• La Main de Justice en chromos

     

     

     

     

     

     

    Le couronnement de Charlemagne, comme Empereur d’Occident à Rome, dans l’église Saint-Pierre, par le pape Léon III, le 25 décembre 800 (chromo Liebig. Non daté)

    1 Le couronnement de Charlemagne, comme Empereur d’Occident à Rome, dans l’église Saint-Pierre, par le pape Léon III, le 25 décembre 800 (chromo Liebig. Non daté).

     

     

     

      L’expression « Main de Justice » est rarement définie dans nos dictionnaires juridiques contemporains. Aussi faut-il se tourner vers des dictionnaires du XIXème siècle comme celui d’Emile Littré (1ère édition : de 1873 à 1877), pour y découvrir cette définition : « Main de justice, nom qu’on donne à une espèce de sceptre, terminé par la figure d’une main d’ivoire, qu’on mettait dans la main de nos rois, lorsqu’on les peignait avec leurs habits royaux ».

     

     On ajoutera que les trois premiers doigts de cette main d’ivoire sont toujours levés : le pouce représentant le roi ; l’index la raison, le majeur la sécurité. Quant aux deux derniers doigts repliés, ils feraient référence à la foi catholique.

     

     

     

     

    Couronnement de Charlemagne, à Rome, en l’an 800 (Chromo Chocolat Guérin-Boutron. L’enfant de cœur agenouillé à droite de Charlemagne tient le sceptre royal et celui à gauche la Main de Justice).

     

    2 Couronnement de Charlemagne, à Rome, en l’an 800 (Chromo Chocolat Guérin-Boutron. L’enfant de cœur agenouillé à droite de Charlemagne tient le sceptre royal et celui à gauche la Main de Justice).

     

     

      La Main de Justice est l’un des symboles des Regelia des Rois de France (insignes de leur pouvoir).  Elle représente la justice ou l’autorité judiciaire (le roi pouvant rendre la justice).  Les autres objets symboliques du roi étaient : le manteau royal qui symbolise la personne sacrée ; le sceptre qui symbolise le bâton du berger conduisant son peuple ; l’épée et les éperons qui symbolisent l’entrée en maîtrise de la Chevalerie ; la couronne, symbole du royaume ; l’anneau, symbole de l’alliance avec le peuple ; et le calice du sacre. 

     

     Quant à l’origine de la Main de Justice, les historiens sont perplexes. Tout au plus, s’accordent-ils pour en retrouver les premières traces à la fin de la dynastie des Capétiens de la ligne directe (ils régnèrent jusqu’en 1328), ou au début de celle des Valois (ils régnèrent de 1328 à 1589).

     

     

     

     

    De leur côté, les dessinateurs d’images publicitaires ou didactiques pour enfants des années 1880 à 1900, tirées selon le procédé, alors à la mode, de la chromolithographie (chromo), étaient moins scrupuleux. C’est ainsi j’ai retrouvé sur la toile deux chromos (n°1 et 2 ci-dessus), qui représentent le couronnement de Charlemagne, dans l’église Saint-Pierre, par le pape Léon III, le 25 décembre 800, donc sous le règne des Carolingiens (781-987), précédant celui des Capétiens directs (987-1328). 

     

     

         Sur le premier, on y découvre, sur un coussin tenu par la personne à gauche, une croix et une Main de Justice en ivoire dont les trois premiers doigts sont levés. Sur le second, l’enfant de cœur agenouillé, à gauche de Charlemagne, tient la Main la Main de Justice.

     

     

     

     

     

     

    Main de Justice de Saint-Louis en chromo

                                3 Saint-Louis rendant la justice (chromo didactique pour enfants. Non daté).

     

     

        J’ai également retrouvé cet autre chromo qui représente le roi de France capétien Louis IX devenu Saint-Louis (1214-1270), qui rendait la justice sous un chêne du bois de Vincennes. Cette fois encore, l’aspect scientifique est douteux car les historiens, eux, nous expliquent que la Main de Justice était plutôt réservée à la cérémonie du sacre du roi à qui elle était remise, après le sceptre, dans la main gauche du souverain (sur ce dessin enfantin, Saint-Louis tient la main de Justice dans sa main droite !).

     

     

     

     

     

     

     

    Le Sceptre et la Main de Justice de Charlemagne (papier, encre, aquarelle de Louis Boudan [1670-1715]

    Le Sceptre et la Main de Justice de Charlemagne (papier, encre, aquarelle de Louis Boudan [1670-1715]. Source : Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie : https://www.collecta.fr/p/COL-IMG-06649 

     

     

       Après la cérémonie du sacre, la Main de Justice était confiée au trésor de l‘abbaye royale de Saint-Denis, comme l’énonce, en vieux français, la légende de cet ancien dessin :

     

    « Sceptre et main de justice tires sur ceux qui l'ont au thresor de l'abbaie de sainct Denis en France qui servent aux sacres des roys de France. Le baston porte sur terre, est d'or, et se monte a visse 814 ».

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    L'avocat et les symboles de la justice: Main de Justice, Glaive, Balance (chromo Braillon, 3, rue Berger, Paris).

     

    5 L'avocat et les symboles de la justice: Main de Justice, Glaive, Balance... (chromo Braillon, 3, rue Berger, Paris).

     

     

          Ce chromo pour enfant présente un avocat plaidant et plusieurs des symboles de la Justice : la loi (référence aux tables de la loi, autrement dit aux Dix Commandements de Dieu remis à Moïse [la loi vient donc de Dieu] ; la balance (équilibre et mesure des décisions de justice) ; le glaive ou l’épée (symbole du châtiment : trancher et sanctionner) ; et la Main de Justice. Le dessinateur a ajouté d’autres objets incontournables de la profession d’avocat : une toque noire ; un Code à couverture rouge ; une plume d’oie ; un acte de notaire ou d’huissier avec son sceau, et une mallette en cuir pour transporter les dossiers et les pièces d’un procès.

     

     

     

     

     

     

     

    La Main de la Justice (chromo Liebig)

                                                6. La Main de la Justice (chromo Liebig. Non daté).

     

     

         L’on trouve également d’anciens chromos édités à la Belle Epoque pour le compte des nouveaux commerces de potages ou de chocolats avec la légende « la main de la justice ». Ces mots signifient qu’une personne est arrêtée pour être mise sous l’autorité de la justice (par exemple, de nos jours, l’article 723-15 du Code de procédure pénale, pour les personnes incarcérées ou faisant l’objet d’une peine alternative à l’incarcération ou de mesures d’aménagements de peine comme la semi-liberté ou la détention à domicile avec bracelet électronique).

     

        Les biens peuvent aussi être placés sous main de justice, à l’occasion d’une perquisition, d’une saisie, d’un séquestre… Par exemple, un fusil sans port d’arme, ou des papiers, des documents, et, évidemment, des données informatiques (C. pr. pén., art 56). Un créancier peut aussi demander la mise sous main de justice de biens appartenant à son débiteur afin de les faire vendre aux enchères publiques et de se payer sur le prix, ou, à titre conservatoire, pour éviter que son débiteur ne les fasse disparaître (C. pr. exéc., art. L. 111-7).