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    Il pleut sur le Jardin du Luxembourg

     

     

    Il pleure dans mon cœur
    Comme il pleut sur la ville ;
    Quelle est cette langueur
    Qui pénètre mon cœur ?

    Ô bruit doux de la pluie
    Par terre et sur les toits !
    Pour un cœur qui s’ennuie,
    Ô le chant de la pluie !

    Il pleure sans raison
    Dans ce cœur qui s’écœure.
    Quoi ! nulle trahison ?…
    Ce deuil est sans raison.

    C’est bien la pire peine
    De ne savoir pourquoi
    Sans amour et sans haine
    Mon cœur a tant de peine !

    Paul Verlaine
     Romances sans paroles (1874)

     

     

    Il pleut sur le Jardin du Luxembourg

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    Il pleut sur le Jardin du Luxembourg

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    Répression d’une manifestation d’escholiers (étudiants) de l’Universitas magistrorum et scholarium Parisiensis (Université de Paris) par les sergents royaux en 1229

    1 La répression d’une manifestation d’escholiers (étudiants) de l’Universitas magistrorum et scholarium Parisiensis (Université de Paris) par les sergents royaux en 1229.

     

    Les grèves et manifestations d’étudiants de l’Université de Paris, éventuellement suivies de leur répression par l’autorité, ne sont pas l’apanage des XXème et XXIème siècles.

     

    Par exemple, en 1229, de jeunes étudiants de Paris, alors considérés comme des clercs, furent frappés par un tavernier et des voisins de celui-ci, dont ils contestaient le prix de la chope de vin. Le lendemain, armés de bâtons, ils revinrent pour se venger non sans violence. À la demande du prieur de Saint-Marcel, la régente Blanche de Castille fit châtier les coupables par les sergents royaux et plusieurs étudiants furent tués. Les Maîtres de l'Université de Paris protestèrent auprès de la régente en exigeant l’arrestation des militaires coupables. Comme la régente ne répondait pas à cette demande, les Maîtres et les escholiers de l’Université de Paris organisèrent l’une des plus grandes grèves que connut la capitale. Sous la pression du pape, le roi Louis XI encore mineur (sa mère Blanche de Castille avait refusé de s’incliner), paya une amende et fit jurer aux bourgeois et à l’évêque de Paris de ne plus jamais molester les escholiers de l’Université. Sur ce, la grève se termina et les leçons des Maîtres reprirent avec leurs escholiers redevenus sages et studieux.

     

    D’autres exemples sont donnés avec les grèves des étudiants de Paris, en 1446, auxquelles participa François Villon, et celles de 1553, suite à l’assassinat d’un étudiant, Raymond de Mauregard, par les sergents du Châtelet (ces derniers furent condamnés).

     

     

     

     

    Émeutes étudiantes et barricades au Quartier Latin en juillet 1893 (La Lanterne. 6 juillet 1893).

    2 Émeutes étudiantes et barricades au Quartier Latin en juillet 1893 (La Lanterne. 6 juillet 1893).

     

    De la fin du XIXème siècle jusqu’au début de la Grande Guerre mondiale de 14-18, les troubles estudiantins des quatre Facultés (Droit, Lettres, Sciences et Médecines) de l’Université de Paris prirent diverses formes (chahut lors des cours, intrusion dans les locaux ; blocages de leur accès, manifestations de rue…), tout en étant désormais accompagnés d’articles de presse (v. l’image ci-dessus du journal politique quotidien, La Lanterne, en date du 6 juillet 1893).

     

      

     

     

    Intrusion de manifestants dans la Faculté de Droit de Paris par les fenêtres donnant sur la rue Soufflot.

    3. Intrusion de manifestants dans la Faculté de Droit de Paris par les fenêtres donnant sur la rue Soufflot.

     

    Plus tard, toujours sous la Troisième République (4 septembre 1870-1940), entre les deux Guerres mondiales, la Faculté de Droit de Paris fut, de nouveau, le théâtre de mouvements estudiantins. Certains avaient pour origine l’engagement politique original de leurs professeurs. Ces derniers troubles présentaient plusieurs traits communs : la participation d’étudiants de droite à des manifestations de rue ; leur intrusion dans des amphithéâtres de la Faculté de Droit pour empêcher les cours ; la fermeture provisoire de la Faculté de Droit ; et la suspension administrative ou la démission du Doyen de la Faculté. Je consacrerai un chapitre propre à deux d’entre eux dans les prochaines semaines : chapitre LIV (ou 54) : L’affaire Georges Scelle en 1925 ; chapitre LV (ou 55) : L’affaire Gaston Jèze et François Mitterrand en 1935-1936.

     

     

     

     

     

    Manifestations étudiantes entre 1909 et 1912

    4  « Manifestation des étudiants. Un manifestant conduit au poste de police » (photographie de presse non datée. L’étudiant arrêté est vêtu comme les membres des Camelots du Roi).

     

    Pour l’heure, je vous invite à suivre diverses manifestations des étudiants de la Faculté de Droit de Paris entre 1909 et 1912.

     

    Certains de ces troubles étaient organisés ou accompagnés par des membres, étudiants ou non, d’associations politisées. La plus active d’entre elles fut L’Action française, un mouvement royaliste d’extrême droite, fondé en 1898, en pleine affaire Dreyfus. Non seulement, ce mouvement luttait pour restaurer une monarchie orléaniste « traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire, et décentralisée », mais il était profondément nationaliste (d’où ses combats contre « les Rouges »), anti « métèques » (étrangers domiciliés en France, selon le dictionnaire d’Émile Littré), et antisémite (d’où son hostilité à l’égard  du capitaine Dreyfus, du président de la République Léon Blum, et de Charles Lyon-Caen, le premier Doyen Juif de la Faculté de Droit de Paris).

     

    L’Action Française pouvait notamment s’appuyer sur deux soutiens « logistiques » :

     

     

     

     

    L’Étudiant Français, journal de la Fédération nationale des Étudiants d’Action Française (source : gallica.bnf.fr.).

    5 L’Étudiant Français, journal de la Fédération nationale des Étudiants d’Action Française (source : gallica.bnf.fr.).

     

    -  D’une part, le groupe des Étudiants de l’Action Française, fondé le 8 décembre 1905. Lors de cette journée inaugurale, en présence de Charles Maurras, Eugène Gaignart de Mailly, un étudiant de la Faculté de Droit de Paris, y énonça les deux objectifs poursuivis :

     

    « Nous voulons exposer, discuter les doctrines de l’Action française, et cela pour convaincre, pour déterminer des adhésions libres et réfléchies […] Notre devise sera « la propagande par l’étude ». « En deuxième lieu, nous voulons exclure de nos réunions toute préoccupation électorale ». 

     

     

     

     

    Sur le Boul' Mich'. Un étudiant français (Journal Le Rire du 20 mars 1909, dessin de Markous)

             6       Sur le Boul’ Mich’ (boulevard Saint Michel au Quartier Latin)…

    -         Qu’est-ce qu’il y a ?... 

    -         C’est un étudiant français !...  

    (Journal Le Rire du 20 mars 1909, dessin de Markous. Source : gallica.bnf.fr.). 

      

               Le groupe des Étudiants de l’Action Française militait notamment contre l’envahissement des nos Facultés par les étrangers à qui des équivalences d’études étaient parfois trop facilement accordées par leurs professeurs. Il s’infiltrait alors dans d’autres associations d’étudiants bien représentées dans les Facultés de la capitale comme l’Association générale des Étudiants, dite « A », pour y créer des incidents ou influencer leurs décisions. C’est ainsi qu’André Becheyras, membre des Étudiants d’Action française, parvint à se faire désigner comme délégué de l’ « A » de la Faculté de Droit de Paris où il put notamment faire interdire le vote des étudiants étrangers au sein de son comité directeur.

     

     

     

     

    Défilé des Camelots du Roi dans les rues de Paris

                        7 Défilé des Camelots du Roi dans les rues de Paris.

     

    - D’autre part, le groupe des Camelots du Roi (ou du Roy), grand admirateur de Jeanne d’Arc et de Charles Maurras, créé en  novembre 1908. Leurs membres, constitués d’étudiants des classes supérieures (Droit, Lettres, Sciences) et d’hommes de classes plus humbles (employés et ouvriers), vendaient dans les rues de la capitale le journal de L’Action Française. Ils participaient également à des opérations plus violentes et musclées, notamment en s’introduisant dans les diverses Facultés de la capitale pour y chahuter ou molester les professeurs et les étudiants aux cris de « métèques dehors », ainsi que les professeurs connus pour être hostiles aux thèses maurrassiennes ou trop favorables aux étudiants étrangers.

     

     

     

     

     

    Camelots du Roi (Le Rire, 6 mars 1909)

    8  Épreuve nocturne de nos Jeunes Messieurs, étudiants de Paris : le lit de leur camelote ou le poste de police pour avoir manifesté avec les Camelots du Roy (dessin extrait du journal Le Rire du 6 mars 1909. Source : gallica.bnf.fr.).

     

    Vive les Camelots du Roi, ma mère,
    Vive les Camelots du Roi...
    Ce sont des gens qui s'foutent des lois,
    Vive les Camelots du Roi !
    Et l'on s'en fout, à bas la République !
    Et l'on s'en fout d'la Gueuse et d'ses voyous !
     

     

    Vive la royauté ma mère,
    Vive la royauté,
    Il nous la faut pour cet été,
    Vive la royauté !
    Et vive le roi, A bas la République 
    Et vive le roi, la France y va tout droit.
     

     

    Vive Charles Maurras ma mère,
    Vive Charles Maurras !
    C'est notre maître et c'est un as,
    Vive Charles Maurras !
    Il disait vrai, il prévoyait la guerre,
    Il disait vrai, la Gueuse nous désarmait !
     

     

    Vive Léon Daudet ma mère,
    Vive Léon Daudet !
    Il pend les tueurs au collet,
    Vive Léon Daudet !
    Les égorgeurs de la police politique,
    Tremblent de peur à sa juste fureur !
     

     

    Vive Maurice Pujo* ma mère,
    Vive Maurice Pujo !
    Il est la terreur des sergos,
    Vive Maurice Pujo !
     

     

    Et vive le roi, A bas la République 
    Et vive le roi, La gueuse on la pendra. A la lanterne
    Et si on ne la pend pas, on lui cassera la gueule,
    Et si on ne la pend pas, la gueule on lui cassera !
     

     

    Ah ça ira ça ira ça ira !
    Tous les députés à la lanterne,
    Ah ça ira ça ira ça ira !
    Tous les députés on les pendra !
     

     

    Vive le duc de Guise ma mère,
    Vive le duc de Guise!
    Servir la France est sa devise,
    Vive le duc de Guise !
     

     

    Et vive le roi, A bas la République 
    Et vive le roi, qui défendra nos droits !
     

     

    *Maurice Pujo était un étudiant membre des Camelots du Roi, qui participaient avec Georges Bernanos, et d’autres étudiants de l’Université de Paris (les trois frères Real del Sarte, Théodore de Fallois, Armand du Tertre…), tous très « costauds » à diverses opérations « coups de poing » au Quartier Latin et dans les diverses Facultés de la capitale.

     

     

     

     

               Étudiants devant l’entrée de la Faculté de Droit de Paris, rue Saint-Jacques (photographie de presse datée 1910)

    9  Étudiants devant l’entrée de la Faculté de Droit de Paris, rue Saint-Jacques (photographie de presse datée 1910).

     

    En très grande partie issus de la bourgeoisie catholique « intransigeante » aisée de Paris ou de province, les étudiants de la Faculté de Droit de la place du Panthéon étaient sans doute davantage intéressés par la lecture du journal de L’Action Française, tiré à plus de 60 000 exemplaires en 1920, que par celle du journal L’Humanité créé en 1904 par Jean Jaurès (d’abord socialiste, ce journal devint communiste en 1920). Cette boutade étant dite, il m’est bien difficile de chiffrer, pour les années d’avant la Grande Guerre, le nombre des étudiants de Droit de Paris qui étaient membres, affiliés ou sympathisants de l’Action Française et de ses deux composantes, les Étudiants de l’Action Française et les Camelots du Roi.

     

    Tout au plus, retrouve-t-on, sous diverses plumes, la même litanie : « Ce mouvement connaissait une forte implantation dans les Facultés de Droit » (Stéphane Boiron : « L’Action Française et les juristes catholiques ». Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, 2008/2, n° 28, pages 337 à 367) ; « La doctrine de l’Action Française attire alors […] une partie de la jeunesse française de droite, en particulier dans le Quartier Latin, à Paris, comme en témoigne le contingent important de sympathie que fournit l’Ecole nationale des Chartes, de même que l’Institut catholique, la Faculté de Droit de la capitale et plus modérément les Facultés de Médecine et de Pharmacie » (wikipedia : Action française) ; « Lors d’une manifestation de l’Action Française, en 1912, à Paris, un indicateur dénombre près de 80 étudiants, dont les trois quarts sont inscrits en Droit, environ 10 % en Médecine, quelques-uns suivant des études à l’Ecole des Chartes, et aux Beaux-Arts. » (Rosemonde Sanson, « Les jeunesses d’Action française avant la Grande Guerre », p. 205-215).

     

     

     

     

    Manifestation des étudiants de la Faculté de Droit à travers Paris, le 8 novembre 1909 (photographie de presse. Agence Roll).

    11 Manifestation des étudiants de la Faculté de Droit à travers Paris, le 8 novembre 1909 (photographie de presse. Agence Roll). Les manifestants en tête devaient être membres des Camelots du Roi en raison de leur canne, coiffe et long manteau.

     

            Dans ce contexte, en novembre et décembre 1909, des manifestations du groupe parisien des Étudiants d’Action Française, épaulé par les Camelots du Roi, visèrent personnellement le Doyen de la Faculté de Droit, Charles Lyon-Caen (sur celui-ci : voir le précédent chapitre XLIX, ou 49 : Quatre Doyens de 1899 à 1922).

     

     

     

    Le Doyen Charles Lyon-Caen

    12 Le Doyen Charles Lyon-Caen (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, extraite de l’ouvrage Nos Maîtres de la Faculté de Droit de Paris. LGDJ, 1931. En libre accès sur gallica.bnf.fr.).

     

    Premier professeur de confession juive de cette Faculté, Charles Lyon-Caen avait été, sans doute pour cette raison, élu difficilement puis réélu plus difficilement encore par ses collègues à la charge décanale (en 1906 : 23 voix seulement sur 41 suffrages ;  le 13 février 1909 : 19 voix pour 44 votants dont 21 bulletins blancs. En général, les Doyens de la Faculté de Droit étaient élus à la quasi unanimité des votes de leurs collègues).

     

     

     

     

     

    Incidents à la sortie de la Faculté de Droit, devant les portes d’entrée donnant sur la rue Saint-Jacques, le 7 décembre 1909 (photographie de presse. Agence Roll)

    13 Incidents à la sortie de la Faculté de Droit, devant les portes d’entrée donnant sur la rue Saint-Jacques, le 7 décembre 1909 (photographie de presse. Agence Roll).

     

         Dans un premier temps, le Doyen Charles Lyon-Caen s’abstint d’appeler la police pour faire cesser les troubles. Selon ses propres mots « à cause de cette croyance enracinée chez les étudiants qu’ils sont chez eux dans leurs facultés comme sur une terre d’asile et que la police n’y saurait pénétrer ».

     

     

     

     

               Fermeture de la Faculté de Droit, en décembre 1909. La police devant les portes d’entrée donnant sur la rue Saint-Jacques

     14  Fermeture de la Faculté de Droit, en décembre 1909. La police devant les portes d’entrée donnant sur la rue Saint-Jacques (photographie de presse). 

     

    Mais, dans un second temps, le Doyen Charles Lyon-Caen se résolut à appeler la police et il fut contraint de fermer la Faculté de Droit du 10 au 30 décembre. 

     

    Et, en raison de l’opposition hostile d’une partie de ses collègues, le Doyen Charles Lyon-Caen démissionna de ses fonctions le 23 février 1910. Il laissa la charge décanale à un protestant : le professeur Paul Cauwès (sur celui-ci : voir le chapitre XLIX, ou 49 : Quatre Doyens de 1899 à 1922).

     

     

     

     

    Le Professeur Albert Wahl « plus sévère que les lois »

    15  Le Professeur Albert Wahl « plus sévère que les lois » (illustration de Mme Favrot-Houllevigue, extraite de l’ouvrage Nos Maîtres de la Faculté de Droit de Paris. LGDJ, 1931. En libre accès sur gallica.bnf.fr.).

     

    Les années suivantes, la Faculté de Droit de Paris fut le théâtre de nouveaux troubles estudiantins.

     

     

     

     

    Manifestation et expulsion musclée des étudiants de la Faculté de Droit de Paris, le 3 février 1911

    16 Manifestation et expulsion musclée des étudiants de la Faculté de Droit de Paris, le 3 février 1911 (source de l'illustration: journal Excelsior, du 5 février 1911, p. 5). N° 1: le Doyen Paul Cawès. N° 2: le Professeur Albert Wahl. N° 3: expulsion des étudiants par la police. N° 4: arrestation d'un étudiant en Droit.

     

    - D’abord, en 1910, le cours de Droit civil de première année de licence du Professeur Albert Wahl fut perturbé par des étudiants qui jugeaient ce prof' beaucoup trop sévère dans ses notations, et critiquaient l’absence de choix entre deux cours de Droit civil en deuxième année de licence (celui qu’assurait précisément Albert Wahl, et celui qu’assurait un autre professeur bien plus indulgent dans ses notations!). Le 3 février 1911, le cours de Droit civil du Professeur Albert Wahl fut de nouveau perturbé par les étudiants, et la Faculté de Droit fut fermée jusqu’au 1er mars de la même année !

     

    - Ensuite, en novembre 1912, les cours de deuxième année de licence des professeurs Bartin, Allix et Bernard furent perturbés par des étudiants qui réclamaient qu’ils soient assurés dans un amphithéâtre moins incommode. Les cours furent alors suspendus pendant près d’une semaine !


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    L’École de Droit, renommée Faculté, place du Panthéon (c. 1900)

                   1 L’École de Droit, renommée Faculté, place du Panthéon (c. 1900)

     

    D’un siècle…. Dans un précédent chapitre, j’ai présenté les Doyens qui se sont succédés à la tête de la Faculté de Droit de Paris tout au long du XIXème siècle (chapitre XXIX : Onze Doyens de la Faculté de Droit de Paris au XIXe siècle).

     

    Jusqu’en 1885, ils étaient choisis et nommés par l’État, sans le consentement de leurs collègues. Puis, à partir de 1887, à l’occasion de la succession de Charles Beudant à la charge décanale, ils ont été nommés par arrêté ministériel, pour une durée de trois années, après avoir été élus par les professeurs titulaires de la Faculté (aux termes d’un décret du 28 décembre 1885, le conseil de la Faculté devait présentait deux candidats au décanat, au choix du ministre de l’Instruction).

     

    1805-1809 : Louis-François René Portiez, surnommé de l’Oise

    1809-1830 : Claude-Étienne Delvincourt

    1830-1843 : Hyacinthe Blondeau

    1843- 1845 : Pelligrino Rossi

    1845-1846 : Jacques Berriat, dit Saint-Prix

    1846-1847 : Albert-Paul Royer-Collard

    1847-1868 : Auguste Pellat

    1868-1879 : Gabriel Frédéric Colmet-Daâge

    1879- 1887 : Charles Beudant

    1887-1896 : Edmond Colmet de Santerre

    1896-1899 : Eugène Garsonnet

     

    … à l’autre. Je vous invite, aujourd’hui, à découvrir les professeurs de la Faculté de Droit de Paris qui furent nommés Doyens après avoir été élus par leurs pairs entre 1899 et 1922 :

     

    1899-1906 : Ernest Désiré Glasson

    1906-1910 : Charles Lyon-Caen

    1910-1913 : Paul Cauwès 

    1913-1922 : Ferdinand Larnaude (élections suspendues pendant la guerre)

     

     

     

     

    Ernest Désiré Glasson, Doyen de la Faculté de Droit de Paris de 1899 à 1906

                               2 Ernest Désiré Glasson, Doyen de 1899 à 1906

     

    Né le 6 octobre 1839 à Noyon dans l’Oise et mort le 6 janvier 1907 à Paris, Ernest Désiré Glasson fut d’abord professeur de législation au lycée de Strasbourg (1863), et chargé de cours à la Faculté de Droit de Strasbourg (1864). Agrégé à Nancy (1865), à Paris (1867), à Poitiers (1871), et de nouveau à Paris (1875), il devint professeur à la Faculté de Droit de la capitale en 1878, chargé du cours de Code civil, puis de celui de Procédure civile.

     

    Ernest Désiré Glasson fut élu Doyen de la Faculté de Droit de Paris en 1899, avec 30 voix sur 32, succédant à Eugène Garsonnet. Son mandat triennal de Doyen lui fut renouvelé une première fois en février 1902 (32 voix sur 36), et une seconde fois en février 1905 (26 voix sur 38). Il démissionna, l’année suivante, pour raisons de santé.

     

               Élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1882, Ernest Désiré Glasson est l’auteur de nombreux ouvrages dont un Précis théorique et pratique de procédure civile (2 volumes, 1902, avec le concours, au point de vue pratique, de P. Colmet-Daage), et une Histoire du droit et des institutions de la France (8 volumes, 1887-1903).

     

     

     

     

     

    Charles Lyon-Caen, Doyen de 1906 à 1910

    3 Charles Lyon-Caen, Doyen de 1906 à 1910 (tableau de Georges Léo Degorce. Peace Palace Library. The Hague. The Netherlands).

     

    Né le 25 décembre 1843 à Paris et mort le 17 décembre 1935 à Paris, Charles Lyon-Caen prit ses inscriptions en Droit à la Faculté de Droit de Paris dont il fut docteur en 1966. Agrégé à Nancy en 1867, il fut professeur à la Faculté de Droit de cette ville jusqu’en 1872. Agrégé de la Faculté de Droit de Paris en 1872, il y fut d’abord chargé du cours de Législation Industrielle (1874-1880), puis professeur de Droit romain en 1881, et professeur de Droit commercial comparé et de Droit maritime de 1889 à 1919, année où il prit sa retraite. Il enseigna également à l’École libre des sciences politiques ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales.

     

    Membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1893, Charles Lyon-Caen en fut président de la section de Législation, Droit public et Jurisprudence (1905), et secrétaire perpétuel (1908).

     

    Il est l’auteur de plusieurs ouvrages scientifiques : Étude de droit international privé maritime (1883) ; De l’agrégation des Facultés de droit, 1889 ; Traité de droit commercial (8 vol., en collaboration avec Louis Renault, 1889-1899, 1906-1914), etc.  

            

     

     

     

             Le Doyen Charles Lyon-Caen lors d'une séance du Conseil de la Faculté de Droit de Paris.

     

      4 Le Doyen Charles Lyon-Caen lors d'une séance du Conseil de la Faculté de Droit de Paris.

     

    À la Faculté de Droit de Paris en 1901, Charles Lyon-Caen fut l'assesseur du Doyen Ernest Désiré Glasson en 1901, puis Doyen de 1906 à 1910. Premier professeur Juif à la Faculté de Droit de Paris, il fut difficilement élu par ses collègues (23 voix seulement sur 41 suffrages exprimés). Le 13 février 1909, Charles Lyon-Caen fut réélu dans ses fonctions de Doyen (19 voix pour 44 votants dont 21 bulletins blancs). Mais, victime, en décembre 1909, de manifestations antisémites du groupe parisien des Étudiants d’Action française, créé en 1905 dans la mouvance des Camelots du Roi (voir le prochain chapitre L, ou 50 : Manifestations des étudiants en Droit de Paris entre 1909 et 1912), et de l’opposition hostile d’une partie de ses collègues, il démissionna de ses fonctions le 23 février 1910, laissant la place à un protestant, le professeur Paul Cauwès.

     

     

     

     

    Paul Cauwès, Doyen de la faculté de Droit de Paris de 1910 à 1913

    5 Paul Cauwès, Doyen de 1910 à 1913 (Source de l'image: Journal Excelsior, 5 février 1911, p. 5).

                                                 

    Né à Paris le 4 mai 1843 et mort le 24 avril 1917 à Versailles, Paul Cauwès fut élève de l’École impériale des chartes (reçu premier de sa promotion au  diplôme d’archiviste paléographe), tout en faisant son Droit à la Faculté de Droit de Paris, dont il fut licencié en 1863, et docteur en 1865. Agrégé des Facultés de Droit en 1867 (reçu 2ème), il fut d’abord chargé de cours à la  Faculté de Droit de Nancy de 1867 à 1873, puis à celle de Paris de 1873 à 1881, année où il y devint professeur titulaire d’une chaire d’histoire du droit romain et du droit français. Bien plus passionné par l’économie que par le droit, il obtint la nouvelle chaire d’économie politique de la Faculté de Droit de Paris de 1895 à 1913, et présida, jusqu’en 1900, la Société d’économie politique nationale qu’il avait contribué à créer.

     

    Parmi ses publications scientifiques, on mentionnera son Cours d’économie politique professé à la Faculté de droit de Paris (Larose, Paris, 1879-1880, 2 vol. ; Larose, Paris, 1893, 4 vol.) ; ainsi qu’une étude intitulée De la protection des intérêts économiques de la femme mariée (Larose, Paris, 1894). Il est également l’un des fondateurs de la Revue d’Économie politique.

     

    Bien qu’économiste, Paul Cauwès fut facilement élu Doyen de la Faculté de Droit de Paris en 1910 (43 voix sur 45). Il fut réélu en février 1913 (38 voix sur 43), mais démissionna cette même année pour raisons de santé, et prit sa retraite.

     

     

     

     

    Ferdinand Larnaude, Doyen de la faculté de Droit de Paris de 1913 à 1922

    6 Ferdinand Larnaude, Doyen de 1913 à 1922 : « Je n’ai jamais oublié que je n’étais rien que par la Faculté et en la servant » (discours d’adieu à la Faculté).

     

    Né le 21 mai 1853 à Condom (Cher), dont il fut maire, et mort le 7 décembre 1942 à Castelnau d’Auzan (Cher), Ferdinand Larnaude, après ses études à la Faculté de Droit de Paris (Licencié en 1974, Docteur en 1874) fut chargé de cours de Droit romain à la Faculté de Droit d’Aix en 1877, agrégé à Bordeaux en 1878, puis à Paris en 1882. Il devint professeur adjoint à la Faculté de Droit de Paris en 1890, et professeur titulaire en 1890 en charge du nouveau cours de Droit public.

     

    Ferdinand Larnaude fut l’auteur d’une centaine d’ouvrages et articles, dont un Traité théorique et pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, en 1888). Il créa en 1894 la Revue du droit public (RDP).

     

    Assesseur du Doyen Paul Cauwès depuis mars 1910, Ferdinand Larnaude fut élu Doyen de la Faculté de Droit de Paris, le 11 juillet 1913, par 32 voix sur 43, pour trois années. Il fut maintenu à cette charge de 1916 à 1919 (les élections avaient été suspendues pendant la Guerre). En mars 1919, il fut renouvelé à la fonction décanale, pour trois nouvelles années, par 33 voix contre 34. Au terme de ce second mandat, il fut nommé Professeur et Doyen honoraire, le 23 octobre 1922, avant d’être admis à faire valoir ses droits à la retraite, le 20 avril 1923. 

     

    La Guerre d’un Homme et du Droit. Le Doyen Ferdinand Larnaude a marqué la Faculté de Droit de Paris par son engagement sans faille pour la France et le Droit français pendant la Première Guerre mondiale. À la tête de la Faculté de Droit, il ne cessa de dénoncer dans ses discours « l’invasion de nouveaux Barbares », et les Universités allemandes dont « l’enseignement a empoisonné l’esprit public allemand, détraqué les cerveaux allemands, et déchaîné, par la mégalomanie qu’il a engendrée, et les convoitises les plus odieuses ».

     

    En 1915, alors que Paris était menacé, il refusa de quitter la Faculté de Droit, couchant dans son bureau pendant les bombardements (Paris fut bombardé tout au long de la guerre par des ballons Zeppelins, des avions Taubes, et des canons géants de longue portée situés à plus d’une centaine de km de la capitale).

     

     

     

     

    Le Doyen Ferdinand Larnaude, élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur, en 1919.

    7   Le Doyen Ferdinand Larnaude, élevé au grade d’Officier de la Légion d’honneur, en 1919.

     

     

    Le 4 mai 1919, son dévouement pour la Faculté de Droit pendant la Grande Guerre fut récompensé par la croix d’Officier de la Légion d’honneur, remise par Charles Lyon-Caen, et sa réélection aux fonctions décanales à la quasi unanimité des professeurs votants (moins une voix, sans doute la sienne !). Parmi de très nombreuses fonctions exercées après la Guerre par le Doyen Ferdinand Larnaude, on relèvera qu’il fut Délégué du Gouvernement de la République française à la Conférence de la Paix.

     

    À bientôt pour le chapitre L (ou 50) : Manifestations des étudiants en Droit de Paris entre 1909 et 1912. 


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    Le siège de Paris par l’armée allemande (illustration de Fritz Neumann)

         1 Le siège de Paris par l’armée allemande (illustration de Fritz Neumann).

     

    Petite leçon d’histoire. Avant d’évoquer les heurs et malheurs d’Émile Accolas, nommé à l’improviste Doyen de la Faculté de Droit de Paris par la Commission de l’enseignement du Conseil de la Commune,  il convient de donner quelques repères sur ces années 1870-1871, parmi les plus folles de notre Histoire de France et de Paris.

     

    Bon, je commence :

     

    Entrée en guerre contre la Prusse, le 19 juillet 1870, la France fut vaincue par l’armée allemande (prussienne) avec une soudaineté effroyable (défaite de Sedan, le 1er septembre 1870, et emprisonnement de l’empereur Napoléon III). Aussitôt, le 4 septembre 1870, la Troisième République fut proclamée sur la place de l’Hôtel de Ville de Paris, marquant ainsi la fin du Second Empire.

     

    Le premier siège de Paris. Puis les troupes prussiennes assiégèrent Paris pendant les quatre mois de l’hiver 1870-1871, bombardant notamment le Palais du Luxembourg et son jardin, non loin de la Faculté de Droit (voir dans la rubrique Au Quartier Latin, les chapitres 66 : Le jardin du Luxembourg pendant le siège de Paris 1870-187, et 67 : Le fusillement des Fédérés au jardin du Luxembourg).

     

    La France capitula, et l’armistice fut signé le 28 janvier 1871. Le traité de paix de Francfort du 19 mai 1871 obligea la France à abandonner l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne.

     

     

     

     

     

             La Garde nationale gardant les remparts lors du siège de Paris par les Versaillais (illustration de G. Germain).

    2. La Garde nationale gardant les remparts lors du siège de Paris par les Versaillais (illustration de G. Germain). 

     

               Le second siège de Paris. Mais la proclamation de la Troisième République, la capitulation de la France, et la fin du siège de Paris qui s’en suivit ne donnèrent aucun répit aux Parisiens et Parisiennes. Dès le mois de mars 1871, ils furent confrontés à un nouvel épisode dramatique : celui de la Commune de Paris, avec un nouveau siège de la capitale, cette fois, par l’armée française régulière ou légitime qui était établie à Versailles.

     

            Deux événements déclenchèrent l’insurrection communale :

     

     

     

    Paris : « Je veux être libre !... c’est mon droit et je me défends » (illustration de W. Alesis).

    3 Paris : « Je veux être libre !... c’est mon droit et je me défends » (illustration de W. Alesis).

     

               D’une part, de nombreux Parisiens, issus des classes populaires, souvent socialistes, voire des utopistes et des anarchistes, dénoncèrent les conditions de l’armistice avec la Prusse.

     

     

     

    Un canon des soldats de la Garde nationale à l’Hôtel des Invalides

              4 Un canon des soldats de la Garde nationale à l’Hôtel des Invalides

              

           D’autre part, Adolphe Thiers, nouveau chef du Gouvernement républicain, avait envoyé, dans Paris, le 18 mars 1871, plus de 4000 soldats, dénommés les « Versaillais », pour reprendre les canons qui avaient été financés par les Parisiens eux-mêmes pour défendre la capitale.

     

               Ces canons étaient encore aux mains des soldats de la Garde nationale (plus de 150 000 hommes issus de la petite bourgeoisie et du monde ouvrier. Depuis, la Restauration, tous les hommes de 25 à 50 ans en faisaient partie. Ceux qui refusaient de la rejoindre étaient momentanément emprisonnés, comme Honoré de Balzac !). Or ces soldats menaçaient de reprendre les combats contre les prussiens au grand dam de la nouvelle Assemblée nationale républicaine réfugiée à Versailles, et dont la majorité était favorable aux conditions de paix imposées par la Prusse.

     

     

     

     

     

    Proclamation de la Commune de Paris devant l’Hôtel de Ville

                5. Proclamation de la Commune de Paris devant l’Hôtel de Ville

     

               Le 26 mars 1871, les Insurgés, aussi dénommés Communards, Fédérés ou Révolutionnaires, devenus maîtres de la capitale, firent élire par les Parisiens un Conseil général de la Commune sous le nom de Commune de Paris. Cet organe, contre-gouvernement de celui des Versaillais, fut chargé de gérer Paris de manière autonome, et ce conjointement avec le Comité central de la Garde nationale, lui-même érigé en Gouvernement et installé à l’Hôtel de Ville de Paris.

     

     

     

    Appel du Comité de Salut Public à la mutinerie des Soldats de l’Armée de Versailles

    6 Appel du Comité de Salut Public à la mutinerie des Soldats de l’Armée de Versailles (affiche éditée le 3 prairial an 79, soit le 22 mai 1871).

     

               Le nouveau Comité de Salut Public de la Commune de Paris appela aussitôt les soldats des troupes légitimes versaillaises à se mutiner et à rejoindre le peuple de Paris : « Venez à nous, Frères, venez à nous ; nos bras vous sont ouverts ! ». Suite à cet appel, de nombreux soldats versaillais se mutinèrent.

     

               Aussi, pour rétablir l’ordre, Adolphe Thiers, s’inspirant des leçons de la Révolution de 1848, se résolut-il à livrer Paris aux Insurgés pour d’abord les y enfermer, ensuite les y écraser. Dès le 2 avril 1871, les Insurgés durent alors affronter les attaques et les bombardements des troupes régulières commandées par Mac-Mahon.

     

     

     

     

    La barricade de la Chaussée Ménilmontant (18 mars 1871)

                    7. La barricade de la Chaussée Ménilmontant (18 mars 1871)

              

               En réaction, les Insurgés érigèrent des barricades dans de nombreuses rues de la capitale (chaussée Ménilmontant, rue de la Paix, rue Soufflot, rue de Charonne, angle des boulevard Voltaire et Richard Lenoir, rue d’Allemagne et Sébastopol…).

     

     

     

     

    Panorama des incendies de Paris pendant la Commune

                       8. Panorama des incendies de Paris pendant la Commune

     

    … et ils incendièrent, dans la semaine du 24 au 26 mai 1871, de nombreux monuments symboles du pouvoir comme le Palais des Tuileries, l’Hôtel de Ville, le Palais-Royal, le Palais d’Orsay, la Préfecture de Police, le Conseil d’État, le Palais de Justice… (ils fusillèrent également une multitude de Parisiens qui ne les avait pas rejoint !).

     

     

     

     

    La Salle des Pas Perdus du Palais de Justice, après l’incendie de la Commune en 1871 (photographie d’Alphonse Liébert).

    9. La Salle des Pas Perdus du Palais de Justice, après l’incendie de la Commune en 1871 (photographie d’Alphonse Liébert).

     

            Parmi ces monuments, je retiendrai le Palais de Justice, temple du Droit et du Pouvoir, situé, depuis son origine, dans le Palais de la Cité, qui fut, du Xe au XIVe siècle, la résidence et le siège du pouvoir royal et des institutions de la justice (Parlement, Chambre des Comptes, Chancellerie).  

     

               Par acte contraire aux lois ordinaires de la nature et produit par une puissance surnaturelle, aussi appelé miracle divin, la Sainte-Chapelle, qui surplombe les bâtiments du Palais de Justice de l’île de la Cité, ne fut pas atteinte par les flammes de la terrible semaine du 24 au 26 mai 1871. Mais plusieurs autres bâtiments qui venaient tout juste d’être restaurés après une succession d’incendies lors des deux derniers siècles (1601, 1618, 1630, 1737, 1776), furent entièrement détruits par l’incendie qui avait été allumé en plusieurs endroits par les Insurgés. Il en fut ainsi de la célèbre Salle des Pas Perdus, dont un premier incendie en 1601 avait provoqué la destruction des statues en bois des rois de France qui s’y trouvaient.

     

            On notera que très peu de temps après l’incendie de mai 1871, les travaux de reconstruction du Palais de Justice de l’Île de la Cité furent entrepris par l’architecte Honoré Daumier, et achevés par l’architecte Albert Touraine à la veille de la Première Guerre Mondiale.

     

     

     

     

    La veuve et les enfants d’un Fédéré fusillé contre le mur d’enceinte du cimetière du Père Lachaise (illustration d’Ernest Pichio datée de 1877)

    10. La veuve et les enfants d’un Fédéré fusillé contre le mur d’enceinte du cimetière du Père Lachaise (illustration d’Ernest Pichio datée de 1877).

     

     

               « La Semaine sanglante ». Mais, dès le 21 mai 1871, les troupes versaillaises étaient entrées dans Paris. Supérieures en nombre et en armes, elles purent reprendre, en moins d’une semaine, le contrôle de tous les quartiers en refoulant les Insurgés au cours de combats d’une extrême violence (dix-sept mille Fédérés furent fusillés et plus de trente mille arrêtés).  

     

               La guerre civile prit fin, les 27 et 28 mai 1871, avec les derniers combats au cimetière du Père Lachaise, et le massacre de plus de quatre cent Fédérés fusillés contre son mur d’enceinte (le Mur des Fédérés). 

     

     

     

     

     

    La barricade de la rue Soufflot en 1871

    11. La barricade de la rue Soufflot en 1871 (en haut de la rue, les murs de la Faculté de Droit donnant sur la place du Panthéon et son monument éponyme).

     

    Après avoir résumé en quelques lignes les événements bien embrouillés de ces années 1870-1871, je vous invite à rejoindre le Quartier Latin, la rue Soufflot et la place du Panthéon avec sa Faculté de Droit, qui fut désertée par son Doyen, ses professeurs et ses étudiants pendant la Commune !

     

    Car, en effet, le Quartier Latin ne fut guère épargné par les événements tragiques de la Commune. Face à l’entrée principale de la Faculté de Droit, l’église du Panthéon devint même, au printemps de l’année 1871, le quartier général des Communards qui placèrent un drapeau rouge sur la croix, mutilée de ses bras, au sommet de son dôme. Et, le long d’un pan des murs de la Faculté de Droit, la rue Soufflot fut occupée par les Insurgés qui y installèrent trois barricades dont celle représentée sur cette photographie de l’époque.

     

     

    Toutefois, dès le 21 mai, après le siège de la capitale, les soldats versaillais investirent le jardin du Luxembourg et prirent le contrôle des rues Cujas, Malebranche et Mouffetard, et de la place Maubert. Ils encerclrentt alors les Insurgés de la rue Soufflot et du Panthéon. Le 24 mai, les Versaillais fusillèrent plus de sept cent Communards sur la place du Panthéon, en face de la porte d’entrée de la Faculté de Droit, et dans les rues voisines.

     

     

     

     

    Un étudiant en Droit en 1870 (photographie de Nadar)

                      12 Un étudiant en Droit en 1870 (photographie de Nadar).

         

          Sauf erreur de ma part, pendant la Commune, la Faculté de Droit de la place du Panthéon, située en plein cœur d’un Quartier Latin en état de guerre civile, n’a guère été un vivier d’Insurgés et de Révolutionnaires :

     

               - D’un côté, ses étudiants issus de la bourgeoisie aisée parisienne ou provinciale conservatrice et légitimiste, et, le plus souvent, de familles de gens de robes du droit (juges, avocats, professeurs), étaient étrangers, par naissance, aux idéologies socialistes, antibourgeoises et anticléricales des classes populaires révolutionnaires.

     

     

     

     

    Charles Beudant, nommé professeur à la Faculté de Droit de Paris en 1870

    13 Charles Beudant, nommé professeur à la Faculté de Droit de Paris en 1870.

     

               - De l’autre, les professeurs en poste, qui avaient fait carrière sous la Monarchie de juillet, la Deuxième République et le Second Empire, enseignaient et ménageaient un ordre social posé par le Code civil de 1804, bien éloigné d’une République rouge défendue par les Communards (vingt professeurs étaient en poste en 1871 : Auguste Demante, Edmond Colmet de Santerre, Gabriel Frédéric Colmet-Daâge, Jacques Duverger, Paul Gide, Charles Alphonse Chambellan, Eugène Machelard, François Jean Ratau, Claude Valette, Charles Beudant, Claude Bufnoir, Joseph Émile Labbé... Certains d’entre eux devenus députés siégeaient même l’Assemblée refugiée à Versailles dans les rangs des conservateurs (Anselme Batbie, Albert Desjardins).

     

     

     

     

    Joseph-Louis-Elzear Ortolan (1802-1873)

    14 Joseph-Louis-Elzear Ortolan (1802-1873). Photographie prise avant le 7 mars 1873 (date de la mort du sujet). 

     

               C’est ainsi que la Faculté de Droit de Paris, comme les autres Facultés et lycées de la capitale, fut tout bonnement désertée par ses étudiants et professeurs pendant l’insurrection communale de mars 1871 à juin 1871 (Adolphe Thiers avait ordonné aux fonctionnaires de rester chez eux, et la plupart des professionnels de la justice s’étaient éclipsés à l’exception de deux notaires parisiens !).

     

            Aucun cours, ni aucune réunion n’eurent donc lieu pendant cette période, à l’exception de conférences publiques pour les ouvriers données par le professeur Joseph-Louis-Elzear Ortolan. Ses conférences faisaient suite à celles destinées à la jeunesse et aux ouvriers données, depuis le 10 octobre 1870, par les professeurs Jacques Duverger, Jules Louis Léveillé, Charles Giraud et François de Valroger, à la demande du vice-recteur.

     

     

     

     

     

    Émile Accolas, nommé Doyen de la Faculté de Droit de Paris par le Conseil de la Commune (photographie de Nadard)

    15 Émile Accolas, nommé Doyen de la Faculté de Droit de Paris par le Conseil de la Commune (photographie de Nadard).

     

            Un Doyen légitime. Quant au professeur Gabriel Frédéric Colmet-Daâge (1813-1896), qui était Doyen de la Faculté de Droit de Paris depuis juin 1868, il quitta promptement la capitale avec sa famille dès le début des troubles. Il ne revint exercer sa charge décanale qu’après le massacre des Insurgés par les soldats versaillais. Il exerça la fonction de Doyen jusqu’en 1878 (Charles Beudant lui succéda), et il prit sa retraite en 1879.

     

               Un Doyen illégitime. Profitant de l’absence du Doyen Colmet-Daâge, la Commission de l’enseignement du Conseil de la Commune, sitôt constituée, nomma, en avril ou en mai 1871, Émile Accolas en qualité de Doyen de la Faculté de Droit, peu lui important son absence de légitimité au regard du pouvoir central et de l’administration de l’Instruction publique réfugiée à Versailles.

     

               Émile Accolas avait fait ses études à la Faculté de Droit de Paris. Opposant à l’Empire, il  avait été condamné à un an de prison avant de s’exiler en Suisse où il fut d’une part nommé professeur de droit civil à la Faculté de Droit de Berne, d’autre part co-fondateur de la Ligue de la Paix et de la Liberté à Genève.

     

               Ce juriste atypique de « gauche » ne pouvait que plaire aux Communards parisiens car il critiquait le Code civil napoléonien, et soutenait dans ses écrits des idées novatrices en matière notamment de propriété, de droits de l’homme, d’égalité des femmes (émancipation complète de la femme mariée) et des enfants (reconnaissance des droits de l’enfant naturel, abolition de la puissance paternelle). Comme les Communards, il était également favorable à la séparation de l’Église et de l’État, ainsi qu’à l'instruction laïque, gratuite et obligatoire. Plus encore, depuis Berne, il avait adressé en 1871 de nombreuses lettres aux maîtres de la Commune de Paris dans lesquelles il approuvait leurs revendications, et plaidait pour une médiation entre l’Assemblée versaillaise et la Commune (ces lettres sont réunies dans l’ouvrage d’Émile Accolas : « Ma participation à l’insurrection de Paris », Berne éditeur J. Allemann, 1871).

     

               Malheureusement pour les Communards, la participation d’Émile Accolas à l’insurrection de Paris se limita à ses seules lettres écrites depuis la paisible Suisse. Par prudente lâcheté, Émile Accolas refusa de rejoindre Paris pour exercer ses nouvelles fonctions de Doyen de la Faculté de Droit. Il ne rentra à Paris qu’après l’écrasement de la Commune par les troupes de l’armée versaillaise. Il sollicita aussitôt une chaire à la Faculté de Droit qui lui fut sèchement refusée par Jules Simon, le ministre de l’Instruction publique. Dépité de tant d’ingratitude de l’Université de Paris à son égard, Émile Accolas repartit en Suisse où il fonda la revue mensuelle : La Science politique.

     

     


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    Consultation juridique : du conseil au baiser

               1  Consultation juridique enfantine : le conseil

     

     

     

     

     

    Consultation juridique : du conseil au baiser

                2  Consultation juridique enfantine : le baiser

     

     

              Mon avocat, il était plein d’codes que j’ai jamais très bien compris *

     

    J'sais pas son nom, je n'sais rien d'lui.
    Il m'a aimée toute la nuit,
    Mon avocat !
    Et me laissant à mon destin,
    Il est parti dans le matin
    Plein de lumière !
    Il était minc', il était beau,
    Il sentait bon le sable chaud,
    Mon avocat !
    Y avait du soleil sur son front
    Qui mettait dans ses cheveux blonds
    De la lumière !

     

    *sur des paroles « détournées » de Raymond Asso, chantées par Marie Dubas, Edith Piaff et Serge Gainsbourg.