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    XXXV Professeur Gustave Émile Boissonade de Fontarabie

                                   1. Gustave Émile Boissonade (1825-1910)

     

     

     

     

     

    « En portant sous son bras un buvard tout neuf, il se rendit à l'ouverture des cours. Trois cents jeunes gens ... emplissaient un amphithéâtre où un vieillard en robe rouge dissertait d'une voix monotone ... » (Gustave Flaubert, L'éducation sentimentale, Paris, 1869 [après avoir été reçu bachelier, Flaubert avait pris ses inscriptions à l’École de Droit de Paris]).

     

     

     

    Pour clore cette saga des professeurs de la Faculté de Droit de Paris au XIXème siècle, voici quelques tranches de vie de l’un d’entre eux : Gustave Émile Boissonade de Fontarabie, bien plus célèbre à Tokyo qu’à Paris. Sa photographie en couleur provient d’un site japonais, alors même que plusieurs sites français offrent la même photographie en noir et blanc (monochrome). Peut-être s’agit-il d’une monochrome d’origine colorisée par application de couleurs à la main, mécaniquement ou par ordinateur. En effet, la photographie a été prise avant 1910, année de la mort de Boissonade, à une époque où les techniques de la photographie en couleur étaient naissantes (quadrichromie, puis autochromes des frères Auguste et Louis Lumière).

     

     

     

     

     

     

    La rue Boissonade et son immeuble au nez arrondi (Paris. XIVe arrondissement)

    2. La rue Boissonade et son immeuble au nez arrondi (Paris. XIVe arrondissement)

     

     

     

     

     

    « Je ne suis point non plus helléniste, ou je ne me connais guère ; si j'entends bien ce mot, qui, je vous l'avoue, m'est nouveau, vous dites un helléniste, comme on dit un dentiste, un droguiste, un ébéniste », P. L. Cour., Lettre à M. Renouard libraire. 20 sept. 1810).

     

     

     

    Le fils d’un célèbre helléniste. Fils naturel de Jean François Boissonade de Fontarabie (1774-1857) et de Marie Rose Angélique Boutry, Gustave Emile… naquit à Vincennes le 7 juin 1825 et fut inscrit à l’état civil sous le seul nom de sa mère « Boutry ». Légitimé par le mariage de ses parents en 1856, il devint, à l’âge de trente et un ans, Gustave Emile Boissonade de Fontarabie.

     

     

    Son père, érudit en langue grecque et professeur au Collège de France, a laissé son nom à une rue tortueuse du XIVème arrondissement de Paris (la rue Boissonade), perdue entre le boulevard Montparnasse et le boulevard Raspail, que l’on associe à tort à son fils Gustave Emile Boissonade. Cette rue mélange dans un rare désordre des immeubles de style haussmannien et de style faubourien, des bâtiments en pierre de taille, d’autres en maçonnerie, des échoppes et des maisons, ainsi que des immeubles des années 30 et des années 70, au milieu desquels trône un étonnant immeuble bien plus élevé, au nez arrondi, construit en 1947.

     

     

     

     

     

     

     

    Cartes des inscriptions des étudiants de la Faculté de Droit de Paris sous la Seconde République

    3. Cartes des inscriptions des étudiants de la Faculté de Droit de Paris sous la Seconde République.

     

     

     

     

    L’étudiant en licence. En 1845, sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), Gustave Emile Boutry (renommé Boissonade en 1856), prit sa première inscription à la Faculté de Droit de Paris. Il y obtint sa licence en 1848. Il eut comme professeurs, en première année, Perreyre (Code civil) et le Doyen Blondeau (Institutes de Justinien), en deuxième année, Perreyre (Code civil), Pellat (Pandectes), Bonnier (législation criminelle), Delzers (procédure civile), Ortolan (droit criminel), et, en troisième année, Perreyre (Code civil), Bravard (Code de commerce) et Marcadel (droit administratif).

     

     

    L’étudiant laborieux en doctorat.  Sous la Seconde République (1848-1852), il s’inscrivit en doctorat. L’obtention de ce grade était à cette époque subordonnée à la réussite, d’une part, de deux examens oraux, l’un qui portait sur le cours de Code civil et des Institutes qui avaient été dispensés en première année de licence, l’autre sur la totalité du Code civil, le droit des gens, le droit constitutionnel français et l’histoire du droit romain et du droit français, d’autre part, à la soutenance d’une thèse.

     

     

    Gustave Emile Boutry (Boissonade), future gloire immortelle de la Faculté de Droit de Tokyo, fut ajourné trois fois à sa première épreuve orale du Code civil et des Institutes (le 13 août 1849, le 27 novembre 1849 et le 28 février 1850 !). Ce n’est qu’à sa quatrième tentative, le 10 juillet 1850, qu’il franchit ce premier obstacle. Heureusement pour lui, les deux obstacles suivants se passèrent sans encombre notamment sa soutenance de thèse de doctorat sur les donations entre époux, où il obtint, le 16 juillet 1852, les éloges à l’unanimité des membres du jury (Pellat, président, Valette, Perreyve, Valroger et Rataud, membres du jury).

     

     

    Le professeur à titre particulier. Sous le Second Empire (1852-1870), Gustave Émile Boutry (Boissonade), qui souhaitait devenir professeur de droit à l’Université, se présenta au nouveau concours annuel ouvert à la Faculté de Droit de Paris entre ses docteurs. Les cinq candidats en lice devaient soutenir un mémoire sur un sujet identique (« De la quotité disponible aux différentes époques du droit romain et du droit français »). Gustave Émile Boutry (Boissonade),  fut reçu premier devant Auger. Cette distinction lui permit d’enseigner le droit à titre privé à Paris, pendant une dizaine d’années. 

     

     

     

     

     

     

     

     

    Professeurs des Facultés de Droit (caricature d’Adrien Barrère [1874-1931])

      4. Devenir professeur des Facultés de Droit (caricature d’Adrien Barrère [1874-1931]).

     

     

     

     

     

    Le difficile agrégé des Facultés de Droit. En revanche, pour intégrer le corps des professeurs titulaires ou suppléants d’une des Facultés de Droit françaises, dont celle de Paris, il devait, au préalable, réussir le concours national d’agrégation des Facultés de Droit qui venait d’être institué par un décret du 22 août 1854 (auparavant, chacune des Facultés de Droit ouvrait un concours local pour leurs chaires devenues vacantes de professeur titulaire ou suppléant).

     

     

    Sous son nouveau patronyme, Gustave Émile Boissonade se présenta au premier concours ouvert en 1856 qui offrait neuf places. Il fut ajourné. Il se présenta au second concours ouvert en 1858 qui offrait douze places (pour 34 candidats). Il fut encore ajourné. Il ne se présenta pas au concours ouvert en 1861. Enfin, il fut reçu huitième et dernier au concours ouvert en 1864, qui offrait huit places.

     

     

     

     

     

     

     

     

    L’ancienne Faculté de droit, des sciences et des lettres de Grenoble

          5. L’ancienne Faculté de droit, des sciences et des lettres de Grenoble

     

     

     

     

    De Grenoble à Paris. Nommé à la Faculté de Grenoble, il y professa de 1864 à 1867, avant d’être installé comme agrégé à la Faculté de Droit de Paris par arrêté ministériel du 28 août 1867, suite à quelques interventions bienveillantes. Toutefois, bien qu’agrégé, il n’était titulaire d’aucune chaire de professeur à Paris, le titre d’agrégé permettant seulement de concourir, avec d’autres postulants, eux-mêmes agrégés, aux chaires devenues vacantes, en particulier au décès de leur titulaire. Humble « chargé de cours suppléant » de la Faculté de Droit de Paris, et toujours professeur à titre privé, Gustave Émile Boissonade suppléa, chaque année, pendant quatre à six semaines, Joseph-Louis-Elzear Ortolan, qui était titulaire de la nouvelle chaire de Droit criminel (v. le chapitre 33 : Le Sellyer et Ortolan, des professeurs imposés par l’État). Il suppléa également Batbie, qui assurait le cours d’économie politique, lorsque celui-ci fut élu député et nommé ministre. 

     

     

    Nouveau revers. Le 7 mars 1873, Ortolan décéda, et le ministère déclara, le 26 avril de la même année, la vacance de son poste. Cinq candidats agrégés se présentèrent au concours organisé par la Faculté de Droit de Paris. Parmi eux, Gustave Émile Boissonade, le suppléant d’Ortolan. Le concours fut remporté par Louis-Jules Léveillé alors en poste à la Faculté de Droit de Rennes. Quant à Boissonade, à bientôt cinquante ans, il demeura chargé de cours suppléant de la Faculté de Droit de Paris, sans grande perspective.

     

     

     

     

     

     

     

    Professeur Gustave Émile Boissonade de Fontarabie

    6. Le buste de Gustave Émile Boissonade à l’entrée de l’université Hōsei (Japon).

     

     

     

     

    L’exil et la gloire au pays du Soleil-levant (en japonais, Japon s’écrit 日本国  qui se lit Nihon ou Nippon, ce qui signifie Pays du Soleil-levant, voulant dire soleil et  pays).

     

     

     

     

    Mais, soudain, cette même année 1873, l’ambassadeur du Japon à Paris, M. Samejima, demanda à M. de Mohl, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, s’il connaissait un jurisconsulte susceptible de donner quelques conférences de droit criminel et de droit constitutionnel à de jeunes japonais présents à Paris pour compléter leurs études juridiques. Celui-ci s’adressa à Charles Giraud, professeur agrégé à la Faculté de Droit de Paris, devenu membre du conseil de l’Université, et vice-recteur de l’Académie de Paris, qui lui souffla le nom de Gustave Émile Boissonade, dont il avait vu passer un écrit de droit comparé (« La réserve héréditaire dans l’Inde ancienne et contemporaine » 1870).

     

     

    Boissonade donna donc des conférences de droit aux étudiants japonais parisiens lesquels, enthousiasmés, le recommandèrent bientôt au Gouvernement japonais qui cherchait un jurisconsulte français pour deux tâches. D’une part, enseigner le droit occidental et français à l’université impériale de Tokyo, et dans deux écoles privées qui deviendront l’université Meiji et l’université Hōsei ; d’autre part, participer à la rédaction de codes criminels et civil japonais inspirés des droits occidentaux et français.  

     

     

    « Codes Boissonade ». Gustave Émile Boissonade, sans doute meurtri par son échec au concours de professeur à la Faculté de Droit de Paris, accepta ce défi singulier et, délaissant femme et enfants, il s’embarqua pour l’empire du Soleil-levant (le Japon). Son premier engagement de trois ans y fut constamment renouvelé jusqu’en 1892. À cette occasion, il rédigea (en français) des projets de deux codes criminels (un code pénal et un code d’instruction criminelle) et d’un code civil (exception faite des aspects touchant aux droits des personnes, de la famille et des successions). Ses projets de codes criminels furent acceptés et promulgués. En revanche, son ébauche d’un code civil japonais fut réécrite par une commission extra-parlementaire car jugée trop proche du droit français et donc éloignée des coutumes nationales, comme le principe de fidélité envers le souverain à la base de la morale japonaise. Il n’en demeure pas moins qu’une partie du travail de Gustave Émile Boissonade fut conservée dans le nouveau Code civil japonais.

     

     

     

     

     

     

     

    XXXV Professeur Gustave Émile Boissonade de Fontarabie

                      7. Gustave Émile Boissonade de Fontarabie (circa 1900)

     

     

     

     

    In memoriam. Après son retour en France, en 1895, Gustave Émile Boissonade devint président d’honneur de la Société franco-japonaise de Paris, et, criblé de décorations françaises, japonaises, belges et roumaines, il mourut le 27 janvier 1910 à Antibes où il s’était retiré. 

     

     

    A bientôt pour le chapitre XXXVI : La Faculté de Droit de Paris en 1888 par Louis Rousselet. 

     

     


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    XXXIII La Faculté de Droit de Paris en 1888 par Louis Rousselet

    1. Louis Rousselet, Nos grandes écoles militaires et civiles, ouvrage illustré de 160 gravures sur bois, dessinées par A. Ferdinandus, Jeanniot, A. Lemaistre, Fr. Régamey et P. Renouard. Librairie Hachette, 1888).

     

     

         Cet ouvrage comporte neuf chapitres, chacun d’entre eux consacré à une grande école militaire ou civile (ex. : École Navale, École Militaire de Saint-Cyr, École Polytechnique, École de Médecine). Le huitième chapitre est dédié à l’École de Droit de Paris (p. 443 et s.).  J’en ai extrait les dessins et des extraits du texte de Louis Rousselet, ci-dessous reproduits (l’ouvrage complet est en free access sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France).

     

     

     

     

    XXXIII La Faculté de Droit de Paris en 1888 par Louis Rousselet

      2. Façade de l’École de Droit

     

     

    « Par lettres patentes du 16 novembre 1753, Louis XIV ordonna la construction d'un édifice convenable et suffisant, tant pour les leçons publiques et exercices de la Faculté des droits de l'Université de Paris que pour le logement des professeurs. L'architecte du Panthéon, Soufflot, fut chargé de construire les nouvelles Écoles. Ce ne fut que le 24 novembre 1772 que la Faculté fut solennellement installée dans les nouveaux bâtiments. En 1792, la Faculté fut supprimée ou dispersée. Le décret du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) organisa les Écoles de Droit actuelles et concéda à la nouvelle Faculté de Droit de Paris, qui y est encore installée, les bâtiments de l'ancienne École de Droit, place du Panthéon ».

     

    « Un bon provincial envoie son fils faire son droit à Paris; puis au bout d'un an il vient voir comment son garçon se trouve de  la rude existence universitaire et, le trouvant en fort bon point, il profite de son voyage pour visiter les merveilles de la capitale. Le fils sert de guide au père et le promène tour à tour aux Invalides, au Louvre, à Notre-Dame. Ils visitent le Panthéon. En sortant du monument, consacré à nos gloires nationales, le père s'arrête pour admirer le coup d'œil de la rue Soufflot et la perspective du Luxembourg. « Quel est dit-il, tout à coup, ce bel édifice ? » Et sa main pointe la haute maison qui domine à droite l'entrée de la rue. « Je l'ignore », répond le fils, qui, avisant un gardien de la paix, lui pose poliment la question, à laquelle celui-ci répond : « C'est l'École de Droit! »

     

     

     

     

     

    XXXIII La Faculté de Droit de Paris en 1888 par Louis Rousselet

    3 Massier de la Faculté de Droit (le massier désignait un huissier qui portait une masse dans certaines cérémonies. À la Faculté de Droit de Paris, dénommé appariteur, il précédait le Doyen à certaines occasions).

     

     

    « En 1804, la Faculté comptait cinq chaires, trois de droit français, une de droit romain et une de droit pénal et de procédure civile et criminelle. Cet enseignement était confié à cinq professeurs titulaires. Quatre suppléants leur étaient adjoints pour les remplacer en cas d'empêchement. Depuis cette époque, un grand nombre de nouvelles chaires ont été créées. En 1819 notamment, le nombre des étudiants rendait impossible la réunion dans un seul amphithéâtre de tous les élèves d'une année. On dédoubla les chaires de Code civil, de droit romain et de procédure. Lors de la création de la Faculté en 1804, le nombre des chaires était de cinq ; il s'élève aujourd'hui à vingt-trois ».

     

     

     

     

    XXXIII La Faculté de Droit de Paris en 1888 par Louis Rousselet

                                4 Le grand escalier et la statue de Cujas

     

     

    « La grande porte franchie, nous pénétrons dans une cour entourée d'une galerie qui mène à un amphithéâtre et au secrétariat de la Faculté. Un bel escalier, au pied duquel est placée une statue fort médiocre de Cujas, conduit aux salles d'examens, de conférences et au logement du doyen. Au premier étage se trouve également la salle des délibérations de la Faculté.

     

    « Conformément à la destination de l'ancienne École et au décret de 1804, les professeurs titulaires, suivant l'ordre de leur ancienneté, étaient logés dans les bâtiments de l'École. Mais aujourd'hui on n'accorde plus de logements; les professeurs qui y étaient installés y ont été maintenus; mais, à mesure que les appartements deviennent vacants, ils sont attribués aux services publics ou restent inoccupés ».

     

     

     

     

     

    XXXIII La Faculté de Droit de Paris en 1888 par Louis Rousselet

      5 Professeur de la Faculté de Droit

     

     

    « Les professeurs titulaires, au moment de la création de la Faculté en 1804, furent nommés par le gouvernement; on reconnut le même droit au gouvernement pour toute chose de création nouvelle. Ce droit a été autrefois contesté; mais il est admis depuis longtemps sans opposition. Quant aux chaires vacantes, elles ont été données au concours jusqu'au décret du 9 mars 1852, qui a ordonné que, en cas d'une vacance d'une chaire, le professeur serait nommé par le gouvernement sur une double présentation, l'une par la Faculté dans laquelle la chaire est vacante, et l'autre par le conseil académique. Une loi du 27 février 1880 a enlevé au conseil académique ce droit de présentation, pour le transporter à la section permanente du conseil supérieur de l'Instruction publique. Les suppléants étaient nommés aux places créées par le gouvernement et au concours pour les places vacantes ».

     

     

     

     

     

    XXXIII La Faculté de Droit de Paris en 1888 par Louis Rousselet

           6 Le grand amphithéâtre

     

     

    « Les bâtiments de l'École de Droit ne comprenaient qu'un seul amphithéâtre, qui suffisait en 1804 pour les cinq cours que créait la nouvelle organisation. Mais à partir de 1819, où le nombre des cours fut singulièrement augmenté (il y en a aujourd'hui vingt-six, plus deux cours libres), l'École de Droit fut obligée d'emprunter les salles de la Sorbonne pour les leçons d'un certain nombre de ses professeurs. Enfin, on construisit sous la Restauration un second amphithéâtre, qu'on désigne encore sous le nom de nouvel amphithéâtre; on a conservé le nom d'ancien amphithéâtre à celui qui faisait partie de la construction primitive. Pour les cours de doctorat, dont les élèves sont moins nombreux, on a établi dans une des salles de l'ancien bâtiment un troisième amphithéâtre, beaucoup moins vaste que les deux autres. L'ancien amphithéâtre, qui a été pendant bien longtemps obscur et incommode, est depuis quelques années singulièrement amélioré. Il est très clair, et les élèves y sont commodément installés ».

     

    « L'assiduité aux cours a été longtemps constatée par des appels, que chaque professeur faisait plus ou moins fréquemment. Sous la Restauration, les professeurs, au commencement de chaque leçon, appelaient une vingtaine de noms pris au hasard, et notaient les absents. Aussi, au début de chaque leçon, l'amphithéâtre était comble. Mais, une fois l'appel terminé, les trois quarts au moins de l'auditoire quittaient la salle… Certains professeurs cessèrent de faire l’appel... Mais au commencement du deuxième Empire le ministre de l'Instruction publique enjoignit aux professeurs de faire des appels et de désigner à chaque trimestre les élèves qui n'auraient pas été présents. Deux professeurs, notamment, appliquèrent rigoureusement cette mesure, et les étudiants dont l'absence avait été signalée furent punis par la perte d'une inscription; mais on s'aperçut bientôt que la grande majorité de ceux qui avaient été ainsi frappés ne continuaient plus leurs études. Il en résultait une diminution des inscriptions, par suite une perte pour le Trésor, et le même ministre engagea les professeurs à s'abstenir des appels. Depuis ce temps-là, et encore aujourd'hui, les élèves sont à peu près libres de suivre ou de ne pas suivre les cours. Malgré cette liberté, les cours sont assez suivis, plus ou moins cependant, suivant le talent et la réputation du professeur ».

     

     

     

     

     

    XXXIII La Faculté de Droit de Paris en 1888 par Louis Rousselet

         7. L’examen à quatre

     

     

    « La durée des études de l'École de Droit est de trois ans pour obtenir le grade de licencié en droit. Les lois et règlements exigent une année de plus pour obtenir le grade de docteur en droit ».

     

    « Le système et le nombre des examens pour la licence, établi en 1804 a été complètement changé depuis quelques années. Dans l'ancien système, les aspirants à la licence avaient à soutenir un examen à la fin de la première année, un examen à la fin de la deuxième année et deux examens et une thèse dans la troisième année. Aujourd'hui, il n'y a plus qu'un examen à la fin de chaque année, soit trois examens en tout ».

     

    « Quant aux thèses pour la licence, elles ont été supprimées dans le nouveau système. La plupart n'étaient qu'une compilation ou une copie de thèses précédentes sur le même sujet et n'offraient aucun intérêt pour la science du droit ».

     

    « Quand arrive le jour de l'examen, les candidats sont affublés d'une robe de serge noire, semblable à celle des avoués et des avocats; un rabat blanc retombe en haut de leur robe sur leur poitrine. Les candidats se présentent devant les professeurs par groupes de quatre à la fois, au moins en règle générale ».

     

     

     

     

     

    XXXIII La Faculté de Droit de Paris en 1888 par Louis Rousselet

         8. La thèse de doctorat

     

    « Pour le doctorat, les candidats sont soumis à trois examens et à une thèse; les examens se passent à des intervalles qui ne sont pas fixes. Chaque examen est fait par trois professeurs et dure une heure et demie. Pour les examens de doctorat, chaque candidat paraît seul devant ses juges, et l'épreuve dure une heure. Quant à la thèse, elle constitue un travail sérieux. Elle comprend une dissertation sur un sujet choisi par le candidat et approuvé par le doyen. Au jour fixé, le candidat est argumenté par plusieurs professeurs. Ces thèses forment souvent des ouvrages complets et d'une valeur réelle sur le sujet donné ».

     

     

     

     

     

    XXXIII La Faculté de Droit de Paris en 1888 par Louis Rousselet

                              9. La bibliothèque

     

     

    « Dans les anciens bâtiments de l'École, une salle assez exiguë avait été consacrée à la Bibliothèque; elle ne pouvait contenir tous les livres que possédait la Faculté, et vingt-cinq à trente élèves seulement pouvaient y trouver place. Depuis 1876, on a ouvert deux salles plus vastes, beaucoup mieux aménagées, et dans lesquelles quatre-vingts à cent jeunes gens peuvent travailler ensemble. Dans les projets d'agrandissement de l'École, un vaste emplacement est réservé à la salle de lecture ».


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    L’École de Droit à Paris, en face du Panthéon (gravure/gillotage de Pérot, « Le tour de la France par deux enfants. Devoirs et patrie », édition Eugène Belin, 1877

    1 L’École de Droit à Paris, en face du Panthéon (gravure/gillotage de Pérot, « Le tour de la France par deux enfants. Devoirs et patrie », édition Eugène Belin, 1877, chapitre LXXVII).

     

     

    En souvenir de deux petits orphelins lorrains…  Chers visiteurs de ce blog consacré à Nos Facultés de Droit en images et cartes postales anciennes (ICPA), ce n’est pas sans une certaine émotion que je profite d’une matière aussi importante que la Faculté de Droit de Paris, pour glisser cette gravure la représentant de manière bien légère, avant les importants travaux d’extension de ses bâtiments, qui furent réalisés entre 1876 et 1900 (voir le chapitre XXXIX : Les travaux d’agrandissement de 1876 à 1900).

     

     

     

    Il s’agit de l’une des « 212 gravures instructives pour les leçons de chose » du célèbre livre de lecture courante pour cours moyens de G. Bruno (de son vrai nom Augustine Fouillée), « Le tour de la France par deux enfants. Devoirs et patrie », paru en 1877 (plus de 8,4 millions d’exemplaires vendus à ce jour !).

     

    En voici, pour les nostalgiques, les premières lignes :

     

           Par un épais brouillard du mois de septembre, deux enfants, deux frères, sortaient de la ville de Phalsbourg en Lorraine. Ils venaient de franchir la grande porte fortifiée qu'on appelle porte de France. Chacun d'eux était chargé d'un petit paquet de voyageur, soigneusement attaché et retenu sur l'épaule par un bâton. Tous les deux marchaient rapidement, sans bruit ; ils avaient l'air inquiet. Malgré l'obscurité déjà grande, ils herchèrent plus d'obscurité encore et s'en allèrent, cheminant à l'écart le long des fossés. L'aîné des deux frères, André, âgé de quatorze ans, était un robuste garçon, si grand et si fort pour son âge qu'il paraissait avoir au moins deux années de plus. Il tenait par la main son frère Julien, un joli enfant de sept ans, frêle et délicat comme une fille, malgré cela courageux et intelligent plus que ne le sont d'ordinaire les jeunes garçons de cet âge. A leurs vêtements de deuil, à l'air de tristesse répandu sur leur visage, on aurait pu deviner qu'ils étaient orphelins… 

     

     

    … et de Pérot ! L’auteur des gravures de ce livre dont celle du charmant dessin de l’École de Droit de la place du Panthéon est un dessinateur graveur, tristement oublié de tous, du nom de Pérot (il signait PEROT), sans prénom connu. Il a utilisé la technique du « gillotage » (du nom de son inventeur Gillot), qui consiste à transposer et à réduire photographiquement un dessin lithographique sur une plaque de zinc, cette dernière étant ensuite gravée à l’acide et utilisée pour l’impression typographique dans le texte. 

     

     

    Son dessin de l’École de Droit était accompagné d’une belle leçon de droit à la jeunesse d’Augustine Fouillée :

     

     

          Vous savez, enfants, qu'on appelle Code le livre où sont réunies toutes les lois du pays : le Code est le Livre des lois. Eh bien, depuis la fin du siècle dernier et le commencement du dix-neuvième siècle, un code nouveau a été établi en France ; Portalis est un de ceux qui ont le plus contribué à faire ce code, à chercher les lois les plus sages et les plus justes pour notre pays. Le code français est une des gloires de notre nation, et les autres peuples de l'Europe nous ont emprunté les plus importantes des lois qu'il renferme. Ceux qui veulent devenir magistrats ou avocats font de ces lois une étude approfondie, et on appelle Écoles de droit les établissements de l'Etat où l'on enseigne le code. La principale école de droit se trouve à Paris, en face du Panthéon. On compte en France 13 facultés de droit…

     

     

     

     

     

    La Faculté de Droit à Paris (peinture anonyme, fin du XIXème siècle)

             2. La Faculté de Droit à Paris (peinture anonyme, fin du XIXème siècle) 

     

     

     

     

    Si des millions de gens ont pu admirer, depuis 1877, le dessin de l’École de Droit de Paris du livre « Le tour de la France par deux enfants », soigneusement conservé dans les familles (il était bien souvent le seul livre de la maison !), bien peu de gens connaissent, cette autre image de la Faculté de Droit de Paris peinte à la même époque. Je l’ai découverte par hasard sur un site de vente en ligne d’œuvres d’art.

     

    Je n’ai guère de compétence pour décréter si cette toile est artistiquement bonne ou mauvaise (sa taille réduite et sa présentation sous verre ne m’ont pas permis d’en rendre l’image plus nette), d’autant plus qu’il n’est nulle part mentionné le nom de son auteur. Mais elle est rare puisque, sauf erreur de ma part, aucun de nos peintres les plus célèbres n’a reproduit la façade sévère de style néo-classique de la Faculté de Droit, construite de 1771 à 1773 par Jacques-Germain Soufflot, au sommet de la montagne Sainte Geneviève, place de la nouvelle église Sainte-Geneviève (devenue place du Panthéon). Nos grands peintres français ont toujours préféré déposer leur chevalet dans les allées du merveilleux Jardin du Luxembourg qui s’ouvre sur le boulevard Saint-Michel et la rue Soufflot, à quelques dizaines de mètres seulement de la Faculté de Droit et du Panthéon. Parmi ceux-ci, Auguste Renoir, Edgar Degas, Maximilien Luce, Albert Marquet, Henri Matisse, Pablo Picasso, Le Douanier Rousseau, Félix Vallotton, et Vincent Van Gogh (je suis en train de reproduire la quasi totalité de leurs toiles du Jardin du Luxembourg dans la rubrique Au Quartier Latin de ce blog).

     

     

     

     

    Les étudiants à la sortie de l’École de Droit en 1860 (dessin et gravure de Gustave Doré

    3. Les étudiants à la sortie de l’École de Droit en 1860 (dessin et gravure de Gustave Doré tirés de « Le nouveau Paris, histoire de ses vingt arrondissements ». Source : Gallica.bnf.fr Bibliothèque nationale de France).

     

     

    À très bientôt pour le chapitre XXXVIII : Construction du Grand Amphithéâtre de 1828 à 1831 


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    L’École de Droit, fondée en 1783, place du Panthéon

                          1. L’École de Droit, fondée en 1783, place du Panthéon 

     

     

     

    « Vous savez, enfants, la principale école de droit se trouve à Paris, en face du Panthéon » (G. Bruno : Le tour de la France par deux enfants. Devoirs et patrie », édition Belin, 1877, chapitre LXXVII).

     

     

     

     

     

     

     

    L’École de Droit de Paris sur un plan levé avant les travaux d’extension réalisés à la fin du XIXème siècle

     

    2. L’École de Droit de Paris sur un plan levé avant les travaux d’extension réalisés à la fin du XIXème siècle.

     

     

      Ce plan de Paris, publié par Hachette au XIXème siècle, montre l’emplacement de l’École de Droit de Paris (encadrée en jaune par votre serviteur J), achevée par l’architecte Jacques-Germain Soufflot en 1774, avant les travaux d’extension de ses bâtiments, réalisés sous la IIIème République (voir le prochain chapitre XXXIX : Les travaux d’agrandissement de 1876 à 1900). 

     

      Contrairement au plan de l’École de Droit levé par Edme Verniquet entre 1785 et 1791 que j’ai précédemment mis en ligne (chap. XIX, L’École de Droit en 1774, place du panthéon, n° 140), celui-ci mentionne la rue Soufflot (dénommée rue du Panthéon-Français avant 1807), qui borde l’École de Droit, et dont le percement avait commencé en 1760. Jusqu’au milieu du XIXème siècle, la rue Soufflot s’achevait au niveau de la rue Saint-Jacques, formant une impasse.

     

     

     

     

     

    Les travaux de la rue Soufflot commencés sous le Second Empire (photographie de Charles Marville

     

    3. Les travaux de la rue Soufflot commencés sous le Second Empire (photographie de Charles Marville. 1813-1879).

     

     

    Son prolongement vers le boulevard Saint-Michel et le Jardin du Luxembourg fut réalisé entre 1846 et 1876. 

     

     

     

     

     

    Tableau des inscriptions prises à l’École de Droit de Paris depuis son rétablissement en vertu de la loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) jusqu’à l’année scolaire 1839-1840

     

    4 Tableau des inscriptions prises à l’École de Droit de Paris depuis son rétablissement en vertu de la loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804) jusqu’à l’année scolaire 1839-1840 (les cours ont été ouverts en novembre 1806).

     

     

        De 1805 à 1840, l’École (ou la Faculté) de Droit de Paris a connu une grande attractivité. Pendant cette période, elle est passée de 500 à plus de 3000 étudiants dont plus d’une centaine d’étudiants étrangers russes, égyptiens, roumains ou grecs.

     

         Des mesures durent être prises sous la Restauration (1814-1830) et au tout début de la Monarchie de juillet (1830-1848) pour permettre l’accueil de ces nombreux étudiants de la Faculté de Droit de Paris qui en sortaient, pour la plupart, avocats sans la moindre cause à plaider, comme Marius Pontmercy le jeune premier des Misérables de Victor Hugo (voir dans la rubrique Au Quartier Latin de ce blog, le chapitre : Marius, avocat indigent, et Cosette au Jardin du Luxembourg). 

     

     

     

     

     

    L’ancien amphithéâtre de la Faculté de Droit de Paris (photographie de Charles Marville

     

    5 L’ancien amphithéâtre de la Faculté de Droit de Paris (photographie de Charles Marville 1813-1879)

     

     

          Car, en effet, à l’origine, les bâtiments de la Faculté de Droit de la place du Panthéon comportaient un seul amphithéâtre qui suffisait pour les cinq cours de droit dispensés aux jeunes messieurs qui avaient pu échapper à l’enrôlement dans l’armée napoléonienne par voie de tirage au sort.

     

    Ils étaient 500 inscrits pour l’année scolaire de 1805-06 ; 667 pour l’année scolaire de 1806-07 ; 920 pour l’année scolaire de 1807-08 ; et 1095 pour celle de 1808-09.

     

         Mais la chute du Premier Empire, l’abolition de la conscription et l’attrait de la bourgeoisie pour les nouvelles carrières judiciaires et administratives provoquèrent une augmentation très importante du nombre des étudiants de la Faculté de Droit de Paris :

     

    1720 inscrits pour l’année scolaire de 1816-17 ; 2055 pour l’année scolaire de 1817-18 ; 2388 pour l’année scolaire de 1818-19 ; 3097  pour l’année scolaire de 1819-20 !

     

     

     

     

    L’église de la Sorbonne attribuée à la seconde section de la Faculté de Droit de Paris (photographie de Friedrich Von Martens

    6 L’église de la Sorbonne attribuée à la seconde section de la Faculté de Droit de Paris (photographie de Friedrich Von Martens, c. 1855).

     

         Sous la Restauration (1814-1830), Louis XVIII fut donc obligé, pour permettre l’accueil de tous ces jeunes gens, de diviser la Faculté de Droit de Paris en deux sections (ordonnance du  24 mars 1819). La seconde section se vit alors attribuer, par un arrêté du 13 octobre de la même année, des salles de la Sorbonne ainsi que l’église désaffectée de la Sorbonne.

     

    Cette église, qui abrite le tombeau de Richelieu sculpté par Girardon, est également connue sous le nom de Chapelle Sainte Ursule de la Sorbonne. Elle avait été construite entre 1635 et 1642 par l’architecte Lemercier sur les ruines d’une chapelle de l’ancien collège de Robert de Sorbon, devenu l’Université de la Sorbonne (le Rectorat et la chancellerie des universités de Paris [Ministère de l'Éducation], sont aujourd’hui les propriétaires de l’église de la Sorbonne).

     

     

     

     

     

    L’intérieur de l’église de la Sorbonne vers 1787 (gravure de Jean-François Janinet

     

    7 L’intérieur de l’église de la Sorbonne vers 1787 (gravure de Jean-François Janinet. Source : musée Carnavalet, n° d’inventaire G 3844).

     

     

    En 1794, l’église de la Sorbonne avait été saccagée par les révolutionnaires parisiens pour se venger de la politique fiscale de l’Ancien régime, symbolisée par le cardinal de Richelieu. Depuis, désaffectée et en fort mauvais état, elle servait d’ateliers à des artistes sculpteurs qui ne pouvaient plus travailler au Louvre.

     

    Après quelques travaux, les étudiants de la seconde section de la Faculté de Droit de Paris purent donc, dès l’année scolaire de 1809-1810, y suivre les cours de droit dispensés par les professeurs Delvincourt, Morand, Portiez de l’Oise, Pigeau, Berthelot,  Pardessus et Boulage (voir le chapitre XXXII de cette rubrique : Les chaires de la Faculté de Droit de Paris au XIXe siècle).

     

     

     

                             

    Le collège du Plessis sur le plan de Turgot de 1739      

                        8 Le collège du Plessis sur le plan de Turgot de 1739

     

    Des cours de droit furent également donnés, en 1823, sous la Restauration, dans une salle du collège du Plessis, aussi appelé collège de Plessis-Sorbonne (les bâtiments de ce collège, fondé en 1322, ont été détruits en 1864 et, sur son emplacement, a été construite la partie nord du Lycée Louis-le-Grand, 123 rue Saint-Jacques [cour Molière]).

     

           

     

             

                      Entrée du collège de Plessis-Sorbonne (1779)                    

                             9 Entrée du collège de Plessis-Sorbonne (1779)

     

    Nos jeunes messieurs et leurs professeurs de l’École de Droit de la place du Panthéon  accédaient à cette salle du collège du Plessis, mise à leur disposition, par l’entrée principale du collège qui donnait sur la rue Saint-Jacques. Malheureusement pour nos jeunes et moins jeunes hommes de lois, « cette salle était extrêmement inconfortable » (Paris, capitale juridique : 1804-1950. Étude de socio-histoire sur la Faculté de Droit de Paris, sous la direction de Jean-Louis Halpérin, 2011, éditions rue d’Ulm, p. 26).

     

     

     

     

    Le nouvel amphithéâtre de la Faculté de Droit de Paris (L’Illustration, 1847)

    10 Le nouvel amphithéâtre de la Faculté de Droit de Paris (L’Illustration, 1847)

                                                                                                                                              

     

         En raison de l’augmentation du nombre de cours (5 chaires en 1805-1806 ; 16 chaires depuis une ordonnance royale du 24 mars 1819) et plus encore d’étudiants (500 en 1805-1806 ; 1441 en 1810-1811, 2055 en 1817-1818 ; 2610 en 1829-1830), un vaste amphithéâtre circulaire fut alors construit à l’arrière du bâtiment de la Faculté de Droit entre 1828 et 1830-1831 (les assemblées municipales du XIIème arrondissement s’y tenaient également !).

     

      Il était désigné sous le nom de nouvel amphithéâtre, celui d’ancien amphithéâtre étant réservé à celui du bâtiment primitif. Un troisième amphithéâtre, plus petit, fut édifié dans l’une des salles de l’ancien bâtiment pour les cours de doctorat.

     

    Les normes de construction des amphithéâtres n’étant pas sans rappelées celles aujourd’hui en vigueur dans nos universités (J : voir dans la rubrique Drôle d’en-droit de ce blog, mes cinq chapitres intitulés : Amphis en ruine de nos universités), plusieurs des éminents professeurs de la Faculté de Droit de l’époque (Blondeau, Du Caurroy, Delvincourt, De Portets, Morand, Duranton, Demante, Bugnet, Pardessus, Berrat-Saint-Prix, Demiau-Cronzilhac), se plaignirent aussitôt « de la condensation de la vapeur d’eau sur les vitres des combles, voire de véritables inondations, et de problèmes d’écho dans cette salle de grande dimension » (AN AJ16/1789, 13 janvier 1831). C’est la raison pour laquelle, plusieurs dizaines d’années plus tard, après maintes discussions et réflexions dignes des meilleures comédies de nos grands boulevards, la Faculté de Droit de Paris connut des travaux bien plus importants encore :

     

            A très bientôt donc pour le chapitre XXXIX : Les travaux d’agrandissement de 1876 à 1900


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    L’École de Droit, place du Panthéon (photographie colorisée à la main vers 1900)

    1 L’École de Droit, place du Panthéon (photographie colorisée à la main vers 1900)

     

    Prologus. En avant-propos de ce chapitre consacré aux travaux d’extension sous la IIIème République de l’École de Droit édifiée par l’architecte Jacques-Germain Soufflot en 1774, riche de bien belles images et cartes postales anciennes (ICPA), je rappelle que le Centre Panthéon abrite aujourd’hui, au n° 12 de la place du Panthéon, de manière bien confuse, le siège de l’Université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, l’École de Droit de la Sorbonne de cette même Université (Département Licence-Master 1 et Master 2), et le siège de l’Université de Paris-II-Assas (voir la rubrique Annuaire des Facultés de Droit).

     

     

     

    Plan de la Faculté de Droit de Paris après les travaux d’extension de ses bâtiments (plan postérieur à l’année 1897)

    2 Plan de la Faculté de Droit de Paris après les travaux d’extension de ses bâtiments (plan postérieur à l’année 1897).

     

     

    Un îlot de Droit. Ce plan d’une partie du Vème arrondissement du Quartier Latin de Paris montre l’emplacement de l’École de Droit de Paris (renommée Faculté de Droit, le 1er janvier 1809) après les travaux entrepris entre 1876 et 1900 qui lui ont permis d’occuper tout l’espace compris entre la place du Panthéon (ancienne place de la nouvelle église Sainte-Geneviève), la rue Cujas, la rue Soufflot et la rue Saint-Jacques. 

     

     

     

     

    Vue aérienne en 1958 du Panthéon (1), de la Faculté de Droit (2), du Lycée Louis le Grand (3) et de la Bibliothèque Sainte-Geneviève (4).

    3. Vue aérienne en 1958 du Panthéon (1), de la Faculté de Droit (2), du Lycée Louis le Grand (3) et de la Bibliothèque Sainte-Geneviève (4). 

     

     

            La transformation de la « vieille maison » (termes employés par le Doyen Garsonnet en 1896). Car, en effet, le bâtiment d’origine de l’École de Droit de la place du Panthéon se révélant trop étroit pour accueillir ses étudiants de plus en plus nombreux (500 en 1805, 1095 en 1808, 2055 en 1817, 3097 en 1818, 3 200 en 1893, 4 600 en 1899), de gigantesques travaux d’agrandissement durent être réalisés sous la IIIème République, d’abord entre 1878 et 1880, ensuite, dans les années 1890. Ernest Lheureux, architecte de la ville de Paris pour le Vème arrondissement, en fut le maître d’œuvre.

     

    À cette fin, et sous le contrôle de l’État, la ville de Paris, propriétaire de l’École de Droit depuis un décret du 9 avril 1811, procéda à l’expropriation de l’ensemble des maisons et terrains privés situés derrière le bâtiment d’origine jusqu’à la rue Saint-Jacques. Sur ce vaste espace, Ernest Lheureux édifia des salles de cours (six amphithéâtre disponibles en 1900), de conférences, d’examens, de thèses et de remise de prix, ainsi que des bureaux, et des salles de réunions. Il construisit encore deux salles de lectures entre 1876 et 1878, et une grande bibliothèque entre 1893 et 1898, dont l’actuelle Bibliothèque Cujas est l’héritière en dépit de son déménagement de l’autre côté de la rue Cujas, au numéro 2, en dehors du site historique de l’École de Droit.

     

    À l’issue des travaux, une plaque fut apposée au pied du grand escalier de la Faculté Droit avec ces mots gravés : « L’an 1900, Émile Loubet étant Président de la République, Georges Leygues ministre de l’Instruction publique, ont été terminés les travaux de la Faculté de droit restaurée et agrandie à frais communs entre l’Etat et la ville de Paris ».  

     

     

     

     

    La façade de la Faculté de Droit, rue Soufflot (vue panoramique vers la Tour Eiffel, prise du Panthéon).

    4. La façade de la Faculté de Droit, rue Soufflot (vue panoramique vers la Tour Eiffel, prise du Panthéon).

     

     

             Après les travaux entrepris par Ernest Lheureux, la façade gauche de l’École de Droit, sans aucune porte ou porte-fenêtre (mur de pignon), s’étendit rue Soufflot jusqu’à la rue Saint Jacques (à droite de cette carte postale ancienne).

     

    Au début du XIXème siècle, la rue Soufflot (ancienne rue du Panthéon-Français), du nom de l’architecte du Panthéon et de l’École de Droit, s’achevait en cul-de-sac au niveau de la rue Saint-Jacques. Son allongement vers le boulevard Saint-Michel et l’entrée du Jardin du Luxembourg commença sous le Second Empire, en 1846, et elle s’acheva sous la IIIème République, en 1876, année même du commencement des travaux d’extension de l’École de Droit. 

     

     

     

     

    Mur de pignon de l’École de Droit, rue Soufflot

    5. Mur de pignon de l’École de Droit, rue Soufflot (à gauche de cette carte postale ancienne noir et blanc).

     

     

     

    Mur de pignon de l’École de Droit, rue Soufflot (à gauche de cette carte postale ancienne colorisée à la main)

    6. Mur de pignon de l’École de Droit, rue Soufflot (à gauche de cette carte postale ancienne colorisée à la main).

     

     

     

    La Faculté de Droit à l’angle de la rue Soufflot et de la rue Saint-Jacques.

    7. La Faculté de Droit à l’angle de la rue Soufflot (à droite de cette photographie colorisée) et de la rue Saint-Jacques (à gauche de la photographie).

     

     

     

     

    La façade arrière de l’École de Droit (1), le lycée Louis le Grand (2), et la Nouvelle Sorbonne pour les lettres et les sciences (3), rue Saint-Jacques.

    8. La façade arrière de l’École de Droit (1), le lycée Louis le Grand (2), et la Nouvelle Sorbonne pour les lettres et les sciences (3), rue Saint-Jacques.

     

     

    La rue Saint-Jacques est probablement la plus ancienne rue de Paris correspondant au tracé fondateur de la cité gallo-romaine Lutèce en contrefort de la Montagne Sainte-Geneviève.

     

     

     

    La nouvelle entrée de la Faculté de Droit, rue Saint-Jacques

              9 La nouvelle entrée de la Faculté de Droit, rue Saint-Jacques

     

     

       C’est dans la rue Saint-Jacques qu’a été édifié, pour servir d’entrée à la Faculté de Droit, le portique, dessiné par Louis-Ernest Lheureux.

     

     

     

     

     

     

    Le portique de la Faculté de Droit, rue Saint-Jacques (planche architecture, Lheureux, 1898)

    10 Le portique de la Faculté de Droit, rue Saint-Jacques (planche architecture, Lheureux, 1898).

     

     

     

     

    Dans le langage des architectes, le portique désigne une décoration, en colonnes et en balustrades, pour servir d’entrée couverte à quelque lieu, ou pour le simple ornement (dict. d’Émile Littré). En l’espèce, il s’agit donc d’un portique d’entrée.

     

     

     

     

     

     

    La façade droite de la Faculté de Droit, rue Cujas

     

    11 La façade droite de la Faculté de Droit, rue Cujas (extrait d’une vue aérienne prise par Roger Henrard vers 1955).

     

     

    La rue Cujas existait déjà en 1230, sous le nom de rue Coupe-Gueule. Plus tard, elle fut renommée rue des Grès (déformation des mots des Grecs), puis rue Saint-Étienne-des-Grés (ou des Grès), en raison de l’église collégiale de Saint-Etienne-des-Grés qui se situait au niveau de la rue Saint-Jacques et du 5 rue Cujas. Les terrains de cette église, détruite en 1792, furent rachetés par la ville de Paris pour permettre les travaux d’extension de la Faculté de Droit jusqu’à la rue Saint-Jacques.

     

    C’est un décret du 2 octobre 1865 qui, en raison du voisinage de la Faculté de Droit, rebaptisa la rue Saint-Étienne-des-Grés rue Cujas du nom de Jacques Cujas (1520-1590), le célèbre jurisconsulte exégète du droit romain surnommé le « prince des romanistes ». Cujas aurait enseigné le droit romain un court temps à Paris avant de retourner dans sa chère ville de Bourges où il demeura jusqu’à sa mort, le 4 octobre 1590. 

     

    La façade de la Faculté de Droit donnant sur la rue Cujas et se prolongeant jusqu’à la rue Saint-Jacques, contrairement à celle donnant sur la rue Soufflot, a été percée par Ernest Lheureux de plusieurs ouvertures. Toutefois, ces ouvertures n’ont pas donné de charme particulier à ce long mur de la Faculté de Droit. C’est sans doute la raison pour laquelle je n’ai pu trouver aucune photographie ancienne de cette façade droite de la Faculté de Droit. Sauf une qui représente l’ancienne bibliothèque de l'École de Droit de Paris. Édifiée par Ernest Lheureux, cette bibliothèque était située au niveau de l'actuel numéro 3 rue Cujas, et, de ce fait, intégrée à l’îlot de l'École de Droit (elle a été détruite en 1969-1970). La photographie a été prise entre 1877 et 1880, par l’un de nos plus grands photographes : Charles Marville (1813-1879). Je vous la présenterai dans le prochain chapitre de cette saga imagée de la Faculté de Droit de Paris : 

     

       À très bientôt donc pour le chapitre XL intitulé : La Bibliothèque de Droit, rue Cujas (1/3)  





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