• Le jardin du Luxembourg sous l'occupation (1940-1944)

     

     

     

     

    Le jardin du Luxembourg sous l'occupation (1940-1944)

    1 Maman les p’tits bateaux qui vont sur l’eau… (jardin du Luxembourg. photographie de presse).

     

     

               En ce jour d’automne d’avant guerre, notre petit homme de la jeunesse est bien loin de s’imaginer les souffrances et la détresse qu’il endurera tout au long des quatre années d’occupation de Paris par l’armée allemande du 14 juin 1940 (arrivée des troupes de la Wehrmacht) au 24 août 1944 (entrée de la 2ème Division blindée, dite DB).

     

               Après la libération, seuls les parisiens qui étaient déjà des grandes personnes pendant l’occupation prendront la plume pour raconter les événements extraordinaires dont ils furent les auteurs ou les témoins comme la visite de Paris et du jardin du Luxembourg par Adolphe Hitler à la fin du mois de juin 1940, oubliant parfois d’évoquer nos 650 000 orphelins, 90 000 enfants égarés pendant l’exode, et 11 500 enfants juifs déportés.

     

               Pourtant, lui, le gosse de Paris, il en aurait des choses à raconter, à faire sortir de son cœur : l’absence de son père prisonnier de guerre et de son grand frère parti au service du travail obligatoire, les longues démarches de sa mère pour prouver à l’école et au lycée sa nationalité et sa qualité de « non-juif », le sifflement des obus, et puis surtout la faim. Oui cette faim qui le tenaillait à chaque instant et qu’il n’ose toujours pas avouer à ses petits et arrières petits enfants qui attendent des souvenirs de héros de la guerre, des succès éclatants. Comment leur dire qu’il se souvient surtout des privations, des files d’attente interminables avec sa maman devant les magasins d’alimentation, et de sa carte de rationnement où il figurait dans la catégorie J (J1 : enfants âgés de 3 à 6 ans ; J2 : enfants âgés de 6 à 13 ans ; J3 : adolescents de 13 à 21 ans).

     

     

     

     

     

    Le jardin du Luxembourg sous l'occupation (1940-1944)

                          2 Le potager du jardin du Luxembourg en 1941

     

               4 millions de parisiens = 4 000 tonnes de vivres par jour.  Pendant l’occupation de Paris, tout le monde avait faim, même le personnel du Palais du Luxembourg et de son jardin. C’est pourquoi, dès le début de la guerre, dans le jardin du Luxembourg, ont coexisté un jardin ouvert au public dans lequel les Allemands donnaient régulièrement des concerts militaires, et un « jardin allemand ». C’est dans cette partie du jardin, voisine du grand bassin mais séparé par des barbelés, que les autorités d’occupation installèrent un grand potager pour cultiver des légumes et des fruits (en 1943, elles édifièrent un bâtiment, à proximité du pavillon Guynemer, pour entreposer les pommes de terre du potager). Le public pouvait accéder à ce jardin potager seulement le samedi après-midi.

     

               D’autres jardins potagers furent installés dans le jardin du Luxembourg sous le régime des cultures collectives d’entreprise institué par des lois du 30 novembre 1941 et du 17 avril 1942. Ces parcelles de terrains étaient cultivées gratuitement par le personnel du jardin qui se partageait une partie des récoltes et distribuait l’autre au personnel du Sénat (en 1943, 5 kg par employé). De plus, le jardin fruitier d’avant guerre continua d’être cultivé et de produire des pommes et des poires que se partageaient les soldats Allemands et le personnel du jardin et du Sénat.

     

     

     

     

     

     

    Le jardin du Luxembourg sous l'occupation (1940-1944)

                  3 Abri souterrain du Sénat dans le jardin du Luxembourg

     

               Pendant les années d’occupation, le Palais du Luxembourg (le Sénat) fut le siège de l’état-major de la 3ème flotte aérienne allemande (Luftwaffe), sous le commandement du Feldmarschall Sperrle qui habitait l'hôtel de la Présidence. Quant au jardin, une large partie servit de parking aux véhicules et à l’artillerie allemande. Des équipements de défense y furent même installés (plus d’une trentaine de blindés mobiles, sept nids de mitrailleuses).

     

               Les  Allemands édifièrent encore, en sous-sol du jardin du Luxembourg, à l’Ouest du Palais, un gigantesque blockhaus. Ils utilisèrent également un autre abri de défense passive qui avait été construit avant guerre dans les Jardins de la Présidence en application d’une loi du 8 avril 1935.

     

     

     

     

     

     

    Les combats du jardin du Luxembourg, le 25 août 1944 (archives du Sénat)

      4 Les combats du jardin du Luxembourg, le 25 août 1944 (archives du Sénat).

     

               La libération de Paris. Le débarquement en Normandie des troupes alliées (Royaume-Uni, États-Unis et Canada) eut lieu le 6 juin 1944 (D-day). Initialement les forces alliées envisageaient de contourner Paris pour gagner le plus vite possible l’Est, le Rhin et le bassin de la Ruhr. Mais tout se précipita avec l’insurrection populaire de la capitale organisée et menée par la Résistance intérieure (le 13 août), qui conduisit à une grève générale (le 18 août), et à des combats dispersés contre l’occupant les jours suivants. Aussi les Alliés, à la demande du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF),  modifièrent-ils leurs plans pour permettre la libération immédiate de Paris par les troupes de 2ème Division blindée (DB), commandée par le général Leclerc.

     

               Entrées le 24 août dans la capitale par la porte d’Orléans, ces troupes obtinrent, le 25 août, à 15 heures 45, la capitulation du général von Choltilz, gouverneur militaire de la garnison du « Grand Paris » (Groβ Paris), Toutefois, le cessez le feu ne fut effectif qu’en fin d’après-midi notamment au jardin du Luxembourg. Le 26 août, les troupes de la 2ème DB défilèrent sur les Champs-Élysées derrière le général de Gaulle et le général Leclerc.

     

     

     

     

     

    Les soldats allemands faits prisonniers devant les grilles du jardin du Luxembourg

    5 Les soldats allemands faits prisonniers devant les grilles du jardin du Luxembourg

     

               La libération du jardin du Luxembourg. Dans la semaine du 12 au 18 août 1944, l’état-major de la 3ème flotte aérienne allemande (Luftwaffe) quitta le palais du Luxembourg et son jardin. Il y fut remplacé par une garnison de 600 soldats jusque là installée au lycée voisin Montaigne, rejointe par des SS et une compagnie de Schutzpolizei. Les soldats allemands procédèrent aussitôt au minage des blockhaus du jardin du Luxembourg installés de chaque côté du palais et mirent en état de marche la dizaine de chars qui y étaient stationnés.

     

               Mais, en début d’après-midi, quatre chars de combat de la 2e DB forcèrent les grilles du jardin du Luxembourg donnant sur la rue Auguste Comte, permettant à des hommes du Premier Groupe d’Escadron du 1er Régiment de spahis marocains (absents de nos livres d’histoire contemporaine !) et des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I.) du colonel Fabien de l’investir (les dix chars allemands furent trouvés vides de soldats). Vers 17 heures, les soldats allemands rendirent leurs armes dans la cour du Palais.

     

               Entre 18 et 19 heures, le colonel Crépin, commandant de l’artillerie de la 2ème DB, obtint la capitulation solennelle des autorités allemandes, puis quitta le Palais par la loge Tournon. Aussitôt, les habitants du quartier latin, jusqu'alors murés chez eux, sortirent des drapeaux tricolores pour saluer la fin de la « bataille du Luxembourg ». 

     

     

     

     

     

    La stèle des sept fusillés du jardin du Luxembourg

                          6 La stèle des sept fusillés du jardin du Luxembourg 

     

    Le 26 août, la joie des soldats français et alliés, des résistants et de la population du Quartier latin fut ternie par la découverte d’une fosse commune sur la terrasse centrale côté nord-ouest du jardin du Luxembourg. Sept corps en furent exhumés. Il s’agissait de trois gardiens de la paix et de quatre F.F.I. qui avaient été arrêtés par les allemands aux abords du jardin du Luxembourg après le déclenchement de l’insurrection parisienne. Ils furent torturés, obligés de creuser leur tombe dans le jardin du Luxembourg, et fusillés devant celle-ci avant d’y être ensevelis.

     

    Une stèle commémorative a été inaugurée en septembre 1946 à l’emplacement même  de cette fosse commune. On peut y lire : « Ici sept héros de la résistance ont été fusillés par les Allemands le 19 août 1944 ». 

     

     

     

     

     

     

    Enfants jouant au jardin du Luxembourg en 1945 (Pierre de Belay ou Pierre Savigny de Belais. 1890-1947) 

    7 Enfants jouant au jardin du Luxembourg en 1945 (Pierre de Belay ou Pierre Savigny de Belais. 1890-1947).

     

              

               Un peintre breton… Après la Libération, le jardin du Luxembourg fut remis en l'état et ouvert au public. Les peintres purent ainsi de nouveau poser leur chevalet dans les allées du Luco et nous transmettre leurs émotions comme Pierre de Belay avec ce tableau de l’an 1945 représentant des jeunes enfants jouant devant le mur de la terrasse des Reines, sous la surveillance de nounous et mamans, bientôt à l’origine du Baby Boom des années d’après guerre.