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    Le notaire provincial selon Octave Mirbeau (Dingo. 1913)

    1 Maître Authenticus, notaire à Trou-en-Cambrousse (image publicitaire enfantine Chocolat-Louis. Circa 1900) 

                   

    « Je jure de Loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité, et d’observer en tout les devoirs qu’elles m’imposent » (le serment de notaire. art. 57. Décret du 5 juillet 1973).

     

    En cliquant sur la fonction image de Google, avec les deux mots : notaire et roman, je suis tombé, à plusieurs reprises, sur la couverture d’un livre d’Octave Mirbeau, Dingo, qui m’était inconnu. Je suis aussitôt allé sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France pour y télécharger gratuitement le fichier PDF de ce livre, libre de droit (il est également disponible sur cet autre site de manière plus claire : http://www.leboucher.com/pdf/mirbeau/dingo.pdf). 

     

    Puis, en mettant le mot notaire dans l’onglet recherche de mon lecteur de fichier PDF, j’ai fait deux découvertes. D’une part, Octave Mirveau, petit-fils de deux notaires provinciaux, afin d’accéder à son tour au notariat, avait été étudiant à la Faculté de Droit de Paris. D’autre part, dans son dernier roman, Dingo, il a longuement décrit, à sa manière « vacharde enragée », le notaire rural ou provincial.

     

         Je n’ai pas osé intégrer ce roman au précédent chapitre 41 « Romancerie de Notaires » consacré aux romans dits populaires ou d’imagination. En effet, Octave Mirbeau fait plutôt partie du cercle des auteurs inclassables, à cheval entre la catégorie littéraire ou classique, et celle populaire  avec  des romans qui ont connu de grands succès comme « Le journal d’une femme de chambre ». Voici donc la raison pour laquelle je réserve ce chapitre à Octave Mirbeau et à son chien de race dingo qui, comme son maître, n’aimait pas les notaires !

     

     

     

     

     

    Sébastien Roch d'Octave Mirbeau. 1890

    2 Sébastien Roch, d’Octave Mirbeau. 1890 (En libre accès sur le site gallica.bnf.fr.).

     

    “Malgré son trouble, Sébastien ne pouvait s’empêcher de remarquer malicieusement que cette piété exaltée, que ces ardentes extases divines s’accordaient difficilement avec le plaisir plus laïque, de fumer des cigarettes et de boire des verres de liqueur. Et l’agitation insolite du Père, le frôlement de ses jambes, cette main surtout, l’inquiéta. Cette main surtout l’inquiéta. Cette main courait sur son corps, d’abord effleurante et timide, ensuite impatiente et hardie. Elle tâtonnait, enlaçait, étreignait.”  

     

            Octave Mirbeau est né le 16 février 1848 à Trévières, dans le Calvados. Son père était officier de santé, autrement dit médecin, et ses deux grands-pères notaires. Après avoir passé une partie de son enfance à Rémalard, dans l’Orne (de 1849 à 1858), il entra, en octobre 1859, comme pensionnaire au collège des Jésuites de Vannes, d’où il fut renvoyé, le 9 juin, sous prétexte de mauvaises notes.

     

    Dans son troisième roman, Sébastien Roch, paru en mars 1890, Octave Mirbeau se révèle alors sous le personnage d’un enfant détruit par ses années passées dans un collège de jésuites et les viols de son esprit et de son corps par l’un des prêtres qui le fit chasser honteusement du collège, pour de prétendues “amitiés particulières” qu’il aurait lui-même entretenues avec son seul ami et confident, l’élève Bolorec. Cette expérience destructrice pourrait expliquer la plume au vitriol avec laquelle Octave Mirbeau, à l’âge adulte, dénoncera, dans ses écrits, nombre de sujets tabous de la Belle Époque.

     

     

     

     

     

    Octave Mirbeau, jeune étudiant en Droit au Quartier Latin

                  3 Octave Mirbeau, jeune étudiant en Droit au Quartier Latin.

     

    Après son renvoi du collège des Jésuites de Vannes, Octave Mirbeau fut pensionnaire au collège Delangle de Caen où il prépara son baccalauréat. Ce n’est qu’à sa troisième tentative qu’il obtint, en 1886, ce premier grade universitaire (le mot baccalauréat serait une altération du bas-latin bachalariatus, désignant un rang de débutant d'abord dans la chevalerie, puis dans la hiérarchie religieuse et universitaire. Émile Littré).

     

     

     

     

     

     

    L’étudiant en Droit polard ou bûcheur

    4 L’étudiant en Droit polard ou bûcheur (autrefois, des étudiants en droit portaient la faluche avec liséré rouge).

     

     

    Étudiant en Droit : celui qui étudie le Droit (Émile Littré). Il s’inscrivit, en 1867, à la Faculté de Droit de Paris, place du Panthéon, afin de devenir notaire comme ses deux grands-pères. Mais les cours de ses Professeurs et les Codes l’ennuyaient tellement qu’il abandonna bien vite le statut de polard (étudiant qui passe tout son temps dans ses bouquins) pour celui de festif (étudiant qui passe tout son temps à boire et à s’amuser).

     

     

     

     

     

     

    Joyeux étudiant au Quartier Latin (dessin de Paul Merwart. 1896). 

        5 Joyeux étudiant au Quartier Latin (dessin de Paul Merwart. 1896).

     

    Il faut que jeunesse se passe. Adieu donc les bancs de la Faculté, son Doyen et ses Professeurs en robe rouge et noire, les notes de cours, les examens de Droit et les espérances d’une charge de notaire provincial en redingote de casimir noir et cravate blanche. Octave Mirbeau préféra partir à la découverte des plaisirs du Quartier Latin.

     

     

     

     

     

     

    Octave Mirbeau, en 1916, un an avant sa disparition (16 février 1917).

      6   Octave Mirbeau, en 1916, un an avant sa disparition (16 février 1917).

     

    Mais Octave Mirbeau attrapa surtout au Quartier Latin le virus de l’écriture (du latin virus : suc, bave, poison) au vitriol (sels métalliques du nom de sulfate) pour lequel, aujourd’hui encore, il n’existe aucun remède, à l’exception de la censure officieuse de la presse et de l’édition. Jean-Paul Sartre, dans « Les mains sales », écrira même qu’Octave Mirbeau était « irrécupérable » !

     

    D’abord, Octve Mirbeau exerça comme « prolétaire de lettres », rédigeant, sous la signature d’autres personnes, des éditoriaux, des comptes rendus des Salons de 1874, 1875 et 1876 (il s’y prit de passion pour Corot, Puvis de Chavannes et Manet), des brochures de propagande bonapartiste, etc.

     

    Ensuite, sous son nom, il rédigea des articles dans divers journaux (L’Ariégeois-Querelles clochemerlesques ; Le Gaulois, Paris Journal, Le Figaro d’où il fut chassé après  un article à scandale contre la cabotinocratie ; Paris-Midi–Paris-Minuit; Les Grimaces).

     

    Puis, comme auteur anonyme, il écrivit, de 1881 à 1886, plus d’une dizaine de romans (notamment La belle Madame Le Vassart), et de contes et nouvelles (Noces parisiennes et Amours cocasses).

     

    Enfin, à partir de 1886, il fut l’auteur, sous son nom, de nombreux romans dont certains connurent de grands succès de ventes et parfois de scandales (Le Calvaire [1886] ; Le Jardin des supplices ([1899] ; Le Journal d’une femme de chambre [1900] ; Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique  [1901]), et de pièces de théâtre (triomphe mondial avec Les affaires sont les affaires [1903]), tout en continuant à manier ses autres plumes de journaliste, de pamphlétaire et de critique d’art défenseur des impressionnistes.

     

     

     

     

     

     

    Dingo, d’Octave Mirbau (édition de l’an MCMXIII [1913], Henri Jonquières & Cie, éditeurs. Paris).

    7. Dingo, d’Octave Mirbau (édition de l’an MCMXIII [1913], Henri Jonquières & Cie, éditeurs. Paris).

     

    C’est en mai 1913, alors qu’il était malade et tombé dans l’oubli éditorial, qu’Octave Mirbeau publia chez Fasquelle, son ultime roman : Dingo. Il reprit pour cet ouvrage le texte qu’il avait pré-publié en feuilleton dans Le Journal.

     

    Octave Mirbeau n’étant plus en état d’écrire en raison de sa maladie, l’ouvrage fut achevé, sur ses indications, par Léon Werth, un autre auteur de roman, devenu célèbre pour la dédicace que son ami, Saint-Exupéry, lui avait dédié sur la page de garde du Petit Prince, en ces termes :

     

    « À Léon Werth.

    Je demande pardon aux enfants d'avoir dédié ce livre à une grande personne. J'ai une excuse sérieuse : cette grande personne est le meilleur ami que j'ai au monde. J'ai une autre excuse : cette grande personne peut tout comprendre, même les livres pour enfants. J'ai une troisième excuse : cette grande personne habite la France où elle a faim et froid. Elle a besoin d'être consolée. Si toutes ces excuses ne suffisent pas, je veux bien dédier ce livre à l'enfant qu'a été autrefois cette grande personne. Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants. (Mais peu d'entre elles s'en souviennent.) Je corrige donc ma dédicace :

    À Léon Werth quand il était petit garçon »

    — Antoine de Saint Exupéry, Le Petit Prince

     

     

     

     

     

    Le notaire provincial selon Octave Mirbeau (Dingo. 1913)

    8 Dingo, « un chien tout à fait mystérieux et dont l’immoralité est prodigieuse » (Octave Mirbeau).

     

    Tel maître, tel chien.  Le héros de ce roman est Dingo, le chien bâtard d’Octave Mirbeau. Le narrateur du roman en profite pour révéler les pensées de ce chien et dialoguer avec lui. Mais les pensées et les paroles de Dingo ne sont rien d’autres que celles d’Octave Mirbeau, qui en profite pour dépeindre avec son humour dévastateur, renforcé par celui de Léon Werth, le notaire rural ou provincial.  

     

     

     

     

     

     

    Antichambre  de notaire provincial (Emmanuel  Fougerat. Salon de Paris. 1908)

    9 Antichambre  de notaire provincial (Emmanuel  Fougerat. Salon de Paris. 1908).

     

        C’est donc par l’intermédiaire de son chien Dingo qu’Octave Mirbeau s’en prend au notaire rural ou provincial, durement et sévèrement avec une teinte d’ironie aigre. En voici des extraits, illustrés d’images et de chromos anciennes dont aucune n’est tirée des diverses éditions de ce livre.

     

     

     

     

     

    44 Le notaire provincial selon Octave Mirbeau (Dingo. 1913)

                               10 Maître Léonce Vertbled, notaire à Ponteilles

     

           Maître Anselme Joliton était notaire à Ponteilles depuis douze ans. Il avait succédé à maître Léonce Vertbled. Selon le rythme habituel, maître Vertbled, après vingt années d’exercice loyal et de confiance universelle, était parti un matin d’avril — ô joies du printemps — avec tout l’argent déposé dans son étude, tout l’argent de la Fabrique, dont il était le trésorier, tout l’argent d’un certain baron de Vissepet dont il gérait les propriétés, pour le compte de qui il touchait fermages, arrérages et redevances, et qui se tua, le pauvre baron, découragé à la pensée qu’il devrait désormais les toucher lui-même, ce dont il ne se sentait pas capable…

     

        Le plus douloureux, ce n’était pas ce que maître Vertbled emportait, c’était ce qu’il laissait… Non seulement maître Vertbled était un génial voleur, c’était un puissant ironiste. Il laissait une situation tellement inextricable, au point de vue des attributions hypothécaires, et même des origines de la propriété dans tout le canton, qu’il en résulta de nombreux procès, dont quelques-uns se plaident encore, se plaideront longtemps, se plaideront peut-être toujours. Presque tout le pays fut ruiné, plus que ruiné, bouleversé de fond en comble. Il semblait qu’une révolution sociale fût passée sur lui. Par suite de faux, par suite de manœuvres frauduleuses, comme on n’en avait pas encore vu jusqu’ici, il arriva que certains furent dépouillés de terres qu’ils possédaient de père en fils, légitimement. D’autres se virent attribuer des terres qu’ils ne possédaient pas. Personne ne savait plus ce qu’il avait ou ce qu’il n’avait pas. Effroyable gabegie, dont on ignore à l’heure actuelle si l’on sortira un jour…

     

     

     

     

     

    44 Le notaire provincial selon Octave Mirbeau (Dingo. 1913)

                               11 Maître Anselme Joliton, notaire à Ponteilles

     

            C’est dans ces conditions difficiles que maître Anselme Joliton, clerc principal dans une petite ville de la Touraine, arriva, inconnu à Ponteilles. Il ne fut pas accueilli à coups de fourche; on le reçut comme un sauveur. Un moment, on avait même craint qu’il n’arrangeât la situation extraordinaire laissée par maître Vertbled, qu’il remît les choses à leur vraie place, les propriétés à leurs véritables propriétaires. Par bonheur, il n’en fut rien. Cette situation, il la compliqua encore. Cela lui valut d’emblée la confiance de tout le monde. Durant douze ans d’ailleurs, il se montra digne de cette confiance. On se disait ce qu’on s’était dit de maître Vertbled, ce qu’on s’était dit du prédécesseur de maître Vertbled, ce qu’on s’était dit de tous les notaires qui, depuis qu’il y a des notaires, s’étaient succédé à Ponteilles… — Au moins, celui-là… à la bonne heure!...

     

     

     

     

     

    44 Le notaire provincial selon Octave Mirbeau (Dingo. 1913)

                    12 Maître Anselme Joliton et son épouse, la notairesse.

     

         … Maître Anselme Joliton était un homme de quarante-cinq ans, rondelet, grassouillet, obséquieux. Il avait conservé la mode ancienne des redingotes très longues et des cravates blanches. Un chapeau haut de forme en feutre mat couvrait en toutes saisons, à toutes heures du jour même les plus matinales, sa tête ronde, strictement rasée, qu’encadraient sur la nuque, d’une oreille à l’autre, des boucles de cheveux châtains, prématurément mêlés de cheveux gris. La mine papelarde, le nez charnu, l’oreille plate et détachée, la peau d’une graisse un peu jaune, la bouche toute mouillée de politesses, toute fleurie de sourires, le linge douteux, il avait l’air d’un chanoine. Un chanoine parfois un peu triste. Marié, sans enfants, on ne voyait jamais sa femme qui, malade, disait-on, d’une neurasthénie incurable, passait ses journées à pleurer, étendue sur une chaise longue, dans sa chambre, dont les persiennes restaient toujours fermées. Il vivait modestement. La domesticité se composait d’une femme de ménage et du second clerc, qui s’initiait aux mystères du notariat, en balayant la maison et cirant les chaussures, en s’occupant du cheval et de la voiture. Il s’occupait aussi du jardin… Ah! Ce n’était pas l’existence que maître Anselme Joliton avait rêvée. Il eût aimé recevoir des amis… donner quelques dîners intimes à des clients importants et sympathiques. Bien à regret, il avait dû renoncer à ces joies, justement à cause de sa pauvre, de sa chère malade, incapable de diriger la maison et qui ne voulait voir personne. — Une vie brisée… soupirait-il… Par malheur, on ne me laisse pas l’espoir du moindre changement… C’est bien triste… Mais chacun a sa croix sur la terre… Et il ajoutait, en rassemblant dans son regard résigné toutes les mélancolies qui sont éparses dans la vie : — Tout de même… Je n’ai pas eu de chance… Nous aurions pu être heureux… Ma femme était si bonne musicienne… Elle joue du piano, comme un ange…

     

     

     

     

     

    Le notaire provincial selon Octave Mirbeau (Dingo. 1913)

    13 Maître Anselme Joliton en voyage d’affaires à Paris : « Alors, enfant volage et sans scrupules, tu n’as pas honte de me tromper, moi un homme marié » (Le Rire, 7 avril 1906. Dessin de Lucien Métivet. Source gallica.bnf.fr.).

     

      Au moins une fois par semaine, il allait à Paris, très luisant, très pommadé, très brossé, sous le bras une lourde serviette de maroquin, bourrée de papiers. Comme on le plaisantait sur ces très fréquents voyages, il répondait avec une expression de lassitude et d’ennui : — Les affaires!… ah! les affaires!… Le travail… je n’ai plus que ça… Que voulez-vous? On sut plus tard — trop tard — que les affaires de maître Anselme Joliton — histoire banale — c’était une petite téléphoniste qu’il entretenait d’amour et de quatre-vingt-dix francs par mois… Une petite femme de seize ans, sa payse de la Touraine, qu’il trompait d’ailleurs avec des dames plus élégantes des Folies-Bergère, de l’Olympia et du bal Tabarin.

     

     

     

     

     

    Chez le notaire rural, huile sur toile de Jossot, 1911

    14 Chez le notaire rural, huile sur toile de Jossot, 1911. « Le paysan croit en Dieu, parce que Dieu parle en latin; il croit au notaire, parce que le notaire écrit en jargon » (Octabe Mirbeau. Dingo).

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La fourrière des chiens (Grandville.1842)

                                  15 La fourrière des chiens (Grandville.1842)

     

     

     

     


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    42 L’& cætera des notaires… et des profs de droit !

                   1.  L’ A, B, C, des métiers : N comme Notaire, etc., etc.,  etc.,

     

    « L’acquéreur s’interdit tout recours, toute demande de restitution ou de remboursement, etc., etc., etc.»

     

      

     

          

    Dieu nous garde d'un et cetera de notaire   Et d'un quiproquo d'apothicaire !

                       

                       2       Dieu nous garde d'un et cetera de notaire 

                               Et d'un quiproquo d'apothicaire !  (Proverbe 1665)

     

                  Autre formulation plus ancienne :

     

                     De plusieurs choses Dieu nous garde

                     De et cætea  du notaire

                     De qui pro quo d’apoticaire* 

         (sans "h"ou apotecaire, ancêtre de notre pharmacien) 

     

     

           &/c, &c,  &ca, etc., etc., etc. 45 chapitres consacrés, tout au long de cet été, sous le soleil voilé de la côte d’Opale avec un pic de chaleur à 21° (eau de mer maintenue à 16°/17°) lors des  45 canicules successives du siècle, aux Notaires en images et cartes postales anciennes !

     

            Il me faut, aujourd’hui, terminer cette affaire notariale et estivale car d’autres dossiers me demandent. Je dois notamment reprendre mon histoire de la Faculté de Droit de Paris (prochaine fournée à compter du 1er Novembre 2019) et préparer, dans la rubrique des Gens de Justice, des études imagées consacrées aux Huissiers de Justice, avec l’incontournable Cadet Roussel, aux Avoués, aux Juges & Procureurs, aux Avocats, aux éminents Profs' de Droitetc., etc., etc.  

     

     

     

    42 L’& cætera des notaires… et des profs de droit !

                           3  Lecture par le Notaire de l’acte et de ses... etc.  

     

    Je conclurai donc avec les termes etc., etc., etc., abréviations des mots et cetera, et cætera, et caetera, et cœtera, etc., etc., etc.

     

    Issus du latin médiéval, ces termes signifient « et les autres choses manquent ». Ils sont utilisés pour montrer qu’une énumération n’est pas exhaustive, que l’on omet d’autres choses et que ce surplus est sous-entendu.

     

     

     

     

     

    42 L’& cætera des notaires… et des profs de droit !

    4. Acte de notaire en latin sur parchemin, avec & cætera et seing manuel (partage entre Roger, premier comte de Foix, et Pierre, évêque de Gérone, de l’héritage de leur père et de leur frères, comtes de Carcassonne. Année 1031).

     

     

    Beaucoup de gens ignorent que ces termes latins ont été, pendant fort longtemps, en usage dans les actes des notaires. Des clauses de style sous entendues débutaient par les premiers termes, et, pour le surplus, étaient seulement mentionnées les lettres abrégées &c, ce que l’on appelait communément l’& cætera des notaires.

     

    L’origine de cette pratique tenait à ce que, dans une première étape, le notaire, en présence des parties à l’acte, prenait note de leurs intentions sur une feuille, la minute, sans y transcrire toutes les clauses de style nécessaires à la validité de l’acte. Il se contentait de joindre les termes & cætera en fin de phrases. Dans une seconde étape, de retour à son étude, le notaire, en l’absence des parties, rédigeait l’instrumentum de l’acte, autrement dit l’original doté de la force exécutoire (avec la délivrance de la grosse).

     

     

     

     

     

    Acte rédigé par Raymond Sirier, notaire public d'Albi (1253)

                   5 Acte rédigé par Raymond Sirier, notaire public d'Albi (1253)

     

     

    De nombreux notaires profitèrent des annonces & cætera de la minute pour ajouter à la grosse des extensions auxquelles les parties n’avaient pas songé. Suite à de nombreux abus, l’article 174 de l'ordonnance de Villers-Cotteret de 1539 a exigé que l'acte soit "mis au long de la minute" et que la grosse ne fasse que reproduire la minute. Puis, la loi du 25 ventôse, an XI, qui régit encore les actes notariés, édicta une interdiction d'utiliser des abréviations. 

     

    On ajoutera que, jusqu’à l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l’ancien article 1135 du Code civil laissait la porte ouverte, par le biais de l’interprétation des conventions, à l’extension des engagements conventionnels « non seulement à tout ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ». Le nouvel article 1188 du Code civil qui le remplace ne prévoit plus aussi nettement une telle extension (« Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral des termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation »). M’enfin, je ne suis plus prof’ de Droit, mais retraité et cela n’a donc plus guère d’importance !

     

     

     

     

     

    42 L’& cætera des notaires… et des profs de droit !

    6 Chrestomathie par M. Blondeau, Membre de l’Institut, Professeur de Droit romain, Doyen de la Faculté de Droit de Paris, etc., etc., (1843. Source : Gallica. Bibliothèque nationale de France). 

     

     

     

     

     

     L’& cætera des notaires… et des profs de droit !

                           7 Chrestomathie par M. Blondeau…, etc., etc.

     

     

    Et les Profs’ de Droit ! D’autres hommes de lois, les toujours éminents Professeurs de Droit, pour les citer, continuent à utiliser les & cætera. D’une part, dans leurs cours à tout bout de champ au grand dam des étudiants connectés à leur smartphone. D’autre part, pour se présenter comme le montre cette première de couverture de la chrestomathie du manuel d’Introduction au droit du Professeur Hyacinthe Blondeau, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1830 à 1843 (le mot chrestomathie désigne un « Recueil de morceaux choisis dans certains auteurs classiques » Émile Littré).

     

     

     

    ET CETERA. Toujours est-il qu’en arrangement final de mon affaire de notaire en 45 chapitres estivaux, voici la scène IV de l’acte II du Don Pasquale de Donizetti sur un livret de Giovanni Ruffini. Elle met en présence un notaire, un vieux garçon Don Pasquale, Malesta, un docteur ami de Don Pasquale, et Norina, une jeune veuve (l’action se déroule à Rome au début du XIXème siècle).

     

     

    Scène IV acte II

    - Scène 4

    Le notaire et les mêmes

     

    MALATESTA

    D’une part, et cetera

    Malatesta

    domicilée et cetera

    et tout le reste 

    et d’autre part, et cetera

    Pasquale da Cornato et cetera

     

    LE NOTAIRE

    et cetera 

     

    MALATESTA

    Avec les titres et les formules habituelles.

     

    LE NOTAIRE

    ....elles.

     

    MALATESTA

    Entre les parties ici présentes

    selon leur volonté et consentantes

     

    LE NOTAIRE

    ....tantes.

     

    MALATESTA

    Une union va se sceller selon la loi.

     

    DON PASQUALE (au notaire)

    Avez-vous écrit

     

    LE NOTAIRE

    Oui.

     

    DON PASQUALE 

    C’est bien

     (il se met à le droite du notaire)

    Ecrivez ensuite:

     (comme s’il dictait)

    et le sus-dit

    de tout ce qu’il possède

    en biens mobiliers et immobiliers

    fait don entre vivants et cède

    à titre gratuit

    à la sus-dite, et cetera

    sa femme bien-aimée

    la moitié dès maintenant

     

    NORINA

    C’est écrit.

     

    DON PASQUALE

    et entend et ordonne....


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    Le Mur des Cons : Cour d’appel de Paris, 19/12/2019

    1 SIMPLE AVEU : « Je me demande si véritablement il n’y a pas quelque chose de gangréné dans notre organisation judiciaire »* (Le Rire, 26 mars 1910. Dessin de L. M. *Déclaration d’Aristide Briand, Garde des sceaux, ministre de la Justice et des Cultes). 

     

     

     

    « Ne crains pas la justice, mais crains le juge » (proverbe russe). Dans la série des arrêts Con…temporains les plus dé…Con…certants, après celui de la Cour de cassation, du 26 février 2020, qui a Con…sidéré que le principe d’égalité des citoyens devant la loi et la justice devait connaître une exception pour garantir la liberté d’expression des Femens politiques de gauche (voir sur ce blog : Liberté d'expression politique et exhibition sexuelle), voici trois arrêts de la Cour d’appel de Paris, en date du 19 décembre 2019, qui viennent Con…firmer les jugements du tribunal de grande instance de Paris du 31 janvier 2019, et Con... currencer la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol (Marius, Fanny et César).

     

     

      Ces arrêts, qui Con… cernent la célèbre affaire dite du « Mur des cons », nous rappellent opportunément que le mot en trois lettres « Con », familier pour les uns, grossier pour les autres, est en usage non seulement en Occitanie en lieu et place du point virgule, et dans toutes les cours de récréation, mais aussi dans les cours de justice.

     

     

     

     

     

    Le Mur des Cons : Cour d’appel de Paris, 19/12/2019

          2 De l’inauguration du « Mur des cons » au Syndicat de la Magistrature

     

     

        On se souvient que les photographies de plusieurs dizaines de personnalités de droite avaient été affichées sur le « Mur des cons » des locaux privés du Syndicat national de la Magistrature, avec diverses mentions dont celle-ci : “avant d’ajouter un con, vérifiez qu’il n’y est pas déjà”.

     

         Un journaliste, invité pour interviewer une magistrate présidente de ce Syndicat, avait discrètement filmé avec son smartphone ce « Mur des cons », et sa vidéo avait été publiée, en avril 2013, sur le site d’information Atlantico (les photographies de ce mur sont librement accessibles en ligne, par exemple sur Google Images).  

     

     

     

     

     

    Le Mur des Cons : Cour d’appel de Paris, 19/12/2019

    3 De l’Honneur de la Magistrature debout* (Le Rire, 19 juillet 1904. dessin de G. Jeanniot**).

     

     

          Le Conseil supérieur de la magistrature, aussitôt saisi par la ministre de la Justice, Christine Taubira, interpellée sur ce sujet à l'Assemblée Nationale, avait refusé de se prononcer, estimant qu’il lui était impossible de « déterminer des responsabilités personnelles » et en conséquence de demander des sanctions.  

      

          Quant au parquet de Paris, il avait requis, en 2015, un non lieu pour la présidente du Syndicat de la Magistrature, qui avait été renvoyée par un juge d’instruction (et la Chambre d’Instruction) devant le tribunal correctionnel pour des faits d’injure publique, en qualité d’éditrice de cet assemblage de photos. Sans doute cette décision n’était-elle pas étrangère au fait que le Syndicat de la Magistrature, ancré à gauche, avait recueilli plus de 25% des voix des magistrats aux élections professionnelles (juin 2013) et que la France était alors sous un régime politique de gauche.

     

     

    * Les membres du parquet, procureurs et substituts, qui se lèvent et se tiennent donc debout sur le parquet de la salle d’audience lors de leurs réquisitions sont surnommés, pour cette raison, « magistrats du parquet », alors que les juges qui eux restent toujours assis lors des audiences sont dits « magistrats du siège ». Quant aux « magistrats couchés », ils désignent, par moquerie, les procureurs ou juges qui, pour plaire au pouvoir politique en place, maître de leurs promotions et mutations dans les tribunaux et villes les plus agréables, prennent les décisions souhaitées par celui-ci (poursuites, non lieux, condamnations, relaxes…).

     

    ** En l’année 1904, sous le bloc des gauches, les affaires judiciaires, susceptibles d’avoir inspiré l’auteur de ce dessin étaient légions : dernières phases judiciaires de l’affaire Dreyfus ; l’affaire Danval ; découverte par le Parquet d’un complot royaliste tramé contre Emile Loubet et la République, etc…  

     

     

     

     

     

     

    Le Mur des Cons : Cour d’appel de Paris, 19/12/2019

    4 Anne-Lorraine. Un dimanche dans le RER D, par Emmanuelle Decourt et Frédéric Pons (éditions CLD, 21 novembre 2008). 

     

     

    « La méchanceté des méchants ». Nos magistrats assis ou debout, apprentis humoristes, n’avaient pas hésité à coller sur leur « mur de la honte » la photographie du général  S., qui avait osé critiquer la justice après le meurtre, le 25 novembre 2007, de sa fille, Anne-Lorraine, une étudiante âgée de 23 ans, dans le RER D, atteinte de 34 coups de couteau portés par un récidiviste après une tentative de viol. Celui-ci, Thierry Devé-Oglou, avait été précédemment libéré après seulement une année de prison alors même qu’il avait été condamné à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour un viol qu’il avait commis sur une jeune fille de 26 ans, dans le même RER D, sous la menace d’un couteau, le 25 janvier 1995.

     

     

     

     

     

    Le Mur des Cons : Cour d’appel de Paris, 19/12/2019

    5 Le billet de 500 euros qu’on ne voit jamais et qu’on peut conserver en cas de condamnation avec sursis.

     

     

    « Comprenne qui voudra » (Paul Eluard). Toujours est-il que le montant de la réparation allouée, le 19 décembre 2019, par les magistrats de la Cour d’appel de Paris à la victime de leur collègue, n’a pas fait rire grand monde (Aucune mention de ces  arrêts sur le site du Syndicat de la Magistrature, au 11 avril 2020. En revanche, un excellent commentaire des questions de droit posées par ces arrêts sur le site Dalloz actualité sous ce lien: Affaire du " Mur des Cons ", condamnation pour injure publique confirmée en appel). Car en effet la prévenue, poursuivie, en sa qualité de représentante du Syndicat de la Magistrature, pour injure publique envers un particulier s'est vue confirmer les deux peines bien légères qui avaient été prononcées par le tribunal de grande instance de Paris, le 31 janvier 2019: l’une sur le terrain de l’action publique : 500 euros d’amende avec sursis (cela signifie qu’elle ne devra pas payer cette amende), l’autre sur le terrain de l’action civile : 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral de la victime. Toutefois, cette sentence n'est pas définitive car les trois arrêts de la Cour d'appel de Paris ont fait l'objet d'un pourvoi en cassation.

     

     

     

    Le Con…finement : une période propice pour lire les trois arrêts de la Cour d’appel de Paris (Pôle 2. Chambre 7), en date du 19 décembre 2019, dans l'affaire du "Mur des cons" :

     

     

     

     

    Dossier/Arrêt n° 19/01374

     

     

     

     

     

    Dossier/Arrêt n° 19/01382

     

     

     

     

     

    Dossier n° 19/01410. Arrêt n° 489/2019 

     





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