Jeux d’enfants du temps passé en chromos (24/30)

 

 

158 Les enfants à la plage (Chromo de la Chocolaterie Besnier, fondée en 1825 par un épicier de la ville du Mans, devenue, à la fin du XIXème siècle, l’une des plus grandes marques françaises. Circa 1880-1900). 

 

  Heureux les petits citadins de la Belle Epoque (1871-1914), nés dans des familles de l’aristocratie et de la bourgeoise, car ils purent emprunter les chemins de fer à vapeur et passer leurs vacances dans les nouvelles stations balnéaires de la mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique.

 

 

 

159 « L’Alcool de Menthe de Ricqlès… préserve des épidémies et du mal de mer » (chromo des années 1890 de la société De Riclès et Cie, spécialisée dans la distillerie de la Menthe Poivrée de Provence [Mentha Piperita], à l’origine de l’alcool de menthe élaboré par Heyman de Ricqlès en 1838).  

 

 Cette vogue des vacances familiales en bord de mer des Parigots, aussi surnommés Périsiens par les plagistes de la Manche, fut aussitôt récupérée par les commerces nationaux (Nouveaux Grands Magasins, Chocolateries, Biscuiteries, Distilleries, Pharmacies…), et les commerces locaux des stations balnéaires concernées, qui, pour gagner des mille et des cents, multiplièrent les chromolithographies (chromos) publicitaires mettant en scène les jeux et plaisirs de plage des enfants venus des grandes cités.

 

 

 

160 Costume marin et robe de plage (Découpis en chromolithographie de la fin du XIXème siècle. Les découpis désignaient des petites silhouettes de carton découpé et vernis, parfois gaufré, avec un léger bosselage leur conférant relief et structure. Les enfants les collaient dans leurs albums d’images).

 

 En particulier, les fabricants et commerces d’habits confectionnèrent et proposèrent des vêtements adaptés aux enfants de nos plages, comme le célèbre costume marin des jeunes garçons. Pour tout savoir sur les origines de ce costume, je vous renvoie à l’étude d’Odile Trioreau composée à partir de cours et conférences dispensés à l’Université du Temps Libre d’Orléans (UTLO), et enrichie de très belles images anciennes.

Odile Trioreau. Le costume marin : histoire d’un vêtement emblématique dans le monde des enfants et des poupées.

 

 

 

161 Les travailleurs de la plage (Chromo de la fin du XIXème siècle).

 

  Du Droit des enfants de jouer à la plage. Les dictionnaires des jeux sont quasiment muets sur les jeux de sable et de mer des enfants de la Belle Epoque, qui se retrouvent, aujourd’hui encore, sur toutes les plages du littoral Français et même de la terre. Peut-être parce que ces jeux sont créés et imaginés par les enfants « non selon des lois, des statuts ou des règles, mais selon leur bon vouloir et leur libre arbitre » (François Rabelais, Gargantua, chap. LV. Publié en 1534).

  Quant à leur origine, cela ne m’étonnerait pas que ces jeux d'enfants remontent à l’apparition de l’Homme il y a 2,8 millions d’années, mais alors sans seaux, ni pelles ! Toujours est-il qu’on en trouve des traces écrites dans l’Iliade d’Homère, une épopée de la Grèce Antique parue au VIIIème siècle avant J.-C. Le dieu Apollon qui détruisit la muraille des grecs y était comparé à un enfant détruisant son propre pâté de sable sur la plage : « Il [Apollon] cassa le mur des Achéens, très facilement, comme un enfant sur le sable de la mer : Ce que pour jouer il a construit dans sa candeur, il le détruit avec ses pieds, avec ses mains, en se jouant » (Chant XV, v. 361-366).

 

 

 

162 Trous dans le sable (Chromo de MELROSE, un produit « rendant positivement aux cheveux gris et blancs leur couleur de première jeunesse ». 26 rue Etienne Marcel, à Paris. Circa 1880-1900).

 

  « Hé les mouflets, allez jouer ailleurs ! » Mais, me direz-vous, quels sont donc ces jeux universels de plage des enfants ? M’enfin, vous le savez aussi bien que moi ! Personnellement, je les range en quatre groupes, en faisant abstraction des tout-petits qui, découvrant le sable pour la première fois, y chutent exprès sans jamais se faire mal (évitez les plages de galets), et de ceux plus âgés qui menacent d’en lancer sur votre peau couverte de crème solaire, si vous ne leur achetez pas, séance tenante, une glace.

 Sous ces deux réserves, voici mes quatre groupes de jeux de plage des bout’chous, marmots, gamins et autres ch’tios.

 

Premier groupe de jeux de plage. Pour la plupart des enfants : petits et grands trous dans le sable ; pâtés et châteaux de sable ; petits ruisseaux avec ou sans pont (prévoir des pelles et des seaux, sans fautes d’orthographe s’il vous plaît !).

 

 

 

        163 Pâtés de sable (Chromo AU BON MARCHÉ, fin du XIXème siècle).

 

« En jouant, un enfant se comporte toujours au-delà de son âge, au-dessus de son comportement quotidien. En jouant, c’est comme s’il était plus grand qu’il ne l’est » (Lev Semionovitch Vygotski [1896-1934], pédagogue psychologue russe). 

 

 

 

164 « Nous égalerons bientôt les meilleurs pâtissiers » (Chromo dorée, imprimerie de H. Laas, E. Pécaud & Cie à Paris. Circa 1900).

 

Amusant chromo (mot masculin ou féminin au choix de chacun) qui joue sur la ressemblance du mot pâté de sable, à savoir le jeu de construction des enfants sur la plage, avec celui de la pâte des pâtissiers (pasticier, en 1278, puis pâtissier en 1617, en référence à tout ce qui se fait avec de la pâte de farine), tout en omettant le pâté en croute des charcutiers :

« Moy, point ne sui faschié avec icelui pasté » (François Rabelais, Pantagruel. XVIème siècle. En français moderne : « Moi, je ne suis pas fâché avec le pâté »).

 

 

 

165 Commencement d’un Château de sable (Chromo du Chocolat du Planteur, Maison fondée en 1845 par Charles Prévost et Frères, 8-12 rue des Petits Carreaux, Paris 2^ème arrondissement).

 

« Un enfant qui joue est déjà un petit homme ; il use d’industrie quand il bâtit des remparts de sable contre la mer, ou quand il essaie de ramener à lui son ballon accroché dans l’arbre. » (Esquisse de l’homme [1927], d’Emile-Auguste Chartier, dit Alain [1868-1951], professeur agrégé de philosophie , à Paris, au lycée Condorcet, puis au lycée Michelet, et de Khâgne au lycée Henri IV).

 

Sur la plage, un enfant solitaire, accroupi au bord de l’eau

Construit, dans la lumière du soir, des tourelles et des murailles

De sa petite pelle, il tasse dans son seau

Le sable humide et brun, attentifs aux détails

 

Il retourne habilement son seau sur la plage

De murailles en murailles, de tourelles en tourelles

Il érige le château des rêves de son âge

Et s’en nomme le prince, et va chercher sa belle

 

Un château de sable au bord de la mer

Sous le soleil couchant, prend un air romantique

Une douceur d’enfance, un bonheur éphémère

Qui ramène à nos mémoires des souvenirs nostalgiques

 

L’écume éclabousse et remplit d’eau, peu à peu

Le fossé que l’enfant a creusé tout autour

La forteresse brille de mille gouttes de feu

Que traverse un rayon de soleil crépusculaire

 

La nuit est venue et l’enfant dans son lit

Rêve aux aventures qu’il vivra demain

Déjà ses jeux passés, innocemment il oublie

De nouveaux châteaux prendront forme entre ses mains

 

Sur la plage éclairée d’une lune bienveillante

Les vagues entourent le château de sable

Entamant ses murailles, s’infiltrant dans les fentes

Ses tourelles seules émergent encore de l’eau implacable

 

C’est un monde qui s’effondre, un souvenir qui se noie

Avec lui un peu d’enfance s’en va

 

Et pourtant, ne fut il jamais plus que grains de sable

Et sur la plage, sable redevenu

Demain un autre enfant viendra

 

Poème XLIII - Le château de sable de Marlène Aurangé, publié sur son site, le 8 novembre 2016 : http://marleneaurange.over-blog.com/2016/11/poeme-xliii-le-chateau-de-sable.html).

 

 

 

166 Aboutissement d’un Château de sable (Chromo des années 1900).

 

Les vrais châteaux

Sont les châteaux de sable

Tu les construis avec une petite pelle et un grand rêve.

Qu'importent pluie et vent,

Ils emportent les créneaux, les tours.

Mais la chevalerie, les tournois imaginés,

Sous les murailles friables,

Résisteront mieux au temps

– Une heure, un siècle

– Que la pierre rongée des vieux remparts.

 

Châteaux de sable, poésie de Frédéric Kiesel [1923-2007], ancien étudiant Belge de l’Université de Louvain, docteur en droit [comme Jules Verne !!!], devenu poète, écrivain et journaliste, fidèle à la blague de potaches et étudiants : « Le droit mène à tout, à condition d’en sortir !»

 

 

 

167 « Quand la mer va monter nous nous planterons sur notre montagne de sable » (Chromo années 1900).

 

  Sablologue. Les trous, pâtés et châteaux de sable sont souvent éphémères et ne laissent guère de traces au grand dam de nos anthropologues, ethnologues et autres savants affublés du suffixe ologue (du grec ancien logos : études. Voir les 182 mots finissant par logue, d’Accidentologue à Zythologue : https://www.listesdemots.net/f/l/5/motsfinissantlogue.htm). Tous ces oligistes sont donc dans l’impossibilité de retrouver sur une plage la trace d’un trou, d’un pâté ou d’un château construits par des p’tiots. En effet, ces travaux de sable disparaissent soit le jour même avec la marée montante, soit lorsque nos jeunes bâtisseurs décident subitement, à cœur joie, de sauter dessus pour les détruire en quelques secondes.

 

 

 

           168 Hydrolienne fluviale (Chromo Moka Leroux. Circa 1900).

 

 Rien à faire, même en vacances scolaires sur une plage de sable fin, on y trouvera toujours des enfants éternels premiers de classe et futurs prix Nobel de Physique !

 

La suite des jeux de plage d’enfants en chromos : très bientôt …