• Proverbes et dictons juridiques en chromos (2/3)

     

     

     

     

    chromo Les étudiants au bal Bullier

    1 « Je fais mon droit. Une fois licencié, je me ferai recevoir avocat, même docteur, pour fainéantiser un an de plus » (chromo Les étudiants au bal Bullier*, complété de l’extrait d’une lettre du jeune Gustave Flaubert** à son ami Ernest Chevalier).

     

    Sur l’origine de l’expression Faire son droit ou Faire droit :

    http://droiticpa.eklablog.com/faire-son-droit-de-l-origine-d-une-expression-francaise-a185534806

     

     * Le bal Bullier était une salle de bal ouverte, depuis 1847, sous le nom de Closerie des Lilas, au 31 avenue de l’Observatoire (ancienne « avenue de la Pépinière », puis « avenue du Luxembourg »), à l’intersection avec le boulevard Saint Michel. Dès son origine, Le Bullier était le rendez-vous préféré des étudiants des Ecoles et des Facultés du Quartier latin (Vème et VIème arrondissements). Ceux-ci participaient entre autres au Carnaval de Paris et aux fêtes de la Mi-Carême dont Le Bullier était l’un des principaux acteurs (il était le siège social du Comité des fêtes de la Rive gauche).

    Le Bullier a fermé des portes en 1940, et, à son emplacement, a été construit le Centre Universitaire Jean Sarail du Crous de Paris (31, avenue Georges Bernanos, nouveau nom de l’ancienne partie de l’avenue de l’Observatoire, reçu en 1967). 

     

    ** Après avoir été reçu bachelier, en 1841, Gustave Flaubert avait pris ses inscriptions à la Faculté de Droit de Paris. En 1844, il quitta le Quartier latin et sa légendaire Fac’ de Droit de la place du Panthéon, sans avoir obtenu sa licence.

     

     

     

     

     

    Faire grève (chromo La Phosphatine Falières

    2 Faire grève (chromo La Phosphatine Falières. Maison de bouillie à base de céréales pour nourrissons, créée à Asnières, en 1866, par MM. Chassaing, docteur en médecine, et Le Coq, pharmacien et docteur en droit, puisque, selon une expression populaire, « Le droit mène à tout »). 

     

      Faire grève ; Être en grève ; Se mettre en grève… Ces locutions proverbiales signifient cesser de travailler de manière collective à l’initiative de tout ou partie du personnel d’une entreprise afin de faire entendre des revendications, comme une augmentation de salaire ou une amélioration des conditions de travail.

     

     

     

     

     

    Le Pilori en place de Grève. 1530 (chromo publicitaire)

                                  3 Le Pilori en place de Grève. 1530 (chromo publicitaire).

           

    Ces diverses expressions autour du mot grève ont toutes pour origine la place de Grève, qui se trouvait, à Paris, à côté de l’hôtel de ville (elle a été rebaptisée, en 1806, place de l’Hôtel-de-Ville). Cette place était ainsi dénommée en raison de sa situation au bord de la Seine où se trouvait une grève (quai en pente douce constitué de sable et de graviers). Elle a eu longtemps mauvaise réputation car, depuis le XIVème siècle et jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, y était installé un pilori sur lequel furent suppliciés, pendus ou décapités des centaines de condamnés devant une foule nombreuse.

     

     

     

     

     

     

    La grève des cochers de Paris (chromo publicitaire

    4 La grève des cochers de Paris (chromo publicitaire. Les cochers parisiens de fiacre se mirent en grève en 1855, 1867, ainsi qu’à chaque Exposition Universelle entre 1878 et 1889).

     

     

         Toujours est-il que, sous l’Ancien régime, l’expression « être en grève », voulait dire être sans travail. Dans ce cas, les ouvriers et d’autres travailleurs au chômage se réunissaient sur la place de Grève où les patrons venaient les chercher selon leurs besoins journaliers.


       Puis, au tout début du XIXe siècle, le sens de cette expression a évolué lorsque des ouvriers, voire des cochers de fiacres et d’omnibus, se lassèrent d’être exploités par des patrons déshonnêtes et des compagnies avides de revenus d’autant plus élevés que les rémunérations qu’elles leur versaient étaient misérables. Ils  décidèrent alors d'abandonner le travail et de « se mettre en grève », le plus souvent, sur la place de Grève.

     

         Quant au « Droit de grève », le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de notre Constitution du 4 octobre 1958, l’a consacré en ces termes : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » (art. 7). Le 7 décembre 2000, ce droit a été inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (art. 28).

     

     

     

     

     

     

    Mettre la lumière sous le boisseau ! (chromo Chicorée à la Française).

                        5 Mettre la lumière sous le boisseau ! (chromo Chicorée à la Française). 

     

     

    « Mettre la lumière sous le boisseau » ou « Mettre sous le boisseau » est une expression qui signifie mettre en un lieu une vérité afin que personne ne puisse en prendre connaissance. En l’espèce, ce lieu est un boisseau (récipient cylindrique), qui est retourné pour cacher la vérité ; cette dernière étant représentée par la lumière de la bougie du chandelier qui éclaire tout le monde.

     

    « Il n'est bon avocat qui ne mente en plaidant » (Le dictionnaire des proverbes français. 1757). Lors d’un procès, il va de soi que l’avocat qui connaît un secret fort défavorable à son client va tout faire pour le cacher aux juges et à la partie adverse. Il va donc cacher la vérité sous le boisseau (ou sous sa robe selon des dessins d’Honoré Daumier).  

     

     « Tout le monde ment, même les honnêtes gens » (Eric Dupont-Moretti, Bête noire. 2012). Notre actuel Ministre de la Justice, Gardes des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, avait d’ailleurs, dans l’un de ses recueils de pensées, dénoncé cette image populaire de l’avocat menteur en postillonnant contre les magistrats, ce qui plaît beaucoup aux avocats qui ont raté le concours de la magistrature :

     

      « L’avocat est rarement le bienvenu dans le débat judiciaire. Trop peu nombreux sont les magistrats qui considèrent qu’une défense vigoureuse est nécessaire à l’élaboration d’une décision juste. Pour la plupart des juges et des procureurs, nous sommes des trublions, des voyous diplômés en droit, des menteurs professionnels » (Eric Dupont-Moretti, Direct du droit. 2007).

     

     

     

     

     

     

     

    Mettre la lumière sous le boisseau ! (chromo Chicorée à la Française).

    6 « Le bon abbé, qui va droit au fait, crut que nous étions riches à jamais. » Madame de Sévigné, Lettres, éd. Monmerqué. 1862, tome 14-2.434 (chromo La Kabiline).

      

     

      « Aller droit au fait », est une expression qui signifie venir tout de suite à l’essentiel sans détours ni circonlocutions pour masquer ou adoucir ce que l’on veut dire. Elle peut être rapprochée des expressions « Ne pas y aller par quatre chemins », qui date du XVIIème siècle, et « Aller droit au but », dont les premières traces remontent à la fin du XIXème siècle en même temps que la codification britannique du football moderne (désolé, cher visiteur de ce blog, mais je n’ai pu résister à caser cette blague non scientifique !).

     

     

     

     

    « À Bon Droit » (chromo ou image. Devise de Bonne de Savoie. Source : Paris, BNF

    7 « À Bon Droit » (chromo ou image. Devise de Bonne de Savoie. Source : Paris, BNF, lat. 4589,f.1. Bibale-IRHT/CNRS. Permalink : https://bibale.irht.cnrs.fr/23292).

     

       -   « T’as pas le droit », t’as triché, c’est même pas un chromo !   

       -  Peut-être, mais je bénéficie, du « droit à l’erreur » comme tout citoyen et ministre de bonne foi ayant omis de déclarer aux impôts leurs « droits d’auteur ».

     

        Cela dit, l’expression « à bon droit », que l’on trouve sur cette illustration ancienne de la famille des lithographies, des gravures ou des dessins, sans doute non chromolihtographiés, se retrouve dans une des multiples traductions en vers réguliers réalisées au XIXème siècle par des traducteurs passionnés, des Odes, Épodes et Chants séculaires d’Horace (65-8 av. J.-C.), dont celui « A Jules Antoine » :

     

               Digne à bon droit* du rameau d’Apollon,
               Soit qu’il émaille un large dithyrambe
               De termes neufs, et se soustraie ingambe
               Aux jougs du saint vallon
     ; 

     

    (Horace - Odes, Épodes et Chants séculaires. Traduction par M. le Comte de Séguier. A. Quantin. 1883. *Les mots à bon droit sont sans doute de la plume du traducteur et non de celle d’Horace).

     

        De nos jours, les mots « À bon droit » signifient exprimer une demande légitime afin de faire reconnaître ou respecter son droit. Partant de là, dans le langage courant, ils signifient entre autres : être dans son droit ; à juste titre ; avec juste raison, justement, etc.

     

     

     

     

    Juges au XVème siècle (chromo)

                                     8 Juges au XVème siècle (chromo publicitaire ou didactique).   

          

        Plus encore, les magistrats des cours d’appel et ceux de la Cour de cassation utilisent les termes « à bon droit » dans leurs arrêts lorsqu’ils sont chargés d’apprécier la légalité d’un motif litigieux de la décision de la juridiction dont ils sont saisis (jugement d’un tribunal ou arrêt d’une cour d’appel). S’ils énoncent que ladite juridiction a statué « à bon droit », c’est qu’ils approuvent la manière dont elle à jugé en droit. Ladite décision ne sera donc ni infirmée par l’arrêt de la Cour d’appel (… que dès lors c’est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande…), ni cassée par celui de la Cour de cassation (… que dès lors c’est à bon droit que la cour d’appel a statué comme elle l’a fait…).