie, un jeu de 63 cases enroulées en spirale, dans lequel chaque joueur lance deux dés et, selon le résultat obtenu, avance son pion de case en case (certaines cases comportent des pièges comme celle du Puits*). Le but du jeu est d’arriver le premier sur la dernière case. Dans sa version actuelle, ce jeu aurait été créé à Florence, à la fin du XVIème siècle (François Ier de Médicis en aurait envoyé un exemplaire à Philippe II d’Espagne).

     

      *Dans le Puits ! Un joueur qui a la malchance de tomber dans le Puits (case 31), doit attendre qu’un autre joueur prenne sa place pour se déplacer à nouveau et comprendre pourquoi le mot puits, piège des dictées d’écoliers, arbore toujours un t et un s en lettres finales !  

     

      « Ce sont les oies qui ont sauvé le Capitole » (Georges Clémenceau). Quant à la raison pour laquelle ce jeu porte le nom d’oie, c’est encore l’un des mystères de l’humanité relayé par la toile. Pour certains, l’oie, par sa vigilance, sa sagesse et son ouïe particulièrement développée, annoncerait les dangers, permettant ainsi de se protéger (durant le siège de Rome, en 390 av. J.-C. ce sont les oies du Capitole qui donnèrent l’alerte lors d’une attaque surprise des Gaulois). Aussi selon un érudit en ligne : « Sur le plan symbolique, l’oie renvoyant à un animal annonçant le danger, le jeu de l’oie permettrait de mieux comprendre le monde. Son tracé en forme de spirale rappelle le labyrinthe pour arriver à cette connaissance ». 

     

     

     

    Jeux d’enfants du temps passé en chromos (22/25)

    154 Jeu de société : Echec et Mat (Chromolithographie des années 1900).

     

      Il va sans dire que ce chromo représente deux enfants s’affrontant au jeu d’échecs. Après l’avoir quand même dit, je rappellerai que ce jeu peut être pratiqué par des enfants dès l’âge de 6-7 ans, ce qui leur permet, à la différence du foot bien plus physique et peu connu dans les années 1900, d’améliorer leur mémoire et leur compréhension.

     

         Mais pourquoi, me direz-vous, l’un des joueurs prononce-t-il les mots « échec et mat ». D’abord, parce que le joueur qui le dit est celui qui a gagné la partie, le roi du joueur adverse étant menacé de capture au prochain coup et n’ayant aucune possibilité de s’en tirer. La partie prend alors fin immédiatement et le joueur qui capture le roi est déclaré vainqueur. Ensuite, parce que cette expression serait héritée de l’arabe « al cheik mat » (prononcez : ash’aah maat-a), qui signifie justement : « le roi est mort ».

     

     

    Jeux d’enfants du temps passé en chromos (22/25)

    155 Jeu de société : A Dame (Chromolithographie des années 1900).

     

     Moins difficile d’accès pour les enfants que le jeu des échecs dont le plateau est pourtant le même, le jeu de Dames.  

       Vous saurez tout sur ce jeu grâce à l’étude que lui ont consacrée ses experts désintéressés sur le site Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Dames), notamment que son origine est assez incertaine. Cela était déjà relevé dans le Dictionnaire des Jeux de l’Enfance et de la Jeunesse chez tous les peuples, de Jean Féliccime Adry, publié en 1807. Tout au plus, notre jeu de Dames à 64 cases serait-il un héritier bien déformé du jeu de l’alquerque de l’Egypte Antique à 12 cases.

     

     Quant à la légende de ce chromo : « A Dame », elle est assez déconcertante car les vocabulaires et les expressions en usage du jeu de Dames (« Pièce touchée, pièce jouée » ; « J’adoube »…), ne la mentionnent pas. Sans doute s’agit-il d’une allusion à l’expression du XVIIème siècle « Aller à Dame » qui, au sens propre, signifie « au jeu de dames d’aller avec son pion jusqu’à la dernière rangée de cases du damier, où le pion se transforme en dame » (https://fr.wiktionary.org/wiki/aller_%C3%A0_dame).

     

     

     

    Jeux d’enfants du temps passé en chromos (22/25)

    156 Jeu de société : Il dort (Chromolithographie des années 1900).

     

     Le jeu du loto (du latin « lotto », qui signifie « lot ») ne doit évidemment pas être confondu avec le Loto de la Française des Jeux, créé en 1975. Il s’agit d’un jeu de hasard dans lequel chaque joueur (au minimum deux), pose devant lui un ou plusieurs cartons portant des numéros (15 chiffres répartis sur 3 rangées de 9 cases). Ces numéros correspondent à ceux des 90 pions, numérotés de 1 à 90, qui sont contenus dans un sac. Les joueurs tirent ces pions, et le gagnant est celui qui remplit le plus vite un carton plein (ou, selon d’autres règles, une ou plusieurs lignes) avec les numéros sortant.

     

    « Rendons au hasard ce qui est au hasard et à Dieu ce qui est à Dieu. Qu’est-ce que Waterloo ? Une victoire ? Non. Un quine » (Victor Hugo. Les Misérables. 1862). Traditionnellement, le gagnant du jeu du loto, crie « quine », pour annoncer sa victoire. Ce mot provient du latin « quinas », accusatif féminin pluriel de « quini », signifiant « cinq chacun », à savoir, dans les loteries du Moyen Âge « cinq numéros pris et sortis ensemble ».

     

     Quant à la légende de ce chromo : « Il dort !! », j’ignore s’il s’agit d’un trait d’humour du lithographe ou d’une expression en usage dans ce jeu. En effet, certaines expressions sont liées aux numéros et variables selon les régions. Par exemple : 5 Plein la main ; 6 Le facteur part en tournée ; 40 L’homme fort ; 44 La double hache ; 77 Les deux petits vieux...

     

     

    Jeux d’enfants du temps passé en chromos (22/25)

    157 Jeu de sociétés : Tu triches ! (Chromolithographie des années 1900).

     

    « Cela finissait toujours par une partie de dominos, jeu spécialement silencieux et méditatif » (Gérard de Nerval, Les Nuits d’octobre). Et, pour finir cette série de jeux de société des enfants des années 1900, amateurs de chocolats et d’images chromolithographiques, voici celui de Domino dont des connaisseurs nous apprennent qu’il serait d’origine chinoise (cité dans un livre introuvable écrit par Zhou Mi au XIIIème siècle), et qu’il serait apparu en Italie, en 1760, puis, en France.

     

    « Benedicamus domino ». Quant au nom franco-italien de « Domino », d’autres experts nous apprennent qu’il proviendrait peut-être de la similitude entre les 28 pièces du jeu (recto blanc, verso noir), avec l’habit des moines du monastère du Mont-Cassin (en Italie), qui y jouaient lorsqu’ils étaient en cellule de pénitence. Non seulement, ils en fabriquaient les pièces en taillant des carrés de bois et en y marquant les points sur une de leur face, mais ils lui donnèrent ce nom en référence à leur habit blanc, parfois recouvert d’une cape noire servant de manteau. Plus encore, le gagnant de la partie de Domino chantait alors : « Benedicamus domino » (formule associée au Deo gracias, parfois employée comme clausule (fin de phrase) pour clôturer les heures canoniques, et signifiant en français : Louons le Seigneur !). 

     

     Comment jouer au Domino, sans tricher ? C’est assez facile, raison pour laquelle un enfant de quatre ans peut s’y lancer, ce qui lui permettra d’apprendre à bien compter.

      D’abord, il faut rappeler que le jeu comporte 28 Dominos, dont chacun comporte sur leur face blanche deux ensembles de points séparés par une ligne (ex : 6/6 ; 4/4 ; 5/8 ; 4/1 ; 2/5 ; 0 [blanc]/6…). Chacun des deux joueurs prend alors 7 dominos parmi les 28 qui sont posés, face cachée des points, sur la table (5 dominos par joueurs s’ils sont 3 ou 4 joueurs). En principe, le joueur qui détient le double le plus élevé (double 6 ou 5), commence. Puis, l'un après l'autre, les joueurs posent leurs dominos dont l’une des deux parties affiche le même nombre de points (le joueur qui n’a pas un tel domino pioche un domino et passe son tour). Le gagnant est celui qui arrive à poser le premier tous ses dominos (ou qui en a le moins dans sa main).

     

    Pas le droit de tricher au Domino ? Ceci rappelé, la dernière énigme à résoudre concerne la légende de ce chromo : « Tu triches ! », mots lancés par l’une des jeunes joueuses à sa copine. Si vous voulez en connaître la raison, il suffit de mettre dans votre moteur de recherche les trois mots : jeu dominos triche, et vous découvrirez de nombreux sites qui détaillent tous les trucs honnêtes et ceux malhonnêtes pour piéger votre adversaire et gagner la partie ! 

    La suite dans quelques jours…