• LXVII (ou 67). Cinq Doyens de 1944/1945 à 1970

     

     

    Un Doyen de la Faculté de Droit de Paris et ses collègues, en toge de couleur rouge écarlate avec revers et simarres de couleur noire (caricature d’Adrien Barrère)

    1. Un Doyen de la Faculté de Droit de Paris et ses collègues, en toge de couleur rouge écarlate avec revers et simarres de couleur noire (caricature d’Adrien Barrère).

     

    Premier petit rappel introductif …  Dans divers précédents chapitres (post en langue moderne, avec ou sans s au pluriel selon les préférences de tout un chacun), de cette rubrique dédiée à la Faculté de Droit de Paris,  j’ai présenté ses Professeurs qui en furent les Doyens au XIXème siècle (chapitre XXIX [ou 29]: Onze Doyens de la Faculté de Droit de Paris au XIXe siècle), puis ceux qui le devinrent du début du XXème siècle jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale (chapitre XLIX [ou 49] : Quatre Doyens de 1899 à 1922), et ceux qui se succédèrent à cette charge de 1922 jusqu’en  1955 (chapitre LV [ou 55] : Quatre Doyens de 1922 à 1955) :

     

           - de 1922 à 1933 : Henry Berthélémy

     - de 1933 à 1938 : Edgard Allix

     - de 1938 à 1944 : Georges Ripert

     - de 1945 à 1955 : Léon Julliot de la Morandière

     

    Second petit rappel introductif ! Puis, je me suis intéressé trop longuement peut-être, dans les neufs derniers chapitres*, de cette même rubrique, à la période de la Seconde Guerre mondiale (du 1er septembre 1939 au 3 septembre 1945), avec notamment l’Occupation de Paris par les Allemands jusqu’au 26 août1944, suivie de l’épuration judiciaire ou légale des « collaborateurs », en m’attachant, avec difficultés, à l’incidence des ces événements sur les membres de la Faculté de Droit de l’Université de Paris, qu’il s’agisse de ses étudiants, de son Doyen, Georges Ripert, ou de ses professeurs.

     

    * LVIII (ou 58).  La Faculté de Droit de Paris sous l’Occupation (1/7) : Petite leçon d’histoire de France.

    LIX (ou 59).  La Faculté de Droit de Paris sous l’Occupation (2/7) : les étudiants appelés sous les drapeaux.

    LX (ou 60). La Faculté de Droit de Paris sous l’Occupation (3/7) : 1940-1941.

    LXI (ou 61). La Faculté de Droit de Paris sous l'Occupation (4/7) : 1942-1944.  

    LXII (ou 62). La Faculté de Droit de Paris sous l’Occupation (5/7) : les souffrances des Étudiants juifs.

    LXIII (ou 63).  La Faculté de Droit de Paris sous l’Occupation (6/7) : l’exclusion des Professeurs juifs.

    LXIV (ou 64). La Faculté de Droit de Paris sous l'Occupation (7/7) : ses étudiants devenus avocats.

    LXV (ou 65). La Faculté de Droit sous l'épuration (1/2): ses professeurs et ex-étudiants épurés.

    LXVI (ou 66). La Faculté de Droit sous l'Épuration (2/2): ses ex-étudiants devenus avocats-défenseurs d’épurés. 

               

     

    Départ en colo des baby boomers

    2  Départ en colo des baby boomers, futurs étudiants en Droit : Les veinards… On vous enverra des cartes postales (illustration de Germaine Bouret. 1907-1953).

     

    Souvenirs, souvenirs, je vous retrouve dans mon cœur… Aussi, pour retrouver le moral en ces jours actuels dits de déconfinement (néologisme encore inconnu de nos dictionnaires), je vous propose de retrouver notre bonne vieille Faculté de Droit du Quartier Latin, toujours bordée par la place du Panthéon, la rue Soufflot, la rue Saint-Jacques et la rue d’Assas, en des temps bien plus heureux puisqu’ils vont  de l’année 1945 à l’année 1970.

     

    …et vous faîtes refleurir tous mes rêves de bonheur (parole d’une chanson de Johnny Hallyday, sortie le 3 juin 1960). Pour les jeunes visiteurs de ce blog qui scrutent avec étonnement leurs papis et mamies survivants de cette époque, je rappelle qu’il s’agit de la fantastique période du baby boom (de 1945 à 1960  ou  à 1970  selon les spécialistes divisés  de la statistique), de la production des 2 CV (de 1948 à 1990), du yéyé (années sixties), des manifs étudiantes printanières, de la télévision en noir et blanc (démarrage de la couleur le 1er octobre 1967), des clubs de plage et des jolies colonies de vacances (1 400 000 enfants accueillis en 1964).

     

     

     

    La façade de l’ancienne Faculté de Droit de l’Université de Paris, place du Panthéon

    3. La façade de l’ancienne Faculté de Droit de l’Université de Paris, place du Panthéon (photographie de Britchi Mirela,  du 7 juillet 2010. Source Wikimedia :

    https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Universite_de_Paris_-_Faculte_de_Droit.jpg

     

    Je commencerai, aujourd’hui, par présenter les cinq Doyens (toujours des Hommes, jamais de Femmes !), qui ont administré et dirigé la Faculté de Droit [et des Sciences économiques] de Paris,  tout au long de ces belles années jusqu’à la dissolution de l’Université de Paris et de sa Faculté de Droit, le 31 décembre 1970. J’y réintégrerai le Doyen Léon Julliot de la Morandière, déjà présenté dans le chapitre LV ou 55 : Quatre Doyens de 1922 à 1955, mais avec d’autre images et photographies de celui-ci, aux divers âges de sa vie.

     

    Par ordre d’entrée en scène, voici donc les cinq heureux élus par leurs collègues au Décanat (empr. au lat. médiév. eccl. decanatus : « charge de doyen ») :

     

    -de 1945 à 1955 : Léon Julliot de la Morandière

    -de 1955 à 1959 : Joseph Hamel

    -de 1959 à 1962 : Gabriel Le Bras    

    -de 1962 à 1967 : Georges Vedel

    -de 1967 à 1970 : Alain Barrère

     

     

     

    Léon Julliot de la Morandière (à droite), et son frère cadet Charles

         4. Léon Julliot de la Morandière (à droite), et son frère cadet Charles*

     *Photographie reproduite dans le Journal Ouest France du 22 septembre 2016, à l’occasion de l’exposition consacrée à Charles (historien et archiviste de renom) et Léon Julliot de la Morandière, à la mairie de La Haye-Pesnel du département de La Manche, près d’Hocquigny où se trouve, depuis 1450, leur berceau familial :

    https://www.ouest-france.fr/normandie/manche/lhistoire-des-freres-julliot-de-la-morandiere-4513612 

     

     

    Le contexte de l’élection du Doyen Julliot de la Morandière. Tout commence avec la nouvelle année universitaire débutée, quelques semaines après la Libération de Paris, au mois d’octobre 1944, avant la fin officielle de la guerre, le 8 mai 1945. Lors de cette rentrée 1944/1945, Gilbert Gidel, professeur à la Faculté de Droit de Paris et Recteur de l’Académie de Paris (il exerça cette fonction du 1er octobre 1941 au 19 août 1945), fut nommé Doyen « par intérim » de la Faculté de Droit, aux lieu et place de Georges Ripert, Doyen en titre depuis 1938 et tout au long de l’Occupation (les élections des Doyens des Facultés avaient été suspendues pendant la guerre). Car, en effet, Georges Ripert avait été arrêté le 16 novembre 1944 afin d’être jugé « pour haute trahison » par la Haute Cour de Justice, pour avoir été secrétaire d’État à l’Instruction publique et à la Jeunesse, auprès du Maréchal Pétain, du 6 septembre au 13 décembre 1940 (tous les ministres de Vichy furent poursuivis devant la Haute Cour de Justice). Georges Ripert bénéficia d’un non lieu, prononcé ; le 21 mai 1947, par  la Haute Cour de Justice pour des « faits de résistance » restés énigmatiques faute de transcription du procès. Il réintégra la Faculté de Droit de Paris en 1947, et fit valoir ses droits à la retraite en 1948.

     

     

    L’honnête homme en 1945. Mais, pour faire oublier les années noires de l’Occupation au sein même de la Faculté de Droit de Paris, il convenait d’élire à la fonction de Doyen l’un de ses professeurs indiscutable. Les regards se tournèrent aussitôt vers le professeur Léon Julliot de la Morandière qui présentait au moins trois qualités : soldat mobilisé lors de la Première Guerre mondiale, grièvement blessé au  front* ; résistant pendant la Seconde Guerre mondiale ; aucun zèle notable à l’égard du régime de Vichy pendant l’Occupation. Ainsi fut-il élu, le 1er décembre 1944, Doyen de la Faculté de Droit de Paris, et renouvelé à cette charge en 1946, en 1949 et en 1952.

     

    *Parmi les professeurs en poste à la Faculté de Droit de Paris à la Libération, mobilisés lors de la Première Guerre mondiale : Jules Basdevant (1877-1968); Léon Julliot de la Morandière (1885-1968), André Giffard (1876-1958); André Rouast (1885-1979); Bertrand Nogaro (1880-1950) ; Gilbert Gidel (1880-1958); Henry Solus (1892-1981); Jean Escarra (1885-1955); Joseph Hamel (1889-1962) ; Jean Percerou (1873-1957) ; Julien Laferièrre (1881-1958); Louis Hugueney (1882-1970) ; Pierre Petot (1887-1966); René Morel (1881-1952) ; Gabriel Le Bras (1891-1970). 

     

    Grandeur maritime…et Décadence juridique. Né le 9 septembre 1885 à Grandville (Manche) et mort le 14 octobre 1968 à Paris, Léon Julliot de la Morandière, dans ses jeunes années, comme beaucoup de p’tiots (excusez-moi, c’est du ch’ti, une langue en usage dans le Nord de la France), voulait être marin (Grandville est célèbre pour ses corsaires, à ne pas confondre avec les pirates, … et ses bains de mer… un peu frais pour les visiteurs venant du Sud de la France !). Mais, de constitution fragile et frappé par la fièvre typhoïde, il opta pour le Droit (son père, Auguste Julliot de la Morandière, était inspecteur de l’Enregistrement).

     

     Il fut alors Licencié en Droit de la Faculté de Rennes, le 20 juillet 1905, et Docteur en Droit de la Faculté de Paris, d’abord le 8 décembre 1909 avec une thèse principale intitulée « De la réserve mathématique des primes dans l’assurance », puis, en 1910, avec une thèse complémentaire intitulée « Nulla poena sine lege ». Il commença sa carrière comme Chargé de cours à la Faculté d’Alger en 1911, avant d’être Agrégé des Facultés de Droit, section Droit privé et Droit criminel, le 3 décembre 1912 (reçu 2ème), puis nommé agrégé à Rennes en 1912.  

     

    Pendant la Première Guerre mondiale, alors même qu’il n’avait pas encore fait son service militaire, il s’engagea le 1er décembre 1914 et combattit comme lieutenant au sein du 7ème régiment d’Artillerie. Plusieurs fois Cité pour sa bravoure (en avril 1916, juin et juillet 1918), il fut gravement blessé sur le front, le 19 juillet 1918. Titulaire de la Croix de guerre 1914-1918 avec palme, et déclaré Grand mutilé de guerre, il  reçut la Légion d’honneur à titre militaire en 1918.

     

     

     

     

    Léon Julliot de la Morandière, professeur à la Faculté de Droit de Paris

    5. Léon Julliot de la Morandière, professeur à la Faculté de Droit de Paris (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, in Nos Maîtres de la Faculté de Droit de Paris. Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, Paris, 1932).

     

    Au sortir de la Grande guerre, Léon Julliot de la Morandière reprit sa carrière universitaire, le 1er novembre1919, en qualité de professeur de Droit à Strasbourg redevenue française, et, le 1er janvier 1923, à Caen, avant d’être nommé à la Faculté de Droit de Paris (chargé de cours le 25 septembre 1923 ; agrégé le 1er novembre1924 ;  professeur de Droit civil le 1er avril 1925 ; professeur titulaire de Législation comparée en 1927). Il fut encore Secrétaire de la Commission chargée, de 1919 à 1923, de préparer l’introduction du Code civil français en Alsace-Lorraine, et, de 1944 à 1955, directeur de l’Institut de Droit comparé de l’Université de Paris (aujourd’hui Centre français de Droit comparé).

     

     

     

    Léon Julliot de la Morandière (à droite), Doyen de la Faculté de Droit de Paris, remettant, en 1947, l'épée de l'Académie des Sciences morales et politiques au Professeur René Cassin

    6. Léon Julliot de la Morandière (à droite), Doyen de la Faculté de Droit de Paris, remettant, en 1947, l'épée de l'Académie des Sciences morales et politiques au Professeur René Cassin.

     

    Pendant la Seconde Guerre mondiale, Léon Julliot de la Morandière entra dans la Résistance, sous le pseudonyme de Lamomo, dans le réseau Combat, et il fut conseiller officieux du général de Gaulle pour les questions juridiques.

     

    À la Libération, il fut donc élu, le 1er décembre 1944, Doyen de la Faculté de Droit de Paris, et renouvelé à cette charge en 1946, en 1949 et en 1952. Il prit sa retraite de l’Université en 1955.

     

    Léon Julliot de la Morandière fut encore membre du Comité juridique auprès du Gouvernement provisoire de la République de 1944 à 1946 ; Conseiller d’État en service extraordinaire à partir de 1946 ; membre du Conseil Constitutionnel de 1946 à 1958. Il fut également élu à l’Académie des sciences morales et politiques en 1946, et président de celle-ci en 1955, année au cours de laquelle il fut fait Grand Officier de la Légion d’honneur.

     

    Le Doyen Léon Julliot de la Morandière est mort, à Paris, le 16 octobre 1968, à l’âge de 83 ans. 

     

     

    Joseph Hamel, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1955 à 1959

    7. Joseph Hamel, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1955 à 1959 (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, in Nos Maîtres de la Faculté de Droit de Paris. Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, Paris, 1932). 

     

          Pour succéder à Léon Julliot de la Morandière à la charge de Doyen de la Faculté de Droit de Paris, les professeurs en poste élurent, en 1955, leur collègue Joseph Hamel, qui occupa cette fonction durant quatre années jusqu’à son départ en retraite le 23 janvier 1959.

     

         Joseph Hamel était né le 23 janvier 1889 à Vendôme (Loir-et-Cher). Son père ayant été nommé professeur de grammaire à Paris au collège Stanislas, puis au lycée Montaigne, il rejoignit la capitale pour ses études. Il s’inscrivit à la Faculté de Droit de Paris, en 1906, où il obtint sa licence en Droit, avec distinction (prix Goullencourt). En 1910 et 1911, après avoir obtenu également une licence ès Lettres et le diplôme de l’Ecole libre des Sciences politiques, il passa ses premiers examens de  doctorat.

     

           Mais il dût interrompre ses études, pendant plus de huit années. D’abord, à compter de la fin de l’année 1911, pour effectuer son service militaire obligatoire (durée de trois ans depuis une loi du 21 mars 1905). Ensuite, lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale, en août 1914, en raison de sa mobilisation sous les drapeaux comme sous-lieutenant du génie. Il fut alors gravement blessé sur le front en 1915, et il obtiendra la Légion d’honneur et quatre Citations (« Bravoure hors pair » ; « Ténacité à toute épreuve »…). Il sera démobilisé, en août 1919, avec le grade de capitaine (il sera fait commandeur de la Légion d’honneur à titre militaire en 1957).

     

        De retour à Paris, Joseph Hamel acheva sa thèse de doctorat en droit sur « La notion de cause dans les libéralités », et la soutint le 20 mai 1920. Quelques mois après, le 17 novembre 1920, il fut reçu premier au concours de l’agrégation des Facultés de Droit (section droit privé et sciences criminelles), et il commença sa carrière universitaire : agrégé puis professeur titulaire d’une chaire à la Faculté de Droit de Caen (26 novembre 1920-29 décembre 1922) ; professeur titulaire d’une chaire à la Faculté de Droit de Strasbourg (29 décembre 1922-12 janvier 1929) ; chargé de cours à la Faculté de Droit de Lille (12 janvier 1929-11 janvier 1931) ; agrégé et professeur titulaire des chaires successives d’économie politiques, de droit civil, et de droit commercial à la Faculté de Droit de Paris (1er octobre 1943-23 janvier 1959).

     

       En 1945, il proposa à l’Université de Paris, qui l’accepta, la création au sein de la Faculté de Droit d’un Institut d’études juridiques et financières appliquées aux affaires. Il en assura la direction pendant six années. En 1947, il fut élu membre de l’Académie des sciences morales, et, en 1960, président de cette Académie ainsi que de l’Institut de France.

     

     

    Cours de droit commercial de 3ème année de licence de l’année 1946/1947 de M. Hamel, professeur à la Faculté de Droit de Paris

    8. Cours de droit commercial de 3ème année de licence de l’année 1946/1947 de M. Hamel, professeur à la Faculté de Droit de Paris (Les Cours de droit, 158 rue Saint-Jacques, Paris Vème).

     

          Les polys d’Hamel ! Bienheureux les étudiants qui, déjà à cette époque, pouvaient se dispenser de suivre en amphi’ les cours de droit civil et de droit commercial de leur professeur Joseph Hamel en achetant, chaque semaine, le dernier chapitre de ceux-ci soigneusement sténographié par les petites mains de la célèbre maison du Quartier Latin Les Cours de Droit, rue Saint-Jacques (je crois bien que cette librairie n’existe plus, Les Cours de Droit sténographiés étant remplacés, aujourd’hui, par des fichiers  numériques de cours mis en ligne sur la toile !).

     

             Je précise que Joseph Hamel a encore acquis une grande notoriété grâce à ses publications scientifiques dont un Traité de Droit commercial qu’il publia, en 1954, avec son collègue Gaston Lagarde, chez Dalloz. Vous pouvez en lire le compte rendu d’Édouard Escarra, professeur à la Faculté de Droit de Lille puis Président du Crédit Lyonnais, paru en 1955 dans un numéro de la Revue Economique de l’année 1955, librement accessible en ligne sous ce lien :

    www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1955_num_6_4_407132/doc/reco_0035-2764_1955_num_6_4_407132

     

      Mais, pour revenir au décanat du professeur Joseph Hamel, à la tête de la Faculté de Droit de Paris, de 1955 à 1959, on observera deux choses :

     

          - D’abord son élection ne fut guère entravée par sa brève participation au régime de Vichy sous l’Occupation allemande, comme directeur du cabinet de son collègue et ami Georges Ripert, nommé secrétaire d’État à l’Instruction publique et à la Jeunesse du 16 juillet 1940 au 13 décembre 1940.

     

         - Ensuite Joseph Hamel dût mettre en œuvre, dès sa prise de fonction décanale, donc à la rentrée universitaire d’octobre 1955, pour près de vingt mille étudiants sans salles suffisantes pour les accueillir, et sans moyens financiers supplémentaires, la réforme des études pour la licence en droit, instituée par un décret du 27 mars 1954. Jusqu’alors d’une durée de trois années, la licence en droit passa, en 1955, à quatre années, divisées en deux cycles : un premier d’une durée de deux ans, commun à tous les étudiants, devant permettre d’acquérir les connaissances générales de base ; et un second cycle, d’une durée de deux ans également, comportant trois sections (droit privé, droit public et science politique, économie politique). De plus, cette réforme mettait en place les travaux pratiques, ancêtres de nos  travaux dirigés (les deux premières années de licence sont devenues le DEUG, la troisième année la Licence, et la quatrième année, la Maîtrise elle-même transformée en Master 1ère année). 

    Le Doyen Joseph Hamel est mort, à Paris, le 1er mai 1962.

     

     

     

    Gabriel Le Bras, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1959 à 1962

    9. Gabriel Le Bras, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1959 à 1962 (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, in Nos Maîtres de la Faculté de Droit de Paris. Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, Paris, 1932). 

     

          Pour succéder à Joseph Hamel à la charge de Doyen de la Faculté de Droit de Paris, les professeurs en poste élurent, en 1959, leur collègue Gabriel Le Bras, qui occupa cette fonction jusqu’en 1962.

     

          Gabriel Le Bras était né le 23 juillet 1891 à Paimpol dans le département des Côtes d’Armor en Bretagne (son père était capitaine au long cours et juge au tribunal de commerce de Paimpol).

     

         Licencié en Droit de la Faculté de Droit de Rennes en 1911, il fut mobilisé, lors de la Première Guerre mondiale, du 24 août 1914 au 19 août 1919. À la fin de la guerre, il reprit ses études, non pas à la Faculté de Droit de Rennes, mais à celle de Paris où il obtint son double doctorat en 1920 et 1922. Agrégé des Facultés de Droit en Droit romain et Histoire du Droit, en 1922, et membre de l’École Française de Rome de 1925 à 1926, il enseigna en qualité de professeur à la Faculté de Droit de Strasbourg jusqu’en 1929, puis à la Faculté de Droit de Paris comme chargé de cours (15 janvier 1929), puis professeur de Droit canon, de Droit romain et d’Histoire du Droit,  du 4 août 1931 jusqu’à sa retraite en 1964.

     

     

     

    Gabriel Le Bras, historien du droit canonique

    10. Gabriel Le Bras, historien du droit canonique (source de la photographie : site de l’École nationale des Chartes, à l’occasion de la journée d’étude du mercredi 5 décembre 2018 intitulée : Gabriel Le Bras (1891-1970), canoniste:

    http://www.chartes.psl.eu/fr/actualite/gabriel-bras-1891-1970-canoniste

     

     

         Gabriel Le Bras fut également professeur à l’Institut d’Études politiques de Paris de 1945 à 1965 et à l’École pratique des hautes études (section des sciences religieuses, de 1931 à 1964, et directeur de la Vème section de 1940 à 1951). Il fut élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1962.

     

     

     

     

    Gabriel Le Bras, fondateur de la Sociologie religieuse

    11. Gabriel Le Bras, fondateur de la Sociologie religieuse (source de la photographie : site de l’Institut Catholique de Paris, dépositaire d’un fonds entré en 2004, don de Mme Le Bras, épouse de Gabriel le Bras :

    https://bibliotheques.icp.fr/rechercher/collections-patrimoniales/fonds-particuliers/fonds-gabriel-le-bras-5878.kjsp

     

          Gabriel Le Bras exerça les fonctions de Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1959 à 1962, et fit valoir ses droits à la retraite le 4 mai 1964.

          Il est mort à Paris, le 18 février 1970, à l’âge de 78 ans.

     

     

     

    Georges Vedel, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1962 à 1967

    12. Georges Vedel, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1962 à 1967 (source de la photographie : journal L’Express du 31 juillet 1958, p. 5).  

        

     Pour succéder à Gabriel Le Bras à la charge de Doyen de la Faculté de Droit de Paris, les professeurs en poste élurent, en 1962, leur collègue Georges Vedel, qui occupa cette fonction jusqu’en 1967.

     

    Georges Vedel était né le 5 juillet 1910 à Auch dans le Sud-ouest de la France, non loin de Toulouse. Il commença ses études au lycée français de Mayence, une ville allemande située sur la rive du Rhin, et au lycée de Toulouse. Puis il s’inscrivit aux Facultés de Droit et de Lettres de Toulouse, à deux pas de la place du Capitole, au bout de la rue des Lois. Il y  obtint, en 1929, une licence de philosophie et, en 1932, une licence en Droit, ainsi qu’un prix de Droit constitutionnel qui lui fut remis par son professeur, le Doyen Maurice Hauriou. En 1934, il obtint son doctorat en Droit (Essai sur la notion de cause en droit administratif français. Publié à la Librairie du « Recueil Sirey », la même année). En 1936, il fut reçu au concours de l’Agrégation des Facultés de Droit (section droit public) et enseigna successivement aux Facultés de Droit de Poitiers (1937), bien évidemment de Toulouse (1939), et de Paris (1949-1979), en même temps qu’à l’Institut d’études politiques, à l’École des Mines, et à l’École des hautes études commerciales (HEC).

     

     

     

    Droit Administratif par Georges Vedel, professeur à la Faculté de Droit de Paris (PUF)

    13 Droit Administratif par Georges Vedel, professeur à la Faculté de Droit de Paris (PUF).

     

    Le Vedel. Proclamé par les professeurs Carcassonne et Duhamel « refondateur du droit public », Georges Vedel était célèbre auprès des étudiants en droit des années fifties, sixties et seventies pour être l’auteur d’un manuel de Droit constitutionnel chez Sirey (1ère édition en 1949), d’un manuel de Droit administratif aux Presses Universitaires de France, traduit en russe, en espagnol et même en chinois  (1ère édition en 1958. 12 rééditions, en collaboration avec Pierre Delvolvé depuis la 6ème édition), et de Cours polycopiés de Droit et de Sciences politiques, dispensés à la Faculté de Droit et l’Institut d’études politiques de Paris de 1950 à 1979.

     

     

     

     

    Le Doyen Georges Vedel

    14. Le Doyen Georges Vedel (source MAP [Maghreb arabe presse], LE MATIN, 23 février 2002 : « Hommage à Georges Vedel, témoin et ami du Maroc » :

    https://lematin.ma/journal/2002/Hommage-Royal-a-Georges-Vedel-temoin-et-ami-du-Maroc/13325.html

     

        Georges Vedel exerça les fonctions de Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1962 à 1967, échappant ainsi par chance aux épreuves des manifestations de mai 1968, et  de l’éclatement de sa Faculté de Droit, le 30 décembre 1970, entre les nouvelles Universités Paris I et Paris II.

     

      Mais sa retraite de la Faculté de Droit de Paris ne l’empêcha aucunement d’accéder :

     

       - d’une part, aux plus hautes fonctions de la République : Membre du Conseil économique et social (1969-1979) ; Président du Centre d'études des revenus et des coûts (C.E.R.C., 1976-1980) ; Membre du Conseil constitutionnel (1980-1989) ; Président du Comité consultatif pour la révision de la Constitution (1993).

     

       - d’autre part, aux plus hautes distinctions : Docteur honoris causa de l'Université Pantios d'Athènes, de l'Université d'Athènes, de l'Université libre de Bruxelles, de l'Université de Lausanne et de l'Université de Costa Rica ; Grand prix de l'Académie des sciences morales et politiques (1985) ; élu à l'Académie française, le 28 mai 1998 ; Grand-croix de la Légion d’honneur ; Grand-croix de l’ordre national du Mérite ; Commandeur des Palmes académiques ; Croix de guerre ; Grand officier du Ouissam Alaouite du Maroc.

     

        Le Doyen Georges Vedel est mort, à Paris, le 21 février 2002.

     

     

     

     

    Alain Barrère, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1967 à 1970

     15. Alain Barrère, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1967 à 1970

     

          Pour succéder à Georges Vedel à la charge de Doyen de la Faculté de Droit de Paris, les professeurs en poste élurent, en 1967, leur collègue Alain Barrère, qui occupa cette fonction jusqu’en 1970.

      

          Alain Barrère est né, à Bordeaux, le 21 septembre 1910. Il fit ses études supérieures à la Faculté de Droit de Toulouse, où il obtint, en 1938, le diplôme de docteur en droit (mention économie), ainsi qu’un certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Prisonnier de guerre de mai 1940 à juin 1945, de retour en France, il se présenta au concours de l’agrégation des Sciences économique de 1945, présidé par François Perroux. Reçu major de ce concours, il fut nommé professeur à la Faculté de Droit de Toulouse en 1946, puis professeur à la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Paris en 1957, ainsi que directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales en 1964.

     

            Alain Barrère exerça les fonctions de Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Paris de 1967 à 1970. Par malchance, il eut à gérer deux événements : les manifestations estudiantines  de mai 1968,  et l’éclatement de sa Faculté, le 30 décembre 1970, entre les nouvelles Universités Paris I et Paris II (voir les trois derniers chapitres de cette saga de la Faculté de Droit de Paris, sans doute en octobre 2020 : 

     

    LXXII (ou 72). Étudiants en Droit du baby-boom de l'année 1945 aux années 1970. 

    LXXIII (ou 73). Le nouveau bâtiment rue d’Assas (c. 1960) et la délocalisation partielle à Nanterre (c. 1965). 

    LXXIV (ou 74).  La dissolution de l’Université de Paris et de sa Faculté de Droit, le 31 décembre 1970. 

     

         Le Doyen Alain Barrère, Officier de la Légion d’honneur, Commandeur de l’Ordre national du mérite, et Commandeur des Palmes académiques, est mort, à Paris, le 6 mars 1995. 

     

     

    À bientôt (le 1er juin) pour ces quatres chapitres :

     

    LXVIII (ou 68). Professeurs de Droit de Paris en caricatures (1/3) 

    LXIX (ou 69). Professeurs de Droit de Paris en caricatures (2/3) 

    LXX (ou 70). Professeurs de Droit de Paris en caricatures (3/3)

    LXXI (ou 71). Professeurs de Droit de Paris par Pazzi (1936).