• XII. La Faculté de Décret, rue Saint-Jean de Beauvais

     

     

    Professeur et étudiants à La Renaissance des XIIème et XIIIème siècles

     

    83. Professeur et étudiants à La Renaissance des XIIème et XIIIème siècles.

     

    Rappelons que la Faculté de Décret, aussi appelée École de droit canon, regroupait des dizaines d’écoles de droit qui existaient au Moyen-Âge central (XIème-XIIème siècles) devant le parvis et dans le cloître de Notre-Dame (v. chapitre IV : Les écoles du cloître de Notre-Dame de Paris). Afin d’échapper au contrôle épiscopal, plusieurs de ces écoles, qui réunissaient chacune près d’une vingtaine d’écoliers, quittèrent l’Île de la Cité pour la Rive gauche de la Seine, en contrebas de la Montagne Sainte-Geneviève (v. chapitre VI : La naissance du Quartier Latin au XII° siècle).

     

     

     La rue du Clos-Bruneau aussi appelée rue des Écoles aux Décrets

          84. La rue du Clos-Bruneau aussi appelée rue des Écoles aux Décrets.

     

    Ces écoles de droit s’établirent, au début du XIIème siècle, dans l’actuel quartier de la Sorbonne, Rue du Clos-Bruneau, aussi mentionnée dans des écrits anciens Rue Clos-Burniau, Rue de Brenot, ou Rue Brunel, du nom de l’enclos d’un vignoble sur lequel elle passait (in vico cloffi Brunelli). La Rue du Clos-Bruneau fut également appelée Rue des Écoles aux Décrets car des professeurs y lisaient les décrets, c’est-à-dire le droit canonique lui-même (l’enseignement du droit civil ou droit romain avait été interdit à Paris par le pape Honorius III en 1219 : v. chapitre X : La Faculté de Décret de La Sorbonne). Ainsi un Doyen de la nouvelle université de Paris, qui deviendra l'université la Sorbonne, pouvait-il écrire que les Décrétistes, en 1384, donnaient leurs classes : « en la rue de Clo Brunel, et non point es ecoles du cloistre de Paris, et onques ni du fait » (Chartularium Universitatis Parisiensis, édité par H. Denifle et E. Chatelain, Paris 1894, t. III, p. 324, n° 1486). 

     

     

     

    3 Jean Gerson, un chancelier de l’Église de Paris (ou de Notre-Dame), & de l’Université

    85. Jean Gerson, un chancelier de l’Église de Paris (ou de Notre-Dame), & de l’Université (1389-1395). Avant Gerson, cette dignité fut conférée à Jean de Calore (1370-1380) Jean Blanchart (1381-1386), Jean de Guignecourt (1386-1389) et Pierre d’Ailly (1389-1395). 

     

    De l’autorité pour conférer la licence en droit. La dignité de chancelier de l’Église de Paris (ou de Notre-Dame), & de l’Université réunissait deux offices. D’une part, celui de chancelier de cette église (inspection sur les collèges et garde du sceau). D’autre part, celui de chancelier de l’Université « donnant la bénédiction de licence de l’autorité apostolique, et le pouvoir d’enseigner à Paris et ailleurs ». C’est précisément ce droit du chancelier de Notre-Dame de conférer la licence qui fut remis en cause avec l’installation rue du Clos-Bruneau d’une partie des écoles de droit de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Aussi le Chapitre de Notre-Dame engagea-t-il, en l’année 1384, un procès au Parlement contre l’École de droit canon (ou Faculté de Décret) pour qu’elle revienne dans le cloître. Les Décrétistes rétorquaient que le service divin ne constituait pas un empêchement pour les chanoines [decretum doctor], de venir eux-mêmes donner leurs enseignements de droit au Clos-Bruneau. Le Chapitre gagna son procès, mais il ne donna pas suite au compromis qui s’en suivit. Aux termes de celui-ci, le chancelier de Notre-Dame aurait eu le droit de conférer la licence en droit, sous réserve que les Maîtres des écoles du Chapitre donnent leurs leçons ordinaires « entre les deux ponts », sous l’autorité du doyen de la Faculté de Décret.

     

     

     

     

    La Rue Saint-Jean-de-Beauvais, ancienne rue du Clos-Bruneau

     

      86. La Rue Saint-Jean-de-Beauvais, ancienne rue du Clos-Bruneau (plan de Truschet et Hoyau vers 1550).

     

    La Rue du Clos-Bruneau deviendra plus tard la Rue Saint-Jean-de-Beauvais. Pour Jaillot, cette dénomination viendrait de Jean de Beauvais, un libraire demeurant au coin de la rue des Noyers, boulevard Saint-Germain.

     

     

     

    5 Le collège de Dormans-Beauvais (Charles Fichot, 1861. Musée Carnavalet).

    87. Le collège de Dormans-Beauvais (Charles Fichot, 1861. Musée Carnavalet).

     

    Pour d’autres, elle viendrait du célèbre Collège de Beauvais, aussi dénommé collège de Dormans-Beauvais, qui avait été bâti, en 1370, à cet endroit, par Jean de Dormans, cardinal évêque de Beauvais, pour l’accueil de douze boursiers nés à Dormans. La chapelle du collège de Beauvais, en premier plan de cette image, subsiste, aujourd’hui, au 9 bis rue Jean de Beauvais, dans le prolongement de la rue de Latran. Elle est affectée au culte orthodoxe roumain (église des Saints Archanges). 

     

     

     

    Percement de la rue des Ecoles sur la rue Saint-Jean-de-Beauvais (photographie de Charles Marville)

    89. Percement de la rue des Ecoles sur la rue Saint-Jean-de-Beauvais

    (photographie de Charles Marville).

     

    La rue Saint Jean-de-Beauvais, ancienne rue du Clos-Bruneau, a été en grande partie démolie en 1858 pour le percement de la rue des Écoles.

     

     

     

     La rue Saint-Jean-de-Beauvais à présent

                             90. La rue Saint-Jean-de-Beauvais à présent.

     

    Aujourd’hui, son nom a été donné à une voie du 5ème arrondissement commençant boulevard Saint-Germain, au niveau de la Place Maubert, montant jusqu’à la rue des Écoles, et longeant la rue de Latran (en jaune sur ce plan).

     

     

     

    La première édition de la Bible publiée par l’imprimeur de la rue Saint-Jean-de-Beauvais, Robert Estienne

    91. La première édition de la Bible publiée par l’imprimeur de la rue Saint-Jean-de-Beauvais, Robert Estienne. En couverture, la marque de cet imprimeur : un olivier dont plusieurs branches sont détachées avec une citation de l’Épitre de Saint Paul aux Romains (11.20) : « Noli altum sapere, sed time » (« ne t’abandonne pas à l’orgueil, mais crains »).

     

    Des écoles de droit canonique, autres que celles venues du parvis et du cloître Notre-Dame, composaient encore la Faculté de Décret de la nouvelle Université de Paris. En particulier, celle créée, en 1384, par deux savants, Gilbert et Philippe Ponce, rue Saint-Jean-de-Beauvais (en fait, il s’agissait d’un regroupement de plusieurs écoles de droit). Pour la plupart des historiens de nos rues de Paris, cette école de droit canon, Clauso Brunello universitatis Parisiensis, était située en face de la boutique et des ateliers du grand imprimeur Robert Estienne (1503-1559). Toutefois, Henri Sauval considérait que Robert Estienne s’était établi dans la maison même de l’ancienne école de droit de Gilbert et Philippe Ponce (Henri Sauval : Histoire et recherches des Antiquités de la ville de Paris. 1724. Tome II, p. 355. En free access sur gallica.bnf.fr). Pour autant, tous s’accordent à rappeler que le célèbre imprimeur Robert Estienne, sous l’enseigne de l’Olivier, imprima non seulement plusieurs versions de la Bible, mais aussi des jurisconsultes et des traités à l’usage des écoles de droit (je n’ai pu retrouver d’images de ces traités !). Persécuté par le collège de la Sorbonne (sic !), qui le suspectait d’hérésie dans la publication de certaines versions de la Bible, Robert Estienne s’exila à Genève où il mourut en 1559.