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    Quand j'srai grand, j'frai mon Droit et Président de la République

    1. « Quand j'srai grand, j'frai mon Droit et Président de la République » (CPM [carte postale moderne, après 1970], éditée en 1987 par Ubique Group, n° 359, série PU).

     

    « C’est pas dur la politique comme métier ! Tu fais cinq ans de droit et tout les reste est de travers » (Coluche).

     

      Petit Homme deviendra Grand. Comment devient-on Président de la République ? Pour le savoir, il suffit d’étudier les biographies des Présidents de nos trois Républiques successives : soit 25 tranches de vie ! On y découvre au moins cinq bons trucs qui peuvent être cumulés pour accroître les chances d’être élu Chef d’État.

     

     

     

    Quinze Présidents de la République diplômés en droit (1/4)

    2. " Il y a trois classes d'hommes: ceux qui aiment la sagesse, ceux qui aiment l'honneur et ceux qui aiment le gain " (citation de Platon. Photo, années 1900).

     

       Mais avant de vous les présenter, je laisse ce jeune écolier, plein de sagesse, en costume marin du dimanche, vous donner la liste complète des vingt-cinq Présidents de la République, de septembre 1870 à aujourd’hui.

     

    Troisième République : de septembre 1870 à juillet 1940 (14 Présidents)

    1. Adolphe Thiers (1871 – 1873)

    2. Patrice de Mac Mahon (1873 – 1879)

    3. Jules Grévy (1879 – 1887)

    4. Sadi Carnot (1887 – 1894)

    5. Jean Casimir-Perier (1894 – 1895)

    6. Félix Faure (1895 – 1899)

    7. Émile Loubet (1899 – 1906)

    8. Armand Fallières (1906 – 1913)

    9. Raymond Poincaré (1913 – 1920)

    10. Paul Deschanel (1920 – 1920)

    11. Alexandre Millerand (1920 – 1924)

    12. Gaston Doumergue (1924 – 1931)

    13. Paul Doumer (1931 – 1932)

    14. Albert Lebrun (1932 – 1940)

     

    Quatrième République : du 27 octobre 1946 au 4 octobre 1958 (2 Présidents)

    1 Vincent Auriol (1947 – 1954)

    2 René Coty (du 16 janvier 1954 au 8 janvier 1959).

     

    Cinquième République : depuis le 4 octobre 1958 (9 Présidents)

     

    1 Charles de Gaulle (du 8 janvier 1959 au 28 avril 1969)

    2 Georges Pompidou (1969 – 1974)

    3 Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981)

    4 François Mitterrand (1981 – 1995)

    5 Jacques Chirac (1995 – 2007)

    6 Nicolas Sarkozy (2007-2012)

    7 François Hollande (2012-2017)

    8 Emmanuel Macron (premier mandat : 2017-2022)

    9 Emmanuel Macron (second mandat : depuis le 24 avril 2022)

     

     

     

     

    Le rêve des jeunes garçons : la DS de fonction de l’Élysée

    3. Le rêve des jeunes garçons : la DS de fonction de l’Élysée (au fil des ans : DS 19, 21…, SM, C6, DS5, DS7 Crossback).

     

      Premièrement, il faut être un Homme (25 Présidents Hommes, 0 Présidente Femme). En effet, le Président de la République bénéficie d’une voiture de fonction attrayante : la DS, admirée de tous les passants, et à laquelle seuls les hommes s’identifient (les femmes préfèrent les voitures citadines de petit gabarit).

     

        Backporting du 8 août 2022. Avant l’apparition des premières automobiles de fonction présidentielle, l’accès à la Présidence de la République était réservé aux hommes porteurs de barbe et/ou de moustache, autre attribut masculin (les femmes à barbe ne pouvaient se présenter que dans les foires et les cirques). C’est la raison pour laquelle les présidents de la Troisième République portaient soit une moustache, soit une barbe, soit pour les plus audacieux les deux à la fois, (« Olivier observa l’album des Présidents de la République. Il y avait ceux à moustaches simples comme Casimir-Périer, Faure, Doumergue, Deschanel, Millerand, Lebrun, ceux qui avaient en plus une barbe : Mac-Mahon, Doumer, Grévy, Carnot, Loubet, Fallières, Poincaré… » (Robert Sabatier, Les Allumettes Suédoises, Albin Michel, 1969, chapitre 9). Seul, le premier d'entre eux, Adolphe Thiers, glabre mais rouflaquette, dut se contenter de laisser ses pattes de cheveux descendre le long des tempes jusqu'à la joue.

     

     

    Le rêve des jeunes filles : épouser un Président de la République

                 4. Le rêve des jeunes filles : épouser un Président de la République

     

      Substitut aux Cheffes d’Etat. Les Femmes peuvent toutefois accéder au statut de Première Dame, nom donné à l’épouse d’un Président de la République, lui-même Premier Homme de France (à ne pas confondre avec l’Homme de Tautavel !). Elles peuvent également accéder à la fonction de Chef de Gouvernement ou Premier Ministre, sous le titre de Cheffe de Gouvernement ou de Première Ministre (le site officiel, https://www.gouvernement.fr/le-premier-ministre, ignore ces termes féministes). Il en est ainsi, depuis 1871, de deux femmes : Édith Cresson, du 15 mai 1991 au 2 avril 1992, et, Élisabeth Borne, depuis le 16 mai 2022, souvent moquées par nos Hommes Politiques Franchouillards (à ne pas confondre avec l’association HPF créée à Marseille en 1885 pour l’accueil des femmes démunies).

     

     

     

     

    costume blanc d’un candidat romain à la vie politique sous l’Antiquité. Gravure originale de Jacques Grasset de Saint Sauveur [1757-1810]

    5. « Blanc comme neige » (costume blanc d’un candidat romain à la vie politique sous l’Antiquité. Gravure originale de Jacques Grasset de Saint Sauveur [1757-1810]).

     

       Deuxièmement, il faut être Blanc, et ce, non seulement depuis sa naissance, mais encore jusqu’à sa première candidature à la vie politique. C’est étymologique. En effet, le candidat nous vient tout droit de la Rome antique. Chez les Romains, celui qui briguait les charges et les fonctions publiques, en voulant changer de condition, mettait une robe blanche pour visiter ses électeurs. Il était devenu « candidatus », littéralement « blanchi », du mot « candidus » : blanc. Ainsi « vêtu de probité candide et de lin blanc », il était candidat.

     

     

     

    L’Assiette au Beurre, n° 205, du 24 novembre 1906, Les Classes dirigeantes, p. 4

    6. « Je vous présente un petit gaillard qui nous donnera bien de la satisfaction ! Hier, il s'est mis à pleurer en me voyant faire la paye aux ouvriers ! » (Dessin de Louis Malteste. L’Assiette au Beurre, n° 205, du 24 novembre 1906, Les Classes dirigeantes, p. 4).

     

     Troisièmement, il faut être issu d’une famille de la bourgeoisie plus ou moins haute, aisée et/ou dirigeante. Deux exceptions toutefois avec, sous la Troisième République, les Présidents Paul Doumer et Félix Faure, tous deux issus de familles ouvrières ou paysannes modestes*.

     

     * De la société montante : « Le père était paysan, ouvrier dans une manufacture, matelot sur un navire. Le fils, si le père a été laborieux et économe, sera fermier, manufacturier, capitaine de navire. Le petit-fils sera banquier, notaire, médecin, avocat, chef d'Etat peut-être » (Adolphe Thiers. 1848).   

     

     

     

    photographie de classe d’une école privée catholique. 1898. Musée national de l'éducation

    7. Une école de l’égalité sociable (photographie de classe d’une école privée catholique. 1898. Musée national de l'éducation).

     

       Quatrièmement, il est préférable d’avoir suivi ses humanités dans des établissements privés catholiques, le plus souvent sous l’égide de Jésuites. Cette pratique permet d’éviter aux enfants de la bourgeoisie de fréquenter les enfants du bas peuple et de la diversité, accueillis, « sans bourse délier », dans nos écoles publiques. Elle leur assure également un avenir entre le haut clergé, la haute finance et la haute politique (... Ils montent à l'échelle - haute, haute, haute... Charles Cros).

     

     

     

     

    Gustave Flaubert, à l’âge de neuf ans (d’après un dessin de Hyacinthe Langlois, 1895)

    8. Gustave Flaubert, à l’âge de neuf ans (d’après un dessin de Hyacinthe Langlois, 1895).

     « En tout cas, je ferai mon droit, je me ferai recevoir avocat, même docteur, pour fainéantiser un an de plus » (extrait d’une lettre, à son ami Ernest Chevalier, du jeune Gustave Flaubert qui, après avoir été reçu bachelier, prit ses inscriptions à l’Ecole de Droit de Paris, sans grande conviction).

     

      Cinquièmement et surtout, il faut avoir fait son Droit* à l’instar de quinze Présidents de la République sur vingt-cinq ! Par ordre d’entrée en scène : Adolphe Thiers, Jules Grévy, Jean Casimir Perier, Émile Loubet, Armand Fallières, Raymond Poincaré, Paul Deschanel, Alexandre Millerand, Gaston Doumergue, Vincent Auriol, René Coty, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande.

    *sur l’origine de l’expression « faire son droit » :

     

    http://droiticpa.eklablog.com/faire-son-droit-de-l-origine-d-une-expression-francaise-a185534806

     

     

     

     

    L’ennui naquit un jour de l’Université (chromo, vers 1900, Aux Deux passages. Nouveautés. Lyon)

    9. L’ennui naquit un jour de l’Université (chromo, vers 1900, Aux Deux passages. Nouveautés. Lyon).

     

     Premier cours de droit.  « Prenez note s’il vous plaît, je ne répéterai pas deux foigts : le mot droit du latin directum, subventisation de l’adjectif directus, s’écrit sans la lettre g, cinquième consonne de l’alphabet latin, entre le i, troisième voyelle de l’alphabet latin et le t, vingtième lettre de l’alphabet latin, à la différence du mot doigt issu du latin vulgaire ditus, lui-même issu du latin classique digitus ».

     

       Quatorze de ces quinze Présidents obtinrent leur licence ou doctorat à la Faculté de Droit (ou Ecole de Droit) de l’Université de Paris, place du Panthéon, en plein cœur du Quartier latin. Seul Adolphe Thiers, né à Marseille, fit son droit en province, plus précisément à Aix-en-Provence, faute de fac’ de droit à son époque dans la cité phocéenne.

     

     

     

    L’ancien amphithéâtre de l’Ecole libre des sciences politiques, rue Saint-Guillaume à Paris, fierté des années 1890

    10. L’ancien amphithéâtre de l’Ecole libre des sciences politiques, rue Saint-Guillaume à Paris, fierté des années 1890 (en 1933 furent entrepris des travaux à l’origine du grand amphithéâtre Bouty, du nom du Père fondateur de l’Ecole libre, dans les années 1870). 

     

    « La politique est… une science sans principes arrêtés, sans fixité possible ; elle est le génie du moment, l’application constante de la force, suivant la nécessité du jour » (Honoré de Balzac, Louis Lambert. 1832).

     

       Parfois le diplôme de droit de nos Présidents de la République est complété d’un diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris, dit Sciences Po, bien fréquenté par les sieurs un peu snob (par exemple : Paul Deschanel, Georges Pompidou, Jacques Chirac. François Mitterrand, Nicolas Sarkozy, François Hollande), et de bonne mémoire : « Le plus dur pour les hommes politiques, c’est de se souvenir de tout ce qu’il ne faut pas dire » (Coluche). 

     

     

     

    Ecole Polytechnique (chromo Au Bon marché. ND).

                        11 Ecole Polytechnique (chromo Au Bon marché. ND).

     

       « De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure » (Anatole France : Le petit Pierre. 1918). En revanche, nos aspirants à la Présidence de la République sont rarement reçus dans les deux grandes écoles françaises fondées en 1794 : l’Ecole Polytechnique, dite X (trois Présidents sur vingt-cinq : Sadi Carnot, Albert Lebrun, major de sa promotion, et Valéry Giscard d’Estaing), et l’Ecole Normale Supérieure, dite Normal Sup (Georges Pompidou y fut admis en 1931 après une khâgne au Lycée Louis-le-Grand, puis reçu, en 1934, 1er à l’agrégation de Lettres. Emmanuel Macron après avoir raté deux fois le concours d’entrée à Normal Sup se rabattit sur l’École Nationale d’Administration, dite ENA, moins sélective). D’autres, plus rares, furent diplômés de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (deux Présidents : Patrice de Mac Mahon et Charles de Gaulle), voire de grandes écoles de commerce comme l’ESSEC et HEC (un seul Président : François Hollande).

     

    « Le difficile n'est pas de sortir de l'X, mais de sortir de l'ordinaire » (Charles de Gaulle). 

     

     

     

    L’ENA toute nue  (couverture de l’ouvrage d’Odon Valler. Editions du Moniteur. 1977)

    12 « L’ENA toute nue » (couverture de l’ouvrage d’Odon Valler. Editions du Moniteur. 1977).

     

         « L’ENA est morte, vive l’ENA-INSP ». Il est vrai que le Général de Gaulle avait offert, en 1945, aux hommes politiques non admis dans nos deux plus célèbres écoles (X et Normal Sup), une solution de rechange avec l’École Nationale d’Administration (ENA), dont la suppression annoncée par le Président Emmanuel Macron, en avril 2021, s’est transformée en un simple changement de nom : Institut National du Service Public, dit INSP, au grand dam des jeunes athlètes de l’INSEP.

     

        « Les stages autorisent les grandes écoles qui l’imposent durant une scolarité à économiser les frais d’amphis, d’enseignants, d’éclairage et de chauffage » (Philippe Bouvard : Mes dernières pensées sont pour vous. 2017). Ainsi, sous la Cinquième République, furent énarques, plus souvent en stages qu’en cours (stage international de 4 mois, stage entreprise de 2 mois, et stage territoire de 5 mois, soit 11 mois sur les deux années d’études et de vacances), un très grand nombre d’hommes politiques :

    Quatre Présidents de la République : Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, François Hollande, Emmanuel Macron.

    Neuf Premiers Ministres : Jacques Chirac, Laurent Fabius, Michel Rocard, Edouard Balladur, Alain Juppé, Lionel Jospin, Dominique de Villepin, Edouard Philippe, Jean Castex.

    Quatre-vingt-dix-huit ministres, soit 14,6% des six-cent-soixante douze ministres et secrétaires d’Etat qui se sont succédé. 

     

     

     

    Le Petit avocat, Circa 1903 : série de 10 CPA éditée par les frères Neurdein

    13. « Il était un avocat, Tirelirerelire, tirelirelire, Il était un avocat, Tirelirerelire lon lon lon la… » (Le Petit avocat, Circa 1903 : extraite de la série de 10 CPA éditée par les frères Neurdein : http://droiticpa.eklablog.com/le-petit-avocat-serie-cpa-des-freres-neurdein-circa-1903-a148073224

     

       « Que tu sois battu ou content, ton avocat est toujours gagnant » (in. Gabr. Meirier. Trésor des Sentences. XVIème siècle). Toujours est-il que les études de droit permettent à nos jeunes Messieurs, souvent peu inspirés par les maths, les sciences, les lettres, les arts, les armes, et, aujourd’hui, l’informatique, de commencer une carrière d’avocat « pour défendre l’orphelin et la veuve, ou attaquer la veuve et l’orphelin » (légende d’une lithographie d’Honoré Daumier, Les Gens de Justice, parue dans le Charivari, le 1er septembre 1846).

           C’est ainsi qu’onze de nos vingt-cinq Présidents de la République ont endossé la robe d’avocat à 33 boutons en référence à l’âge de la mort de Jésus-Christ : Adolphe Thiers, Jules Grévy, Émile Loubet, Armand Fallières, Raymond Poincaré, Alexandre Millerand, Gaston Doumergue, Vincent Auriol, René Coty, François Mitterrand, et Nicolas Sarkozy.

     

     

     

    Discours aux citoyens (série CPA fantaisie politique)

                       14. " Votez pour moi ! " (série CPA fantaisie politique).

     

    1. Citoyens, ce n’est pas sans émotion que j’aborde cette tribune.

    2. À l’heure où le sort et l’avenir du pays sont une fois de plus déposés entre vos mains

    3. Il importe que les électeurs choisissent pour les représenter des hommes indépendants rompus aux affaires et pouvant avec autorité défendre leurs intérêts.

    Citoyens !  Je suis de ceux là…

    4. Vous ne pouvez faire un choix plus judicieux et placer en de meilleures et plus loyales mains la défense de vos intérêts.

    5. Partisan de la liberté, je la veux égale pour tous.

    6. Tout ce que j’ai d’énergie, je la consacrerai à la défense de vos droits ; je vous en donne ma parole.

    7. Citoyens, venant d’être interrompu dans l’exposé de mon programme, je vais vous relire ce que je viens de vous lire.

     

    « De beaux parleurs qui entrent dans la politique comme on entre au barreau, pour y gagner des rentes, à coups de phrases » (Emile Zola, Germinal, Septième partie, chap. 2. Edition originale de 1885 par Charpentier). Avec ou sans causes à plaider, ils peuvent alors bifurquer vers une autre vie, toujours au service de leur prochain. Non pas la vie associative à titre gratuit, réservée aux personnes altruistes, généreuses et désintéressées, mais la vie politique à titre onéreux. D’abord comme député (depuis le 1er juillet 2022, suite à une augmentation bien discrète : 7 493 euros brut par mois, contre 7 239 jusqu'alors, + 5 373 euros de frais de mandat par mois. Chaque année, la rémunération de nos 925 députés et sénateurs revient à plus d'un milliard d'euros au budget de l'Etat). Puis comme ministre, secrétaire d’État, voire sous-secrétaire d’État (très nombreux sous la Troisième République). Enfin, comble de gloire, ils peuvent accéder à la sinécure de Président de la République, grand maître de l’ordre national de la Légion d’honneur, assisté d’un millier de collaborateurs, dits « Equivalents temps pleins », difficiles à expliquer (parmi eux, sept dédiés à la Première Dame et une vingtaine de cuisiniers).

     

     

    « Ça me dégoutte la politique » (chromo, circa 1900).

                       15. « Ça me dégoutte la politique » (chromo, circa 1900).

     

        « Mon gentil toutou, viens t’prom’ner dehors avec moi avant la bagarre. Ils commencent à parler politique… ». Sauf erreur, aucun d’entre eux n’a partagé cette adorable pensée d’enfants « Ça me dégoutte la politique », enrichie d’une merveilleuse faute d’orthographe : dégoutte au lieu de dégoûte ! (parfois, ce sont les éditeurs et illustrateurs des chromos pour enfants dans les années 1900, qui faisaient involontairement des fautes d’orthographe !).

     

       « Le droit mène à tout, à condition d’en sortir » (blague d’étudiants à partir d’une citation d’Alphonse Allais : « La logique mène à tout, à condition d’en sortir »). Je vous propose donc, par fidélité à la thématique de ce blog (Nos Facultés de Droit), de découvrir les études, en particulier de droit, qui ont été effectivement suivies par nos élus à la fonction de Président de la République, sous la Troisième République (pages 2/5 et 3/5), la Quatrième République (page 4/5), et la Cinquième République (page 5/5).

     

        Ces pages seront agrémentées, dans la mesure du possible, de photographies anciennes représentant nos vingt-cinq Présidents dans leurs jeunes années, de leur berceau aux bancs de la Faculté de Droit de Paris (pour certains d’entre eux aux chaises du Jardin du Luxembourg ou aux terrasses des cafés du Quartier latin ; pour d’autres dans des manifestations ou sur des barricades d'étudiants). Je n’évoquerai pas leur parcours politique, puisque celui-ci est parfaitement présenté dans l’encyclopédie gratuite en ligne Wikipedia, grâce à ses contributeurs anonymes et bénévoles : https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Accueil_principal

     


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    Quinze Présidents de la République diplômés en droit (2/7)

             16 L'Enfance de la Troisième : 1870-1879 (Jacques Chastenet, Histoire de la Troisième République, Hachette, 1952).

     

    Troisième République* : 14 Présidents de septembre 1870 à juillet 1940

    Page actuelle :

    1. Adolphe Thiers (1871 – 1873)

    2. Patrice de Mac Mahon (1873 – 1879)

    Pages suivantes :

    3. Jules Grévy (1879 – 1887)

    4. Sadi Carnot (1887 – 1894)

    5. Jean Casimir-Perier (1894 – 1895)

    6. Félix Faure (1895 – 1899)

    7. Émile Loubet (1899 – 1906)

    8. Armand Fallières (1906 – 1913)

    9. Raymond Poincaré (1913 – 1920)

    10. Paul Deschanel (1920 – 1920)

    11. Alexandre Millerand (1920 – 1924)

    12. Gaston Doumergue (1924 – 1931)

    13. Paul Doumer (1931 – 1932)

    14. Albert Lebrun (1932 – 1940)

    *Pour bien comprendre l’histoire de la Troisième République, je vous invite à lire l’article, clair et sobre, en libre accès, issu de l’Encyclopédie Larousse :

     https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/III_e_R%C3%A9publique/140713

     

     

    « J’ai commencé comme toi, tâche de finir comme moi » (Ancien chromo La Belle Samaritaine).

       17. « J’ai commencé comme toi, tâche de finir comme moi » (Ancien chromo La Belle Samaritaine). 

     

     « Pour devenir Président de la République, il suffit d’être premier partout, tout le temps » (Jean Giraudoux). J’ignore si cette pensée de l’auteur de « La guerre de Troie n’aura pas lieu » (1935), reçu premier du canton de Pellevoisin (département de l’Indre) au Certificat d’Études en 1892, lauréat du concours général en 1902 (premier prix de version grecque), et brillant étudiant de Normale Sup’ et de la Sorbonne, est justifiée pour l’ensemble de nos 25 Présidents de la République de 1870 à 2023 (Albert Lebrun fut major de sa promotion de l’École Polytechnique ; Georges Pompidou, lauréat du concours général en grec, et 1er du concours de l’agrégation de Lettres ; Émmanuel Macron, lauréat du concours général en français).

          En revanche, cette réflexion méconnaît d’autres aspects révélés par leurs biographies respectives. Ainsi que je l’ai évoqué, dans la précédente page, cinq autres éléments s’y retrouvent fréquemment. Être un homme (25 Présidents sur 25), blanc comme neige (25 Présidents sur 25), issu de la bourgeoisie (23 Présidents sur 25). Avoir suivi tout ou partie de ses études primaires et secondaires dans une école privée catholique (22 Présidents sur 25). Avoir fait son droit à l’Université (15 Présidents sur 25), le plus souvent à la Faculté de Droit de Paris (14 Présidents sur 25), et, une fois diplômé, s’être inscrit au Barreau d’un tribunal pour exercer la profession d’avocat (11 Présidents sur 25).

        Je vous propose donc de revenir sur chacun des Présidents de ces trois Républiques (la IIIème, de septembre 1870 à juillet 1940 ; la IVème, du 27 octobre 1946 au 4 octobre 1958 ; et la Vème, ouverte le 4 octobre 1958). Le but de l’exercice est avant tout de découvrir leurs études primaires, secondaires et supérieures, leur ayant permis d’entrer dans une carrière professionnelle (avocats, hauts fonctionnaires, militaires…), et politique (député, ministre, et/ou chef de Gouvernement), couronnée par leur élection à la Présidence de la République, suivie, pour certains d’entre eux, d’une jolie dégringolade.

     

     

    Thiers, Président. Mac Mahon, Président (Ancien chromo Chocolat Guérin-Boutron. Série Célébrités).

      18. Thiers, Président. Mac Mahon, Président (Ancien chromo Chocolat Guérin-Boutron. Série Célébrités).

     

       La page d’aujourd’hui est ainsi consacrée aux deux premiers Présidents de la IIIème République :

       Adolphe Thiers, Président de 1871 à 1873, qui fut « L’un des hommes les plus admirés et les plus injuriés de ce siècle » (Jules Simon).

       Patrice de Mac Mahon, un illustre militaire, Président de la République de1873 à 1879.

     

        « Pas d’chance ». Seulement, je n’ai pu dénicher, dans la toile d’araignée d’Internet (Web), aucune photographie les représentant enfant, adolescent et jeune étudiant (jusqu’à 25 ans environ). En effet, Adolphe Thiers étant né en 1797 et Patrice de Mac Mahon en 1808, les premiers procédés photographiques de fixation des images n’existaient pas encore (Daguerréotype en 1839 ; Ambrotype en 1851 ; Stéréoscopie en 1851 ; Ferrotype en 1852…).

          Tout au plus, ai-je découvert une photographie représentant Adolphe Thiers, en 1872, alors âgé quand même de 75 ans ! (image n° 25), et deux photographies représentant Patrice de Mac Mahon, l’une à l’âge de 57 ans (image n° 28),, l’autre à l’âge de 65 ans (image n° 29), ainsi que celle de l’un de ses quatre enfants, Marie Armand Patrice de Mac Mahon, prise, en 1858, à l’âge de 3 ans (image n° 30).

     

     

     

    Cour de l’Externat du lycée de Marseille où Adolphe Thiers fut élève de 1807/1808 à 1814/1815 (CPA, photo Fabre).

    19. Cour de l’Externat du lycée de Marseille où Adolphe Thiers fut élève de 1807/1808 à 1814/1815 (CPA, photo Fabre).

     

       Souvenirs des premières années. Tant pis pour l’absence de photographies d’Adolphe Thiers, bébé, enfant ou jeune homme, et contentons-nous des biographies écrites évoquant ses premières années. Il était né à Marseille, le 15 avril 1797. Son grand-père, était avocat au barreau d’Aix. Quant à son père, Pierre-Louis Thiers, un négociant aisé, dont la vie s’écoulait dans les plaisirs et les dérèglements, il l’abandonna au berceau, le laissant à sa mère, elle-même issue d’une famille de la bourgeoisie déclassée, ruinée par la Révolution (Adolphe Thiers, enfant naturel, avait été légitimé par son père, Pierre-Louis Thiers, lorsque celui-ci, devenu veuf, épousa sa mère. Adolphe Thiers dira de lui : « Cet homme dont je porte le nom, dont je suis fils, mais qui ne fut jamais mon père et que je ne regarderai jamais comme tel »).

     

       Souvenirs du lycée. En 1807, Adolphe Thiers fut élève de cinquième, seconde division, au lycée de Marseille (aujourd’hui Lycée Thiers), un lycée public qui avait été inauguré le 22 décembre 1802, suite à loi du 11 floréal de l’an X instituant les premiers lycées (loi votée le 1er mai 1802). Il obtint, en 1808, une demi-bourse lui permettant d’y poursuivre ses études (lors de leur création sous Napoléon, les lycées n’étant pas encore gratuits, seules les familles aisées pouvaient subvenir aux droits d’écolage).

         D'abord élève moyen, Adolphe Thiers changea, du tout au tout, en seconde, grâce à son professeur de lettres, un ancien élève de l'Ecole Polytechnique, Pierre-Laurent Maillet-Lacoste (1778-1860), remportant les premiers prix de sa classe. Il sortit du lycée en 1814/1815, après avoir fait, avec un succès brillant, deux années de rhétorique (enseignement de l’art de bien parler), sous le professorat de l'abbé Brunet, plus tard chanoine de la cathédrale de Marseille. Il bénéficia alors des éloges de ses maîtres dont celui, en 1815, de son professeur de rhétorique : « Il réunit aux plus heureuses dispositions pour les sciences et les belles-lettres, l’amour de l’étude et le désir de se distinguer dans une profession honorable. Quelle que soit la carrière dans laquelle il se propose d'entrer, il ne peut manquer de la parcourir avec le plus grand succès ».

     

     

     

    Aix-en-Provence, Faculté de Droit*, place de l’Université, monument Peyrsex** (ancien chromo coloré édité par la Maison Léon & Lévy).

    20. Aix-en-Provence, Faculté de Droit*, place de l’Université, monument Peyrsex** (ancien chromo coloré édité par la Maison Léon & Lévy, sous la célèbre marque LL).

     

    *Aujourd’hui, cette ancienne Faculté de Droit est devenue Sciences Po Aix ou IEP. **Nicolas Claude Fabri [1580-1637], Seigneur de Peiresc (devenu Peyrsec), fut Conseiller du Roi au Parlement de Provence.

     

         Étudiant sans fortune, devenu avocat sans causes. Adolphe Thiers, sur les conseils du proviseur de son lycée, M. Dubreuil, s’inscrivit, en 1815, à la Faculté de Droit d’Aix-en-Provence (à cette époque, l’Université d’Aix n’avait pas encore ouvert un centre de Droit à Marseille, aux 110-114 Espace Canebière). En cela, Adolphe Thiers est le seul des quinze Présidents des IIIème, IVème et Vème Républiques, diplômés en Droit, à ne pas « avoir fait son droit » à Paris, sans doute parce qu’étant sans le sous, il n’avait pas les moyens de subvenir aux dépenses d’hébergement au Quartier Latin ! Il obtint donc, à Aix, le 29 août 1818, son diplôme de licence en droit, et s’inscrivit aussitôt avocat au barreau d’Aix. Il s’essaya en même temps à l’écriture, rédigeant un mémoire sur l’éloquence judiciaire qui fut récompensé par le prix de littérature de la Société des Amis des Sciences et des Arts.

     

      « Paris… À nous deux maintenant ! » (mots prononcés, depuis les hauteurs du cimetière du Père-Lachaise, par Eugène de Rastignac, un jeune provincial sans fortune monté à Paris pour « faire son droit ». Honoré de Balzac, Le Père Goriot. 1835). Mais, sans talent oratoire, Adolphe Thiers n’eut guère de clients (à peine deux ou trois causes à plaider). Aussi décida-t-il de renoncer au barreau et d’aller faire fortune ailleurs. Il s’en confia à l’un de ses amis, Émile Teulon (1793-1877. Premier président de la Cour d’appel de Nîmes en 1848) : « Que peut un jeune ambitieux sans fortune, sans état et sans espérance à Aix-en-Provence? J’éprouve d’ardents besoins et je suis pauvre. J’aimerais les femmes, la table, le jeu et je n’ai point d’or ». Notre jeune Rastignac balzacien (« jeune loup aux dents longues »), Adolphe Thiers, monta alors à Paris, en septembre 1821, après avoir emprunté un peu d’argent à deux amis pour payer son billet de train. 

     

     

     

    Le Constitutionnel – Journal Politique et Littéraire (numéros 1 à 7 de la première semaine du mois de janvier de l’année 1816)

    21. Le Constitutionnel – Journal Politique et Littéraire (numéros 1 à 7 de la première semaine du mois de janvier de l’année 1816). 

     

        Journaliste politique. Arrivé à Paris, le 25 septembre 1821, Adolphe Thiers logea dans une petite chambre au quatrième étage d’un hôtel garni du passage Montesquieu (entre la rue du Cloître et la rue Montesquieu), dans un quartier à cette époque bien sordide (aujourd’hui 1er arrondissement). Grâce aux lettres de recommandations dont il disposait, il fut d’abord engagé comme secrétaire par le duc de La Rochefoucauld-Liancourt. Puis, il tenta sa chance, en décembre 1821, sous la Restauration (1814-1830), dans le journalisme en particulier au Constitutionnel, un quotidien d’opposition libérale, fondé en 1815 pendant les Cent-Jours, qui deviendra, dans les années 1830, le premier quotidien français (tiré à plus de 20 000 exemplaires). Cette voie permit à Adolphe Thiers de mieux gagner sa vie, d’autant plus que son style vif et alerte était, dit-on, fort apprécié des lecteurs (il devint rédacteur en chef de ce journal).

     

     

     

    « La séance est ouverte ; la parole est à Monsieur Adolphe Thiers pour la lecture de son remerciement » (séance solennelle de réception d’un nouvel élu [en l’espèce, Victor Hugo, le 3 juin 1841], à l’Académie française, sous la Coupole, en présence d’un public invité. Dessin d’Hermann Vogel. © Musées de la ville de Paris).

    22. « La séance est ouverte ; la parole est à Monsieur Adolphe Thiers pour la lecture de son remerciement » (séance solennelle de réception d’un nouvel élu [en l’espèce, Victor Hugo, le 3 juin 1841], à l’Académie française, sous la Coupole, en présence d’un public invité. Dessin d’Hermann Vogel. © Musées de la ville de Paris).

     

     Un Immortel… (nom donné à tout membre de l’Académie française en référence à la devise « À l’immortalité » [de la langue française], figurant sur le sceau donné à l’Académie française par son fondateur, le cardinal de Richelieu). Adolphe Thiers écrivit également une Histoire de la Révolution française, publiée en 1823-1824, qui connut un grand succès, avec plus d’une dizaine d’éditions (en libre accès sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France). Cet ouvrage, et sa triple qualité d’avocat, de journaliste et d’homme politique, lui permirent d’être élu, le 20 juin 1833, au 38ème siège de l’Académie, en se dispensant des visites rituelles préalables à chacun des académiciens en poste (« Je fais actuellement le métier le plus bas et le plus ennuyeux, je sollicite pour l’Académie. » Mérimée. Correspondances). 

     

     

     

    « Puisque je ne peux plus y entrer, n’y entre pas non plus, mille pots à tabac ». Alphonse Daudet, auteur de L’Immortel, tentant de dissuader Émile Zola de candidater, à l’Académie française (dessin de J. Blass [Albert Donat, dit], paru dans Le Triboulet, le 5 août 1888).

    23. « Puisque je ne peux plus y entrer, n’y entre pas non plus, mille pots à tabac ». Alphonse Daudet, auteur de L’Immortel, tentant de dissuader Émile Zola de candidater, à l’Académie française (dessin de J. Blass [Albert Donat, dit], paru dans Le Triboulet, le 5 août 1888).

     

    … Cabotin. Adolphe Thiers rejoignit de la sorte la troisième catégorie des Immortels moqués par Alphonse Daudet : « C’est ainsi que dans l’intimité des bureaux (de l’Académie), se subdivise l’Académie française ; les Ducs, ce sont tous les gens de noblesse et l’épiscopat ; les Petdeloup comprennent les professeurs et savants divers (le pet-de-loup désignait à l’époque un vieil universitaire ridicule) ; par Cabotins, on entend les avocats, hommes de théâtre, journalistes, romanciers. » (Alphonse Daudet. L’Immortel. Chapitre III. Paris, 1888, Lemerre. Ce roman ferma pour toujours les portes de l’Académie française à son auteur !).

     

     

     

    Adolphe Thiers à l’âge de 33 ans.

                                                           24. Adolphe Thiers à l’âge de 33 ans.

     

      « 33 » : le nombre de vertèbres de la colonne d’un jeune homme politique audacieux ! Adolphe Thiers entra dans la vie politique, à l’âge de trente trois ans, en participant notamment au renversement du roi Charles X (Seconde Restauration), lors de la Révolution des 27, 28 et 29 Juillet 1830, dite des Trois Glorieuses, qui porta sur le trône un nouveau roi, Louis-Philippe Ier, à la tête du régime de la Monarchie de Juillet. Il sera, en moins de trois mois, nommé Conseiller d’État (le 11 août 1830), élu député à Aix-en-Provence (le 21 octobre 1830), et désigné sous-secrétaire d’État aux Finances (le 4 novembre 1830), fort apprécié du roi Louis-Philippe Ier.

      

     

     

    Adolphe Thiers à l’âge de 75 ans (session du Conseil des ministres, présidée par Adolphe Thiers, Président de la République, à Versailles, le 18 novembre 1872. Photo de Marcel Leautte. © collections château de Versailles et de Trianon).

    25. Adolphe Thiers à l’âge de 75 ans (session du Conseil des ministres, présidée par Adolphe Thiers, Président de la République, à Versailles, le 18 novembre 1872. Photo de Marcel Leautte. © collections château de Versailles et de Trianon).

     

             Accro du pouvoir politique… De nos jours, Adolphe Thiers mériterait d’être mentionné dans le Livre Guinness des Records pour le nombre de ses mandats de député, et de postes de ministre et chef de gouvernement. Quinze mandats à l’Assemblée nationale ou à la Chambre des députés entre le 21 octobre 1830 et le 3 septembre 1877. Six fois Ministre (Finances ; Intérieur ; Commerce et Travaux publics). Trois fois Président du Conseil des Ministres sous la Monarchie de Juillet (régime politique du 9 août 1830 au 24 février 1848), dont une fois moins d’un jour (le 24 février 1848). Et, cerise sur le gâteau, en 1871, Président de la République.

     

         « Chef, c’est un qualificatif de cuisinier ! » (propos d’Adolphe Thiers). En effet, après la chute du Second Empire (régime politique du 2 décembre 1852 au 4 septembre 1870), Adolphe Thiers, ancien royaliste devenu républicain, se rallia au régime de la Troisième République (de septembre 1870 à juillet 1940). Ainsi, le 17 février 1871, âgé de soixante-quatorze ans, fut-il nommé par l’Assemblée nationale, Chef du pouvoir exécutif de la République française. Puis, il reçut, le 31 août 1871, le titre, bien plus prestigieux encore, de Président de la République, en application de l’article premier de la Loi Rivet du même jour : « Le chef du pouvoir exécutif prendra le titre de Président de la République française… »).

     

        Haï de la plupart des mouvements politiques. Moins de deux années plus tard, le 24 mai 1873, mis en minorité par les monarchistes, majoritaires à l’Assemblée nationale, Adolphe Thiers démissionna de la Présidence de la République et se retira de la vie politique (il décédera le 3 septembre 1877). Non sans grand regret, car il était le sujet d’attaques au vitriol de tous bords. Les monarchistes lui reprochaient d’avoir saboté la restauration de la monarchie et participé à la fondation de la République au lendemain de la guerre contre la Prusse. Les bonapartistes fustigeaient son opposition au Second-Empire. Et les républicains avancés [socialistes] dénonçait son rôle dans la répression sanglante de l’insurrection de la Commune de Paris en mai 1871, accompagnée de son discours maladroit à la tribune de l’Assemblée nationale : « La cause de la justice, de l’ordre, de l’humanité, de la civilisation a triomphé. Les généraux qui ont conduit l’entrée à Paris sont de grands hommes de guerre… L’expiation sera complète. Elle aura lieu au nom des lois par les lois, avec les lois ». Le jeune Georges Clémenceau écrivit alors de lui : « C’est le type même du bourgeois cruel et borné qui s’enfonce sans broncher dans le sang ».

     

    Sur la longue carrière politique d’Adolphe Thiers, illustrée de magnifiques chromos pour enfants sages et gourmands (en général glissés dans leurs tablettes de chocolat), je vous invite à consulter cette autre page que j’ai publiée le 28 mai 2021, dans la rubrique Oldies But Goodies :

     

    http://droiticpa.eklablog.com/droit-et-justice-la-republique-des-avocats-en-chromos-20-4-a207837720

     

     

     

    Adolphe Thiers (lithographie d’Honoré Daumier, publiée dans le quotidien illustré satirique, Le Charivari, 2 juin 1833).

    26. Adolphe Thiers (lithographie d’Honoré Daumier, publiée dans le quotidien illustré satirique, Le Charivari, 2 juin 1833).

     

    « Chez certains [certaines], un coup de langue va plus profond qu’un coup de couteau » (pensée paysanne rapportée par Robert Sabatier, in Les Noisettes Sauvages. Albin Michel, 1974). Pour achever cette courte biographie d’Adolphe Thiers, je rappellerai qu’il fut sans doute le plus injurié des hommes politiques de France, affublé de divers surnoms ! Petit Poussin, Petit Jean-Foutre, Petit Scélérat, Nain grotesque (il mesurait 1,55 mètre) ; Foutriquet (se dit d’une personne de petite taille, insignifiante); Crapaud venimeux ; Infâme vieillard, Vieille chouette (il fut chef du pouvoir exécutif à 74 ans) ; Tamerlan à lunettes (référence à Timur Lang [1336-1405], un guerrier turco-mongol conquérant d’une grande partie de l’Asie centrale et occidentale, réputé pour sa cruauté envers ses ennemis) ; Vieux Polisson, l’Incestueux, Les trois moitiés de M. Thiers (pour garder une riche femme mariée dont il était l’amant, il épousa sa fille, très richement dotée et âgée de 15 ans, puis entretint des relations intimes avec la sœur de celle-ci).

     

     

     

    Général Boum-Boum (lithographie d’Eugène Rosambeau [Morsabeau] représentant Adolphe Thiers en uniforme. Musée Carnavalet. Histoire de Paris).

    27. Général Boum-Boum (lithographie d’Eugène Rosambeau [Morsabeau] représentant Adolphe Thiers en uniforme. Musée Carnavalet. Histoire de Paris).

     

       « On ne peut plaire à tout le monde, on n’est pas louis d’or » (pensée paysanne rapportée par Robert Sabatier, in Les Noisettes Sauvages. Albin Michel, 1974).  Mais, les méchancetés dont fut sujet Adolphe Thiers n’étaient pas toutes nées de la rue ou de l’opposition politique. En effet, certaines vilénies à son encontre furent proférées par deux illustres auteurs : Marx et Balzac :

     

        Karl Marx (1818-1883) écrivit : « Ces hommes, donc, ne pouvaient trouver que dans les ruines de Paris leur billet d'élargissement conditionnel, ils étaient bien les hommes mêmes qu'il fallait à Bismarck. Quelques tours de passe-passe, et Thiers, jusque-là le conseiller secret du gouvernement, apparut à sa tête avec ses élargis pour ministres. Thiers, ce nabot monstrueux, a tenu sous le charme la bourgeoisie française pendant plus d'un demi-siècle, parce qu'il est l'expression intellectuelle la plus achevée de sa propre corruption de classe » (Karl Marx, La Guerre Civile en France en mai 1871, chapitre 1).

     

       Honoré de Balzac (1799-1850), dressa, lui aussi, un sévère portrait d’Adolphe Thiers dans la Chronique de Paris du 12 mai 1836 : « M. Thiers a toujours voulu la même chose, il n’a jamais eu qu’une seule pensée, un seul système, un seul but […] : il a toujours songé à M. Thiers. »

         Et c’est sans doute à lui que songea Balzac lorsqu’il composa dans son roman Le Père Goriot (écrit en 1835), le personnage d’Eugène de Rastignac, un pauvre jeune provincial des environs d’Angoulême, monté à Paris pour suivre des études à la célèbre École de Droit de la place du Panthéon, et, plus encore, faire fortune, dans les salons mondains, dont celui de Delphine de Nucingen, la fille du père Goriot, mariée au riche baron de Nucingen, et  dont il deviendra l’amant. 

     

       Étudiants en droit fauchés et ambitieux : évitez la profession d’avocat (Balzac, Le père Goriot, 1835. Pages 195/196). Dans ce roman, Vautrin, un criminel en fuite pensionnaire de la sordide pension Vauquer à Paris, met en garde un autre pensionnaire, le jeune étudiant Eugène de Rastignac, qui souhaitait devenir avocat : « Le baron de Rastignac veut-il être avocat ? Oh ! joli. Il faut pâtir pendant dix ans, dépenser mille francs par mois, avoir une bibliothèque, un cabinet, aller dans le monde, baiser la robe d’un avoué pour avoir des causes, balayer le Palais avec sa langue. Si ce métier vous menait à bien, je ne dirais pas non ; mais trouvez-moi dans Paris cinq avocats qui, à cinquante ans, gagnent plus de cinquante mille francs par an ? Bah ! plutôt que de m’amoindrir ainsi l’âme, j’aimerais mieux me faire corsaire. D’ailleurs, où prendre des écus ? Tout ça n’est pas gai. Nous avons une ressource dans la dot d’une femme...Voulez-vous vous marier ? ce sera vous mettre une pierre. Vaut encore mieux guerroyer avec les hommes que de lutter avec sa femme. Voilà le carrefour de la vie, jeune homme..».  

     

     

     

    Patrice de Mac Mahon, Maréchal de France, à l’âge de 58 ans (photographie de l’atelier « Mayer frères et Pierson », 35 rue Louis-le-Grand, à Paris. Date d’édition : 1865).

     28. Patrice de Mac Mahon, Maréchal de France, à l’âge de 58 ans (photographie de l’atelier « Mayer frères et Pierson », 35 rue Louis-le-Grand, à Paris. Date d’édition : 1865).

     

    « La fièvre typhoïde est une maladie terrible : ou on en meurt, ou on en reste idiot. J’en sais quelque chose : je l’ai eue. » (citation culte du Maréchal de Mac Mahon). Lorsqu’il démissionna de la Présidence de la République, le 24 mai 1873, Adolphe Thiers adressa ces quelques mots à son successeur le Maréchal Patrice de Mac Mahon : « La présidence est un enfer, je n’y retournerai pas. Et vous-même, mon cher Maréchal, n’y entrez pas. Aujourd’hui le pouvoir est un guêpier dans lequel une nature militaire telle que la vôtre perdrait patience en quarante-huit heures. » Il est vrai que l’ambition personnelle des hommes politiques (« vif désir de s’élever pour réaliser toutes les possibilités de sa nature… recherche passionnée de la gloire, du pouvoir, de la réussite sociale. » Dictionnaire de l’Académie française. 1986), et leur inconduite notoire (« Dîtes-vous que voler, tricher et mentir sont les fondements de la vie politique française. » Pierre Antilogus et Jean-Louis Festjens, Guide de survie à l’usage des parents, illustré par Sempé, France-Loisirs, 1992, p. 143), s’accordent mal avec la nature militaire. M’enfin, comme disait Gaston Lagaffe, tant pis pour eux, puisqu’ils étaient prévenus (Maréchal de Mac Mahon, Maréchal Pétain, Général de Gaulle).

     

     Du Petit séminaire aux Écoles militaires ! Cela dit, Marie, Edme, Patrice, comte de Mac Mahon, était né le 13 juillet 1808 au château de Sully près d’Autun (Saône-et-Loire), dans une famille catholique d’origine irlandaise, réfugiée en France depuis la Révolution d’Angleterre de 1689 et dont la noblesse fut reconnue par lettre patente du roi Louis XV. Se destinant dans un premier temps à une carrière ecclésiastique, il entra, en 1829, au Petit Séminaire des Marbres à Autun. Mais par fidélité à sa famille dont quatorze membres avaient intégré l’armée, Patrice de Mac Mahon renonça aux ordres religieux pour une carrière militaire. À 17 ans, il entra donc, à Paris, à l’école spéciale militaire du collège royal Saint-Louis (aujourd’hui, lycée Saint-Louis), puis, le 23 octobre1825, à celle de Saint-Cyr dont il sortit troisième.

         Grand chef militaire. Il entra alors dans l’armée, en rejoignant, le 1er octobre 1827, l’école d’application d’état-major. Sous-lieutenant, il participa à la prise d’Alger en 1830, et sera nommé capitaine en 1833. Il participa ensuite aux plus grandes batailles militaires en s’y distinguant par sa bravoure. Parmi celles-ci, la guerre de Crimée, en 1855, pendant le siège de Sébastopol, où il conduisit avec succès l’attaque sur le site fortifié de Malakoff et aurait prononcé ces mots célèbres « J’y suis, j’y reste ». Ou encore la victoire de Magenta en Italie, le 4 juin1859, qui conduisit Napoléon III à lui offrir, le jour même, le bâton de Maréchal de France et le titre de duc de Magenta. Quelques jours après, à Solferino, le 2ème corps d‘armée qu’il commandait vainquit les divisions austro-hongroises. En 1870, Patrice de Mac Mahon participa aussi à la guerre contre la Prusse où il sera blessé et fait prisonnier lors de la capitulation de Sedan. Libéré le 15 mars 1871, il sera nommé Commandant en chef de l’armée régulière dite « versaillaise » qui réprimera la Commune de Paris. 

     

     

     

    Patrice de Mac Mahon, Président de la République, à l’âge de 65 ans (photographie de l’atelier « Mayer frères et Pierson », 35 rue Louis-le-Grand, à Paris. Date d’édition : 1865).

    29. Patrice de Mac Mahon, Président de la République, à l’âge de 65 ans (photographie de l’atelier « Mayer frères et Pierson », 35 rue Louis-le-Grand, à Paris. Date d’édition : 1865). 

     

    « Le Président n'a que ce choix : il lui faut se soumettre ou se démettre. » (Léon Gambetta à propos de Mac Mahon). Légitimiste favorable au rétablissement de la royauté, le grand militaire Mac Mahon entra dans la vie politique en étant élu Président de la République, le 23 mai 1873, par le Parlement à majorité monarchiste (sous ce régime parlementaire, le Président était élu par le Parlement et non au suffrage universel). À défaut d’avoir pu instituer une troisième Restauration, il put toutefois instituer un septennat présidentiel. Mais il n’en profita guère car après avoir fait dissoudre la Chambre, les républicains de gauche qui lui étaient hostiles obtinrent aux élections du 5 janvier 1879 la majorité au Sénat (les républicains étaient déjà devenus majoritaires à l’Assemblée en 1877).  Privé de tout soutien parlementaire, Mac Mahon démissionna de la Présidence le 30 janvier 1879 et le républicain Jules Grévy lui succéda le jour même (élu par le Parlement, le Président avait peu de pouvoirs réels directs). Mac Mahon décédera, le 17 octobre 1893, à l’âge de 85 ans, alors qu’il dirigeait depuis 1887 la Société de Secours aux Blessés Militaires, qui deviendra en 1940 la Croix Rouge française.  

     

     

     

    Marie Armand Patrice de Mac Mahon, fils du Maréchal de Mac Mahon, à l’âge de 3 ans (photographie d’Eugène Disdéri, Paris. Date d’édition : circa 1858).

    30. Marie Armand Patrice de Mac Mahon, fils du Maréchal de Mac Mahon, à l’âge de 3 ans (photographie d’Eugène Disdéri, Paris. Date d’édition : circa 1858). 

     

         L’avenir … Chers visiteurs de ce blog, je terminerai cette page consacrée aux jeunes années des deux premiers Présidents de notre IIIème République par une photographie originale représentant non pas l’un d’entre eux encore bébé, enfant ou étudiant, puisque cette technique n’existait pas encore, mais par l’un des quatre fils du Maréchal de Mac Mahon, Marie Armand Patrice, lui-même dit Mac Mahon (1855-1927. Fait Général de Brigade le 15 février 1915). Cette photographie a été prise en 1858, grâce aux premiers procédés photographiques de fixation des images (Eugène Disdéri avait ouvert en 1854, à Paris, un studio de photographie et déposé le brevet du portrait carte de visite). 

         … à venir... À bientôt donc pour les prochaines pages (Promis-Juré plus courtes !) consacrées aux vingt-trois autre Présidents de la République qui se sont succédé depuis le Maréchal de Mac Mahon.

               ... quand ? Sans doute en avril 2023 !

     


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    Du droit de grève des écoliers

    — La participation à notre grève sera strictement réservée à ses participants.

     

     

    La réponse du berger, par Clément Vautel, dans Cyrano, Journal satirique hebdomadaire, 26 février 1933, n° 454, page 7 : 

     

    À l'école.

    L'INSTITUTEUR. — Elève Marsupial, vous n'avez, pas fait vos devoirs ?

    L'ÉLÈVE. — Non, m'sieu.

    L'INSTITUTEUR. — Pourquoi. ?

    L'ÉLÈVE. — Pass' que que j' trouve que nous aut's, les écoliers, on a aussi le droit de manifester.

    L'INSTITUTEUR. — Qu'est-ce que vous dites ?

    LÉLÈVE. J' dis qu'on s'a foutu en grève. C'est bien not' tour ! (Acquiescement général de la classe.)

    L'INSTITUTEUR. — En voilà un langage, une attitude...

    L'ÉLÈVE. — On fait comme vous, quoi !... C'est-y vrai ou c'est-y pas vrai que vous avez manifesté, à preuve qu'on a poireauté dans le préau pendant une demi-heure ? J' discute pas vos raisons... Discutez pas les miennes !

    L'INSTITUTEUR. — C'est un peu fort... Vos devoirs, vous dis-je !

    L'ÉLÈVE. —- Vous parlez toujours de nos devoirs... Et nos droits ?

    L'INSTITUTEUR. — Je suis le maître et...

    L'ÉLÈVE. — Ni Dieu, ni maître !

    L'INSTITUTEUR. — Je vais vous expulser de l'école.

    L'ÉLÈVE. — Est-ce qu'on vous a expulsé, vous? Non mais, des fois !

    L'INSTITUTEUR. — Vous êtes un indiscipliné, une mauvaise tête.

    L'ÉLÈVE. —Pas plus que vous, m'sieu... Et puis, vive la lutte des classes ! (Applaudissements unanimes des écoliers.)

    L'INSTITUTEUR. — Je vais vous, punir...

    L'ÉLÈVE. — Est-ce qu'on vous a puni, vous ?... Et pourtant qui c'est qui vous a obligé d'être instituteur ? Tandis que nous, on est bien forcé d'être élèves,,. Alors, on en a assez, on se révolte, tout au moins pendant une demi-heure. Fallait pas nous donner l'exemple...

     

     

     

    Du droit de grève des écoliers

    — Sachez jeune homme que la grève n’est pas considérée comme une excuse valable pour sécher mes cours.


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    Le Pont de l’Ascension des écoliers et des étudiants

    1 « L’ascension du nommé Jésus-Christ » (Auguste Roussel et de Méry : Gros-Jean et son curé, dialogues satiriques sur l’Eglise, 1881-1882, 16ème édition. Dessin d’Alfred Le Petit. En libre accès sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France).

     

     

        L’ Ascension a été imaginée chez les Chrétiens pour symboliser la dernière rencontre de Jésus avec ses disciples après sa résurrection, le jour de Pâques, et son élévation au ciel. Au IVème siècle, l’Eglise a fixé cet événement quarante jours après Pâques et, comme Pâques tombe toujours un dimanche, le jour de l’Ascension est un jeudi.

     

     

     

    Le Pont de l’Ascension des écoliers et des étudiants

                                               2.

     

    Mais les questions les plus délicates concernant l’Ascension sont toujours de trois ordres :

      

     Primo, l’Ascension venant, tout comme l’ascenseur, du latin ascensio, de ascensus : « monter vers », comment Jésus a-t-il pu s’élever dans le ciel, de ses propres forces, sans corde, trampoline, ballon, parachute, avion ou fusée (les Quatre Evangiles du Nouveau Testament sont très évasifs sur cette question).

     

    Secundo, combien de « s » et de « c » dans ce mot et où les placer.

    Ne pouvant répondre avec certitude à ces deux premières questions, je passe à la troisième.

     

     

     

    Le Pont de l’Ascension des écoliers et des étudiants

    3 - Si tu tombes, fais confiance en Dieu, c’est le jour de l’Assomption, non, s’cuze, de l’Ascension.

    -         J’préférerai que tu m’aides !

     

     Tertio, peut-on, le jour de l’Ascension, cesser tout travail, faire la grasse matinée, rêvasser, se distraire, jouer aux billes et aux ballons, grimper au coucou ? La réponse est oui car ce jour est une des quatre fêtes chrétiennes légalement chômées (avec Noël, l’Assomption et la Toussaint), depuis le Concordat signé entre Bonaparte et le pape Pie VII, en 1801. Ces fêtes religieuses sans travail n’ont pas été remises en cause par la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat.

     Aussi, aujourd’hui, les écoliers, collégiens, lycéens et étudiants n’ont-ils pas classe ou cours le jeudi de l’Assomption, faute il est vrai de profs présents ce jour.

    Mais la question qui les taraude, dès les premiers jours du « joli mois de mai », est de savoir s’ils peuvent « faire le pont » entre le jeudi de l’Ascension et le dimanche de fin de la semaine, autrement dit bénéficier d’un week-end de quatre jours !

     

     

     

    Le Pont de l’Ascension des écoliers et des étudiants

    4- C’est l’pont de l’Ascension, y’a pas école, est-ce que je pourrai aller au Jardin d’Acclimatation ? 

    -  Ne dis pas de sottises ! Qu’as-tu besoin d’aller au Jardin d’Acclimatation, puisque ta tante Germaine est ici jusqu’à dimanche soir.

    (Dessin de Donald Mac Gill. 1875-1962).

     

      Pour les écoliers, collégiens et lycéens, la réponse est oui. En effet, le ministère de l’Éducation Nationale a été obligé, en 2005, de consacrer le « pont de quatre jours », pour mettre fin au record absolu d’abstentionnisme des enfants le vendredi et le samedi matin suivant le jeudi de l’Ascension, accompagné de lettres d’excuses bidons signées des parents ou des gosses eux-mêmes. Grâce à cette mesure administrative de repli, un nouveau record national a pu être battu : celui des bouchons le jeudi matin et le dimanche soir*

     

     

         *Mise à jour du dimanche 21mai 2023, 19 h. Ce dimanche, qui conclut le Pont de l'Ascension, classé "noir" par Bison Futé, vient d'accéder au titre prestigieux de jour de circulation le plus chargé de l'année !

     

     

     

    Le Pont de l’Ascension des écoliers et des étudiants

    5 « Rien ne me fascine plus que le travail : je peux rester assis et le contempler pendant des heures » (Jérôme K. Jérôme 1859-1927).

     

        Quant aux étudiants de nos universités, c’est variable, mais en général cela n’a guère d’importance car les amphis surchargés au début du moins d’octobre sont quasiment déserts la seconde quinzaine du mois de mai. En effet, les étudiants préfèrent rester chez eux pour préparer, les uns, leurs exams’, les autres, des antisèches aussi appelées pompes (tust dans le Sud-Ouest de la France, fafiot dans l’Est, copion en langue belge, mascogne en langue suisse, cheatsheet en langue informatique).  


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    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

                                            1 Youpi ! c’est bientôt les vacances !

                                (chromolithographie dorée, fin du XIXème siècle).

     

       Cette année scolaire 2022/2023, les vacances d’été débuteront pour les trois zones (A, B, C), le samedi 8 juillet 2023. Elles s’achèveront avec la rentrée qui aura lieu le lundi 4 septembre 2023.

     

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

                                 2 Dessin de presse du Vendredi 21 juillet 1933*

                         - C’est bientôt les vacances, hein, mon petit bonhomme ?

                         - Oh oui, m’sieu, du reste nous n’pensons qu’à ça en classe !

     

     (* Dans les années 1930, les grandes vacances scolaires débutaient à la fin du mois de juillet et la rentrée avait lieu dans les premiers jours du mois de septembre).

     

         Aussi, comme leurs prédécesseurs, nos écoliers d’aujourd’hui ne pensent-ils plus qu’à ça en classe. Seuls les « premiers de classe », ainsi que mon vérificateur orthographe Word, se cassent la tête pour savoir pourquoi on dit « c’est bientôt les vacances » et non « ce sont bientôt les vacances » (peut-être parce que « c’est » serait un présentatif comme « voici » ou « voilà »).

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

           3. Amours d’enfants (chromolithographie publicitaire, fin du XIXème siècle).

             - Vraiment ? quand tu seras grand, tu voudrais être député, comme moi ?

             - Pardine, M’sieu, ne rien faire et tout le temps des congés !

     

      Mais ce qui préoccupe plus encore nos écoliers, c’est la durée de leurs grandes vacances. En effet, leurs vacances d'été sont plus courtes que celles dont bénéficient les parlementaires (députés et sénateurs), sous un jargon constitutionnel astucieux qui substitue au mot commun « vacances » ceux bien plus éminents et mystérieux de pauses entre les « sessions » (ordinaires, extraordinaires ou de droit).  Étymologiquement parlant, le mot session désigne « le fait d’être assis » et, par extension, la « période pendant laquelle une assemblée tient séance ».

     

      On observera, par ailleurs, que cette situation risque d’empirer puisque, le Chef de l’État, a déclaré, à Marseille, le 27 juin 2023, que le temps des vacances scolaires d’été était bien trop long, engendrant une inégalité entre les enfants des familles aisées qui peuvent leur payer des activités de loisirs (golf, équitation, tennis, voile…) et éducatives/apprenantes (répétiteurs, cahiers de vacances, stages linguistiques…), et ceux des familles sans le sous. En revanche, pas un mot sur la rémunération de nos hommes politiques elle aussi vectrice d’inégalité sociale. Comme l’a relevé une note de l’Institut des Politiques Publiques publiée en avril 2023, nos 577 députés de l’Assemblée nationale, 79 députés européens et 348 sénateurs font tous partie des 3% des français les mieux payés :

    https://www.ipp.eu/actualites/lindemnite-parlementaire-et-les-revenus-des-francais-depuis-1914/

     

     

     

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

                                     4. Dessin de presse du Dimanche 21 juin 1914.

                                     - Quand je serai grand, je veux être député.

                                     - C’est bien Toto, de se dévouer pour ses compatriotes.

                          - Oh ! grand’père, c’est pas pour ça, c’est parce qu’ils partent en vacances bien avant nous et qu’ils rentrent bien après…

     

        Pour revenir à la pause parlementaire estivale, concrètement, depuis 1995, le Parlement (Chambre des députés ou Assemblée nationale, et Sénat), se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d’octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin (article 28 de la Constitution du 4 octobre 1958). Autrement dit, sauf session extraordinaire, nos députés et sénateurs sont en « vacances parlementaires », selon l’expression des gens en général ignorée de notre Constitution, trois mois durant. C’est donc bien plus que les deux mois de vacances d’été de nos écoliers, collégiens et lycéens (trois ou quatre semaines pour les congés d’été des salariés).

     

     Cette situation étonnante, voire ubuesque, suscitait déjà sous la Troisième République (1870-1940), la jalousie des écoliers comme le montrent plusieurs illustrations humoristiques anciennes retrouvées dans la toile sans fond d’Internet, réunies dans cette page (n° 3, 4 et 5).

     

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

                                       5. Dessin de presse du Lundi 16 mai 1927.

                                    - Quand je serai grand, je veux être député

                                    - Pourquoi député ?

                                    - Parce qu’ils sont souvent en vacances !...

     

      En revanche, pendant le déroulement de l’année scolaire et de la session ordinaire parlementaire, nos écoliers sont plus avantagés que nos députés, sauf pour les vacances de Noël :

     

    VACANCES SCOLAIRES :

    Vacances de la Toussaint : du samedi 21 octobre 2023 après les cours au lundi 6 novembre 2023, pour les écoliers.

    Vacances de Noël : du samedi 23 décembre 2023 après les cours au lundi 8 janvier 2024, pour les écoliers.

    Vacances d’hiver : deux semaines en février.

    Vacances de Printemps : 2 semaines en avril ou mai selon les zones.

     

     

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

                6. - C’est ça les arènes ! Encore une Chambre de députés en vacances !

    (Estampe lithographie de la série Actualité extraite du journal satirique Le Charivari de juin 1870. Dessin de Cham. Source : Musée Carnavalet).

     

     

     VACANCES PARLEMENTAIRES NON ESTIVALES, sous l’expression guindée « suspension des travaux » :

    Trois semaines à Noël (du lundi 19 décembre 2022 au lundi 9 janvier 2023).

    Une semaine en février (du lundi 20 au lundi 27 février 2023).

    Deux semaines en avril (du lundi 17 au dimanche 30 avril 2023).

     

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

                                 7. Dessin de presse du Samedi 19 août 1933.

                     - Eh ben, monsieur le député, vous vous reposez un brin ?

                     - Moi, mon ami, jamais ! je travaille ici tout comme à la Chambre !

     

     

      Par honnêteté, je rappelle que les pauses ou vacances parlementaires ne concernent que le travail des députés à la Chambre. En revanche, ces mêmes députés sont censés, pendant les périodes de suspension des travaux, être en contact permanent avec leurs électeurs : " Je voudrais rencontrer mon député. - Désolé, mais je vous ai déjà dit qu'il était occupé, il ne peut pas vous recevoir. Revenez à la prochaine campagne des élections législatives ". De plus, certains d'entre eux aiment se faire prendre en photos et en vidéos estivales avec leurs administrés, afin d'alimenter leur blog. D'autres enfin préfèrent siéger, éventuellement sous un arbre, à l’instar du bon roi Saint Louis.

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

                                    8. Dessin de presse du Dimanche 7 avril 1901.

                                      - Tiens, v’là not’ député en vacances !

                                      - Ch’est-y heureux d’avoir du temps à perdre comme ça !

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

       9. Vive Les Vacances… à la mer (chromolithographie, fin du XIXème siècle).

     

      Dans son recueil « Paroles », publié en 1948, Jacques Prévert (1900-1977), décrivait ses grandes vacances à la mer (Pornichet), lorsqu’il était enfant : « Les vacances, pour moi c'était la mer. La mer, je courais après elle, elle courait après moi, tous deux on faisait ce qu'on voulait. C'était comme dans les contes de fées : elle changeait les gens. A peine arrivés, ils n'avaient plus la même couleur, ni la même façon de parler. Ils étaient tout de suite remis à neuf, on aurait dit des autres. Elle changeait aussi les choses et elle les expliquait. Avec elle, je savais l'horizon, le flux et le reflux, le crépuscule, l'aube, le vent qui se lève, le temps qui va trop vite et qui n'en finit plus… ». 

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

     10. C’est les vacances, tu m'aimes, non s'cuze tu m'aides? (chromolithographie, fin du XIXème siècle).

     

     

                                     Vive les vacances les souris dansent
                                     et ça balance et ça balance et ça romance
                                     vive les vacances c'est notre enfance
                                     l'adolescence la renaissance…
     

             (paroles de la chanson « Vive Les Vacances » de Gérard Lenorman). 

     

                                    C’est les vacances, c’est les vacances
                                    Voilà l’école est terminée
                                    Plus de maîtresse et plus de stress
                                    Y’a qu’à penser à s’amuser
                                    C’est les vacances, c’est les vacances
                                    Il va falloir se séparer
                                    C’est les vacances, mais de cette absence
                                    Y’aura plein d’choses à s’raconter !

                                    Jeux de pirates
                                   Ou de corsaires
                                   Billes agate
                                   Ou bien de terre
                                   Échec et mat
                                   Ou solitaire
                                   Qu’est-ce qu’on va faire ?...

    (extraits de la chanson de Gilles Diss : « C’est les vacances »).

     

                                   Vive les vacances

                                   Entrez dans la danse

                                   Les cahiers au feu

                                   Les livres au milieu…

    (comptine pour enfants avec parfois les mots « Les maîtres au milieu » au lieu de « Les livres au milieu »).

     

     

       

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

       11. – L’éclipse de soleil que vous avez vue hier, mes enfants, se reproduira dans 65 ans…

           Aurons-nous congé ce jour là, m’sieur ?

     

     

       Un peu de patience les mômes. La prochaine éclipse lunaire est prévue jeudi 28 octobre 2023. Quant à la prochaine éclipse solaire, elle est prévue le vendredi 8 avril 2024. 

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

                   12. Dans les gares parisiennes : les grands départs de juillet.

     

                   " Bonnes vacances les enfants et Bon courage à vos parents !"  (derniers mots d'un instit' à ses chers élèves).                      

     

     

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

    13. Le maître d’école et les enfants paresseux, gourmands, chahuteurs, buissonniers, cancres, rêveurs, dormeurs…

                      (chromolithographie publicitaire, fin du XIXème siècle). 

     

      Chers visiteurs habituels, occasionnels ou accidentels, vous devrez supporter sur ce blog, tout au long de l’été, une nouvelle série de cette rubrique « Enfants de Jure », intitulée « Du droit des écoliers à la paresse », en images et cartes postales anciennes (ICPA). A priori, une chronique par semaine, à compter du lundi 3 juillet et jusqu'au mois d'octobre. 

     

     

    Du droit des écoliers aux mêmes vacances que les députés

                           14. Enfin les vacances sans maîtresses ni maîtres !

       Non Bout’chou encore 10 jours à les supporter : tes vacances c’est le 10 juillet !

     





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