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    Du droit des écoliers à la paresse 8/15 (L'école buissonnière).

    85. 1ère Série Amusante. -École buissonnière (Collection Tol Sim, 28 rue d'Assas. Paris)

     

    « De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure et dont j’ai le mieux profitéIl n’est tel que de muser, ô mes amis. On y gagne toujours quelque chose. Si le petit Chaperon Rouge avait traversé le bois sans cueillir la noisette, le loup ne l’aurait pas mangé ; et, pour un petit Chaperon Rouge, en bonne morale, le sort le plus heureux est d’être mangé par le loup » (Anatole France. Le Petit Pierre. Edit. Calmann-Lévy. 1921. Chapitre VIII, p. 34). 

     

      « On apprend bien que ce qui plaît ». Voici un extrait du livre autobiographique de Paul Léautaud (1872-1956), chroniqueur dramatique dans divers journaux (Mercure de France, Nouvelle Revue Française, Nouvelles littéraires…), et écrivain, dans lequel il raconte ses jeunes années d’écolier : « J’ai été à l’école communale de l’impasse Rodier (à Courbevoie)… Je manquais une fois cette dernière pendant quinze jours, disant à mon père qu’il n’y avait pas classe, tantôt parce que le directeur avait perdu sa mère, tantôt parce que le maître était malade, etc. Mon père me croyait, et je pouvais flâner toute la journée par les rues. Mais, un jour, pendant le déjeuner, on vint de l’école pour savoir les raisons de mon absence. Quelle volée je reçus, dans le petit salon, à côté de la salle à manger ! Je m’entends encore crier à mon père, qui me marchait presque dessus de colère : Pardon, papa, je ne le ferai plus ! » (Paul Léautaud, Le Petit Ami, chap. 3 ; 1903, éd. Mercure de France). On notera que le Petit Paul quitta sans regret l’école, après son certificat d’études, et commença à travailler en exerçant divers petits métiers, notamment clerc dans une étude d’avoué, quai Voltaire, puis chez un administrateur judiciaire, rue Louis-le-Grand. Mais, peu inspiré par la vie judiciaire, il fut bientôt conquis par le monde des Lettres (et celui des belles femmes de Paris !) : « J’ai appris tout seul, par moi-même, sans personne, sans règles, sans direction arbitraire, ce qui me plaisait, ce qui me séduisait, ce qui correspondait à la nature de mon esprit ».

     

     

     

     

     L’École buissonnière (carte photo. Circa 1900).

                                 86. L’École buissonnière (carte photo. Circa 1900).

     

      Mon oPion (du latin opinio) - Pierre a déserté l’école et il commence à afficher ses opinions révolutionnaires, pour bien affirmer son indépendance.

     

     

    « École buissonnière, s’est d’abord dit d’écoles tenues par les hérétiques dans les lieux écartés de la campagne » (dictionnaire de la langue française Le Littré, 1874-1877).

     

        En effet, comme l'évoquait Émile Littré, l’école buissonnière est une expression qui remonte au XVIème siècle. Alors que les écoles des villes étaient dirigées par le clergé catholique, Martin Luther (1483-1546), un moine allemand, professeur de théologie à l’Université de Wittenberg, en Saxe, et fondateur du protestantisme, ne pouvait enseigner dans les villes cette religion qui remettait en cause des fondements du catholicisme (il sera excommunié le 3 janvier 1521). Il créa alors des écoles clandestines dans les bois, écoles qui, pour cette raison, furent qualifiées de buissonnières (Etymol. et Hist. : boissun « bouquet d’arbustes sauvages » ; boysson et boisson « petit bois » ; devenus buisson « petits groupes d’arbres, d’arbustes, d’arbrisseaux »). 

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 8/11 (photos anciennes 3/3).

                    87. L’École buissonnière (CPA pour enfants. Circa 1900). 

     

       Depuis, les mots école buissonnière ont un autre sens puisqu’ils sont utilisés pour signifier qu’un enfant sèche la classe pour aller s’amuser dehors. Pour les p’tits campagnards, des promenades et des jeux en plein air (buissons, bois, plan d’eau…). Pour les p’tits citadins, oisiveté dans les rues, parcs, fêtes foraines, grands magasins, cinémas…

     

       Voici encore la définition de l’expression « faire l’école buissonnière », telle qu’elle est apparue dans nos plus grands dictionnaires du XIXème siècle, et que l’on retrouve aujourd’hui dans ceux des XXème et XXIème siècles plus ou moins plagiaires :

     

    « Faire l'école buissonnière, en parlant d'un écolier, aller jouer au lieu de se rendre à l'école…»

    (Dictionnaire de la langue française Le Littré, 1874-1877. En libre accès sur internet [Open Access-OA]). 

     

    « Buissonnier-Buissonnière… 2. Spéc. École buissonnière. P. Plaisant. École de la nature que certains écoliers préfèrent à l'école officielle obligatoire.  Faire l'école buissonnière. Manquer la classe en allant se promener ; p. ext. muser, vagabonder »

    (Centre national de ressources textuelles et lexicales du CNRS. En libre accès sur internet [Open Access-OA]). 

     

     

    L’École buissonnière (CPA pour enfants. Circa 1900).

                             88. L’École buissonnière (CPA pour enfants. Circa 1900).

      

      « Deux élèves ont cané l'école (caner : s’enfuir, renoncer, reculer devant le danger. Par extension : faire l'école buissonnière), le frère et la sœur − six ans et quatre ans − se tenant par la main, avec leur panier du déjeuner, sont allés aux Buttes-Chaumont − les pattes flâneuses, le nez en avant, renifleur, attirés par l'odeur. Ils ont mangé leur pain, assis par terre, dans le jardin. Mais, la fillette fatiguée a fini par se mettre à pleurer, le garçon n'a plus reconnu son chemin. Un cantonnier les a ramenés à trois heures, un peu avant la fin de la récréation. Grand scandale ! On les a plantés contre le mur, au pilori ; toute l'école a défilé devant eux. Il y a eu un speech de la directrice, sur ces deux vagabonds qui auraient pu être ramassés par des saltimbanques… »

    (Léon Frapié. La Maternelle. Librairie universelle, 1908).  

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 8/11 (photos anciennes 3/3). 

        89-1. L’École buissonnière (CPA de photographies. Série de 5. Circa 1900).

     

    « Fritz Jacob n'avait qu'une idée : entraîner ses camarades dans une école buissonnière monstre.

    - L'école buissonnière ! L'école buissonnière ! s'écrie-t-il. C'est bien plus amusant que l'école pas buissonnière. Vive la clef des champs !

    - Vive la clef des champs ! » répètent avec lui les petits sots

    qu'il traîne à sa suite… »

    (P-J. Stahl [1844-1886], L’école buissonnière et ses suites. Éditeur J. Hetzel, avec des illustrations de G. Jundt. 1881. En libre accès sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5698597f

     

     

     L’École buissonnière (CPA de photographies. Série de 5. Circa 1900).

                                              89-2. L’école buissonnière

     

       Voici deux extraits du livre de l’énigmatique Paulin Poulain, « Religion et Socialisme », paru, en 1867, à Paris-Librairie Internationale, 13 boulevard Montmartre, dans lequel il fustige l’écolier paresseux par nature adepte de l’école buissonnière tout en opérant une amusante distinction selon sa classe sociale ! 

     

     

     

     L’École buissonnière (CPA de photographies. Série de 5. Circa 1900).

                                             89-3. L’école buissonnière

     

     

    Primo : l’écolier buissonnier pauvre et l’écolier buissonnier riche : « L’écolier qu’on appelle paresseux n’est pas plus somnolent que les autres ; seulement il préfère à l’école communale, l’école buissonnière, et ne craint pas de se fatiguer à courir les champs et les bois. Ou, si l’écolier est un fils de famille, un de ces riches héritiers dont le peu démocrate M. Thiers parle avec tant de complaisance et d’amour, il s’échappe, au moment où il pourrait dormir sur son thème ou sur sa version, pour aller enfourcher le poney dont il ménage peu les jambes, ou pour se mêler à ses gens, et faucher, moissonner ou battre, à leur exemple. »

     

     

     

     

    89-4. L’école buissonnière

                                              89-4. L’école buissonnière

     

     Secundo : l’écolier buissonnier futur étudiant sécheur de cours : « Plus tard l’écolier paresseux sera encore l’étudiant paresseux. Mais quand il manquera ses cours, ce ne sera pas pour aller rêver sous les frais ombrages ; vous le trouverez remontant à force de rames, le cours d’une rivière sous un soleil brûlant, ou exterminant dans un abominable steeple-chase, le pauvre cheval que lui aura confié le loueur imprudent ».

     

     

     

    89-4. L’école buissonnière

                                             89-5. L’école buissonnière

     

     

     

    L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

    90-1 L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

     

                       L’École c’est bien ennuyeux,

                       Si tu voulais, petite amie,

                       Nous irions courir tous les deux

                      A travers la grande prairie.

     

     

    L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

                                              90-2

     

                       Je vais grimper dans ce pommier,

                       Repose-toi, tu vas voir comme

                       Dans ton beau petit tablier,

                       Je vais jeter de belles pommes.

     

     

    L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

                                              90-3

     

                        Encore une et puis c’es assez,

                        Notre provision est complète.

                        Le paysan va faire un nez

                        En voyant la récolte faite !

     

     

    L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

                                             90-4

     

                       Maintenant, régalons-nous bien

                        Nous allons faire la dinette.

                        Il ne voit pas notre vaurien

                        Que le maître est là qui le guette.

                                

     

    L’école buissonnière (CPA de photographies noire et blanc, colorisées. Série de cinq. Poésie signée M.H.).

                                              90-5

     

                        Tout se finit par des chansons

                        Dit un proverbe. En l’occurrence

                        Nos vilains petits polissons

                        Finirent, eux, par une « danse ».

     

     

     

    Les Aventures de Tom Sawyer (film technicolor réalisé par Norman Taurog en 1938 avec Tommy Kelly dans le rôle de Tom Sawyer).

           91. Les Aventures de Tom Sawyer (film technicolor réalisé par Norman Taurog  en 1938 avec Tommy Kelly dans le rôle de Tom Sawyer).

     

          L’image de cette affiche représente une scène du film The adventures of Tom Sawyer, tiré du célèbre roman éponyme de Mark Twain paru en 1876. Cette scène est empruntée au premier chapitre du livre. De retour de son école buissonnière, Tom se met à table avec son demi-frère, Sidney, et sa tante Poly. Celle-ci essaye alors de lui faire avouer qu’il a fait l’école buissonnière.

     

       Chapitre 1

     

    « … Tom fit l’école buissonnière et s’amusa beaucoup. Il rentra juste à temps afin d’aider Jim à scier la provision de bois pour le lendemain et à casser du petit bois en vue du dîner. Plus exactement, il rentra assez tôt pour raconter ses exploits à Jim tandis que celui-ci abattait les trois quarts de la besogne. Sidney, le demi-frère de Tom, avait déjà, quant à lui, ramassé les copeaux : c’était un garçon calme qui n’avait point le goût des aventures.

     

          Au dîner, pendant que Tom mangeait et profitait de la moindre occasion pour dérober du sucre, tante Polly posa, à son neveu Tom, une série de questions aussi insidieuses que pénétrantes dans l’intention bien arrêtée de l’amener à se trahir. Pareille à tant d’autres âmes candides, elle croyait avoir le don de la diplomatie et considérait ses ruses les plus cousues de fil blanc comme des merveilles d’ingéniosité.

    « Tom, dit-elle, il devait faire bien chaud à l’école aujourd’hui,

    n’est-ce pas ?

    – Oui, ma tante.

    – Il devait même faire une chaleur étouffante ?

    – Oui, ma tante.

    – Tu n’as pas eu envie d’aller nager ? »

    Un peu inquiet, Tom commençait à ne plus se sentir très à son aise. Il leva les yeux sur sa tante, dont le visage était impénétrable.

    « Non, répondit-il… enfin, pas tellement. »

    La vieille dame allongea la main et tâta la chemise de Tom.

    « En tout cas, tu n’as pas trop chaud, maintenant. »

    Et elle se flatta d’avoir découvert que la chemise était parfaitement sèche, sans que personne pût deviner où elle voulait en venir. Mais Tom savait désormais de quel côté soufflait le vent et il se mit en mesure de résister à une nouvelle attaque en prenant l’offensive.

    « Il y a des camarades qui se sont amusés à nous faire gicler de l’eau sur la tête J’ai encore les cheveux tout mouillés. Tu vois ? »

    Tante Polly fut vexée de s’être laissé battre sur son propre terrain. Alors, une autre idée lui vint.

    « Tom, tu n’as pas eu à découdre le col que j’avais cousu à ta chemise pour te faire asperger la tête, n’est-ce pas ? Déboutonne ta veste. »

    Les traits de Tom se détendirent. Le garçon ouvrit sa veste. Son col de chemise était solidement cousu.

    « Allons, c’est bon. J’étais persuadée que tu avais fait l’école buissonnière et que tu t’étais baigné. Je te pardonne, Tom. Du reste, chat échaudé craint l’eau froide, comme on dit, et tu as dû te méfier, cette fois-ci. »

     Tante Polly était à moitié fâchée que sa sagacité eût été prise en défaut et à moitié satisfaite que l’on se fût montré obéissant, pour une fois. Mais Sidney intervint.

    « Tiens, fit-il, j’en aurai mis ma main au feu. Je croyais que ce matin tu avais cousu son col avec du fil blanc, or ce soir le fil est noir.

    – Mais c’est évident, je l’ai cousu avec du fil blanc ! Tom ! »

    Tom n’attendit pas son reste. Il fila comme une flèche et, avant de passer la porte, il cria :

    « Sid, tu me paieras ça !...  »

     

    La suite dans une semaine : 

    Du droit des écoliers à la paresse 9/19 (Derniers de classe).


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    Ma première punition (CPA colorisée, série Souvenirs de Jeunesse).

       79. Ma première punition (CPA colorisée, série Souvenirs de Jeunesse).

     

                 Il me souvient qu’étant en classe

                 Je manquais souvent d’attention,

                 Le maître, un jour, de guerre lasse,

                 Me mit soudain, loin de ma place,

                 Face au mur, et cette action

                 Fut ma première punition ;

                 (poème signé A.G. Vers 1900)

     

     

    Punition des mauvais élèves (photo carte précurseur. Éditeur : A.N. Paris.)

    80. Punition des mauvais élèves (photo carte précurseur. Éditeur : A.N. Paris. Une carte précurseur serait une photographie au format de carte postale, éditée avant l’introduction officielle des cartes postales, souvent entre 1870 et 1899). 

     

     

    Condamné à porter le bonnet d’âne (CPA d’une série enfantine, signée S.P.).

    81. Condamné à porter le bonnet d’âne (CPA d’une série enfantine, signée S.P.).

    - Qu’avez-vous fait, Monsieur, pour que l’on vous condamne à porter l’humiliant et triste bonnet d’âne ???

       J’ignore la réponse donnée par ce très jeune Monsieur. Elle doit figurer sur la carte suivante de cette série dont je n’ai pu trouver dans la toile d’Internet que celle-ci numérotée V.  

         En revanche, j’ai pu y dénicher les trois séries complètes suivantes (82, 83, 84) :

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

    82-1. Solution d’un problème ! (légende au bas des six photographies anciennes de cette série pour enfants).

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                 82-2. Solution d’un problème ! 

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                 82-3. Solution d’un problème !

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                               83-1. La Paresse (série non datée. Éditeur R.P.I.)

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                                               83-2. La Paresse.

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                                               83-3. La Paresse.

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                                               83-4. La Paresse.

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                84-1. l’Ecolier taquin (série de cinq photos cartes de l’année 1905).

                Un devoir de grammaire, c’est peu récréatif,

                Petit Pierre s’endort au chapitre « adjectif »

                Paul dont l’esprit taquin est toujours en éveil,

                De son petit ami, veut troubler le sommeil.

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                84-2. L’Ecolier taquin

                Quelle mouche importune, piquant ainsi sans trêve,

                 Vient du pauvre dormeur interrompre le rêve.

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                 84-3. L’Ecolier taquin

                 Rêve bientôt repris, le voici les yeux clos.

                 Et Paul recommence… Cette fois c’en est trop.

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                84-4. L’Ecolier taquin

                D’un bond, Pierre est debout renversant l’écritoire,

                L’encre au nez du taquin jaillit en fusée noire.

     

    Du droit des écoliers à la paresse 7/11 (photos anciennes 2/3).

                   84-5. l’Ecolier taquin

                   Voici Paul tout confus sous ses éclaboussures,

                   Pierre rit à son tour de sa triste figure.

     

    La suite, dans une semaine :

    Du droit des écoliers à la paresse 8/19 (L’école buissonnière).


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    L'École Buissonnière (1949. Film NB de Jean-Paul Le Chanois).

                 64 L'École Buissonnière (1949. Film NB de Jean-Paul Le Chanois).

       

          Dans ce film, Bernard Blier joue le rôle d’un instituteur, Monsieur Pascal, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure en juillet 1914, ancien combattant de la guerre de 14/18 gravement blessé qui, un an après sa sortie de l’hôpital, fut nommé à son premier poste dans un village de Haute Provence. Il y recourt alors à des méthodes d’enseignement nouvelles inspirées de la pédagogie de Célestin Freinet. Selon celle-ci, les enfants doivent découvrir par eux-mêmes ce qu’ils vont apprendre, l’enseignant devant seulement faire naître leur désir de savoir, par exemple au cours de promenades extérieures ou, en classe, en les invitant à créer et imprimer un journal.

       Lors de sa première classe, le nouvel instituteur Pascal invite les écoliers à déchirer une page de leur cahier et il leur demande d’y écrire tout ce qu’ils veulent. Pendant ce travail, il les regarde, les uns après les autres, et les spectateurs du film entendent sa réflexion intérieure :

     

    « Chaque visage a une âme. Comment la découvrir ? Comment trouver le chemin qui me conduira jusqu’à elle ? Serai-je capable de leur donner soif, soif de connaissances, soif de vivre, et ensuite d’apaiser cette soif ?

     

       Chacun d’eux est un problème. Ernest, le premier qui m’a conduit à l’école, en qui on devine déjà une sensibilité intérieure. Firmin, le regard fixe, les yeux vagues, à quoi pense-t-il ? Qu’y-a-t-il derrière son expression immobile ? Jacquot, le p’tit ruminant qui suit la course des mouches au plafond. À quoi pourrais-je l’intéresser ? Et Gaston que sa mère menace du cabinet noir. Et Jeannot, le saumon, dont je voudrais chasser la crainte. Et les p’tits, là bas, bouches ouvertes et les doigts dans le nez. Lucien qui rêve et qui sourit. À quoi ? À qui ? Modeste qui fait le singe, pensant que je ne le vois pas. Et Charles dont il me faudra vaincre la timidité. Et André qui dort et qu’il me faudra réveiller autrement qu’avec un rappel à l’ordre. Et Michel, l’artiste qui dessine sans doute le portrait de son nouveau maître. Et là bas, Albert, presqu’un homme. Comment faut-il lui parler ? »  

     

     

     

    Merlusse (1935. Film NB de Marcel Pagnol).

                               65 Merlusse (1935. Film NB de Marcel Pagnol).

     

       M. Blanchard (joué par Henri Poupon), surnommé Merlusse à cause de son odeur de poisson, est le surveillant d’un pensionnat, chahuté par les élèves qui ne comprennent pas que, sous son air sévère, il a une grande affection pour eux. Ils lui mettent un clou sur sa chaise et celui-ci, au lieu de les punir, dépose, la nuit de Noël, en cachette devant chaque lit des enfants oubliés de leurs parents un petit cadeau payé avec ses maigres appointements. Découvert par les enfants, ceux-ci, à leur tour, lui offre des cadeaux avec tout ce qu’ils ont retrouvé dans leurs poches plus ou moins trouées et ils entonnent un joyeux chant de Noël. Merlusse, les larmes aux yeux, pose une question : « Qui dois-je remercier ? ».

     

     

    Poil de carotte (1925. Film NB en version muette de Julien Duvivier avec André Heuzé dans le rôle de Poil de carotte)

    66 Poil de carotte (1925. Film NB en version muette de Julien Duvivier avec André Heuzé dans le rôle de Poil de carotte. Julien Duvivier réalisera, en 1932, un autre film éponyme, en version sonore, avec le jeune Robert Lynen dans le rôle de Poil de carotte).

     

       Dans ce film, tiré du livre éponyme de Jules Renard, le jeune Poil de carotte, rudoyé par sa mère et délaissé par son père, doit rédiger un devoir décrivant La famille. Après avoir longuement réfléchi, il écrit : « La famille est la réunion sous le même toit de personnes qui ne peuvent pas se sentir ».

     

     

    Zéro de conduite (1933. Film NB de Jean Vigot)

                               67. Zéro de conduite (1933. Film NB de Jean Vigot).

     

     Ce film met en scène « des gosses que l’on abandonne un soir de rentrée d’octobre dans une cour d’honneur d’un pensionnat quelque part en province » (Jean Vigot).

     

     Réplique de l’élève Tabard à son professeur de chimie qui l’invitait à parler correctement : « Hé bien moi, j’vous dis merde ». Le conseil de discipline ayant décidé, à raison de la proximité des vacances, de lui passer l’éponge, s’il présentait des excuses à son professeur, le jeune Tabard répéta, devant toute la classe : « Monsieur le professeur, je vous dis merde ».

     

     

     

          La Foire aux cancres (1963. Film NB de six sketches de Louis Daquin

    68. La Foire aux cancres (1963. Film NB de six sketches de Louis Daquin. Scénario de Pierre Tchernia, d’après le livre éponyme de Jean-Charles). 

     

    L’instituteur Baudrier, joué par Dominique Paturel, rend leurs devoirs aux élèves.

    L’instituteur : « Et encore, s’il n’y avait que des âneries, mais il y a l’orthographe. Toi, par exemple, tu veux être pilote d’avion à rédaction ! Et encore il y a l’orthographe… Tu n’sais pas que les mots en al font aux au pluriel. Un cheval, des chevaux, ça ne te dit rien ? »

    L’élève : « Si m’sieur, on dit des chevaux quand on parle de plusieurs chevals ».

     

     Voici quelques citations du livres de Jean-Charles, La Foire aux Cancres (éd. Calmann-Lévy, 1963), tiré à plus d'un million d'exemplaires, à l'origine du scénario de ce film éponyme de Louis Daquin : 

    Dans le couloir du collège était inscrit: DEFENSE DE COURIR, un élève, cancre ou non, avait ajouté: SOUS PEINE DE POURSUITE.

    Les trois grandes époques de l’humanité sont l’âge de la pierre, l’âge du bronze et l’âge de la retraite. 

    Le carré est une figure qui a un angle droit dans chaque coin. 

    Principe d’Archimède : tout corps plongé dans un liquide en ressort mouillé…. S’il n’est pas revenu à la surface au bout d’une demi-heure, il doit être considéré comme perdu. 

    Poème : texte où chaque ligne commence par une majuscule.

    La forme la plus élevée de la vie animale est la girafe.

    Une plaine est une montagne plate.

    Aujourd'hui, nos pères les Gaulois ont complètement disparu mais ils nous ont laissé de Gaulle. 

    Henri IV fut tué dans un accident de voiture par un fou nommé Cadillac. Celui-ci fut écartelé par une Quatre-Chevaux. 

    La forêt vierge est une forêt qui n'a jamais été pénétrée par l'homme.

    Quadrupède : Qui a quatre pieds. Exemple : le tabouret.

    L'ennuyeux avec la gloire posthume, c'est qu'on ne peut en profiter qu'après sa mort.

    Papa est très fier de son auto. Chaque jour, il la fait briller avec une peau de chinois.

     

     

           Le Petit Nicolas (2009. Film de Laurent Tirar

    69. Le Petit Nicolas (2009. Film de Laurent Tirard, inspiré du célébrissime livre éponyme de René Goscinny illustré par Jean-Jacques Sempé : plus de 15 millions d’exemplaires vendus en 45 traductions !).  

     

     Cette image représente non pas le Petit Nicolas, joué par Maxime Godart, mais son copain de classe Clotaire, le dernier de la classe, joué par Victor Carles, qui rêve de devenir un grand champion de course cycliste car il a reçu à Noël un vélo pour faire des courses pour sa maman dans les magasins. Cancre notoire, chaque jour, il est puni et va naturellement au piquet au fond de la classe, même si sa maîtresse, Mademoiselle Chambon, ne l’a pas réprimandé.

     

     

     

    Les voyelles : A comme Âne (CPA. Editeur : Bergeret).

                        70. Les voyelles : A comme Âne (CPA. Editeur : Bergeret). 

       

        Voici quelques extraits de la définition du mot ÂNE donnée dans le dictionnaire de la langue française d’Émile Littré (Le Littré), paru de 1873 à 1877 :

    Âne :

    1°. Bête de somme du genre cheval, à longues oreilles.

    Têtu comme un âne, très opiniâtre.

    C'est un âne bâté, c'est un homme fort ignorant.

    Bonnet d'âne, bonnet en papier et garni de deux cornes qu'on met sur la tête des enfants en guise de punition.

    Oreilles d'âne, cornets de papier imitant la forme d'une oreille d'âne, qu'on met à un enfant, pour le punir d'une faute d'ignorance.

    2°. Fig. Homme sans intelligence, esprit fermé.

    Proverbe : À laver la tête d'un âne on perd sa lessive ; c'est peine perdue de vouloir instruire une personne stupide.

    Synonyme : ÂNE, IGNORANT. On est âne par disposition d'esprit, et ignorant par défaut d'instruction. L'ignorant n'a pas appris ; l'âne ne peut pas apprendre.

     

     

     

    Qui n'a patience n'a pas science (CPA colorisée)

                              71. Qui n'a patience, n'a pas science (CPA colorisée). 

     

       Sur le tableau noir à droite de cette photographie ancienne noir et blanc colorisée, le maître a écrit : Qui n’a patience, n’a pas science. Il s’agit d’un proverbe français que l’on trouve sous diverses formes comme : « Patience passe science » ; « Patience passe science, qui ne l’a pas science ». Pour en comprendre le sens, il suffit de remplacer le mot passe par le mot mène : Patience mène à Science.

     

     

    La douleur de l’enfant au bonnet d’âne

                                    72. La douleur de l’enfant au bonnet d’âne 

     

    « Plus bête que l’âne de la fable (celle de La Fontaine : l’Âne et le chien, publiée en 1678), je m’inquiétais beaucoup pour savoir de quel maître j’aurais l’honneur de porter le bât » (Jean-Jacques Rousseau. Confessions).

      Pauvres ânes, tellement moqués alors même que le naturaliste Buffon (1707-1788), écrivait : « L’âne est d’un naturel aussi sensible, aussi patient, aussi tranquille que le cheval est fier, ardent, impétueux ».

       Pauvres enfants en difficultés souvent ridiculisés par leurs maîtres d’écoles qui, jusque dans les années 1960, pouvaient les traiter d’ânes (bâtés) et les obliger à porter un bonnet d’âne ou une oreille d'âne (voir la distinction mentionnée par Emile Littré, sous l'image n° 70), symbole de l’ignorance. Ainsi affublés, devaient-ils rester à genoux devant toute la classe, à moins d’être envoyés au piquet au fond de la classe (ils pouvaient aussi être obligés, après l’école, de porter le bonnet d’âne dans la rue jusqu’à chez eux).

      « Derrière la porte ou au lieu le plus sordide de l'école, où l'on mettra un petit râtelier avec du foin […], il doit y avoir, attaché au-dessus, un vieux bonnet de carte [carton] avec de grandes oreilles d'âne faites de cartes, qui y seront attachées, qu'il faut mettre sur la tête du paresseux […]. » (Jacques de Batencour, ou de Batencourt, pédagogue français du XVIIème siècle, auteur, en 1694, de l’ouvrage L'escole paroissiale, ou la manière de bien instruire les enfants dans les petites escoles).

     

     

     

      Les p’tites filles punies du bonnet d’âne (CPA datée 1904. Éditée par E. D. B.)

    73. Les p’tites filles punies du bonnet d’âne (CPA datée 1904. Éditée par E. D. B.)

     

     Cette photographie est singulière car, autrefois, le bonnet d’âne était principalement réservé aux jeunes garçons. En effet, les jeunes filles, plutôt spécialisées dans l’art du bavardage à voix basse, étaient punies en étant affublées d’une langue de bœuf en carton rouge qui leur était accrochée dans le dos. 

     

     

    Bonnet d’Âne et Couronne de Lauriers (CPA envoyée le 20 juillet 1903).

      74. Bonnet d’Âne et Couronne de Lauriers (CPA envoyée le 20 juillet 1903).

     

    Je t’envoi au lieu de je t’envoie ?  La personne qui a écrit ces quelques mots au recto de la carte postale (à l’époque il était interdit d’écrire au verso) était-elle à l’école un cancre souffre-douleur du maître ou un premier de classe chouchou de celui-ci ? En tout cas, elle ne disposait pas encore d’accès à Internet pour vérifier les conjugaisons des verbes plus ou moins tordus.

     

     

    Un écolier pensif (Photographie de Robert Doisneau).

                        75. Un écolier pensif (Photographie de Robert Doisneau).

     

       Plusieurs dizaines de photographies de Robert Doisneau |1912-1994], représentant des enfants et des écoliers, publiées dans les années 1950/1960, ont été réunies par lui-même et Cavanna, dans leur ouvrage Les doigts plein d’encre, paru en 1990 (éditeur Hoebeke).

     

     

    Un écolier paresseux (Photographie de Robert Doisneau).

                     76. Un écolier paresseux (Photographie de Robert Doisneau).

     

     

    Un écolier puni (Photographie de Robert Doisneau).

                          77. Un écolier puni (Photographie de Robert Doisneau).

     

     

    Le cadran scolaire (Photographie de Robert Doisneau. 1956).

                  78. Le cadran scolaire (Photographie de Robert Doisneau. 1956).

     

    La suite, dans une semaine :

    Du droit des écoliers à la paresse 7/19 (photographies anciennes 2/2 : Le paresseux).


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    Le Petit Paresseux (huile sur toile de Jean-Baptiste Greuze. 1755. Musée Fabre de Montpellier)

    52 Le Petit Paresseux (huile sur toile de Jean-Baptiste Greuze. 1755. Musée Fabre de Montpellier)

     

                   Dors, mon petit quinquin
                   Mon petit poussin
                   Mon gros raisin
                  Tu me feras du chagrin
                  Si tu ne dors point jusqu'à demain*
     

     

     *Refrain, en Français, de la berceuse L’Canchon Dormoire (La Berceuse), plus connue sous le titre L’Ptit Quinquin (Petit enfant), écrite en patois de Lille, par Alexandre Desrousseaux, en novembre 1853.

     

     

                  Refrain en patois :

                  Dors, min p'tit quinquin
                  Min p'tit pouchin
                  Min gros rojin !
                  Te m'feras du chagrin
                  Si te n'dors point j'qu'à d'main.

     

      Le succès de cette berceuse fut général au point qu’elle devint l’hymne officieux des gens du Nord et que, à son centenaire, elle fut célébrée à l’Élysée sous l’égide du président de la République Vincent Auriol, interprétée par Line Renaud et la Société carnavalesque des Sans-Soucis.

     

    Vous en trouverez les paroles complètes sur Wikipedia :   https://fr.wikipedia.org/wiki/P%27tit_Quinquin_(chanson)

     

     

     … et de multiples interprétations sur Youtube dont celle des Petits Chanteurs à la Croix de Bois, en 2010, avec en solistes les jeunes Baudoin Aube et Adrien Bragagnolo (chef de chœur : Brigitte Thomassin) :

    L'Petit Quinquin. Petits Chanteurs à la Croix de Bois. 2010

     

     

     

    Den Hausaufgaben-Les devoirs (huile sur toile de Carl Watzelhan

    53. Den Hausaufgaben-Les devoirs (huile sur toile de Carl Watzelhan [Mainz 1867-Wiesbaden 1942]).

     

    Alors serr' tes yeux, dors min bonhomme,
    J'vas dire eun'prière à p'tit Jésus,
    Pou qu'i vienne ichi, pindint tin somme…

    (Cinquième couplet de la berceuse L’Ptit Quinquin).

     

     

     

     Shouldn’t you be learning your lessons ? (aquarelle de William Henry Hunt

    54. Shouldn’t you be learning your lessons ? (aquarelle de William Henry Hunt [Londres 28 mars1790-10 février1864]).

     

     J’apprends,

    C’est fatigant sans « u » ou c’est fatiguant avec un « u » ?

     

     

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 5/11 (peintures anciennes)

    55. L’écolier pensif (huile sur toile, datée 1937, de Hanne Tartter 1937. Source : PROANTIC).

     

                      …Dessus le tableau noir, le maître écrit des mots
                         Et puis il interroge au hasard un marmot.
                        Toujours il faut savoir et par cœur ses leçons
                        Sinon l'on est privé de récréation.

                        Le cancre est installé dans le fond de la classe,
                        Les yeux souvent fixés sur dehors, la fenêtre ;
                        Les élèves modèles près du tableau se placent
                        Et mettent un point d'honneur à bien écouter le maître…

                    (Deux des strophes d’un poème d’Olivier Briat : L’écolier).

     

     

     

    L’écolier puni (tableau de Jean Béraud)

    56. L’écolier puni (tableau de Jean Béraud [Saint-Pétersbourg 12 janvier 1849- Paris 4 octobre 1935]). 

     

    Sur soixante millions de Français, on doit compter environ cinquante-neuf millions de cancres, cinq cent mille professeurs et cinq cent mille bons élèves, qui écoutent avidement des cours qui ne servent à rien.

    Jean Dutourd - Les pensées et réflexions (1990)

     

     

     

     

    Le paresseux au bonnet d’âne (dessin fin du XXème siècle début du XXème siècle)

    57. Le paresseux au bonnet d’âne (dessin fin du XXème siècle début du XXème siècle).

     

       E : Endroits

       C : Cruels

       O : Ou

       L : Les

       E : Elèves

       S : Souffrent

     

     

     

    Écriture d’une rédaction (peinture, datée 1908, du Suisse Albert Anker)

    58. Écriture d’une rédaction (peinture, datée 1908, du Suisse Albert Anker [1831-1910]. Source : commons wikimedia).

     

     

                   « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » (Socrate).

     

                   « L’imagination est plus importante que le savoir » (Albert Einstein).

     

     

     

    The Dunce. Peinture d’Harold Copping datée 1886 (Russel-Cotes Art Gallery & Museum. Bournemouth. Angleterre)

    59. The Dunce (en français : le cancre). Peinture d’Harold Copping datée 1886 (Russel-Cotes Art Gallery & Museum. Bournemouth. Angleterre). 

     

         Jusqu’à la fin du XIXème siècle, le rejet de l’écolier en difficulté n’était pas l’apanage des pédagogues français, comme le montre ce tableau d’Harold Copping, un peintre et illustrateur britannique (25 août 1863-1er juillet 1932). Il se manifestait dans la plupart des pays de l’Europe comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne (Der Dummkopf, en français : l’imbécile), ainsi qu’aux États-Unis.

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 5/12 (peintures anciennes)

    60. Boy with Dunce Cap (en français : l’enfant affublé du bonnet de cancre). Tableau d’un peintre anonyme, fin du XIXème siècle.

     

      Dans les pays anglo-saxons, l’écolier lent à apprendre, qualifié de paresseux ou de cancre, était alors puni par son maître qui lui faisait porter un bonnet, dit Dunce Cap (de dunce, « cancre », et cap, « bonnet »). Ce bonnet était muni tantôt d’un seul appendice censé représenter une oreille d’un âne, tantôt de deux appendices pour évoquer les deux longues oreilles de l’âne.

     

     

     

    L’Écolier embarrassé (Jean Geoffroy, dit Geo).

                                61. L’Écolier embarrassé (Jean Geoffroy, dit Geo).

     

       Voici pour « boucler » cette page, plusieurs peintures de Henri Jules Jean Geoffroy, également connu sous le pseudonyme de Geo (Marennes 1er mars 1853-Paris 15 décembre 1924). Vers 1876, il rencontra l’éditeur Hetzel pour qui il illustra de nombreux livres d’enfance. En 1900, il fut médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris.

        Au début de sa carrière, il habitait chez un couple d’instituteurs, juste au dessus d’une école. Il a su traduire avec finesse, dans ses premières peintures, le charme naïf des écoliers paresseux et/ou en difficultés qu'il côtoyait.

      J’accompagne ces peintures d’une poésie trouvée sur Facebook, sans référence à un auteur précis, qui accompagnait cette image de « L’Écolier embarrassé » de Geo. 

     

                       « L'Écolier embarrassé » (1908).

                       Geoffroy dit Geo (1853-1924)

     

                        Le petit écolier

                        Se tripotait l’oreille,

                        Il avait oublié

                        Sa leçon de la veille

                        Et ce grand tableau noir

                        Le remplissait d’effroi,

                        L’accord du verbe avoir

                        Pour lui si maladroit,

                        C’était toute une histoire

                        Que son esprit rêveur

                        Malgré sa bonne mémoire

                        N’emmagasinait pas,

     

     

     

    L’Écolier rêveur (Jean Geoffroy, dit Geo).

                                      62. L’Écolier rêveur (Jean Geoffroy, dit Geo).

     

                        Il y’avait dans son cœur

                        D’autres choses que ça,

                        Il y’avait le bonheur

                       De courir dans les bois.

                       Le petit écolier

                       Aimait les herbes folles

                      Et les bougainvilliers,

                      Il n’aimait pas l’école,

                      Il préférait jouer

                      Dans l’eau pure du ruisseau

                      Au lieu d’être cloué

                      Devant ce grand tableau.

     

     

    Un futur savant. Le bonnet d’âne (Jean Geoffroy, dit Geo. Huile sur toile. 1880. Musée national de l’Éducation. Rouen).

    63. Un futur savant. Le bonnet d’âne (Jean Geoffroy, dit Geo. Huile sur toile. 1880. Musée national de l’Éducation. Rouen). 

     

                     Il faisait de son mieux

                     Mais n’y arrivait pas,

                     Sans doute que le bon dieu

                     En lui tendant les bras

                     Lui avait réservé

                     Ce bien joli métier,

                     L’enfant embarrassé

                     Serait garde forestier.

     

    La suite, dans une semaine :

    Du droit des écoliers à la paresse 6/19 (photographies anciennes 1/2).


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    François Truffaut en 1963

                               37. François Truffaut en 1963 (source Wikimedia)

     

      « Mais qu’est-ce qu’on va faire de ce gosse ! » (phrase répétée, à l’approche de chaque vacances, par la mère de François Truffaut). François Truffaut, l’un des plus grands cinéastes français, figure majeure de la Nouvelle vague des années 50-60, avec Les Quatre Cents Coups (1959), puis auteur de films à grand succès (Jules et Jim, La Sirène du Mississipi, L’Enfant Sauvage, L’Argent de Poche, Le Dernier Métro, Vivement Dimanche…), fut un enfant non désiré et mal aimé.  

     

      Né hors mariage. Il était né, le 6 février 1932, de père inconnu et d’une mère qui, pour cacher sa position de fille-mère, le laissa à une nourrice, puis à ses parents qui résidaient dans le Bas-Montmartre. En 1942, à la mort de sa grand-mère, François Truffaut, âgé d’une dizaine d’années, vint loger, rue de Navarin, chez sa mère alors remariée avec Roland Truffaut, lequel avait faussement reconnu être son père à l’État civil (François Truffaut retrouvera son père biologique en 1968). Faute de place, il dormait dans un couloir et sa mère, dit-il, aurait été froide et distante envers lui, tout comme son beau-père.  

       « Je haïssais maman en silence… comme ce matin où, étant resté deux heures à faire la queue pour ne ramener qu’un paquet de biscottes, jeté par terre, elle me donna des coups de pieds…Et toi je t’aimais bien tout en te méprisant… » (lettre de François Truffaut, âgé de vingt-sept ans, à son père adoptif).

     

     

    Collège/Lycée Rollin, rebaptisé Jacques Decour en 1944 (carte postale ancienne. Établissement situé à Paris, 12 avenue Trudaine, dans le 9ème arrondissement).

    38. Collège/Lycée Rollin, rebaptisé Jacques Decour en 1944 (carte postale ancienne. Établissement situé à Paris, 12 avenue Trudaine, dans le 9ème arrondissement).

     

        «… Moyen à l’école, juste ce qu’il faut… ». Quant à ses études, le jeune François Truffaut ne fut pas un élève à proprement parler paresseux ou chahuteur. Ni trop haut (premier de classe, surnommé fayot), ni trop bas (dernier dit cancre), il faisait partie de la vaste catégorie intermédiaire (moyen, peut mieux faire). Il aurait ainsi obtenu d’assez bonnes notes à l’école élémentaire du lycée Rollin, mais, non admis en classe de sixième, il dut s’inscrire à l’examen de rattrapage.

          Inscrit aux cours complémentaires de l’école communale, 5 rue Milton, puis, en septembre 1945, à l’école privée Notre Dame de Lorette, 8 rue Choron, il y devint l’ami des meilleurs cancres, dont le futur cinéaste Robert Lachenay, et il cessa d’être appliqué. Le12 juin 1946, il obtint quand même, en classe de quatrième, son certificat d’études primaires, et il arrêta aussitôt ses études.  

     

     

    Robert Lachenay et François Truffaut en 1948.

    39. Robert Lachenay et François Truffaut en 1948 (source : https://twitter.com/lecinema_/status/735505950719774721).

     

     «… Buissonnier, Fugueur, Cinéphile…  ». Privilégiant alors l’école buissonnière et les fugues à répétition (ses parents le laissaient tout seul les week-ends), il fréquenta, avec son copain Robert Lachenay, les salles de cinéma de Pigalle, de la Nouvelle Athènes et du Quartier Latin (en 1945 et 1946, il aurait vu douze fois au Cinéma Champollion, surnommé Le Champo, le film de Sacha Guitry : Le roman d’un tricheur).

         Il profitait, dit-il, de ses incursions dans les cinémas, en général sans payer, pour collectionner les photographies de cinéastes (Renoir, Gance, Cocteau, Vigo, Clair, Clouzot, Autant Lara), des actrices et des acteurs qu’il y fauchait.

     

     

     

    Poil de carotte de Julien Duvivier (André Heuzé dans le rôle de Poil de carotte. Image du film muet de 1925).

    40. Le Cercle Cinémane. Prochain film : Poil de carotte de Julien Duvivier (André Heuzé dans le rôle de Poil de carotte. Image du film muet de 1925). 

     

      Passionné de films, en octobre 1948, âgé de seize ans, François Truffaut créa, avec son ami Robert Lachenay, un ciné-club Le Cercle Cinémane, pour lequel il loua, à la séance, la salle du Cluny-Palace, boulevard Saint-Germain.

    « … et Primo-délinquant ». Malheureusement, il dut payer les dettes du cinéclub pour le maintenir en activité (les recettes des séances étaient insuffisantes pour régler la location des films et de la salle). Pour y parvenir, il vola une machine à écrire dans le bureau de son beau-père afin de la revendre. Dénoncé par celui-ci, il sera détenu, plusieurs jours durant, au poste de police. Puis, un juge des enfants le placera, à la demande de son tuteur légal (son beau-père), en vertu d’une loi du 24 juillet 1889, d’abord au Centre d’observation des mineurs délinquants de Villejuif, ensuite, jusqu‘à sa majorité, dans un foyer d’enfants dont il tentera de s’évader.

     

     

     

    Les Quatre Cent Coups, un film de François Truffaut avec Jean-Pierre Léaud dans le rôle d’Antoine Doinel (affiche ancienne)

    41. Les Quatre Cents Coups, un film de François Truffaut avec Jean-Pierre Léaud dans le rôle d’Antoine Doinel (affiche ancienne).  

     

      « Ici souffrit injustement Antoine Doinel, puni injustement par Petite Feuille pour une pin-up tombée du ciel. Entre nous ce sera dent pour dent, œil pour œil » (réplique du film). Francois Truffaut a décrit son enfance difficile dans le premier long métrage qu’il tourna en 1959 : Les Quatre Cents Coups, sous le personnage du jeune Antoine Doinel, interprété par Jean-Pierre Léaud (âgé de quatorze ans).

     

     

    image du film Les Quatre Cents Coups de François Truffaut

    42. Petite Feuille et Antoine Doinel (image du film Les Quatre Cents Coups de François Truffaut).

     

         Souvenez-vous : Antoine Doinel, vivant avec sa mère et son beau-père, froids et distants à son égard, est la tête de Turc de son instituteur Petite Feuille :

    Petite Feuille : - Ah, j’en ai connu, des crétins. Mais au moins ils étaient discrets. Ils se cachaient, ils restaient dans leur coin.

     

     

    image du film Les Quatre Cents Coups de François Truffaut

    43. René Bigey et Antoine Doinel en train de faucher des affiches de films (image du film Les Quatre Cents Coups)

     

      Faisant l’école buissonnière avec son copain de classe René Bigey, il passe son temps dans les salles de cinéma. Il en profite pour y piquer les affiches des films et des acteurs ou actrices qu’il collectionne.

     

     

    image du film Les Quatre Cents Coups de François Truffaut

    44. René Bigey et Antoine Doinel adeptes de l’école buissonnière et des mots d’excuses bidons (image du film Les Quatre Cents Coups).

     

      Au cours de ses écoles buissonnières, Antoine Doinel aperçoit sa mère embrasser un homme inconnu.  Puis, ayant oublié de recopier le mot d’excuse que lui avait préparé son copain René Rigey, il justifie son absence en disant à Petite Feuille que sa mère venait de mourir !

     

    Petite Feuille : - Ah, te voilà toi ! Alors, il suffit d’un devoir supplémentaire pour te rendre malade ! Et tes parents tombent dans le panneau ! J’serai curieux de savoir ce que tu leur as soutirés comme excuse, moi. Fais voir ton mot.

    Antoine Doinel : - J’en ai pas, m’sieur.

    Petite Feuille : - Ah, t’en a pas ! Et tu crois que ça va se passer comme ça ? Ce serait trop facile, mon ami !

    Antoine Doinel : - M’sieur, c’était… ma mère, elle…

    Petite Feuille : - Hé ben ta mère, ta mère, qu’est-ce qu’elle a ta mère.

    Antoine Doinel : - Elle est morte !

    Petite Feuille : -Ah… fichtre. Excuse-moi, petit, j’pouvais pas savoir ! faut toujours se confier à ses maîtres. Allez, file !

      

     

    image du film Les Quatre Cents Coups de François Truffaut

    45. Antoine Doinel en pleine inspiration pour son devoir (image du film Les Quatre Cents Coups).

     

       Antoine, après avoir été giflé par son beau-père devant toute la classe pour ce mensonge, fugue et dort dans les sous-sols d’une imprimerie. Revenu chez lui, sa mère, pour arranger les choses, lui promet une récompense s’il a une bonne note en français. Aussi dévore-t-il La Recherche de l’absolu de Balzac et il s’en inspire un peu, trop, beaucoup, pour un devoir de classe l’invitant à décrire la mort d’un être cher.

     

     

    image du film Les Quatre Cents Coups de François Truffaut

    46. René Bigey et Antoine Doinel (image du film Les Quatre Cents Coups).

     

    Accusé par Petite Feuille d’avoir copié des passages entiers de ce livre de Balzac, il est aussitôt défendu par son voisin de table, René Bigey :

     

    Petite Feuille : - La Recherche de l'absolu vous a conduit droit au zéro, mon ami.

    René Bigey : - M'sieur, il a pas copié. J'étais assis à côté de lui, j'l'aurais vu.

    Petite Feuille : - Ah, vous voulez être exclu, vous aussi ?

    René Bigey : - Ça m'déplairait pas.

    Petite Feuille : - Encore une insolence ? Sortez !

    René Bigey : - J'veux bien être gentil, mais j'vais pas sortir : il fait froid, dehors.

    Petite Feuille : - Foutez-moi le camp !

    René Bigey : - Ça c'est pas légal.

    Petite Feuille : - C'est pas lé… ? J'vais vous montrer qui fait la loi ici ! C'est pas légal, hein, c'est pas légal !

     

     

    image du film Les Quatre Cents Coups de François Truffaut

    47. Julien Doinel, Antoine Doinel et le commissaire de police (image du film Les Quatre Cents Coups).

     

      Antoine Doinel fugue de nouveau et vole une machine à écrire dans le bureau de son beau-père, Julien Doinel. Ne parvenant pas à la revendre, il la rapporte et se fait prendre par un gardien. Son beau-père l’emmène alors au commissariat de police.  Ses parents ne voulant plus de lui, il est placé par un juge des enfants dans un centre de détention, après avoir été interrogé par une psychologue :

    La psychologue : -Tes parents disent que tu mens tout le temps.

    Antoine Doinel : - Ben, je mens… je mens de temps en temps, quoi ! Des fois je leur dirais des choses qui seraient le vérité ils me croiraient pas, alors je préfère dire des mensonges.

     

     

    image du film Les Quatre Cents Coups de François Truffaut

    48. Julien Doinel au centré de détention (image du film Les Quatre Cents Coups).

    Un jeune du centre : - Ici, c'est pas interdit de s'évader, c'est interdit de se faire prendre.

       Il profite alors d’une partie de football pour s’enfuir du centre et voir la mer pour la première fois de sa vie.

     

     

     

    Dernière image du film Les Quatre Cents Coups de François Truffaut

    49. Antoine Doinel regarde fixement la caméra (image de fin du film Les Quatre Cents Coups).

      Dernière scène du film : Antoine Doinel, après avoir regardé la mer, se retourne et fixe longuement la caméra en train de le filmer.

     

     

    Les Mistons, premier film de François Truffaut (image du film).

                 50. Les Mistons, premier film de François Truffaut (image du film).

      Plusieurs années après, c’est François Truffaut, alias Antoine Doinel, qui, cette fois, derrière la caméra, filmera les enfants.    

         D’abord, dans son court métrage réalisé en 1957 : Les Mistons, avec Bernadette Lafont et Gérard Blain jouant deux jeunes amoureux harcelés par plusieurs mômes. Dans la scène représentée par cette image (n°50), les enfants, après avoir quitté la salle de cinéma où ils avaient suivi les deux amoureux, déchirent l’affiche du film de Jean Delannoy Chiens perdus sans colliers, dans lequel Jean Gabin jouait un juge des enfants.

      Puis avec plusieurs longs métrages comme : Les Quatre Cents Coups, en 1959 ; L’Enfant Sauvage, en 1970 ; L’Argent de Poche, en 1976).

    « La compagnie des enfants me plaît énormément, je m'amuse toujours avec eux et je fais en sorte qu'ils s'amusent avec moi. En tant que cinéaste, les filmer est une chose qui ne me lasse pas. On ne s'ennuie jamais quand on tourne avec des enfants. Leur sensibilité, leur pudeur vous interdit d'en abuser pour les besoins d'un tournage… Je suis beaucoup plus sensible au malheur des enfants qu'à celui des adultes. Parce que les gosses ne peuvent pas se défendre. Mes films qui traitent de l'enfance et de l'adolescence ont un aspect autobiographique dont je peux vérifier la vérité dans mes propres expériences d'enfant mal aimé » (François Truffaut). 

     

     

    Du droit des écoliers à la paresse 4/11 (François Truffaut)

    51. François Truffaut au lycée Rollin (photographie de classe non datée du Studio Pierre Petit. Source : Wikimedia Common).

     

     « De deux choses lune, l’autre c’est le soleil » (Jacques Prévert. Paroles).

    - Élève Truffaut, vous avez encore la tête dans les nuages ! Réveillez-vous, mon jeune ami, et donnez-moi le nom de cinq étoiles les plus brillantes du ciel.

    - Euh, Jeanne Moreau ; Isabelle Adjani ; Brigitte Fossey ; Catherine Deneuve ; Fanny Ardent*. (réplique imaginaire). 

    * Toutes ces actrices ont joué dans des films de François Truffaut, surnommé « L’homme qui était aimé des femmes » (titre récurrent de ses biographies). Jeanne Moreau (Catherine dans son Jules et Jim. 1962 ; et Julie dans La mariée était en noir. 1968) ; Isabelle Adjani (Adèle dans L’histoire d’Adèle H. 1975) ; Brigitte Fossey (Geneviève Bigey dans L’Homme qui aimait les femmes. 1977) ; Catherine Deneuve (Marion dans Le dernier métro. 1980) ; Fanny Ardent (Barbara dans Vivement Dimanche. 1983).

     

    La suite, dans une semaine :

    Du droit des écoliers à la paresse 5/19 (peintures anciennes de Jean-Baptiste Greuze, Carl Waltzelhan, William Henry Hunt, Hanne Tartter, Jean Béraud, Harold Copping et Jean Geoffroy dit Géo).