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    La Messe Rouge (chromo Guérin-Boutron. Circa 1880).

                                 1       La Messe Rouge (chromo Guérin-Boutron. Circa 1880).

       Légende au dos de ce chromo : « La Messe Rouge qui se célèbre à l’occasion de la rentrée des Tribunaux est ainsi nommée parce que les juges s’y rendent revêtus de leur robe rouge. Cet usage très ancien vient d’être supprimé ».

     

       En jetant ma ligne dans les eaux d’Internet avec le mot « chromo » associé à d’autres mots en relation avec le droit et la justice (juge, avocat, tribunal, loi, procès…), j’ai pêché cette image tirée en chromolithographie (ou chromo). Elle devait avoir été glissée dans les tablettes de chocolat Guérin-Boutron, dans les années 1880/1890, époque du plein essor de ce procédé de reproduction en plusieurs couleurs de dessins exécutés sur une pierre calcaire à grains très fins. Elle représente la cérémonie de la Messe Rouge célébrée dans la Sainte Chapelle du Palais de Justice de Paris, dans l’Île de la Cité. 

     

      La Messe Rouge, aussi appelée Messe du Saint-Esprit ou Messe des Révérences, était une messe solennelle célébrée, chaque année, par l’Eglise catholique, à l’occasion de la rentrée judiciaire des cours (héritières des anciens Parlements), donc au mois d’octobre (depuis 1974, la rentrée judiciaire a lieu au mois de janvier), en présence des magistrats de la juridiction, des avocats, des professeurs de droit, des étudiants en droit et des représentants du gouvernement.

     

     

     

     

    Un juge rouge (Chromo Chocolat Poulain)

    2 Un juge rouge (Chromo Chocolat Poulain. Selon un ancien usage, les magistrats des Cours d’appel portent une robe rouge, notamment le président de la Cour d’assises, dans les affaires criminelles, et les magistrats des tribunaux une robe ordinaire noire. Quant aux magistrats « inférieurs » des Tribunaux, ils portent une robe noire).

     

      Cette messe était dite Rouge, car les magistrats présents étaient revêtus de leur traditionnelle robe rouge, couleur associée, depuis le Moyen-âge, à la souveraineté :

     

    « La nef est comble et rougeoie jusqu'à la moitié. C'est un éclatement inouï d'écarlate que tempèrent çà et là les blancheurs des hermines. Rouge la robe du cardinal-archevêque de Paris, debout devant son fauteuil d'or auprès du maître autel. Rouges à droite les loges des conseillers de la Cour suprême. Rouges à gauche les membres de la Cour d'appel ; rouge derrière eux le procureur général ; rouges les avocats généraux, et rouges leurs substituts : tout est rouge. L'effet est magnifique » (La Presse Judiciaire Parisienne [association fondée en 1887 regroupant une quarantaine de journalistes judiciaires] : Le Palais de Justice de Paris : son Monde et ses Mœurs - 150 dessins inédits - Préface de M. Alexandre Dumas fils. 1892).  

     

      « L’audience solennelle est ouverte, Monsieur le procureur général a la parole » (premiers mots prononcés par le premier président). À l’issue de cette cérémonie religieuse, les magistrats, de rouge vêtus, se rangeaient en une colonne respectueuse de l’ordre hiérarchique (premier président et procureur général en tête) et empruntaient la Galerie Mercière pour accéder à la première Chambre de la Cour d’Appel, dîtes Grande-chambre, où s’ouvrait l’audience solennelle de rentrée judiciaire. Au cours de celle-ci, étaient prononcés, par des magistrats, anciens et jeunes, des discours soporifiques, en relation avec le droit et la justice. L’audience se terminait avec l’éloge des magistrats décédés au cours de la dernière année judiciaire. 

     

     

     

     

    La Grand’ Salle du Palais de la Cité (

                                  3 La Grand’ Salle du Palais de la Cité (peinture du XIXème siècle).

     

      Au Moyen-âge, chaque matin, une messe était célébrée avant l’ouverture des audiences judiciaires dans la chapelle Saint-Nicolas qui avait été édifiée dans la Grand’Salle du Palais de la Cité (ancien palais primitif des rois de France dans la Cité). La Messe Rouge solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux y était également célébrée (la première Messe Rouge du Parlement de Paris avait été célébrée dans la Cathédrale Notre-Dame en 1245). 

     

     

     

     

     

    La Sainte Chapelle élevée par Saint-Louis pour y déposer la couronne d’épines (chromo Chocolat d’Aiguebelle

    4 La Sainte Chapelle élevée par Saint-Louis pour y déposer la couronne d’épines (chromo Chocolat d’Aiguebelle. Les seules ressources des religieux du Monastère de la Trappe-Drôme provenaient de la culture et de la fabrication du chocolat d’Aiguebelle « garanti pur cacao et sucre »).

     

      Puis, la Messe Rouge fut célébrée dans la Sainte-Chapelle construite, au XIIIème siècle, au sein du Palais de la Cité, par le roi Saint-Louis à son retour de la terre sainte pour y déposer la couronne d’épines du Christ avant sa crucifixion (l’ancienne chapelle Saint-Nicolas fut détruite). Ce monument gothique fut en partie détruit par un incendie en 1630, et la flèche de 25 mètres qui le surmontait a été restaurée.

     

     

     

     

     

     

    La Conciergerie et la Sainte-Chapelle (chromo Chocolat d’Aiguebelle. Série Les Monuments de France).

    5 La Conciergerie et la Sainte-Chapelle (chromo Chocolat d’Aiguebelle. Série Les Monuments de France).

     

      Aujourd’hui, la Messe Rouge a disparu, alors que l’audience solennelle de la rentrée judiciaire reste d’actualité. Lors de l’édition de ce chromo (image n° 1, ci-dessus), dans les années 1880/1890, pour enfants amateurs du droit et, plus certainement, de chocolat Guérin-Boutron, la Messe Rouge existait encore, mais elle était devenue facultative. En effet, ainsi que le précisait le ministre de la Justice, Félix Martin-Feuillée (1830-1898), dans sa circulaire du 25 octobre 1883 adressée aux parquets des cours et tribunaux : « Quant à la messe du Saint-Esprit par laquelle il est d’une coutume assez générale de faire précéder la reprise des travaux judiciaires, aucun texte de loi ni de décret n’en fait une obligation, et elle n’a lieu que sur l’initiative des compagnies judiciaires...  Je n’ai aucune instruction à leur donner sur ce point ». La Cour de cassation et la Cour d’appel de Paris décidèrent de suivre la tradition de la Messe Rouge, qui fut célébrée, cette année là, par le cardinal Guibert.

     

     

     

     

     

     

    La Sainte Chapelle et le Palais de Justice de l’Île de la Cité (chromo Souvenir du Bon Marché

    6 La Sainte Chapelle et le Palais de Justice de l’Île de la Cité (chromo Souvenir du Bon Marché. Papier cristal, style art nouveau).

     

        Pour clore cette page, je vous invite à lire la description de la cérémonie de la Messe Rouge et de l’Audience solennelle du Palais de Justice de Paris, en termes assez moqueurs, par des journalistes judiciaires de l’Association La Presse Judiciaire Parisienne (fondée en 1887), dans l’ouvrage qu’ils ont publié en 1892 : Le Palais de Justice de Paris : son Monde et ses Mœurs - 150 dessins inédits - Préface de M. Alexandre Dumas fils.  Cet ouvrage, de près de 400 pages, est en libre accès sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France, sous ce lien :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5724081x.texteImage

     

     

    « LE REVEIL DU PALAIS DE JUSTICE DE PARIS

       Mais voici l'automne : comme le fils du roi dans le vieux conte des fées, il va réveiller le Palais de la Belle aux lois dormant, le Palais de la Justice endormie. Depuis quelques jours, on a revu déjà des visages disparus à la fin de juillet ; depuis quelques jours, la vie s'est remise à circuler dans les artères du monument qui se ranime. On rentre et de partout on revient, figure ouverte et mains tendues. Pendant une semaine, le flot des arrivants va croître sans cesse : partout, ce seront des bonjours cordiaux, d'affectueuses paroles prononcées par des gens vraiment heureux de se revoir. Si doux, en effet, qu'ait été le repos, si dur que soit le collier de misères, au moment de le reprendre, on retrouve avec une joie réelle les compagnons du labeur cessé. A leur vue, les heures d'ennui passées ensemble reviennent en mémoire ; leur souvenir met aux lèvres un sourire et pour un instant efface les inimitiés, les jalousies d'antan.

       Mais, dans ce Temple de la Forme, le travail ne va pas reprendre sans quelques cérémonies préparatoires. Un peu de pompe et quelques discours s'imposent et, avant de se mettre à l'ouvrage, il faudra procéder à quelques « formalités d'usage ». Elles se nomment, en l'espèce : la messe rouge et l'audience solennelle.

     

    LA MESSE ROUGE DANS LA SAINTE CHAPELLE DU PALAIS DE JUSTICE DE PARIS.

     

     

    Saint-Esprit des lois ! Descendez en nous !

      Le Palais sceptique d'aujourd'hui rappelle un peu ces paysans athées qui, pour rien au monde, ne couperaient leur pain sans avoir fait sur la miche, du bout du couteau, un signe de croix rapide. Conseillers, juges, procureurs, substituts et avocats, tout ce qui porte, un nom connu dans la magistrature ou le Barreau, au début de l'année assiste à la messe rouge. On peut affirmer cependant que la plupart des « fidèles » ne sont pas attirés par la foi sous les voûtes de l'église de Saint-Louis. Si la religion n'est pas le cadet de leurs soucis, elle n'est du moins pas l'aînée de leurs préoccupations. La majorité vient là, comme on va dans maint endroit à Paris, un peu pourvoir, et beaucoup parce que c'est « une première », la première grande première : la saison judiciaire.

      Aussi, la messe du Saint-Esprit n'est-elle pas près d'être supprimée et — question philosophique à part — c'est tant mieux, car elle est un spectacle intéressant et des plus pittoresques. Elle transporte là pensée loin du monde qui bruit derrière la porte, la ramène vers les époques disparues et ressuscite, pendant une heure, un peu du cérémonial des Cours et du gourmé pittoresque d'autrefois.

       Le décor est admirable : c'est cette merveilleuse Sainte Chapelle si froide, si morte d'ordinaire, et qui, ce seul jour-là, pendant quelques instants, se ranime.

       Il est midi : la légère dentelle de pierre brodée de ses vieux vitraux laisse filtrer les rayons adoucis du soleil d'automne : sur les colonnettes, sur les saillies des voûtes ogivales, sur les murs étoilés d'or, ils plaquent de petits disques violets, rouges, jaunes et bleus. On dirait des hosties de fantaisie, collées là par quelque malicieux enfant de chœur.

      La nef est comble et rougeoie jusqu'à la moitié. C'est un éclatement inouï d'écarlate que tempèrent çà et là les blancheurs des hermines. Rouge la robe du cardinal-archevêque de Paris, debout devant son fauteuil d'or auprès du maître autel. Rouges à droite les loges des conseillers de la Cour suprême. Rouges à gauche les membres de la Cour d'appel ; rouge derrière eux le procureur général ; rouges les avocats généraux, et rouges leurs substituts : tout est rouge.

      L'effet est magnifique : pour le compléter et lui donner vraiment une note archaïque, on regrette presque de ne pas voir, derrière ces magistrats en tenue de parade, quelqu'un de ces grands diables de bourreaux d'autrefois, si beaux, si bien découplés dans leur pourpoint de pourpre, et tels que nous les ont montrés les images de nos histoires enfantines.

     Comme pour faire ressortir la couleur de ce premier plan, au fond de la chapelle, tous vêtus de leurs robes noires, se placent et se tassent les magistrats du Tribunal civil et du Tribunal de commerce, le procureur de la République, les membres du Conseil de l'Ordre, avoués, huissiers et autres ; enfin, perchés dans une petite tribune, quelques curieux et curieuses privilégiés.

     Le spectacle, on le voit, n'est pas banal. Mais les yeux ne sont pas seuls satisfaits. La maîtrise de Notre-Dame prête en effet son gracieux concours à la solennité, et parfois il faut se retenir pour n'applaudir point les voix superbes qui entonnent le Veni Creator, le Domine Salvam, etc., soutenues par l'orgue et la harpe.

     

     

     

     

    La Messe rouge : le défilé

                                              7 La Messe rouge : le défilé

     

    La messe terminée, commence un défilé plus curieux encore. Dans l'ordre hiérarchique scrupuleusement observé, les assistants traversent la terrasse dont les murs sont, pour la circonstance, tendus de tapis des Gobelins et s'engagent lentement dans la galerie Mercière.

     Rien de piquant pour un observateur comme de considérer l'attitude et les physionomies des magistrats du cortège. On croirait voir se dérouler le panorama dé l'histoire judiciaire d'un demi-siècle : en tête sont les vieux de la vieille ; « des fantômes de vieux grognards » judiciaires, qui s'efforcent de rester majestueux quoique l'âge les ait cassés. Leurs joues sont glabres et maigres, leur œil petit s'enfonce dans l'orbite. Quelques cheveux blancs légers sortent de la toque, sous laquelle on devine l'ivoire du crâne. Leur caractère, leur culte de la tradition et de la forme se lit dans le faux col qui leur soutient le cou, montant haut par-dessus le rabat et raidissant la tété anguleuse et ridée.

      Après eux la génération suivante arrive : la figure est grasse, le favori blanc colle aux joues blanches, la lèvre est mince, rasée, rusée et combien blasée ! le col est moins haut, la démarche plus fermé.

     Avec les juges civils le visage moderne apparaît, le buste se redresse, l’œil s'éclaire, la bouche sceptique sourit un peu : ils vont, non moins soucieux de la galerie que de la régularité du cortège ; ils trouvent que ceux qui les précèdent sont bien longs à parcourir le chemin et, peu à peu, s'agacent d'avancer aussi lentement.

     Cependant, retenus par des gardes municipaux qui présentent les armes, les badauds font la haie et se pressent pour regarder ces hommes rouges qui passent.

     

     

     

     

    La fin de la Messe Rouge : défilé dans l'ordre hiérarchique Galerie Mercière, vers la première Chambre de la Cour d'appel pour l’audience solennelle

    8 La fin de la Messe Rouge : défilé dans l'ordre hiérarchique Galerie Mercière, vers la première Chambre de la Cour d'appel pour l’audience solennelle. 

     

    L'AUDIENCE SOLENNELLE

     Les « fidèles » de la messe rouge se rendent directement à la où va s'ouvrir l'audience solennelle, qu'on pourrait appeler aussi l'audience rouge. Les magistrats de la Cour et du Parquet y figurent en effet dans le même costume qu'à la Sainte-Chapelle, et c'est encore d'écarlate vêtus qu'ils sortent de la Chambre du Conseil pour venir se placer sur les banquettes rangées en gradins des deux côtés du prétoire. Les magistrats assis prennent place à droite, les magistrats debout s'assoient à gauche. Le premier président siège assisté de ses assesseurs ; les bancs des avocats sont remplis par les membres du Conseil de l'Ordre et par quelques curieuses qui, sous prétexte qu'elles aussi portent la robe, se sont glissées avant tout le monde à ces places réservées. Au fond, le public debout se compose de jeunes avocats, de stagiaires et de quelques flâneurs.

    « L'audience solennelle est ouverte, proclame au bout d'un instant M. le premier président, M. le procureur général a la parole. »

    M. le procureur général, qui se trouve assis le premier dans le banc du Parquet, se lève et murmure : « Avec l'assentiment de M. le premier président, je céderai la parole à M. l'avocat général X... ou Y... »

     M. le premier président incline la tête en signe d'approbation et, quelques feuillets de papier à la main, M. l'avocat général X... ou Y..., qui est à la gauche de M. le procureur général, se lève, tandis que son chef de file se rassied. Alors, au milieu d'un silence un peu froid, presque hostile, il se met à lire une thèse de droit quelconque. Les jeunes, les hardis, empruntent d'ordinaire leur sujet à une question un peu discutée : la recherche de la paternité, le divorce, la puissance paternelle et le droit de correction. Parfois même ils abordent le sujet criminel : la relégation, le système cellulaire, la libération conditionnelle. Deux d'entre eux, au début de ces dernières années, osèrent aller jusqu'à la politique !

     Les « vieux », ceux qui sont vraiment dans la tradition, choisissent au contraire une matière aussi aride que possible : l'assurance maritime, l'hypothèque légale, le contrat de transport, etc.

     Quel rapport ont ces questions avec la rentrée des Tribunaux ? Qu'y a-t-il de solennel dans cette transformation de la Cour d'appel en parlotte de stagiaires ? C'est ce que sont autorisés à se demander les indiscrets, mais ce que nous ne pourrions exactement leur enseigner.

    Faisons néanmoins à ce propos un peu d'érudition — oh !très peu ! — qui mettra peut-être les chercheurs sur la voie de la vérité :

     L'usage du discours de rentrée serait né d'une fantaisie qui prit un jour, au seizième siècle, à Duménil (Jean-Baptiste Dumesnil), avocat du roi, de rappeler en plein Parlement les commentaires du grammairien Asconius Pedianus sur les harangues de Cicéron, pour établir la différence qu'il y avait, à Rome, entre l'avocat et le procureur.

      Cette dissertation se rattachait, juste autant que les discours actuels, à la solennité du jour ; mais, les années suivantes, on vit ce singulier spectacle de magistrats traitant, à propos de la rentrée des Parlements, des sujets théologiques, métaphysiques et scientifiques. Orner Talon parlait du temps et des cadrans, des couleurs, des anges, du feu et de la naissance de Minerve, ce qui plus tard amena son fils, Denis Talon, à s'excuser de ne pouvoir examiner si les étoiles sont attachées au firmament ou si elles composent des tourbillons peu dissemblables des nôtres, si le soleil est placé au centre de l'univers, si l'on doit admirer le partage des quatre éléments, les formes substantielles d'Aristote, les idées sur la réminiscence de Platon, le combat des humeurs et la circulation du sang. Tout cela à l'occasion de la rentrée judiciaire !

     A notre époque, le discours de rentrée finit toujours mal. Il se termine, en effet, par une notice nécrologique de tous les magistrats morts dans l'année, la plupart célèbres inconnus, promus pour la circonstance au grade de grands hommes. Faut-il le dire ? Ce petit enterrement en masse, venant après les considérations sur tel ou tel point de droit, cette oraison funèbre après la harangue juridique, posséderait on ne sait quoi de bizarre et de comique pour qui n'y serait point préparé.

    Quelques mots aimables pour MM. les avocats et les avoués à la Cour servent généralement de post-scriptum au discours, après quoi M. le bâtonnier et les plus anciens avocats présents à la barre renouvellent leur serment. El, si le procureur général pas d'autres réquisitions à prendre, l'audience solennelle est levée.

    L'année judiciaire est ouverte ».

     

     


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    L’empereur Hadrien rendant la Justice au cours d’une promenade (chromo Liebig. Série 897 des empereurs romains).

    L’empereur Hadrien rendant la Justice au cours d’une promenade (chromo Liebig. Série 897 des empereurs romains).

     

      Texte didactique pour enfants, amateurs de sauces aux extraits de viandes Liebig, au dos de cette chromolithographie des années 1900 :

     

    Adrien*, empereur de 117 à 137 après J.-C., était un prince aussi prudent que désireux d’étendre ses connaissances. Quoiqu’homme de guerre accompli, il préféra confier l’armée à ses généraux afin de pouvoir se vouer entièrement au gouvernement de ses états. Pour mieux se rendre compte des besoins de son peuple, il entreprit de fréquents voyages dans les différentes contrées de l’empire**, accompagné seulement de quelques conseillers et de ses licteurs. Souvent il rendit la justice sur la grande route***, et sa sentence, rédigée aussitôt par les scribes qui l’accompagnaient, était exécutoire sans autre forme de procès. 

     

    *Première précision. Cet empereur romain, de la dynastie des Antonins, était Publius Aelius Hadrianus, dit Hadrien, avec un « H » (Imperator Cæsar Traianus Hadrianus Augustus, en latin), né le 24 janvier 76 à Italica (ancienne ville romaine près de Séville), et mort, le 10 juillet 138, à Baïes (ancienne station balnéaire de l’Italie romaine, aujourd’hui Baia). Il entreprit notamment la codification du droit romain et une réforme de la justice, non pas d’ailleurs dans l’ensemble de l’empire, mais en Italie (juxtaposition de cités autonomes), en y implantant un juge consulaire dans quatre secteurs géographiques distincts. Cette réforme ayant été critiquée par les cités concernées, les juges furent supprimés par l’empereur romain Antonin le Pieux, qui régna de 136 à 161 après J.-C., et remplacés par des juridici (chargés de mission à qui étaient déléguées les fonctions judiciaires d’un gouverneur romain ou de l’empereur en Italie).

     

    ** Deuxième précision. Depuis Auguste, premier empereur romain (du 16 janvier 27 av. J.-C. au 19 août 14 apr. J.-C.), les empereurs romains entreprenaient de longs voyages dans les diverses parties de leur empire. Hadrien perpétua cette tradition, ainsi que nous le rappelle un professeur d’histoire spécialiste de la Rome antique, Dimitri Tilloi d’Ambrosi, dans son ouvrage intitulé « Les voyages d’Hadrien. Ed. Arkhe. 2020). Il en a présenté, le 3 novembre 2020, un extrait lors d’une conférence publique, en ces termes (en libre accès grâce à ce lien :https://www.aphg.fr/Dimitri-Tilloi-d-Ambrosi-Les-voyages-d-Hadrien-Arkhe-2020): 

     

    « Hadrien assume pleinement la tradition du voyage impérial instaurée par Auguste et reprise par plusieurs de ses successeurs. Mais, prince aimant la paix, Hadrien, à quelques exceptions près, ne se met pas en route pour diriger des opérations militaires, même si la dimension militaire du voyage, en particulier par des inspections de troupes et l’édification ou la consolidation du limes est loin d’être négligeable. En outre, si le monde romain n’a peut-être pas besoin d’une réorganisation aussi importante qu’après les ravages des guerres civiles, le voyage est un mode de gouvernement qui va de pair avec la prise de conscience de l’importance croissante du rôle des provinces. Le voyage impérial, militaire, administratif, politique, religieux, obéit aussi à des aspirations et curiosités personnelles, culturelles, voire touristiques. À mi-chemin des expéditions militaires de Trajan et de la tournée artistique d’un Néron, les voyages d’Hadrien relèvent d’une pratique délibérée et rationnelle du pouvoir, et, s’ils concernent souvent la partie grecque de l’empire, ils ne négligent pas l’Occident ; mais ils sont aussi le fait d’un être curieux de tous les savoirs, y compris le secret caché des choses. »

     

    Troisième précision. Lors de ses longs voyages, dans les diverses parties de l’empire romain, Hadrien rendait la justice sur place comme le précise Dimitri Tilloi d’Ambrosi, en ces termes :

     

    « L’activité judiciaire de l’empereur (dans ses voyages) est très importante puisque tout citoyen romain peut faire appel au jugement de l’empereur. Hadrien rend donc beaucoup de jugements dans les provinces dans lesquelles il se déplace. Une source très riche de ce domaine d’activité sont les tablettes de Vindolanda retrouvées dans la région du mur d’Hadrien. Le sens de la justice doit habiter l’empereur, ce qui renvoie au bouclier d’Arles forgé en l’honneur d’Auguste sur lequel sont mentionnées les quatre vertus de l’empereur : clementia, pietas, virtus et iustitia. Les sources nous apprennent qu’Hadrien rendait la justice dans le Panthéon, sous la coupole. De plus, dans les provinces, il y a des assemblées provinciales. On peut donc supposer qu’Hadrien a dû les rencontrer, notamment l’assemblée des Trois Gaules à Lyon. Enfin, l’empereur peut également punir certains excès réalisés par des gouverneurs. On a trace de sanctions contre des gouverneurs dans la région du Danube ».

     

     

     

    Monnaie empire romain : Hadrien, règne de 117 à 137 après J.-C.L'empereur Hadrien rendant la justice en chromo

     

     

     

     

     

     

     

             Monnaie de l'empire romain : Hadrien, règne de 117 à 137 après J.-C. 

     

        En conclusion, voici une pièce de monnaie de l’empire romain sous Hadrien. Au recto, le buste de l’empereur Hadrien. Au verso, en hommage à son implication dans les réformes du droit et de la justice, la déesse de la justice, Justice ou Justicia (Iusticia en latin), tenant une patère (coupe de bronze ou d’argile peu profonde) et un sceptre. Et, comme Thémis, la déesse grecque de la justice, sauf erreur de ma part, ses yeux sont bandés (symbole de l’impartialité).


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    Cicéron, 106 av. J.-C.-43 av. J.-C.

    1 Cicéron, 106 av. J.-C.-43 av. J.-C. Orateur romain d’une grande éloquence et écrivain d’un style riche et pure. Parmi ses discours, on cite les Catilinaires, les Philippiques, etc. (chromo publicitaire didactique. 1951).

     

     

      Marcus Tullius, dit Cicéron, avait hérité de son aïeul le surnom familier de Cicero, allusion moqueuse à une verrue au bout du nez de celui-ci (en latin, Cicero signifie "poids chiche" ou "verrue"). Raillé un jour par ses condisciples, Cicéron, tout jeune avocat, riposta en ces termes: " Je rendrai ce nom illustre entre tous ". Il tint parole. 

     

    « Summum jus, summa injuria » (Droit extrême, suprême injustice). Cette parole, attribuée à Cicéron, signifie que l’application excessive du droit ou de la justice mène à l’injustice. Elle nous rappelle aussi que Cicéron fut, non seulement un Homme d’État (questeur, édile, préteur, proconsul, et consul en 63 av. J.-C.), et un auteur politique (De oratore, De republica et De Legibus), puis philosophique (l'Hortensius, la Consolation, les Académiques, les Tusculanes, le De finibus …), mais le plus célèbre des avocats romains (cette profession, inconnue de la Grèce antique, se fit jour chez les romains, sous la forme d’une institution purement libérale).

     

        Je n’en dirai pas plus sur Cicéron car il existe une excellente étude que lui ont consacrée, dans l’Encyclopédie gratuite en ligne wikipedia, des contributeurs anonymes, désintéressés et passionnés :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Cic%C3%A9ron

     

     

       Biographies et autobiographies. Au moins il est évident que cette biographie élogieuse n’a pas été rédigée par Cicéron lui-même, qui préférait l’écriture sur feuilles de papyrus à celle sur logiciel de traitement de textes pour annuaires professionnels gratuits. Au demeurant, j’ignore qui sont les contributeurs des biographies des 215 illustrissimes avocats français du début du XXIème siècle, avec ou sans causes, présentés dans cette même encyclopédie, et, pour la plupart, encore en exercice dans nos 164 Barreaux (appellation des Ordres professionnels des avocats, en mémoire de l’enceinte [autrefois fermée par une barre], qui leur est réservée pour plaider). M’enfin, par fidélité à la thématique de ce blog (Images et Cartes Postales Anciennes), revenons à Cicéron qui fut représenté, jadis ou naguère, en chromos (diminutif, du genre masculin ou féminin, du mot chromolithographies, toujours féminin), pour enfants amateurs de potages et chocolats (chromos publicitaires), ou premiers de classe (chromos Récompenses ou Bon-Points).

     

     

     

     

     

    Histoire : Cicéron (série de six chromos Liebig… garantie de qualité. Année 1961)

                      2 Histoire : Cicéron (série de six chromos Liebig… garantie de qualité. Année 1961).  

     

       Car, en effet, en 1961, Liebig édita, dans divers pays européens et donc en différentes langues (français, néerlandais, allemand…), une série numérotée 526, intitulée « Histoire : Cicéron », en 6 chromos à destination d’enfants présumés gourmands de cubes de bouillon aux extraits de viande.

     

         Par ordre d’entrée en scène :

    1. Cicéron retrouve le tombeau d’Archimède ;

    2. « Quo usque tandem… » (Combien de temps encore… devrons-nous supporter le préteur Verrès, coupable d’exactions) ;

    3. Retour d’exil ;

    4. Le procès de Milon ;

    5. « Tusculanae dispuationes » (ouvrage de Cicéron. Titre en français : Echanges d’idées à Tusculum) ;

    6. Le dernier acte… (assassinat de Cicéron par des soudards à la dévotion de Marcus Antonius [Antoine], le 7 décembre 43 av. J.-C.).

     

     

     

     

    Le procès de Milon (chromo Liebig n°4 de la série consacrée à Cicéron. Année 1961)

                  3 Le procès de Milon (chromo Liebig n°4 de la série consacrée à Cicéron. Année 1961).

     

      Nous nous arrêterons sur le chromo n° 4 de cette série, intitulé « Le procès de Milon », dont Cicéron fut justement l’avocat.

     

       Milon (lat. : Titius Annius Milo Papianus) et Clodius (lat. : Publius Clodius Pulcher) étaient deux hommes politiques romains qui se haïssaient et briguaient les plus hautes fonctions (le consulat pour Milon ; la préture pour Clodius,). Le 18 janvier 52 av. J.-C., par hasard, ils se croisèrent sur la via Appia, à une vingtaine de kilomètres de Rome. C’est alors qu’une rixe éclata entre des personnes de leur escorte. Au cours de celle-ci, Clodius fut grièvement blessé par des gens de Milon. Il fut transporté dans une auberge et… achevé sur ordre de Milon.

     

       Milon fut jugé par un tribunal d’exception, composé de 81 juges, dans le Forum romain en plein air (y compris les jours de pluie). Des témoins du procès rapportent que la défense de Milon par Cicéron, alors âgé de cinquante-cinq ans, aurait été déplorable. Déconcerté par les huées du public partisan de Clodius, il aurait plaidé en bafouillant (pour les uns volontairement, pour d’autres involontairement). Milon fut alors condamné à la peine capitale par 38 voix contre 13 (30 des 81 juges présents avaient pu être récusés par les parties). Mais, dans la mesure où il était citoyen romain, cette peine capitale fut aussitôt commuée en exil à Massilia (actuelle Marseille).

     

        Plus tard, Cicéron publia sa plaidoirie, remaniée et développée, qui deviendra célèbre sous l’intitulé « Pro Milone » (Plaidoyer pour T. A. Milon). Lorsqu’il l’offrit à Milon, toujours en exil, celui-ci, après l’avoir lue, lui aurait déclaré que si elle avait été prononcée en ces termes lors de son procès, il aurait pu être acquitté : « O Cicero! si sic dixisses, nōn ego barbātōs piscēs Massiliæ ederem. » (Ô Cicéron ! si vous aviez parlé ainsi, je ne mangerais pas de si bon poisson à Marseille.) 

     

     

     

     

                                 4. Cicéron : Plaidoyer pour T. A. Milon (fichier PDF).

     

       Voici le texte intégral de la plaidoirie Pro Milone, réécrite par Cicéron après le procès, et, paraît-il, étudiée dans les écoles de son vivant. La traduction en français a été dirigée par M. Nisard, professeur d’éloquence latine au Collège de France (Œuvres complètes de Cicéron. Tome 3. Discours 39ème. Paris 1869. En libre accès sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France, y compris en latin).

     

     

     

    Le Forum romain (chromo n° 19, Collection Chèque Tintin*, de la série : La géographie de l’Europe. Années 1950/60)

    5. Le Forum romain (chromo n° 19, Collection Chèques Tintin*, de la série : La géographie de l’Europe. Années 1950/60).

     

          Chèques Tintin contre chromos.  Dans les années 1950/60, des commerces et des grandes marques (Alsa, Catox, Délices, Gondolo, La Vittelloise, Leroux, Parizot, Potalux, Poulain, S.A.F.R., Sulta, Journal Tintin…) offraient aux enfants des points appelés Chèques Tintin, lesquels leur permettaient, après avoir sacrifié tout leur argent de poche, d’obtenir des chromos didactiques comme celui-ci représentant le Forum romain.

     

        Au verso de ce chromo, il est écrit : « Témoin d’une civilisation glorieuse, le Forum qui était, dans l’Antiquité, le centre des réunions publiques, est un des hauts-lieux de l’Europe. Ses ruines imposantes nous rappellent la grandeur de Rome ».

     


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    Tribun (chromo didactique pour enfants. Années1900).

     1                                        Tribun (chromo didactique pour enfants. Années1900).

     

        « Chers électeurs, la voix du peuple étant la voix de Dieu, je me sacrifierai pour le remplacer ». De nos jours, le tribun désigne souvent un homme politique « à titre onéreux », à l’éloquence puissance et directe, qui élit domicile dans les chaines TV pour prononcer avec brio quelques mots empruntés aux principaux discours d’éloquence politique et judiciaire de l’antiquité grecque et romaine : « À l’heure où le sort et l’avenir du pays sont une fois de plus déposés entre vos mains, il importe que vous choisissiez pour être représentés des hommes dévoués, honnêtes, soucieux du bonheur de tous, et compétents dans tous les domaines: Citoyens ! Je suis de ceux là…» 

     

     

        Mais, sous l’antiquité romaine, le Tribun (Lat. tribunus, de tribus, tribu), était moins ridicule et surtout plus énigmatique. En effet, son statut n’a cessé d’évoluer au fil des régimes politiques (Royauté : 753-509 av. J.-C ; République : 509-27 av. J.-C. ; Empire : 27 av. J.-C- 476), ainsi que l’exposent les auteurs d’une excellente étude, librement accessible en ligne, sur le site de l’encyclopédie Imago Mundi :

    http://www.cosmovisions.com/tribun.htm

     

        Elle distingue, sous la République et sous l’Empire, deux catégories de tribuns. D’une part, les tribuns militaires (tribuni) de la légion (unité militaire de l’armée romaine). D’autre part, les tribuns de la plèbe. Il s’agissait de plébéiens, élus par des conciles plébéiens (concilia plebis) comme magistrats civils hors cursus honorum (ou magistrature extraordinaire), chargés de défendre les droits et les intérêts de la plèbe (tribuni plebis), contre le despotisme des praticiens (ces derniers, issus des grandes familles anciennement installées à Rome, étaient les seuls magistrats du cursus honorum [magistrature ordinaire], comme édiles, préteurs, ou consuls).

     

     

     

     

    La Rome antique : Tribun proposant une nouvelle loi (chromos)

    2. Rome (série de six chromos de la Cie Liebig, distribués gratuitement aux acheteurs de cubes de bouillon aux véritables extraits de viande Liebig).

     

        Ceci dit, revenons à la thématique de ce blog, à savoir le droit en images et cartes postales anciennes (ICPA), avec cette série de six images tirées selon le procédé de la chromolithographie par la Compagnie Liebig, à destination des enfants amateurs de potages ou de connaissances historiques. Elle est consacrée à Rome, au fil des siècles :

     

    - La Rome antique : Triomphateur se rendant au Capitole pour faire des offrandes à Jupiter.

    - La Rome antique : Tribun proposant une nouvelle loi.

    - La Rome du moyen-âge : « Habemus papam » (Nous avons un pape).

    - La Rome du moyen-âge : Cortège du couronnement d’un empereur.

    - La Rome contemporaine : Revue des bersagliers (troupe de chasseurs militaires) sur la place de la Constitution.

    - La Rome contemporaine : Visite patriotique au Panthéon.

     

     

     

     

     

    La Rome antique : Tribun proposant une nouvelle loi (chromo Cie Liebig).

                          3 La Rome antique : Tribun proposant une nouvelle loi (chromo Cie Liebig).

     

       Le deuxième chromo de cette série représente un « Tribun proposant une nouvelle loi ». En voici la légende didactique figurant au verso :

     

    « Le mot latin « tribus » à une double signification ; c’était la désignation des trois tribus qui composaient le peuple romain primitif*, ensuite celle des circonscriptions locales dont les chefs s’appelaient tribuns. **Notre vignette représente un « comitium » (assemblée du peuple), où les décisions étaient prises en votant au sein de chaque tribu. Auguste, pour renforcer sa puissance, se fit conférer le pouvoir tribunitien par le Sénat. La charge de tribun continua néanmoins à exister mais s’effaça peu à peu pour disparaître entièrement au milieu du 3ème siècle… »

     

       Petites précisions. *D’après la tradition, ces trois tribus, qui constituaient le peuple romain primitif étaient les Tites, les Ramnes, et les Luceres. ** Les tribus romaines (jusqu’à 35 regroupant les Romains selon leur origine territoriale) se réunissaient en deux assemblées de citoyens, près du Forum de Rome, pour statuer sur des questions d’ordre législatif, électoral et judiciaire (chaque tribus avait une voix) :

     

       - D’une part, les comices tributes qui réunissaient tous les membres des tribus, qu’ils soient patriciens ou plébéiens, sous la présidence de magistrats praticiens (les consuls qui présidaient le Sénat et les Comices, les préteurs qui rendaient la justice ou confiaient le procès à un juge professionnel, les édiles curules ,…).

     

       - D’autre part, le concile plébéien (Concilium Plebis), une assemblée (ou comice) plébéienne des tribus, qui élisait ses propres représentants parmi les plébéiens, comme les tribuns de la plèbe, au nombre de 10 en 457 av. J.-C., et les édiles plébéien.

     

          Quant aux attributions législatives de chacune de ces assemblées, auxquelles fait référence l’intitulé de ce chromo (« Tribun proposant une nouvelle loi »), je m’en remets, de nouveau, à l’encyclopédie Imago Mundi, qui offre, en ligne et gratuitement, cette excellente étude sur l’Assemblée tribute : 

    http://www.cosmovisions.com/assemblee_tribute.htm

     

     

        En voici un court extrait consacré précisément à la compétence législative des comices tributes et des conciles plébéiens :

     

    « C'est par l'extension indéfinie de sa compétence législative que l’assemblée tribute arriva à un rôle prépondérant dans le mécanisme gouvernemental. On sait déjà comment cette compétence avait été reconnue par les pouvoirs patriciens et en même temps soumise à un contrôle dont elle finit par s'émanciper. Ce qu'il faut ajouter, c'est qu'il n'y eut point de partage réglé entre les attributions législatives de l'assemblée centuries et de l'assemblée tribute. Le pouvoir législatif passa de l'une à l'autre par la force des choses, ou plutôt par l'initiative des tribuns, toujours occupés à légiférer et à innover, tandis que les magistrats patriciens opposaient à cette activité un peu turbulente la discrétion et la timidité de l'esprit conservateur. Ils finirent eux-mêmes par céder au courant, en ce sens qu'ils se résignèrent à transporter leurs propositions de l'assemblée centuriate à sa rivale. Les préteurs donnèrent l'exemple dès le milieu du IVe siècle av. J.-C. Les consuls suivirent, lentement d'abord, résolument ensuite, si bien que dans le dernier siècle de la République, la plupart des lois, non pas seulement prétoriennes, mais consulaires, étaient votées par les comices tributes. Ainsi les comices tributes, par leurs lois votées sous la présidence des préteurs et des consuls, mais surtout les concilia plebis par leurs plébiscites votés sous la présidence des tribuns, étaient devenus le principal, et, à vrai dire, le seul organe législatif du peuple romain ».

     

     

     

     

     

    Tribun du peuple (gravure sur bois ou xylogravure par Gérard Séguin et E. F. Huyot, d’après une coupe de bois de Césare Vecellio

     4 Tribun du peuple (gravure sur bois ou xylogravure par Gérard Séguin et E. F. Huyot, d’après une coupe de bois de Césare Vecellio, peintre né en 1530 à Cadore, mort à Venise en 1606, reproduite dans l’ouvrage « Habiti antichi et moderni di tutto il mondo », Firman Didot Ferris fils, Paris, 1859-1860).  

     

        

         Voici la légende de ce dessin représentant un Tribun de la plèbe en costume.  

     

     « Après bien des troubles entre le peuple et la noblesse, l’institution des tribuns eut pour but d’assurer les droits du peuple et d’interposer son autorité entre le sénat et le peuple pour réprimer l’insolence des nobles. La personne des tribuns était sacrée, et celui qui leur aurait fait une offense ou insulte quelconque pouvait être mis à mort sans formalité de jugement. Par le simple mot de veto (je m’oppose), ils avaient le droit de suspendre les décisions du sénat et des consuls*. Leur maison devait être ouverte de nuit et de jour, et ils ne pouvaient coucher hors la ville. Selon Cicéron, il semblerait qu’ils étaient revêtus de pourpre ; mais Plutarque dit que leur vêtement de dessous était noir. Ils étaient précédés d’un homme appelé viator, armé d’un bâton. Ils portaient un bâton court.

     

     

    *Petites précisions. Les tribuns de la plèbe disposaient d’un droit de veto (intercessio) leur donnant le pouvoir d’annuler toutes les décisions (notamment les lois) des magistrats, y compris les consuls, sauf le dictateur, ainsi que les sénatus-consulte (décrets du sénat), contraires aux intérêts du peuple plébéien. Ils pouvaient également proposer des lois aux comices tributes ou au Sénat, et s’opposer aux propositions de lois des magistrats.

     

     

        Pour tout savoir sur la magistrature et le pouvoir des magistrats romains, je vous renvoie au premier tome à l’étude magistrale intitulée « Le droit public romain », de Théodor Mommsen (1817-1903), un historien allemand, prix Nobel de littérature en 1902, spécialiste de la Rome antique, qui fut publiée en 1892, et traduite par Paul Frédéric Girard, Professeur agrégé à la Faculté de Droit de Paris. Elle est intégralement et gratuitement offerte en ligne sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France, sous ce lien  :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6625r.r=Le%20droit%20public%20romain?rk=64378;0

     

     

     

     

     

     

     

    Caïus Sempronius Gracchus, tribun de la plèbe en 123 et 122 av. J.-C. (chromo Liebig, série « Les autorités suprêmes de l’ancienne Rome : Tribun »).

    5 Caïus Sempronius Gracchus, tribun de la plèbe en 123 et 122 av. J.-C. (chromo Liebig, série « Les autorités suprêmes de l’ancienne Rome : Tribun »).

     

     

        Les contributeurs de l’encyclopédie gratuite en ligne Wikipedia, dans leur article « Tribun de la Plèbe », mentionnent une douzaine de tribuns célèbres (Caius Licinius et Lucius Lateranus ; Tibérius et Caius Sempronius Gracchus ; Marcus Livius Drusus ; Caius Marius ; Lucius Appuleius Saturninus et Caius Servilius Glaucia ; Livius Drusus ; Varron ; Clodius Pulcher ; Milon ; Salluste ; Curion ; Marc-Antoine ; Caius Cassius Longinus). 

     

      Je n’ai pu retrouver sur la toile d’Internet qu’un seul chromo des années 1900, édité par la Cie Liebig, représentant l’un d’entre eux : Caius Sempronius Gracchus, l’un des deux frères Gracchus, dit les Gracques.

     

         Voici la légende de ce chromo figurant à son verso :

     

    « Tribun. Les deux Gracchus, Tiberius et Caïus, remplirent avec gloire la fonction de tribun, créée en 493 av. J.-C., pour la défense des droits du peuple romain. Ils essayèrent de mettre un frein à la cupidité de l’aristocratie mais périrent tous les deux de mort violente, Tibérius en 133 av. J.-C, Caïus en 122 av. J.-C. Ce dernier avait fondé, au cours de l’année précédant sa mort, la ville de Junonia sur les ruines de l’ancienne Carthage. Au centre de notre chromo est reproduite la statue de Junon, la reine des Dieux, à laquelle la nouvelle cité avait été dédiée : JUN (oni), REG (inae), D (edicata) ». 

     

      Petite précision. Caïus Sempronius Gracchus a proposé de nombreuses lois au Sénat, qui lui acquirent une grande popularité parmi les plébéiens et les chevaliers (citoyens appartenant à l’ordre équestre) hostiles aux sénateurs. Elles lui permirent d’être élu tribun de la plèbe en 123 av. J.-C., et réélu l’année suivante. Parmi celles-ci : la Lex Sempronia frumentaria, qui accordait 5/6 de mesure de blé, chaque mois, à prix réduit, aux plébéiens pauvres ; et la Lex Calpurnia, qui introduisait la parité entre les chevaliers et les sénateurs devant les tribunaux. 

     

     

     

     

    Rome : le Forum Romain (chromo Chocolat Pupier. Cette entreprise créée, le 1er janvier 1901, est toujours en activité, localisée à Saint-Etienne).

    6 Rome : le Forum Romain (chromo Chocolat Pupier. Cette entreprise créée, le 1er janvier 1901, est toujours en activité, localisée à Saint-Etienne).

     

        En conclusion de cette page consacrée à l’antiquité romaine, voici un chromo publicitaire édité au début du XXème siècle par l’entreprise Chocolat Pupier, qui représente le Forum Romain (en latin : Forum Romanum), une place publique située en le Capitole et le Colisée, où se réunissait la population romaine pour toutes les activités, économiques, politiques, législatives et judiciaires de la cité. 

     


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    Le Grand Châtelet (chromo Chocolat Poulain, d’une série consacrée à Paris à travers les âges. Circa 1900)

    1. Le Grand Châtelet (chromo Chocolat Poulain, d’une série consacrée à Paris à travers les âges. Circa 1900).

     

       La prévôté royale de la ville de Paris. Le Grand Châtelet, ou Châtelet de Paris, démoli au début du XIXème siècle, était une ancienne forteresse édifiée par Louis VI sur la rive droite de la Seine à l’extrémité du Grand Pont (actuel Pont au Change), entre la Cité (actuelle Île de la Cité) et la rive opposée (actuelle Place du Châtelet). À l’origine, il servait de demeure aux Comtes de Paris. Puis, il fut affecté à la prévôté royale de Paris, juridiction inférieure propre à la ville de Paris, supprimée en 1790, qui jugeait en première instance les causes ne relevant pas des baillis et des sénéchaux (Étienne Boileau fut d’un des premiers prévôts de Paris, nommé par le roi Louis IX en 1261). 

     

        Quelques jeunes gens, après avoir été reçus au grade de licencié ès lois dans une université, y débutèrent dans la fonction d’avocat du roi, membres du parquet, nommés par le roi (ils sont parfois dénommés avocats généraux ou adjoints du procureur général. En 1690, Louis XIV avait même créé un office d’avocat du roi pour plaider aux Requêtes). En général, issus de familles de gens de robe (magistrats, avocats…), ces jeunes « gens du roi » pouvaient ainsi espérer une nomination au parquet d’une juridiction royale supérieure comme le Parlement de Paris (en 1789, le barreau de Paris comptait environ 600 membres, et le Châtelet 4 avocats du roi). 

     

    Parmi les avocats du roi du Châtelet, on relève les noms de Thomas l’Écorché (c. 1400), Henri François D’Aguesseau (1669-1751), et Jean-Baptiste de Montyon (1733-1820).

     

     

     

    Henri François D’Aguesseau, avocat du roi au parquet du Chatelet, Chancelier de France,

    2. Henri François D’Aguesseau, avocat du roi au parquet du Chatelet, Chancelier de France, 1668-1751 (lithographie colorée à la main d’Hippolyte Lecomte, gravée et imprimée par François-Séraphin Delpech. Circa 1820. Collections du Département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France).

     

        Le plus célèbre d’entre eux est Henri François d’Aguesseau : avocat du roi au parquet du Châtelet, en 1689, à l’âge de vingt ans ; avocat général au Parlement de Paris, en 1691 ; procureur général au Parlement de Paris, le 24septembre 1700, à l’âge de vingt-deux ans ; et deux fois Chancelier de France, Gardes des Sceaux (1717-1722 ; 1727-1750). Bien que devenu l’un des plus haut-magistrats de France, le Chancelier d’Aguesseau respecta toujours la profession des avocats (ceux représentant et défendant leurs clients)

     

    « Exempte de toute sorte de servitudes, elle [la profession d'avocat] arrive à la plus grande élévation, sans perdre aucun des droits de sa première liberté ; et dédaignant tous les ornements inutiles à la vertu, elle peut rendre l'homme noble sans naissance, riche sans biens, élevé sans dignités, heureux sans le secours de la fortune… Ces distinctions qui ne sont fondées que sur le hasard de la naissance, ces grands noms dont l'orgueil du commun se flatte et dont les sages mêmes sont éblouis, deviennent des secours inutiles dans une profession dont la vertu, fait toute la noblesse, et dans laquelle les hommes sont estimés, non par ce qu'ont fait leurs pères, mais parce qu'ils font eux-mêmes » (D’Aguesseau, Discours et autres ouvrages de M. le Chancelier d’Aguesseau, Amsterdam, 1756, 2 vol. Troisième discours : L’indépendance de l’avocat, ouverture des audiences, 1698, p. 113).

     

     

     

     

    Baron Jean-Baptiste de Montyon, avocat du roi au parquet du Chatelet, magistrat, philanthrope, 1733-1820 (chromo

    3. Baron Jean-Baptiste de Montyon, avocat du roi au parquet du Chatelet, magistrat, philanthrope, 1733-1820 (chromo Chicorée Casiez, série didactique Célébrités).

     

      Quant au baron Jean-Baptiste de Montyon né, à Paris, le 28 décembre 1733, il est devenu célèbre en raison de sa grande générosité à l’égard des personnes défavorisées. Dès son plus jeune âge, il avait hérité d’une fortune considérable de son père, Jean-Baptiste-Robert Auget, baron de Montyon et seigneur de Chambry, Conseiller du roi et maître en la Chambre des comptes, décédé en 1741. Élevé par sa sœur, Mme de Fourqueux, dont le mari devint plus tard ministre d’État de Louis XVI, le jeune Montyon, après trois années d’études à l’université, obtint sa licence ès loi et fut aussitôt nommé, en 1755, avocat du roi au parquet du Chatelet.

     

         « L’élévation de son caractère, la droiture de sa conscience, sa passion pour le travail, son équité intelligente et sa bonté réfléchie » (Montyon, par Mme Gustave Demoulin, Bibliothèque des écoles et des familles, Hachette, 1884), lui valurent bientôt au Châtelet le surnom de Grenadier de la Robe, et l’estime du roi Louis XV. C’est ainsi qu’il fut nommé, malgré son jeune âge, Conseiller au Grand-Conseil, puis, en 1760, Maître des requêtes au Conseil d’État (à cette époque, la profession de magistrat, comme celle des armées, était à tendance héréditaire).

     

     

     

     

    La Chalotais, Procureur général au Parlement de Bretagne

    4. La Chalotais, Procureur général au Parlement de Bretagne (gravure couleur sur acier. 1860).

     

     

         « L’affaire de Bretagne ». D’une parfaite intégrité, c’est à l’occasion de cette dernière charge que Montyon s’attira les foudres du pouvoir, en se prononçant, en 1766, contre la mise en accusation, par le Conseil du roi Louis XV, de Louis René de Caradeuc de la Chalotais (1701-1785). Celui-ci, Procureur général au Parlement de Bretagne, avait critiqué, de manière sarcastique, le duc d’Aiguillon, gouverneur autoritaire et maladroit de Bretagne. Pour Montyon, le Conseil du roi ne pouvant s’ériger en commission criminelle, son ordonnance de mise en accusation constituait une infraction aux lois de l’État (ce procès célèbre, porté devant diverses juridictions, n’eut jamais d’issues et, après la mort de Louis XV, La Chalotais, qui avait été incarcéré à la Bastille, puis exilé à Saintes, redevint Procureur-général au Parlement de Bretagne*).

     

         *Pour tout connaître sur cette affaire, je vous invite à lire l’étude qui lui est consacrée sur le blog d’Erwan Chartier-Le Floch, dédié aux « Histoires de Bretagne » :

    http://ablogjeanfloch.over-blog.com/article-30752879.html

     

     

     

     

    René-Nicolas de Maupéou, Chancelier de France

    5. René-Nicolas de Maupéou, Chancelier de France (d’après l’huile sur toile de Pierre Lacour dit « le père », exposée au Château de Versailles. Éditeur LL Lévy Fils et Cie). 

     

     

      « Les affaires d’Auvergne et de Provence ». Victime de sa parfaite honnêteté dans l’affaire du Parlement de Bretagne, Montyon fut, à titre de sanction, éloigné de la capitale, nommé intendant général des finances de la province d’Auvergne. Aussitôt, il s’y distingua en distribuant sa fortune personnelle aux paysans, victimes de mauvaises récoltes et de la famine, tout en les aidant à trouver du travail pour assainir et embellir les villes d’Aurillac et de Mauriac. Mais, le Chancelier, Garde des sceaux, René-Nicolas de Maupéou, dans le cadre de sa célèbre réforme de la justice et des Parlements (1771), ayant voulu remplacer l’ancien Parlement d’Auvergne par une nouvelle Cour de justice remplie de personnes bien en Cour (celle du roi Louis XV !), Montyon refusa énergiquement de s’y prêter. À titre de sanction, il fut exclu de l’intendance de l’Auvergne et nommé à celle de Provence où il continua à agir avec générosité (il fit récurer à ses frais le port de Marseille où les navires de commerce ne pouvaient plus entrer). De nouveau sanctionné par le pouvoir royal, il fut relégué à l’intendance de La Rochelle.

     

       « Amende honorable ». Fort heureusement, il fut nommé, en 1775, par le nouveau roi Louis XVI, sans doute à titre de réparation, Conseiller d’État à Paris. Il continua à s’y distinguer par sa bienveillance devenue légendaire. C’est ainsi qu’il fit don de trois millions de francs aux hospices et institua divers prix annuels, distribués par l’Académie française et l’Académie des sciences aux personnes les plus méritantes (prix de vertu, prix littéraire et prix scientifique, aujourd’hui dénommés prix Montyon).

     





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