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    La liberté d’expression politique permet d’échapper à une condamnation pour exhibition sexuelle. Cour de cassation - Chambre criminelle, arrêt n° 35 du 26 février 2020 (19-81.827). 

     

    Monsieur le Président, regardez donc la jolie blondinette qui vient d’entrer (Eugène Cottin : Drôleries du Palais. 1900

    1 Monsieur le Président, regardez donc la jolie blondinette qui vient d’entrer (Eugène Cottin : Drôleries du Palais. 1900. L’album est en libre accès sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France : gallicabnf.fr).

     

           Comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière pénale. La Cour de cassation, dans son arrêt du 20 février 2029 qui, aujourd’hui, fait bien rigoler les étudiants en Droit pénal et leurs professeurs confinés devant leur ordinateur, a mis en œuvre, de manière implicite, le proverbe russe « Закон, что дышло: куда повернул, туда и вышло ». Pour ceux qui ignorent tout de cette merveilleuse langue slave orientale, en voici la traduction en notre langue romane non informatique : « La loi est comme un guidon de vélo : elle va là où tu la tournes ».

     

           « Un essaim de grivois, Buvant à leurs mignonnes » (BérangerChans., t. 1, 1829, p. 115). Cet arrêt sera suivi, non pas d’un commentaire en deux parties précédées d’une introduction de présentation, que personne ne lit jamais, mais de quelques images et cartes postales anciennes (ICPA) grivoises (subst. arg. contemporain : homme politique en marche aux mœurs libres) des Gens de justice, ou Gens de lois, des années 1900 (le mot Gens est toujours masculin lorsqu’il désigne une profession… du Droit !). Les étudiants de nos Facultés de Droit de l’époque, alors privés d’accès à Internet et à ses sites romantiques XXX, les dissimulaient dans leur Code en papier Dalloz et dans leurs cours polycopiés de Droit civil ou pénal (mais en aucun cas dans leur missel, qui était réservé aux images licencieuses de moindre taille, et à celles de leur première communion !).  

     

     

    Liberté d’expression politique et exhibition sexuelle

                                                             2 Arrêt interdit aux moins de 18 ans.

     

       Mise en garde. Attention, la lecture de cet arrêt aux motivations malicieuses est réservée aux seuls visiteurs de ce blog, âgés de 18 ans ou plus (ou 16 ou 12 ans en cas de grande maturité ou de curiosité). Elle est donc implicitement interdite à ceux âgés de moins de 18 ans. Si vous ne vous souvenez pas de votre âge, ce n’est pas trop grave, car, tout bien considéré, il change tous les ans.

     

     

     

    3. Arrêt n°35 du 26 février 2020 (19-81.827) - Cour de cassation - Chambre criminelle (fichier PDF).

     

     

     

    La femme avocate. Dessin d’Albert Robida. 1883

                                                4. La femme avocate. Dessin d’Albert Robida. 1883. 

     

     

     

    Liberté d’expression politique et exhibition sexuelle

    5. L’AVOCATE : Ma cliente était en chasse, s’apprêtait à tirer un coup, lorsqu’elle reçut une décharge en pleine poitrine.

     

     

     

     

    Le femme avocat (Le Sourire, n° 11. 1910)

    6. Le femme avocat (Le Sourire, n° 11. 1910. Source : site Gallica de la Bibliothèque nationale de France).


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    Point d’honoraires, point d’avocat

                     - Racine a dit dans Les Plaideurs : - Pas d’argent, pas de suisse !...

                     - Moi, je dis aux mieux : « Pas d’honoraires, pas d’avocat !... »

                     - Et vous savez si j’ai la bosse des affaires !

                     (Le Rire, 25 mars 1905. Source : gallica.bnf.fr.).

            

     

    Les Plaideurs de Racine, joués par les élèves de l’école Sainte-Marie de Pont-Sainte-Maxence, le 7 février 1910 

      Les Plaideurs de Racine, joués par les élèves de l’école Sainte-Marie de Pont-  Sainte-Maxence, le 7 février 1910.

     

    Tous les plus gros monsieurs me parlaient chapeau bas ;
    Monsieur de Petit-Jean, ah ! gros comme le bras !
    Mais sans argent l’honneur n’est qu’une maladie.
    Ma foi ! j’étais un franc portier de comédie ;
    On avait beau heurter et m’ôter son chapeau,
    On n’entrait pas chez nous sans graisser le marteau.
    Point d’argent, point de suisse*, et ma porte était close. 

     (Jean Racine, Les Plaideurs, 1668, acte 1 ; scène 1) 

    * Proverbe au sens figuré : Il n’y a pas de service rendu sans rétribution. On a rien sans rien.

     

           Post Scriptum. Pour les amateurs, je rappelle que j’ai consacré huit longs posts (chapitres) à la pièce des Plaideurs de Jean Racine, illustrés de nombreuses images et cartes postales anciennes dans la rubrique de ce blog, intitulée Comédie du Droit (du 17 au 29 mars 2019).


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     « Argent comptant fait plaider advocat * »

     

    « L’advocat * vendange, le médecin grappe.

    L’advocat moissonne, le médecin glane.

    Le médecin vise à l’écu, l’advocat le prend ».

     

    * advocat, du latin advocatum : celui qui assiste quelqu’un en justice. Aujourd’hui, avocat, défenseur.

     

     

               Pour illustrer ces deux proverbes du Moyen Âge (in : Gabr. Meirier. Trésor des Sentences. XVIème siècle), voici une amusante carte postale de la librairie Poupin, de Mortagne (n. d.).

     

     

     

     

                      « Argent comptant fait plaider advocat » (proverbe français)                                                   

    L’avocat Votre affaire est très bonne, je puis m’en charger, mais vous savez, il me faut des provisions.

    Le paysanBe fils d’garce, vous tombé bé, j’venais justement d’fer la fressur *, j’vous en apport’rai un plat.

     

    (* la fressure est un ancien terme de boucherie servant à désigner les viscères, comme le cœur, les poumons ou le foie, d’un cochon ou d’un veau).


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    Chapitre  LXVI (ou 66). La Faculté de Droit sous l'Épuration (2/2): ses ex-étudiants devenus avocats-défenseurs d’épurés. 

     

     

    « L’épuration est un magnifique filon pour certains confrères. Résistants de l’avant-veille ou du lendemain, ils n’en font pas moins du racolage auprès des malheureuses familles des embastillés pour ramasser des clients parmi des hommes qu’ils honnissent sur le plan politique. Vitry me cite quelques chiffres d’honoraires faramineux. »  (Xavier Vallat, Feuilles de Fresnes, p. 58).

     

     

    « Va pour Maître Isorni, que je ne connais pas. L’essentiel, c’est d’avoir quelqu’un de sympathique, ce qui a l’air d’être le cas. As-tu pensé que les avocats sont des gens à qui on donne une provision d’avance ? Il faut le faire en lui demandant combien. »  (Lettre de Robert Brasillach à sa sœur Suzanne Bardèche, Camp de Noisy-le-Sec, 8 octobre 1944).

     

     

    « Les bavards débordés de bonnes affaires ne savent plus que demander des provisions et ignorer les dossiers » (José Germain. Mes catastrophes, La Couronne littéraire, 1948, p. 174).

     

     

    « Dans les petites salles pisseuses du rez-de-chaussée fresnois (prison de Fresnes), j’ai vu défiler tout le Palais de l’époque, ou presque. Les communistes et les socialistes marqués mis à part, les maîtres qui ont été nos adversaires ne dédaignent pas de défendre des « traitres » et de faire de sérieuses ponctions à leurs « trente deniers » ou ce qu’il en reste » (Henry Charbonneau, Les mémoires de Porthos, T. II, Le roman noir de la droite française, Robert Desroches éditeur, p. 234. Milicien, engagé dans la Légion tricolore puis dans la Phalange africaine, sous l’uniforme allemand, Henry Charbonneau fut condamné à dix ans de travaux forcés pour collaboration et intelligence avec l’ennemi. Les trente deniers qu’il mentionne font référence aux trente pièces d’argent (les deniers de Judas) reçus par Judas Iscariote pour avoir livré jésus aux grands prêtres de Jérusalem).  

     

     

     

     

     

     

     

     

    Un procès d‘épurés devant la Cour de Justice de la Seine, en novembre 1946 (source : musée de la Résistance en ligne)

    1 Un procès d‘épurés devant la Cour de Justice de la Seine, en novembre 1946 (source : musée de la Résistance en ligne).

     

     

    « L'advocat ne plaide que pour la soupe » (Proverbe du Moyen Âge, in : Gabr. Meirier. Trésor des Sentences. XVIème siècle). Pour Xavier Vallat, licencié de la Faculté de Droit de Paris, membre du Conseil de l’Ordre des avocats de Paris, Commissaire général aux questions juives, condamné, en décembre 1947, à dix ans d'emprisonnement et à l’indignité nationale à vie éphémère (voir le chapitre Chapitre LXV (ou 65). La Faculté de Droit sous l'épuration (1/2): ses professeurs et ex-étudiants épurés), la période de l’Épuration fut un « magnifique filon » pour les avocats de Paris et leur bourse (petit sac dans lequel on met son argent).

     

     

    Car en effet, pendant cette période qui suivit la Libération de la fin de l’été 1944, et se poursuivit jusqu’aux lois d’amnistie des années cinquante, nos quelques 2 000 avocats du barreau de Paris bénéficièrent de centaines de milliers de causes à plaider tant à Paris qu’en province : 108 devant la Haute Cour de Justice, et près de 300 000 devant les Cours de Justice et les tribunaux militaires (plus de la moitié furent classées sans suite. 120 000 donnèrent lieu à des jugements dont 97 000 de condamnations).

     

     

        La quasi-totalité de ces avocats, pénalistes ou non, avec ou sans expérience, avait obtenu leur diplôme de licence ou de doctorat à la Faculté de Droit de Paris, dans les années d’avant guerre, ou pendant celles de l’Occupation allemande (étudiants en général âgés de dix-huit ans à vingt deux ou vingt trois ans, non mobilisés ou démobilisés et non emprisonnés).

     

     

    Les plus jeunes d’entre eux, y compris stagiaires, furent souvent nommés d’office pour la défense d’épurés dont les familles n’avaient aucun argent pour régler les honoraires d’avocats réputés consciencieux et/ou habiles, ou de ceux dont le comportement sous l’Occupation avait été tellement écœurant que les meilleurs avocats sollicités se dérobaient (« J’aurais voulu vous donner mon concours, car l’avocat n’est pas lié par la politique que vous avez suivie, en toute bonne foi, mais il me semble impossible de bien plaider votre affaire si l’on a pas une certaine complaisance pour la politique de collaboration que fut la votre » Lettre de maître Jean Odin à Fernand de Brinon, Paris, 15 décembre 1946. Archives nationales 411AP7).

     

    On ajoutera que lorsqu’ils collaboraient à des cabinets de renom, nos jeunes avocats, tout juste sortis de la Faculté de Droit de Paris, étaient généralement en charge des visites quasi quotidiennes aux détenus… les plus solvables (par exemple, l’un des collaborateurs de maître Maurice Ribet, bâtonnier du barreau de Paris de 1947 à 1949, rendit cent cinquante visites à la prison de Fresnes à Marcel Peyrouton, ministre de l’Intérieur sous Vichy, jusqu’à l’acquittement de celui-ci par la Haute Cour de Justice, le 22 décembre 1948).

     

     

     

     

    L’exécution d’un collaborateur condamné à mort (source : Musée de la Libération de Paris, musée du Général Leclerc, musée Jean Moulin).

    2 L’exécution d’un collaborateur condamné à mort (source : Musée de la Libération de Paris, musée du Général Leclerc, musée Jean Moulin).

     

     

     

    « Le camion s’arrête, nous descendons. Des soldats l’attachent à un poteau, mais si maladroitement qu’ils doivent s’y reprendre à plusieurs fois, tant ils sont bouleversés de découvrir que celui qu’on leur a présenté comme un monstre, est un garçon comme eux. Enfin, la déflagration…Après un lourd silence, je rouvre les yeux, je suis seul avec l’aumônier en face du corps écroulé. Les autres assistants se sont déjà enfuis comme des coupables. Celui qu’on venait de tuer était-il un coupable ? Pour ma part, je pense qu’il était plutôt la dernière victime de la Seconde Guerre mondiale » (témoignage de Georges Cochet, un avocat stagiaire, commis d’office avocat. 1954).

     

     

     

        « Ce qu’il y a de meilleur dans l’avocat, c’est qu’il soit là quand il n’y a plus personne » (Philippe Dumas, auteur et illustrateur contemporain pour la jeunesse). Mais cette fontaine de dossiers à plaider fut aussi, pour les plus loyaux et dévoués des avocats de Paris, chevronnés ou débutants, un calvaire humain et professionnel. 

     

     

            De très jeunes avocats, sans la moindre expérience, commis d’office pour assurer la défense de prévenus dont la condamnation à mort était grandement prévisible, une fois cette peine prononcée, devaient être présents auprès d’eux depuis leur cellule jusqu’au poteau d’exécution. Ils se demandaient alors s’ils n’étaient pas responsables de ce châtiment suprême, faute d’avoir su convaincre les juges par leur plaidoirie, ou même le Président de la République qu’ils avaient saisi d’un recours en grâce (les Cours de Justice prononcèrent 6 773 peines de mort. 767 furent exécutées).

     

     

    D’autres avocats vécurent une autre épreuve. Devaient-ils assurer ou non la défense de traitres et collaborateurs dont ils savaient les causes perdues d’avance ou dont ils détestaient l'engagement politique et/ou le comportement sous l’Occupation. Certains l’acceptèrent au nom de principes professionnels moraux. Par exemple, le bâtonnier Jean Lemaire. Le 16 juillet 1942, après avoir forcé ses enfants à regarder par la fenêtre les policiers français en train de rafler les Juifs pour les emmener au « Vél d’Hiv », il leur avait murmuré : « N’oubliez jamais ». Trois années plus tard, il dut leur expliquer, que s’il venait d’accepter d’assurer, devant la Haute Cour de Justice, la défense du Maréchal Pétain, complice des persécutions antisémites, c’est parce que son métier singulier le conduisait à mettre sa robe au service d’un homme, parce que, quoi qu’il ait fait, c’était un homme, et que cet homme l’avait appelé à l’aide (Le Figaro, 10 juillet 2011, Stéphane Durand-Souffland).  

     

     

     

     

     

     

    « Ne crains pas la justice,  crains le juge » (proverbe russe). Dessin d’Eugène Cottin, Drôleries du Palais : album humoristique. Ed. originale 1900. Source : Gallica BnF.

    3. « Ne crains pas la justice,  crains le juge » (proverbe russe). Dessin d’Eugène Cottin, Drôleries du Palais : album humoristique. Ed. originale 1900. Source : Gallica BnF.

     

     

     

    « Pierre Laval se trouvait en présence de juges qui l'avaient par avance condamné. Devant la partialité, les injures et les menaces de ses juges, il déclara: « Un crime judiciaire va s'accomplir. Je veux bien en être la victime. Je n'accepte pas d'en être le complice ». Il quitta l'audience et, en son absence aussi bien qu'en la nôtre, la Haute-Cour passa à l'audition de trois témoins à charge… Peu près avoir quitté la salle, nous faisions connaître notre refus au président de la Haute Cour et au Procureur général de revenir à l’audience, leur expliquant que l'honneur et le prestige de notre Ordre nous interdisait de nous associer à des débats qui n'avaient de judiciaires que le nom. Le lendemain mardi 9 octobre, Pierre Laval était condamné à mort sans avoir pu faire entendre sa voix. Il a été fusillé le 15 octobre 1945… » (Déclaration du 30 octobre 1945 de Maîtres Jacques Baraduc et Albert Naud, diplômés de la Faculté de Droit de Paris, avocats à la Cour, défenseurs de Pierre Laval, avec Yves-Frédéric Jaffré, lui aussi licencié de la Faculté de Droit de Paris). 

     

     

    Magistrats dans les procès de l’épuration : ombre…   Cerise sur le gâteau, ces avocats de barreau de Paris, en charge de la défense d’épurés, étaient parfois confrontés à une conduite inéquitable de juges du siège ou du Parquet, et de jurés, pleins de rancune, de haine et de désir de vengeance à l’égard des prévenus issus des années noires. Certains de ces juges, qui avaient prêté serment de fidélité à la personne du Maréchal Pétain, le 2 septembre 1941, voulaient sans doute se racheter en sanctionnant, le plus durement possible, les prévenus afin de  plaire au nouveau pouvoir politique en place (acte constitutionnel n° 8 et 9 du 14 avril 1941: "Nul ne peut exercer les fonctions de magistrats s'il ne prête serment de fidélité au Chef de l'Etat").  

     

     

     

     

     

     

    Paul Didier (1889-1961), le seul magistrat français qui avait refusé de prêter serment de fidélité au maréchal Pétain.

    4. Paul Didier (1889-1961), le seul magistrat français qui avait refusé de prêter serment de fidélité au maréchal Pétain.

     

     

    … et lumière : Paul Didier, un Magistrat « Droit ». Au demeurant, le seul magistrat français qui s’était refusé de prêter serment au Maréchal Pétain, au nom de l’indépendance de la magistrature, était Paul Didier, un ancien étudiant de la Faculté de Droit de Paris, qui était entré dans la magistrature en 1919 (mobilisé en 1914, il avait été fait prisonnier pendant la Première Guerre mondiale). Pour cette raison, ce modeste juge au Tribunal de la Seine fut suspendu, le 4 septembre 1941, par Joseph Barthélémy, notre éminent Professeur de la Faculté de Droit de Paris, Ministre de la Justice du gouvernement de Pierre-Étienne Flandin à Vichy. Le surlendemain, Paul Didier fut arrêté et interné au camp de Chateaubriand, sur ordre du Ministre de l’Intérieur, Raphaël Alibert, un ancien étudiant de la Faculté de Droit de Paris qui y avait soutenu sa thèse de doctorat en 1909. Libéré en février 1942, et assigné à résidence dans l’Aude, Paul Didier entra aussitôt dans la résistance active de ce département où il fit preuve d’un courage physique exceptionnel, à la différence de nombre de ses anciens collègues (à la Libération, une épuration disciplinaire sanctionna pas moins de 300 magistrats, soit plus de 10% du corps, et une épuration pénale sanctionna 33 magistrats dont cinq à mort !).

     

     

     

     

     

     

     

     

     Le procès du Maréchal Pétain défendu par le bâtonnier Fernand Payen, Jacques Isorni, et le bâtonnier Jean Lemaire (de gauche à droite), trois ex-étudiants de la Faculté de Droit de Paris (Haute Cour, Palais de Justice, 23 juillet-15 août 1945).

    5. Le procès du Maréchal Pétain défendu par le bâtonnier Fernand Payen, Jacques Isorni, et le bâtonnier Jean Lemaire (de gauche à droite), trois ex-étudiants de la Faculté de Droit de Paris (Haute Cour, Palais de Justice, 23 juillet-15 août 1945).

     

     

     

    Le procès du Maréchal Pétain s’ouvrit, le 23 juillet 1945, devant la Haute Cour de Justice, installée dans la première Chambre de la Cour d’appel de Paris.

     

     

    La Haute Cour était présidée par Paul Mongibaux, premier président de la Cour de cassation, qui avait fait ses études de Droit à Paris, assisté de Charles Donat-Guigue, premier président de la chambre criminelle à la Cour de cassation, qui avait soutenu, en 1909, une thèse de doctorat sur « la femme mariée » à la Faculté de Droit de Paris, et de Henri Picard, premier président de la Cour d’appel.

     

     

    Le jury était constitué de douze parlementaires n’ayant pas voté les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, et de douze non-parlementaires issus de la Résistance.

     

     

           La défense du Maréchal Pétain était assurée par trois avocats du barreau de Paris, le bâtonnier Fernand Payen et deux jeunes avocats Maîtres Jacques Isorni et Jean Lemaire, tous trois anciens étudiants de la Faculté de Droit de Paris :

     

     

       Fernand Payen (1872-1946), était inscrit au barreau de Paris depuis 1892 et avait été premier secrétaire de la Conférence de stage (lauréat du concours d’éloquence des avocats stagiaires), et bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris en 1921/1931.

     

     

       Jacques Isorni (1911-1995), tout juste titulaire de sa licence en Droit s’était inscrit, en 1931, au barreau de Paris où il fut, lui aussi, premier secrétaire de la Conférence de stage. Mobilisé en 1939, il fut rendu à la vie civile après l’armistice et défendit notamment des résistants communistes devant les « sections spéciales » instituées par une loi de Vichy du 14 août 1941. À la Libération, il assura non seulement la défense du maréchal Pétain, mais celle de Robert Brasillach, grand écrivain et petit rédacteur en chef du journal collaborationniste Je suis partout (condamné à mort le 19 janvier 1945 par la Cour d’assise de la Seine, Robert Brasillach fut fusillé le 6 février, après le refus énigmatique de sa grâce par le général de Gaulle).

     

     

       Jean Lemaire (1904-1986), après ses études de Droit à l’Université de Paris, s’inscrivit au barreau de Paris en 1928 et fut premier secrétaire de la Conférence en 1931/1932.  Il a été élu bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris pour l’année judiciaire 1969/1971.

     

     

     

     

     

     

     

    Réquisition du procureur général Mornet au procès du Maréchal Pétain, le 12 août 1945  (source : Mémorial de la Shoah).

    6 Réquisition du procureur général Mornet au procès du Maréchal Pétain, le 12 août 1945  (source : Mémorial de la Shoah).

     

     

     

    Pendant près de deux semaines, vinrent déposer à la barre de nombreux hommes politiques pour témoigner en faveur ou contre le Maréchal Pétain (Edward Herriot, Paul Reynaud, Édouard Daladier, Albert Lebrun, Léon Blum, le général Maxime Weygand, Pierre Laval, Fernand de Brinon, Joseph Darnand…), ainsi que des déportés et des résistants.  

     

     

    Puis, le 12 août 1945, il revint au Procureur général près la Haute Cour de Justice, André Mornet, qui avait fait ses études de Droit à Paris (1er prix de Droit civil en 1889 ; soutenance d’une thèse en 1895 sur « la suspension des peines en cas de premières condamnations et de leur aggravation à raison de la récidive en matière de crimes et de délits »), de requérir contre le Maréchal Pétain.

     

     

    Après s’être attaché à démontrer la trahison du Maréchal Pétain coupable selon lui « d'avoir humilié la France dans le monde, de l'avoir asservie à son vainqueur, non seulement en cédant à ses exigences, mais en allant encore plus loin : en prenant pour modèle, en s'efforçant de copier ses institutions, d'adopter, de s'assimiler ses préjugés et jusqu'à ses haines… », il réclama la peine de mort :« C’est la peine de mort que je demande à la Haute Cour de Justice de prononcer contre celui qui fut le Maréchal Pétain…» 

     

     

     

     

     

     

    Plaidoirie de Maître Jacques Isorni au procès du Maréchal Pétain

                7 Plaidoirie de Maître Jacques Isorni au procès du Maréchal Pétain 

     

     

        Les trois avocats du maréchal Pétain  plaidèrent deux jours durant, les 13 et 14 août. Le dernier à prendre la parole fut Maître Jacques Isorni qui prononça ces mots devenus célèbres :

     

     

    « J'ai entendu, messieurs, un cri jailli de ce côté-ci de la Haute Cour. Un des juges s'est écrié « Et nos morts ! » Ces morts croyez-moi, nous les pleurons ensemble. Mais d'autres Français sont morts, eux aussi, sous les balles allemandes et qui, au moment de mourir, ont crié « Vive le Maréchal ! » Vous avez fait parler les morts. Vous avez appelé à votre barre le témoignage de ceux qui ont été persécutés. Vous avez ramené le souvenir des captifs. Qu'à mon tour, j'appelle à votre barre les vivants, ceux qui ont été libérés, ceux qui ont été protégés. Vous avez entendu la voix des hommes qui sont partis ; laissez-moi entendre celle des femmes qui sont restées. Qu'ils viennent tous aujourd'hui, qu'ils forment cortège au Maréchal et qu'à leur tout, ils protègent celui qui les avait protégés.»

     

     Jacques Isorni conclut alors sa plaidoirie par un appel à la réconciliation générale afin que cesse de couler le sang français : « Vous portez dans vos mains le destin de la France. » 

     

     

     

     

    L’arrêt de la Haute Cour de Justice du 15 août 1945 condamnant le Maréchal Pétain à la peine de mort, à l’indignité nationale et à la confiscation de ses biens (fichier PDF) 

     

     

     

     

    La Cour de Justice délibéra toute la nuit du 14 au 15 août. À  quatre heure du matin, elle revint dans la salle d’audience et le président Paul Mongibaux lu chacun des attendus de l’arrêt (la lecture en sera enregistrée afin d'être diffusée par les ondes dans le monde entier). Reconnu coupable d’avoir entretenu des intelligences avec l’Allemagne, puissance en guerre avec la France, en vue de favoriser les entreprises de l’ennemi… la Haute Cour, par ces motifs, condamna le Maréchal Pétain, à la peine de mort, à l’indignité nationale et à la confiscation de ses biens. Toutefois, tenant compte du grand âge de l'accusé (89 ans), elle émit le vœu que la condamnation à mort ne fut pas exécutée.

     

     

    Cette peine de mort, prononcée contre le Maréchal Pétain, fut commuée, le 17 août 1945, en réclusion à perpétuité, par le général de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire de la République, en raison de son âge et de ses états de service pendant la Première Guerre mondiale (trois des dix-huit peines de mort prononcées par la Haute Cour de Justice furent exécutée [Pierre Laval, défendu par Maîtres Baraduc, Albert Naud et Yves-Frédéric Jaffré ; Joseph Darnand, défendu par Maître Charles Ambroise-Colin ; Fernand de Brinon, défendu par Maître René Floriot]).

     

     

    Transféré et incarcéré seul au fort de Pierre-Levée (aussi nommé fort de la Citadelle) sur l’île d’Yeu, le Maréchal Pétain mourut le 23 juillet 1951 à l’âge de 95 ans. 

     

     

     

     

     

     

    L’avocat sans causes, de Joseph Baju, compositeur et critique musical (1859-1887)

    9. Page de titre de la Grande Scène Comique L’avocat sans causes, de Joseph Baju, compositeur et critique musical (1859-1887).

     

     

    «  Je ne sais que faire et que dire. Je n’ai plus un seul plaidoyer. Je vais commencer par écrire. Prévenant chacun de mes créanciers. Plus de crédit et plus d’argent. Que chacun d’eux au moins me donne le droit de dire mon client » (parole de la chansonnette L’avocat sans causes de Charles Voizo et  Charles Pourny. 1874). 

     

     

       « Nul ne peut s’enrichir sans cause » (C. civ., art. 1303 à 1303-4). Malheureusement (ou heureusement), pour nos étudiants de la Faculté de Droit de Paris, devenus avocats, l’Épuration fut suivie de la période dite de la Désépuration avec la fin des procès des collaborateurs, accompagnée des diverses lois d’amnistie qui annulèrent la plupart des condamnations prononcées (16 août 1947, 5 janvier 1951, 6 août 1953).

     

           Les plus jeunes des avocats du barreau de Paris, qui n’avaient pu s’élever sous l’Épuration à la renommée, ou su « bifurquer » à temps vers le nouveau filon du Droit des affaires, se retrouvèrent donc sans causes* à plaider, autrement dit sans le sous, dans les nouvelles années du baby boom, au grand désespoir de leurs conjoint et p’tiots ! (*dans le langage judiciaire, la cause désigne un procès ou une affaire qui se plaide. L’avocat sans causes est donc un avocat pauvre parce qu’il n’a aucun client).  

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Maître Maurice Garçon lors de sa plaidoirie devant le tribunal militaire de Paris, le 8 mai 1950, au procès de René Hardy, accusé d'avoir dénoncé Jean Moulin à la Gestapo (source : Sylvain Peuchmaurd-AFP, France culture)

    10 Maître Maurice Garçon lors de sa plaidoirie devant le tribunal militaire de Paris, le 8 mai 1950, au procès de René Hardy, accusé d'avoir dénoncé Jean Moulin à la Gestapo (source : Sylvain Peuchmaurd-AFP, France culture).

     

     

     

    Maurice Garçon naquit le 26 novembre 1889. Il fit ses études supérieures à la Faculté de Droit de Paris, et devint, en 1911, avocat au barreau de Paris. Sous l’Occupation, parallèlement à son activité d’avocat, il rédigea au jour le jour un journal intime aux sentiments bien ambigus (Maurice Garçon, Journal 1939-1945. Voir le chapitre LXIV (ou 64). La Faculté de Droit sous l'Occupation (7/7): ses étudiants devenus avocats). Sous l’Épuration, il participa à la défense de René Hardy, soupçonné d’avoir contribué, en juin 1943, à l’arrestation du Grand Résistant Jean Moulin (René Hardy sera acquitté par la Cour de Justice de la Seine, le 24 janvier 1947). Maurice Garçon fut élu à l’Académie française, le 4 avril 1946, juste après avoir dirigé une collection reproduisant des Comptes rendus sténographiques des procès du Maréchal Pétain, de Maurice Papon et de Pierre Laval (Albin Michel. 1945/1946). Il fut encore l’auteur du livre Plaidoyer pour René Hardy (Arthème Fayard. 1950). Il  mourut le 28 décembre 1967.  

     

     

     

       « De l’éloge de soi-même par soi-même ». Quant aux autres  avocats, qui acquirent une certaine notoriété sous l’Épuration judiciaire, ils ne cessèrent de publier des livres de souvenirs dans lesquels ils racontaient les stratégies de défense qu’ils avaient adoptées à l’égard de leurs clients poursuivis pour faits de collaboration ou participation au régime de Vichy (pendant, l’instruction des dossiers, il leur était interdit de dévoiler des pièces confidentielles aux journalistes qui ne cessaient de les harceler !). Le plus étonnant, c’est que ces écrivains en herbe, plus ou moins doués pour l’écriture, trouvèrent moult éditeurs, même pour raconter aux lecteurs les causes qu’ils avaient perdues comme celles de Pierre Laval, de Joseph Darnand, de Fernand de Brinon, ou de Robert Brasillach (tous condamnés à mort et aussitôt fusillés). Tout bien considéré, ils ont donné tort à Honoré de Balzac pour qui : « La gloire d’un bon avocat consiste à gagner de mauvais procès » (in Ursule Mirouet. 1841).

     

     

     

     

     

    Le Procès Laval : compte rendu sténographique. Collection des Grands Procès publiée sous la direction de Maurice Garçon de l’Académie Française (éditions Albin Michel. 1945/1946).

    11. Le Procès Laval : compte rendu sténographique. Collection des Grands Procès publiée sous la direction de Maurice Garçon de l’Académie Française (éditions Albin Michel. 1945/1946).

     

     

     

     

     

    Jacques Baraduc, Dans la cellule de Pierre Laval (1948. Self éditions).

                      12 Jacques Baraduc, Dans la cellule de Pierre Laval (1948. Self éditions).

     

     

     

    Parfois, ces ouvrages reproduisaient mot à mot les paroles prononcées à chacune des audiences par les accusés, les avocats, les témoins, les juges et les procureurs (sans évidemment leur consentement, ni partage des droits d’auteurs !). Aujourd’hui, ils embouteillent les sites de livres d’occasion en ligne. Pour le vérifier, il suffit de mettre dans votre moteur de recherche l’un des noms suivants d’anciens étudiants de la Faculté de Droit de Paris, avocats du barreau de Paris, qui avaient assuré, jusqu’aux années cinquante, la défense d’épurés, plus ou moins célèbres: Jacques Baraduc, René Floriot, Maurice Garçon, Jacques Isorni, Yves-Frédéric Jaffré,  Albert Naud, Jean-Louis Tixier-Vignancour, Xavier Vallat…

      

     

     Post-scriptum. À bientôt pour les derniers chapitres de cette histoire (sans la moindre prétention scientifique) de la Faculté de Droit de Paris en Images et Cartes Postales Anciennes (ICPA), que je suis en train de préparer en pleine période de confinement pour tuer… le temps (entre temps et jusqu’à l’automne, je posterai également diverses « pages » d’autres catégories de ce blog, qui, heureusement pour moi, sont déjà prêtes) :

     

    Le 23 mai 2020 :

     

    LXVII (ou 67). Cinq Doyens de 1944/1945 à 1970

     

    Quelques jours ou semaines après:

     

    LXVIII (ou 68). Professeurs de Droit des années 1950 en caricatures (1/3)

    LXIX (ou 69). Professeurs de Droit des années 1950 en caricatures (2/3)

    LXX (ou 70). Professeurs de Droit des années 1950 en caricatures (3/3)

     

    Et, pour finir, en décembre 2020 ou en janvier/février 2021 :

     

    LXXI (ou 71). Étudiants en Droit de Paris : du baby-boom de l'année 1945 aux années 1970.

    LXXII (ou 72).  Le nouveau bâtiment rue d’Assas (c. 1960) et la délocalisation partielle à Nanterre (c. 1965).

    LXXIII (ou 73).  La dissolution de l’Université de Paris et de sa Faculté de Droit, le 31 décembre 1970. 


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    Chapitre LXV (ou 65). La Faculté de Droit sous l'épuration (1/2): ses professeurs et ex-étudiants épurés

     

     

     

    « L’épuration laisse une impression de malaise: certains procès sont menés dans une ambiance passionnée et délétère, […] les personnes frappées le plus durement ne sont souvent que des lampistes, alors que beaucoup de donneurs d’ordres passent entre les mailles du filet. Ce malaise explique en partie le fait que pendant longtemps l’épuration soit gommée de la mémoire collective… » (J. Blottire, professeur au lycée Braque d’Argenteuil. Site : Bricabraque, 24/02/2008).

     

     

     

     

     

    La Faculté de Droit sous l'épuration (1/2): ceux qui furent épurés

    1 Libération de Paris, fin août 1944 (source: musée de la Libération de Paris, musée du général Leclerc, musée Jean Moulin).

     

     

    Entrées le 24 août 1944 dans la capitale, les troupes de 2ème Division blindée (DB), commandées par le général Leclerc, obtinrent, le 25 août, la capitulation du général von Choltilz, gouverneur militaire de la garnison du « Grand Paris » (Groβ Paris). Mais ce n’est que le 8 mai 1945 que la Seconde Guerre mondiale prit officiellement fin, en Europe et en France, avec la capitulation sans condition du Troisième Reich.

     

     

     

     

     

     

    Justice contre les collaborateurs : affiche non datée de la Résistance (source: Collection Bibliothèque de documentation internationale contemporaine).

    2 Justice contre les collaborateurs : affiche non datée de la Résistance (source: Collection Bibliothèque de documentation internationale contemporaine).

     

     

    Dans un premier temps, l’euphorie de la victoire s’accompagna de l’épuration sauvage, extra-légale ou extra judiciaire, de plusieurs dizaines de milliers de personnes ayant soit collaboré avec l’occupant (membres du Parti populaire français de Jacques Doriot, du Rassemblement national populaire de Marcel Déat, ou de la Milice française, indicateurs de la Gestapo…), soit exercé des postes à responsabilité auprès des autorités de Vichy, soit été victimes de la colère d’une partie de la population pleine de rancœur après quatre années de honte, de privation et  de souffrance  (par exemple, la tonte de milliers de femmes en pleine rue pour collaboration « horizontale » avec l’ennemi).

     

    Cette épuration sauvage aurait entraîné la mort de plus de 9 000 personnes condamnées, les unes sans aucun jugement (justice au coin du bois ?), les autres après des jugements rendus par des juridictions populaires improvisées  dans le cadre de procédures expéditives mettant à mal les droits de la défense (juges parfois anonymes, éventuellement choisis parmi des résistants partiaux, avocats écartés ou au temps de parole limité, témoins à décharge interdits, absence de recours, exécution immédiate des sentences sur la place publique…).

     

    Dans un deuxième temps, le Gouvernement provisoire de la République française (GPFR), qui dirigera la France du 3 juin 1944 au 27 octobre 1946, substitua à l’épuration sauvage une épuration légale ou judiciaire de la société française (Ordonnance du 26 juin 1944  instituant les cours de justice et les chambres civiques; Ordonnance du 26 août 1944 créant le crime d’indignité nationale et son châtiment : la dégradation nationale assortie de multiples interdictions et déchéances comme la privation des droits civiques et politiques, la destitution et l’exclusion de tous les emplois et offices publics, voire l’interdiction d’être avocat et officier ministériel… ; Ordonnance du 18 novembre 1944 créant la Haute Cour de Justice…).

     

    Ces textes du second semestre de l’année 1944 instituèrent donc deux sortes de tribunaux d’exception :

     

     

     

     

     

     

    La salle des audiences de la Haute Cour de Justice en 1945 (source : Mémorial de la Shoah).

    3 La salle des audiences de la Haute Cour de Justice en 1945 (source : Mémorial de la Shoah).

     

     

    - D’une part, la Haute Cour de justice pour juger le maréchal Pétain, les membres des quatre gouvernements successifs de Vichy, les commissaires généraux, les hauts-commissaires, et leurs complices. Elle était composée de juges professionnels (un magistrat, président, et deux assesseurs) et de citoyens (24 jurés, souvent issus de la Résistance).

     

    La Haute Cour de justice jugea 108 dossiers jusqu’au 1er juillet 1949, prononçant 18 peines de mort. Seules trois d’entre elles furent exécutées (Pierre Laval, Joseph Darnand, Fernand de Brinon). Celle du Maréchal Pétain, prononcée le 15 août 1945, fut commuée, dès le 17 août, par le général de Gaulle, en réclusion à perpétuité en raison de son âge (89 ans) et de ses états de service pendant la Première Guerre mondiale. Transféré le 16 novembre 1945 à l’île d’Yeu au fort de Pierre-Levée, le Maréchal Pétain s’éteindra le 23 juillet 1951 à l’âge de 95 ans (sa tombe sera vandalisée en 2007, et en juillet 2017).

     

     

     

     

    Procès de tout-venant devant une cour de justice en 1945

                            4 Procès de tout-venant devant une cour de justice en 1945

     

     

    - D’autre part, pour l’ensemble des autres personnes, quatre-vingt-dix cours de justice, compétentes pour les infractions relevant du Code pénal dont la peine complémentaire d’indignité nationale, et des chambres civiques des cours de justice, compétentes pour les infractions ne relevant pas du Code pénal dont la peine principale d’indignité nationale. Les cours de justice étaient constituées d’un magistrat qui les présidait, de quatre jurés, d’un commissaire du gouvernement qui faisait office de procureur, et d’un juge d’instruction. Elles devaient suivre la procédure des cours d’assises.

     

    Les cours de justice traitèrent environ 300 000 dossiers pour « intelligence avec l’ennemi » ou « actes nuisibles à la défense nationale ». Plus de la moitié furent classés sans suite. 57 954 furent jugés, donnant lieu à 6 724 acquittements, 6 763 peines de mort (en raison des condamnations par contumace, des commutations et des grâces présidentielles, seules 767 d’entre elles furent exécutées), 12 339 peines de travaux forcés, 2 044 peines de réclusion criminelle, 22 883 peines de prison, et 3 578 peines de dégradation nationale. Quant aux chambres civiques des cours de justice, elles traitèrent près de 70 000 dossiers. Elles prononcèrent 15 701 dégradations nationales à vie et 31 944 dégradations nationales à temps.

     

    De nombreuses personnes condamnées par ces tribunaux d’exception, dont la Haute Cour de Justice, furent immédiatement relevées de leur peine pour des faits de résistance plus ou moins probants (les actes de résistance étant préparés dans le secret, il était difficile d’en rapporter des preuves, sans compter l’illumination divine des prévenus s’étant découverts résistants alors qu’ils l’ignoraient jusque là!). La quasi-totalité des autres personnes condamnées bénéficièrent des diverses lois d’amnistie des 16 août 1947, 5 janvier 1951 et 6 août 1953, fidèles au principe selon lequel «… dans la langue politique, l’oubli s’appelle amnistie » (Victor Hugo, Actes et paroles, 3, 1876, p. 390).

     

     

     

     

     

    Le Corbeau. Affiche originale du film d’Henri-Georges Clouzot sorti en 1943

    5 Le Corbeau. Affiche originale du film d’Henri-Georges Clouzot sorti en 1943 (Imprimeur : St. Martin. Artiste anonyme).

     

     

    Concernant la Faculté de Droit de Paris, sauf erreur de ma part, aucune étude librement accessible en ligne n’aborde la question de l’épuration de ses étudiants, anciens ou contemporains, et de ses professeurs, à l’exception du professeur Joseph Barthélémy et du Doyen Georges Ripert (voir ci-après).

     

    « On vit paraître un genre d’hommes funestes, un groupe de délateurs » (Montesquieu, De l’esprit des lois, Livre XI, chap. VIII, Des accusations dans les divers gouvernements). Pourtant, un secret de polichinelle  révèle que, sous l’Occupation, plusieurs millions de lettres de délation auraient été envoyées à la Gestapo et à la police française.

     

    Personnellement, j’ignore si des membres de la Faculté de Droit de Paris, étudiants, administratifs et/ou enseignants, ont dénoncé des étudiants (ou des professeurs) qu’ils détestaient, ou qu’ils supposaient être membres de l’Armée des ombres (résistants), ou Juifs s’abstenant de porter l’Étoile Jaune imposée par la huitième ordonnance allemande du 29 mai 1942.

     

    J’ignore également si, à la Libération, dans de telles hypothèses, les personnes en cause ont fait l’objet de poursuites devant la Cour de Justice de la Seine pour leurs pitoyables dénonciations et/ou délations (les poursuites judiciaires après guerre pour dénonciation "civique" par un corbeau sous l’Occupation d’une personne ayant transgressé des lois immondes mais valables, soulevaient d’inextricables questions juridiques !).

     

     

     

     

     

    L’entrée principale de la Faculté de Droit de Paris, rue Saint Jacques (photographie de Charles Joseph Antoine Lansiaux. Musée Carnavalet).

    6 L’entrée principale de la Faculté de Droit de Paris, rue Saint Jacques (photographie de Charles Joseph Antoine Lansiaux. Musée Carnavalet).

     

     

    En revanche, il est établi que, à la Libération, les tribunaux d’exception ont jugé deux catégories de personnes en relation avec la Faculté de Droit de Paris. D’une part, plusieurs de ses professeurs en raison de leur participation aux gouvernements successifs de Vichy. D’autre part, plusieurs de ses anciens étudiants qui, pendant l’Occupation, avaient rejoint Vichy, ou, plus étonnamment pour de jeunes juristes, la Légion des Volontaires Français (L.V.F.).

     

     

     

     

    Le Professeur Joseph Barthélémy, Gardes des Sceaux, à Vichy

    7 Le Professeur Joseph Barthélémy, Gardes des Sceaux, à Vichy (à gauche de la photographie, en première ligne).

     

     

    C’est ainsi que deux  professeurs de la Faculté de Droit de Paris firent l’objet de poursuites devant la Haute Cour de Justice en raison de leur participation aux gouvernements de Vichy (voir leur biographie détaillée dans le précédent chapitre LXIII (ou 63). La Faculté de Droit de Paris sous l’Occupation (5/7) : l’exclusion des Professeurs juifs).

     

     

    D’une part, le Professeur Joseph Barthélémy, ministre de la Justice de janvier 1941 au 27 mars 1943 dans les gouvernements de Pierre-Étienne Flandin,  de l’Amiral François Darlan et de Pierre Laval. Dans cette fonction, Joseph Barthélémy avait été l’un des signataires de la loi du 2 juin sur le statut des Juifs, et de celle d’août 1941 portant création des sections spéciales des Cours d’appel devant lesquelles aucun recours n’était possible.

     

    En 1943, après avoir quitté Vichy, Joseph Barthélémy revint enseigner à la Faculté de Droit de Paris, et ce jusqu’à la fin de la guerre. Mais, à la Libération, il sera révoqué de son poste de Professeur de Droit, puis incarcéré, le 8 octobre 1944, dans l’attente de son procès devant la Haute Cour de Justice. Toutefois, comme il mourut d’un cancer, le 14 mai 1945, avant la tenue de ce procès, toutes les accusations pénales contre lui s’arrêtèrent (le décès d’un prévenu éteint l’action publique, faute pour lui de pouvoir se défendre). 

     

     

     

     

     

    Le Doyen Georges Ripert, secrétaire d’État à l’Instruction publique et à la Jeunesse, à Vichy

    8 Le Doyen Georges Ripert, secrétaire d’État à l’Instruction publique et à la Jeunesse, à Vichy (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, extraite de l’ouvrage Nos Maîtres de la Faculté de Droit de Paris. LGDJ, 1931. En libre accès sur gallica.bnf.fr.).

     

     

    D’autre part, le Doyen Georges Ripert, secrétaire d’État à l’Instruction publique et à la Jeunesse, du 6 septembre 1940 au 13 décembre 1940, dans le premier gouvernement de Pierre Laval. Dans cette fonction, il avait signé et adressé aux recteurs et aux inspecteurs d’académie, le 21 octobre 1940, une circulaire signée de sa main précisant les modalités de mise en œuvre, dans les écoles, lycées et universités, de l’exclusion des fonctionnaires regardés comme Juifs, prévue par l’article 2 de la loi du 3 octobre 1940 sur le statut des Juifs (en application de cette circulaire, tous les enseignants Juifs de France, y compris ceux des Facultés de Droit, furent révoqués le 18 décembre 1940 : voir le chapitre LXIII (ou 63). La Faculté de Droit de Paris sous l’Occupation (5/7) : l’exclusion des Professeurs juifs).

         

    Le Doyen Georges Ripert fut arrêté le 16 novembre 1944 et jugé « pour haute trahison » par la Haute Cour de Justice, le 21 mai 1947. Pendant cette période, il fut suspendu de toutes fonctions à la Faculté de Droit de Paris (du 17 octobre 1944 au 1er janvier 1948). La Haute Cour de Justice prononça un non lieu en sa faveur pour « faits de résistance » (aucune note sténographiée du procès n’ayant été établie, ces faits restent inconnus). Il fut aussitôt réintégré à la Faculté de Droit de Paris. Il fit valoir ses droits à la retraite en 1948, et, selon un rituel réservé aux plus grands Professeurs de Droit de l’Université de Paris, ses collègues lui offrirent, en 1950, un livre d’ami (liber amicorum) qu’ils avaient rédigé en son honneur, intitulé Études Ripert : le  droit français au milieu du XXème siècle. Le Doyen Georges Ripert mourut le 4 juillet 1958.  

     

     

     

     

     

     

    Jean Bassompierre au cours de son procès devant la Cour de Justice de la Seine

    9 Jean Bassompierre, docteur en Droit de l’Université de Paris, Officier de la Division Charlemagne, Inspecteur général de la Milice, condamné à mort et fusillé en 1948 (Jean Bassompierre au cours de son procès devant la Cour de Justice de la Seine).

     

    D’anciens étudiants diplômés de la Faculté de Droit de Paris furent également poursuivis devant les tribunaux d’exception en raison de leurs agissements pendant l’Occupation.

     

          L’un d’entre eux était Jean Bassompierre. Né le 23 octobre 1914 à Honfleur, il fit ses études à Paris, au lycée Jeanson-de-Sailly, puis à la Faculté de Droit de Paris jusqu’à son doctorat. Mais, en 1938, à la suite de son service militaire, il renonça aux métiers du droit, pour celui des armes. Lieutenant dans un bataillon d’alpins de forteresse (B.AF.), au tout début de la guerre, il fut démobilisé le 15 août 1940, après l’armistice. Proche de Joseph Darnand, il participa alors à la création du Service d’Ordre Légionnaire (S.O.L.), avant de s’engager dans la Légion des Volontaires Français (L.V.F.), créée le 27 août 1941. Il y combattit au sein de la division Charlemagne, vêtu de l’uniforme allemand, les soldats russes en Pologne. Décoré de la Croix de Fer, il rejoignit la France et fut nommé, en février 1944, par le gouvernement de Pierre Laval, Inspecteur général de la Milice pour la zone nord. Dans cette fonction, il sera amené à participer à la répression d’une mutinerie au sein de la prison de la Santé qui avait été menée, le 14 juillet 1944, par de jeunes Résistants prisonniers. Cette répression se solda par l’exécution de plus d’une trentaine de rebelles, après un simulacre de procès par une cour martiale improvisée.

     

           À la Libération, Jean Bassompierre ne bénéficia d’aucune clémence des juges de la Cour de justice de la Seine. Condamné à la peine de mort, le 17 janvier 1948, il fut fusillé le 20 avril 1948. 

     

     

     

    Xavier Vallat serrant la main du maréchal Pétain, en 1944

    10 Xavier Vallat, Licencié de la Faculté de Droit de Paris, membre du Conseil de l’Ordre des avocats de Paris, Commissaire général aux questions juives de mars 1941 à mai 1942, condamné par la Haute Cour de justice en 1947, amnistié en 1953/1954 (Xavier Vallat serrant la main du maréchal Pétain, en 1944). 

     

           Un autre ancien étudiant de la Faculté de Droit de Paris, qui avait choisi, avant la Seconde Guerre mondiale, un métier du Droit, en l’occurrence celui d’avocat, fut jugé, à la Libération, par la Haute Cour de Justice. Il s’agit de Xavier Vallat  (23 déc. 1891-6 janv. 1972), qui fut,  à Vichy, secrétaire général aux anciens combattants (du 12 juillet 1940 au 20 mars 1941), et Commissaire général aux questions juives (de mars 1941 à mai 1942). Dans cette dernière fonction, il avait notamment participé à l’élaboration des lois frappant les Juifs d’exclusion ou de limitation dans l’exercice des professions judiciaires (interdiction faite aux Juifs de représenter plus de 2% du nombre des avocats non Juifs de chaque barreau de France). 

     

        L’ayant longuement présenté dans le précédent chapitre, je ne rappellerai que les éléments de sa biographie en relation avec l’épuration légale ou judiciaire.

     

        Arrêté le 26 août 1944 à Vichy, Xavier Vallat sera incarcéré à la prison de Fresnes et condamné, en décembre 1947, à dix ans d'emprisonnement et à l’indignité nationale à vie, par la Haute Cour de Justice pour sa participation au gouvernement du Maréchal Pétain en tant que secrétaire général aux anciens combattants. De façon étonnante, il bénéficiera d’une libération conditionnelle, en décembre 1949, assortie d’une interdiction de séjour à Paris qui sera levée en 1952. Plus encore, il bénéficiera de la loi du 6 août 1953 portant amnistie laquelle prendra pleinement effet à son égard le 22 avril 1954. Xavier Vallat est mort le 6 janvier 1972.

     

           Beaucoup de gens ne comprennent pas les raisons de la relative indulgence de la Haute Cour de Justice à l’égard de Xavier Vallat, si ce n’est son état de santé (gravement blessé au front lors de la Première Guerre mondiale), et le savoir-faire de ses deux avocats, Maître André Viénot, membre du Conseil de l’Ordre de Paris de 1937 à 1945, et Maître Max Vitry (plus d’une dizaine d’études en ligne décrivent le procès de Xavier Vallat où l’intéressé justifia à la barre chacun des propos et actes qui lui étaient reprochés, sans chercher à se défausser sur quiconque).

     

     

     

    Henry Lémery

     11. Henry Lémery, Licencié de la Faculté de Droit de Paris et avocat au Barreau de Paris en 1902, Garde des Sceaux en 1934, ministre des Colonies du premier gouvernement de Pierre Laval en 1940, acquitté par la Haute Cour de Justice en 1947 (source de la photographie: Wikipedia).

     

     

        La Faculté de Droit de Paris a encore eu parmi ses étudiants, entre 1897 et 1902, Henry Lémery, originaire de l'ancienne colonie de la Martinique. Il était né, le 9 décembre 1874, à Saint-Pierre, d'une mère qui descendait des esclaves de l'Île (en Martinique, l'abolition de l'esclavage entra en vigueur le 23 mai 1848), et il avait pu suivre ses études à Paris, d'abord au lycée Louis-le-Grand, puis à sa Faculté de Droit. Il devint en 1902 avocat au barreau de Paris, avant de retourner, l'année suivante, à la Martinique. Homme politique, il fut sénateur de la Martinique en 1920 et plusieurs fois ministres jusqu'en 1939, notamment Garde des Sceaux dans le gouvernement d'Union nationale, présidé par Gaston Doumergue en 1934.  

     

         Sous le régime de Vichy, il sera ministre des colonies dans le premier gouvernement de Pierre Laval, du 12 juillet au 6 septembre. Pour cette raison, il sera arrêté à la Libération et emprisonné à la prison de Fresnes en attente de son jugement par la Haute Cour de Justice (tous les ministres de Vichy furent poursuivis devant cette juridiction d'exception). Défendu par Maître Jacques Charpentier, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris de 1938 à 1945, il fut acquitté par la haute Cour de Justice en 1947 pour faits de résistance. Il mourut à Paris, le 26 avril 1972, à l'âge de 97 ans. 

     


      

    Maître Jean-Louis Tixier-Vignancour

    12 Maître Jean-Louis Tixier-Vignancour, ex-étudiant de la Faculté de Droit de Paris, épuré, désépuré, et défenseur d’épurés.

     

     

    Il est encore de notoriété publique que d’anciens étudiants de la Faculté de Droit de Paris, devenus avocats au barreau de Paris avant ou pendant l’Occupation, firent l’objet de poursuites devant les tribunaux d’exception.

     

     

    C’est ainsi que la Conseil de l’Ordre du barreau de Paris eût à connaître, après la guerre, d’un nombre important de dossiers d’avocats incriminés, qui leur étaient transmis par la Chancellerie, la direction des Affaires civiles ou le Parquet de Paris. Toutefois, comme le Conseil de l’Ordre était indépendant vis-à-vis de ces instances, qu’il avait le sens de la solidarité à l’égard de ses confrères, quand bien même des avocats Grands Résistants y avaient été élus en 1945 (par exemple, Paul Arrighi et Albert Joseph Jubineau), et qu’il était doté d’un pouvoir d’imagination propre aux juristes (« Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination », écrivait Jean Giraudoux en 1935), il ne se plia pas de façon consciencieuse aux désidératas de l’administration de la Justice et du ministère public. Par exemple, il put refuser de prononcer des suspensions provisoires, ou, évidemment, de se prononcer avant les tribunaux d’exception saisis de demandes de dégradation nationale. De même, le Conseil de l’Ordre s’attacha à soigneusement justifier ses décisions de réintégration  et d’absence de sanctions de ses avocats mis en cause par le Parquet, d’autant plus qu’elles pouvaient faire l’objet d’appel du Parquet.

     

     

    Cela dit, je mentionnerai un étudiant de la Faculté de Droit de Paris, devenu avocat au barreau de Paris, qui fut frappé d’indignité nationale à la Libération par des tribunaux d’exception. Il s’agit du fameux et très éloquent Jean-Louis Tixier-Vignancour, qui eût le difficile privilège de connaître la justice de l’Épuration sous ses deux facettes : celle d’épuré et celle de défenseur d’épurés.

     

     

     

        Jean-Louis Tixier-Vignancour (12 oct. 1907-29 sept. 1989), est né à Paris et il suivit ses études d’abord au lycée Louis-Le-Grand, ensuite à la Faculté de Droit de Paris où il obtint son diplôme de licence en 1927. Il prêta son serment d’avocat, le 28 juillet de la même année, au barreau de la capitale, et il s’engagea également en politique comme nombre d’avocats pour des raisons qui m’ont toujours échappées (il fut député des Basses-Pyrénées du 27 septembre 1936 au 31 mai 1942).

     

          Après avoir combattu sur le front en 1940 (décoré de la Croix de Guerre avec étoiles d’argent et de bronze pour sa conduite courageuse), Jean-Louis Tixier-Vignancour rejoignit le régime de Vichy (il avait voté à l’Assemblée nationale les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en juillet 1940). Nommé secrétaire général adjoint à l’Information de l’État français, il fut responsable de la radio et du cinéma, et décoré de la Francisque, tout comme son jeune confrère François Mitterrand, également ancien étudiant de la Faculté de Droit de Paris (voir le chapitre  LIV, ou 54 : L’affaire Gaston Jèze et François Mitterrand. 1935-1936).

     

         Ayant quitté Vichy pour la Tunisie en 1941, Jean-Louis Tixier-Vignancour fut arrêté, une première fois, par les Allemands en décembre 1942. Libéré par les Alliés en mai 1942, il fut arrêté, une seconde fois, sur l’ordre du Comité français de libération nationale, installé à Alger, pour sa collaboration passée avec le régime de Vichy. Après dix-huit mois d’emprisonnement, il bénéficia d’un non-lieu assorti de dix ans d’indignité nationale. Toutefois, cette dernière mesure ne l’empêcha pas de rejoindre le barreau de Paris, et d’y assurer la défense d’épurateurs. C’est ainsi qu’il put obtenir, en 1951, l’amnistie de Louis-Ferdinand Céline, présenté aux juges du Tribunal militaire de Paris, à la suite d’une erreur de son Président, sous son vrai nom de Louis Destouches, en se gardant bien de révéler dans sa plaidoirie aux juges béotiens que Louis Destouches n’était autre que le célèbre écrivain, Louis-Ferdinand Céline, adulé par les uns, honnis par les autres !

     

     

           Une fois achevées ses dix années d’indignité nationale qui l’excluaient de toute participation à la vie politique, Jean-Louis Tixier-Vignancour fut réélu député de Basse-Pyrénées, le 2 janvier 1956. Il mena alors tout à la fois une carrière politique  (il fut candidat de l’extrême droite à l’élection présidentielle de 1965), et d’avocat au barreau de Paris multipliant la défense de causes les plus populaires et/ou politiques (procès des barricades en 1960, de l’un des kidnappeurs d’Éric Peugeot en 1961, de membres de l’OAS dont le général Salan en 1962, et de l’attentat du Petit-Clamart en 1963). Il mourut, le 29 septembre 1989, à Paris.

     

     

    À bientôt* pour le chapitre LXVI (ou 66). La Faculté de Droit sous l'Épuration (2/2): ses ex-étudiants devenus avocats-défenseurs d’épurés.

            * sans doute le samedi 21 mars (je suis en train de le rédiger).