• La buvette de l’Assemblée nationale

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

    1 « Il y a au moins une chose qui restera positive dans ma vie de député : mon taux d’alcoolémie ».

     

     « Les hommes politiques, ils sont dépressifs ou alcooliques » (Propos attribué à Bruno Lemaire, rapporté dans l’ouvrage de Gaël Tchakaloff, Divine Comédie, éditions Flammarion, 2017, kilomètre 55). J’ignore si cette affirmation d’un ancien député (20 juin 2007-13 janvier 2009 ; 20 juin 2012-17 juin 2017 ; 21 juin 2017-21 juillet 2017), devenu Ministre de l’Economie, des Finances et de plein d’autres choses, à col roulé en cachemire, était ou non une blague d’autodérision…

     

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

    2 Dans les coulisse de la Chambre des députés : la buvette toujours très achalandée, surtout durant les séances de nuit (photographie d’Albert Harlingue [1879-1963]).

     

    … Mais elle a pris une toute autre dimension, ces derniers jours, avec la révélation, dans la presse, du comportement de députés qui, réunis à l’Assemblée nationale pour débattre de la réforme des retraites, se retrouvaient en soirée à la buvette au rez-de-chaussée du Palais Bourbon, juste à côté de l’hémicycle. Ils y buvaient alors à outrance de l’alcool et, certains d’entre eux, seraient tombés en état d’ivresse ou d’ébriété.

     

       Classement sans suite ? Cette question de la suralcoolisation au sein de la buvette de l’Assemblée nationale n’est pas un canular puisqu’elle a été examinée, le 8 février dernier, au bureau de l’Assemblée, qui réunit la présidente de l’Assemblée, les questeurs, les vice-présidents, les secrétaires et les présidents des groupes parlementaires. Et, pour permettre à ces bonnes gens de mieux comprendre la situation, des comparaisons chiffrées sur la consommation d’alcool à la buvette par rapport à la précédente législation seront présentées au bureau au début du mois d’avril.

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

          3 Chambre des Députés. Salle de la Buvette (CPA A. Pepper, phot. La Garenne. L’Illustration 1928).

     

        Dans l’attente de mesures éventuelles prises par le bureau de l’Assemblée pour résoudre ce problème politico-franchouillard burlesque, absurde et ridicule, voici un article de presse humoristique, issu d’un Almanach-Annuaire, daté du mardi 15 janvier 1907, concernant l’origine et le fonctionnement de la buvette de l’Assemblée nationale : 

     

       « C’est vers le XVème siècle que l’établissement d’une buvette fut autorisée au Parlement de Paris, pour l’usage de la Chambre criminelle, dite communément Tournelle, parce qu’elle siégeait dans un local dépendant d’une petite tour dépendant du Palais et de la Grand’chambre, la Chambre par excellence consacrée aux audiences solennelle.

       Les magistrats se rendant au palais dès sept heures du matin jusqu’à midi, plusieurs se trouvèrent incommodés de ce jeûne forcé. Le Premier président, Présidents à mortier et Conseillers réclamèrent au nom de leur estomac, et l’on installa une buvette. Ils y trouvèrent des tartes, des confitures, des œufs, du pain, des bouillons et du vin du Clos de Sainte-Geneviève. On appelait cela : « casser la croûte », en attendant mieux.

    De nos jours, les assemblées politiques ont imité les anciens parlements. La buvette fonctionne activement.

       On se souvient de la fameuse buvette de l’Hôtel de Ville de Paris en 1848, cette cuisine sans cesse en feu où allaient les innombrables défenseurs du gouvernement provisoire et les gardiens de l’Hôtel de Ville... »

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

       Chambre des Députés. Salle de la Buvette (CPA A. Pepper, phot. La Garenne. L’Illustration 1928).

     

       « … En 1871, les questeurs pleins de sollicitude pour l’estomac de nos honorables avaient prodigué à la buvette les plus solides aliments. Il y avait du bordeaux, du bourgogne, du malaga, du madère, des liqueurs, etc. Et, de toutes ces bonnes choses, il faut le dire, on faisait grand cas et forte consommation, consommation telle que les questeurs s’émurent de la dépense et supprimèrent tous comestibles à la fourchette.

       La questure, impitoyable pour les consommateurs, réduisit sa buvette à sa plus simple expression. De l’eau sucrée, qui est fort peu recherchée, du rhum, du cognac, de la bière, du vin, du chocolat et du bouillon. Plus de pâtés, plus de viandes froides, pas même de gâteaux. Que voulez-vous ? On fait aux députés une retenue de cinq francs par mois pour les frais de la buvette ; et cette modique somme n’est guère capable de permettre qu’on leur serve des aliments de haut goût.

       Parmi les liquides, la bière est celui qui la plus de faveur. Un jour, un orateur qui avait occupé la tribune pendant deux heures arriva à la buvette mourant de soif. Il demanda un bock.

    -         Il n’y a plus de bière, lui répondit-on.

    -         Comment ? plus de bière ?

    -        Non, Monsieur, le dernier bock de soixante-dix litres qui était au service de la consommation du jour vient d’être bu !... »

     

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

    5 Nos députés : « La précédente législature a eu cependant du bon : elle a joliment organisé la buvette de

    la Chambre. Excellente consommation et pas chère » (Carte postale humoristique des années 1880/1890,

    imprimée selon le procédé de la phototypie par l’imprimeur-lithographe Henri Royer de Nancy, assisté

    d’Albert Bergeret).

     

       " Dans la buvette et dans les jardins, c'était l'alcool à gogo jusqu'à 3 heures du matin " (Propos d'une députée décrivant la réunion de députés de tous bords pour fêter la fin des débats sur la réforme des retraites, rapporté par le Canard Enchainé du 1er mars 2023).  Toujours est-il que la buvette de l’Assemblée nationale est aujourd’hui réservée aux seuls députés.  En voici les tarifs révélés par RTL, le 22 février 2023 : le buffet, 19,50 € ; l’assiette de saumon, 9,60 € ; la viande froide, 9,10 € ; le verre de Bourgueil, 4,80 € ; le verre de Bandol, 9,80 € ; la coupe de champagne, 8 €.

       On dépasse donc amplement le tarif du repas, avec eau du robinet et sans alcool, à 1 € pour tous nos étudiants, qui était prévu dans la proposition de loi rejetée, à une voix près, le 9 février dernier, par nos honorables députés, avant qu'ils ne se retrouvent à la buvette de l'Assemblée pour boire un bon coup  (voir la page précédente : Le pauvre étudiant et le député gras comme un moine).

     

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

                          6   - Je vous recommande le vin de ce cru, il est renommé.

                                   Le Député Blackboulé aux dernières élections:

                                          - Il est plus veinard que moi.

                                  (dessin de presse daté du vendredi 21 mai 1915)

     

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

                                     7 Séance de travail à la Buvette de la Chambre des Députés : 

         - Bizarre jadis, je passais mon temps à représenter mon département, et ça ne me rapportait rien du tout...

         - Aujourd'hui, je le représente encore, et ça rapporte plus de 70 000 euros par an !

     

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

                                      8 Les bons vins au menu de la Présidence de l'Assemblée nationale 

     

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

              9 Buvette du Palais Bourbon : « Qu’importent les Chartreux, la Chartreuse nous reste ».

     

         Avec les mots Chartreux et Chartreuse mis dans mon moteur de recherche, Wikipedia m’a aussitôt soufflé à l’oreille que l’Ordre des Chartreux était un ordre religieux contemplatif fondé en 1084 dont les membres (Pères et Frères), les Chartreux, solitaires et silencieux, survenaient à leurs besoins en fabriquant et commercialisant, depuis la fin du XIXème siècle, une liqueur dite Chartreuse. Mais en application de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association qui soumettait la reconnaissance légale, la dissolution ou la suppression des Congrégations religieuses à un décret rendu sur avis conforme du Conseil d’Etat, l’autorisation de l’Ordre des Chartreux fut refusée par un vote de la Chambre des députés, le 26 mars 1903. Les Chartreux s’exilèrent alors à l’étranger, emportant avec eux le secret de la fabrication de leur liqueur, et ils ne revinrent s’installer en France qu’entre les deux guerres mondiales. Fort heureusement pour nos députés accrocs aux liqueurs de la Buvette du Palais Bourbon, l’Etat Français remédia au départ de la Chartreuse en confiant à un distillateur professionnel la recréation de cette liqueur grâce à quelques bouteilles retrouvées dans les monastères désertés des Chartreux !

     

     

     

    Si vous rêvez pot de vin, vous serez député !

                           10  Clef des songes : " Si vous rêvez pot de vin, vous serez député

     

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

     

                              11 A la Tribune de l'hémicycle de la Chambre des députés :

      " J'avons ben vu l'Cid dans la loge de not' député, mais n'en avons point bu "

     

     

    La buvette de l’Assemblée nationale

       12  Buvette de la Chambre des Députés (source cette image: https://www.france-pittoresque.com)